" Ah ! qu'il est
difficile de feindre sans cesse la vertu ! ( Quam vero
difficilis virtutis diuturna simulatio !)" (Lettre de
Cicéron à Atticus du 16 octobre de l'an 50 av. notre ère)
Le préambule mis en ligne la semaine dernière prenait acte d'un
tournant irréversible de la politique internationale: le
Président, le vice-Président et la Ministre des affaires
étrangères des Etats-Unis accusaient Israël d'une "insulte"
à la nation et au peuple américain, ce qui signifie que
l'argumentaire du patriotisme, timidement évoqué dans le
discours du Président Obama au Caire le 6 juin 2009 a
maintenant débarqué sur la scène internationale et ne la
quittera plus, de sorte que l'enjeu planétaire du bras de
fer entre Tel-Aviv et Washington n'est autre que l'avenir
politique de l'empire américain au sein de l'islam, de
l'Europe et par conséquent, du reste du monde.
C'est
dire également que le rideau est tombé sur le premier drame
de la tétralogie des Niebelungen : les vraies pièces du jeu,
les vrais acteurs du monde et les vraies ambitions des
parties sont clairement apparues sur un échiquier
jusqu'alors contrefait et soustrait aux regards. Néanmoins
l'apprentissage des nouvelles règles sera relativement long:
initier des Etats infantilisés à l'école de la candeur
démocratique exigera de leur classe dirigeante plusieurs
mois de déscolarisation intensive. Pour l'instant, les
responsables politiques d'un globe terrestre censé régi par
des idéalités évangélisantes se montrent tétanisés par un
bouleversement subit et inattendu du code informatique en
usage au Moyen Orient depuis 1948. Ce coup de tonnerre a
fait tomber la Pythie du Nord de son trépied; et maintenant,
elle court à toutes jambes de Téhéran à Jérusalem et retour,
afin de tenter d'interdire à l'Iran de disposer de l'énergie
nucléaire pacifique; et elle feint de faire la grosse voix
afin de paraître morigéner subitement Israël, mais en
veillant à ne pas gêner M. Netanyahou.
L'Europe
pétrifiée et pareille à un poulet à la tête coupée n'a pas
encore eu le temps de mettre au point un discours balancé
sur le modèle berlinois ; mais le traité de Lisbonne vient
de la soustraire à la dictature des sept nains de Walt
Disney. Pour l'instant, c'est pour rien qu'Alice court à
Gaza en ignorant le Hamas. Quand les grands Etats du Vieux
Continent auront pris la mesure de la mutation de la
géopolitique survenue le 12 mars, ils attendront docilement
les nouvelles directives de Washington. Or, celles-ci
ressortiront encore quelque temps aux subterfuges du passé.
Durant cet intermède, aucune capitale de poids ne prendra le
risque de mesurer le ridicule d'afficher derechef l'ambition
de reprendre des "négociations" contrefaites, parce
qu'il crève désormais les yeux que l'obstacle réel n'est
nullement l'expansion sans frein des colonies à Jérusalem
Est, mais celui de l'impossibilité physique de résoudre les
problèmes matériels que pose la politologie actuelle à une
civilisation mondiale intellectuellement non moins en retard
que le Moyen Age sur l'astronomie de Copernic.
Mais par
bonheur, les prétendus "pourparlers" ne reprendront
jamais, parce que, dans ce cas, les véritables apories
commenceraient d'apparaître cruellement et à tous les
regards; et puisque les Etats-Unis n'ont aucune chance
d'obtenir pour la troisième fois une mise en scène de
simulacres diplomatiques affligeants et qui feraient se
tordre de rire les dieux de l'Olympe, l'heure a sonné, pour
les ophtalmologues de l'histoire de notre espèce de regarder
le monde tel qu'il se réfléchit sur la rétine de ses idoles.
Du coup,
l'avenir politique de la planète est devenu celui du destin
du globe oculaire simiohumain. Gide a écrit que le monde
sera sauvé par quelques-uns. Je constate que la presse
israélienne se déchaîne contre M. Netanyahou, mais seulement
pour le motif qu'il s'est brouillé avec la grande puissance
dont Israël a besoin pour défendre ses intérêts sur la scène
internationale. Mais que se passera-t-il quand les
Etats-Unis se casseront les dents à leur tour au Moyen
Orient?
Mais il
existe une phalange influente de dix mille juifs des
Etats-Unis qui voit plus loin que tout le monde et qui
défendent non seulement leurs devoirs à l'égard de leur
patrie d'adoption avec toute la vigueur et la ténacité du
peuple hébreu, mais dont le regard porte sur l'avenir réel
d'Israël dans le monde de demain. Nous verrons bien si ce
seront les géants de l'intelligence juive, les Spinoza, les
Einstein, les Freud, les Bergson, les Isaïe et les Ezéchiel
qui ouvriront les yeux de l'humanité sur le "Connais-toi" de
demain. Dans mon texte précédent, j'ai évoqué l'avenir
mondial de "l'
impératif catégorique" de la
morale de Kant.
Voir:
La morale
kantienne et le clostridium botulium béhachélien,
7 mars 2010
L'histoire vient d'en fournir une démonstration frappante:
si les Etats-Unis n'avaient pas rompu spectaculairement les
pseudo négociations israélo-palestiniennes au nom d'une
exigence éthique plus impérieuse que celles dont s'arment
les calculs diplomatiques à courte vue, la catastrophe
politique qui en serait résultée pour la Maison Blanche
serait irréparable, tellement le gouvernail suprême du monde
est celui d'une politique de l'esprit. Ce sera l'impératif
catégorique de Kant qui contraindra la démocratie mondiale à
reconnaître qu'on ne saurait légitimer durablement un Etat
qu'on aura arbitrairement spolié au préalable des quatre
cinquièmes de son territoire et amputé de sa capitale.
D'ores et déjà, c'est l'éthique kantienne qui se révèle la
clé du monde moderne; car sitôt qu'on abordera le débat de
fond au Moyen Orient, on découvrira que toutes les demandes
des Palestiniens sont légitimées par l'universalité de la
morale kantienne, de sorte que si l'universalité de
l'éthique n'était pas reconnue, toute la politique
internationale perdrait à jamais ses fondements
démocratiques. Tel est l'échiquier kantien sur lequel se
joue le destin de l'éthique du monde.
C'est
pourquoi l'exploration ci-après de la terra incognita
qu'on appelle l'humanité sera suivie, le 28 mars, d'une
analyse du mythe de "l'incarnation de la vérité",
puis le 4 avril d'une spectrographie de l'inconscient,
schizoïde à son tour, du peuple russe et enfin, le 11 avril,
dd'un dialogue imaginaire, donc riche d'informations
sérieuses, entre M. Barack Obama et M. Benjamin Netanyahou.
1 - La balance à peser les chefs
d'Etat
Si
je me mets en tête de juger les travaux d'un mathématicien de
génie, il me faudra reconnaître le génie mathématique au premier
coup d'œil que je jetterai sur ses équations. C'est dire que la
question de la qualité des magistrats s'impose en tout premier
lieu et que la pesée à un gramme près de l'encéphale de l'accusé
se posera seulement plus tard. Mais la balance à calibrer
globalement la conque osseuse du tribunal ne se trouve pas
exposée dans les vitrines de Thémis. Dans quel prétoire
faudra-t-il la dénicher? L'enceinte de la science du droit,
celle de l'éthique des nations, celle de la science politique,
celle de la jurisprudence, celle de l'histoire ne nous tireront
pas d' embarras.
Car
pour faire passer un chef d'Etat en jugement au civil ou en
correctionnelle - soit de son vivant, soit devant la cour de
cassation qu'on appelle la postérité - aucune instance
juridictionnelle ne saurait suffire à m'éclairer ici et
maintenant sur la nature même de la question à résoudre, parce
qu'il faudrait que je commence par me demander non seulement
quel poids les siècles déposeront sur les plateaux de la balance
d'une telle juridiction , mais si l'instrument approprié à une
telle pesée de l'histoire du monde existe d'ores et déjà dans la
nature. Sommes-nous en possession des premiers matériaux
appropriés et des ateliers spécialisés dans la fabrication à
venir d'un appareil de ce genre? C'est dire que les difficultés
les plus providentielles, si je puis dire, que rencontre la
réflexion philosophique d'avant-garde - donc l'anthropologie
critique - sera de tenter de peser avant l'heure et à nos
risques et périls le cerveau des hommes d'Etat qui dirigent les
plus grandes nations d'aujourd'hui.
2 - Les malheurs de
Gulliver à Lilliput
Par
bonheur, la solution du problème de la pesée des juges se
trouvera grandement facilitée par les relations que la question
entretiendra avec l'évolution de l'histoire et de la politique
de toutes les civilisations dont des écrits ont conservé le
souvenir : car toutes ont inauguré une science de l'humanité et
de son destin étroitement liée au magasinage de leur parcours,
ce qui les a conduites à un approfondissement du savoir
historique auquel seule la plume pouvait les conduire. Puis les
hommes de l'écrit se sont banalisés ; et l'armée des scribes
s'est lassée de l'héroïsme des guides de haute montagne, ce qui
a fait sombrer les historiographes dans le minutieux et le
méticuleux des greffiers du passé. La Grèce et Rome ont obéi à
ce modèle de la destruction programmée des encéphales
surplombants. De même, l'Europe notariale d'aujourd'hui a
renoncé à descendre dans la féconde postérité des Montesquieu,
des Montaigne, des Voltaire, des Hippolyte Taine, des Freud et
même des Gibbon. Les facilités de la description superficielle
ont ouvert les vannes de son aveuglement à une science
sociologique dont les statistiques aveugles et les graphiques
muets ont pris le relais des spéléologues d'autrefois. Foin des
plongées en apnée dans les nappes phréatiques de la politique,
foin de la connaissance simianthropologique de la conque
sommitale des peuples et des nations. Tout ce qui contredit
l'édénisme et le messianisme au petit pied du mythe démocratique
se heurte aux contreforts d'une pastorale mondiale de la
candeur. Les décadences se vissent la loupe à l'œil et
s'imaginent que les myopes voient mieux, parce qu'ils regardent
de plus près les babioles qui se gravent sur leurs rétines.
Quand la fin de l'ère des guerriers à la vue basse a asséché les
sources de l'histoire prospective, l'émiettement du champ de
l'histoire jette à la voirie les télescopes perfectionnés
d'autrefois.
Alors, il faut se résigner à construire la balance d'or qui
pèsera l'encéphale de l'humanité de pacotille dont les proverbes
imagés des Romains disaient qu'elle "se fabrique des cordes
de sable ", qu'elle "laboure les rivages",
qu'elle "porte des seaux à la mer", qu'elle "trace des
sillons dans la poussière", qu'elle "parle à un mort"
ou qu'elle "raconte des fables à un âne sourd"?
3 - Une civilisation
de la quadrature du cercle
Et
pourtant, on n'avait jamais vu un chef d'Etat tenter de
convaincre gentiment une petite nation amie, mais armée
jusqu'aux dents, de renoncer à étendre son territoire par la
force du glaive, donc en violation joyeuse du droit
international, on n'avait jamais vu un chef d'Etat placé dans la
situation de prétendre restreindre tout subitement - et dans des
proportions à débattre avec la nation prédatrice - les pouvoirs
et les prérogatives qu'il n'a lui-même cessé d'octroyer
allègrement au voleur, alors que l' existence même de son
protégé sur la scène internationale demeure entièrement fondée
sur la bénédiction d'un rapt artificiellement légitimé, on
n'avait jamais vu un donneur de leçons tombé de la dernière
pluie et oublieux de l'éthique internationale depuis des
décennies invoquer par surprise les principes censés être
redevenus inébranlables des démocraties dont les contrefaçons
jurent avec les droits à nouveau réputés constants et
inaliénables des peuples de disposer d'eux-mêmes, on n'avait
jamais vu une si soudaine résurrection des vertus de la
démocratie amputer pourtant la justice de ses apanages les plus
anciens et les plus reconnus, on n'avait jamais vu un chef
d'Etat accorder, de guerre lasse, au conquérant déchaîné les
trois-quarts du territoire dérobé à la victime, on n'avait
jamais vu un chef d'Etat sain d'esprit jouer au Salomon sadique,
qui s'aviserait de couper l'enfant en deux tronçons , puis
d'accorder la moitié du cadavre à l'usurpateur et l'autre moitié
au propriétaire, on n'avait jamais vu un chef d'Etat menacé,
d'un côté de déconfiture morale sur la scène internationale,
donc de la perte du rang , de la dignité et du respect dont sa
nation jouissait dans le monde entier et livré, de l'autre, au
danger de perdre l'appui de la planète des corsaires en haute
mer, celle des banques et de la finance.
On
comprend que le chantier de fabrication de la balance à peser
l'encéphale embryonnaire et le cœur défaillant des hommes d'Etat
démocratiques soit tombée en panne et que ni la politique, ni
l'histoire, ni le droit, ni l'éthique, ni la jurisprudence, ni
la sociologie, ni l'anthropologie, ni la philosophie, ni la
psychanalyse d'hier ne fourniront le fléau et les plateaux de la
balance sertie de pierres précieuses qui pèserait la capacité
naturelle ou l'incapacité neuronale de M. Barack Obama de
résoudre le problème qui se pose à la diplomatie mondiale depuis
un demi siècle. Par bonheur, la course des vieilles
civilisations vers le microscopique subit un coup d'arrêt quand
la minusculité demeure coite à son tour et que le silence d'une
civilisation de la quadrature du cercle se fait entendre jusque
dans les repaires des archivistes qu'on voyait, hier encore, se
dresser sur leurs ergots.
4 - Au nain de se
dresser sur la pointe des pieds
Il
existe cependant quelques indices de nature à nous mettre sur la
piste d'un examen critique des rouages et des ressorts de la
balance mise en place par M. Barack Obama au Moyen Orient. Car
s'il est difficile de présenter le plan d'un appareil de pesée
idéal, il est néanmoins possible de déceler à coup sûr les
défauts de fabrication des pièces d'ores et déjà maladroitement
usinées et censées faire fonctionner tant bien que mal l'
appareil défectueux précipitamment mis en service.
Si
vous demandez à un cambrioleur chevronné de cesser, ne serait-ce
qu'un instant de forcer la porte de ses voisins et de chasser
les propriétaires ou les locataires de leur maison, allez-vous
l'allécher à lui glisser à l'oreille qu'à ce prix, non seulement
ses forfaits antérieurs se trouveront dûment légitimés, mais
qu'ils recevront sans tarder la bénédiction solennelle d'un
tribunal des sauvages dont la balance aura été ajustée afin de
se plier sans cesse aux circonstances du moment et que, par
conséquent, il gagnerait grandement à accepter les verdicts de
la machine à duper consciencieusement l'univers que ses juges
lui mettront toute façonnée entre les mains ? Mais, dans ce cas,
comment motiver aux yeux du droit international des arrêts
tranchés en coulisse par la loi du glaive et par lui seul ? Et
si ce premier faux pas de M. Barack Obama dans l'univers de la
conscience morale a pu passer inaperçu en raison du refus
souverain d'Israël de suspendre un seul jour son expansion mètre
carré par mètre carré en Cisjordanie, que dire des avantages que
ce petit Etat a su tirer de son rejet tout net d'un cadeau aussi
inattendu?
5 - La marionnette
du tragique
Car
le monde entier a assisté, abasourdi, à la déconfiture de M.
Barack Obama face à un gouvernement fier à bras, mais
lilliputien. Le dommage politique qui en est résulté pour sa
nation s'est aussitôt révélé immense et irréparable. Comment se
tirer d'affaire après un désastre diplomatique d'une gravité
aussi incalculable? M. Obama a paru, de surcroît, abandonner la
partie et laisser Israël seul debout sur un champ de bataille
déserté. Puis le capitulard a piteusement supplié M. Mahmoud
Abbas de négocier à sa place: au nain, disait-il, de se camper
plus fièrement sur son lopin que le roi des fuyards sur le sien.
Mais, du coup, c'est sur l'heure que le géant s'est couvert de
ridicule aux yeux du dernier conseiller municipal des plus
petits villages de la planète et que le monde arabe tout entier
a été pris de fou rire.
Pis
que cela: qui tire les ficelles de la marionnette du tragique?
Car voici qu'à offrir des armes à Taïwan, elle défie la Chine;
puis, dix jours seulement plus tard, voici qu'elle demande à
l'Arabie Saoudite d'allécher l'Empire du Milieu et, pour cela,
de lui ouvrir le marché empoisonné d'un pétrole à bas prix; et
voici qu'elle encourage la rébellion du Tibet et fait des grâces
à Moscou non sans lui mettre à nouveau des bouches à feu sous le
nez en Roumanie. Où faut-il chercher la balance à peser une
maladie cérébrale des chefs d'Etat fort rare et toute nouvelle -
une incohérence mentale étalée aux regards de la planisphère?
De
tout cela, une première conséquence ne découle-t-elle pas du
jugement que porteront les peseurs de la boîte osseuse des
hommes d'Etat et les examinateurs de leurs neurones? Car, se
disent-ils en se frottant les yeux, un Président qui aura perdu
son rang à l'improviste devra le reconquérir à la force du
poignet pour seulement tenter de reprendre pour quelques heures
sa place au festin interrompu, ce qui ne sera pas une mince
affaire, puisqu'on a vu M. Obama fort étonné de ce qu'ayant
quitté un instant ses commensaux, les pièces en ont profité pour
changer de place sur l'échiquier, de sorte qu'il a poussé
vainement les hauts cris au spectacle de l'expulsion continue et
fièrement affichée des Palestiniens de Jérusalem Est. Puis, il
s'est si bien et si subrepticement levé de table une fois de
plus qu'il a financé, aux côtés de l'Egypte la construction d'un
mur d'acier autour de Gaza. Puis il s'est fâché une fois de plus
des incartades et de l'insolence de son protégé. Le premier
devoir d'un vrai chef d'Etat serait-il de ne pas tourner les
talons à chaque instant ? Mais s'il faut enseigner aux élèves de
première année à soupeser le chaos et si la balance à construire
est celle qui indiquera le poids des relations que la démence
politique entretient avec l'Histoire, ce ne seront ni les
juristes, ni les historiens et tutti quanti qu'il faudra
consulter , mais le bon sens d'Erasme, de Cervantès, de Swift et
de Shakespeare.
6 - Notre matière
grise originelle
La
rouille de la balance des ancêtres et la paralysie de ses
rouages dans le dédale des juridictions de la peur tient donc à
l'inaptitude de la machine du droit à prendre un recul approprié
à la pesée de la justice dans le monde actuel et à se mettre à
la bonne distance de sa propre magistrature - et cela non plus
afin de juger le cas à l'aune des critères qui caractérisent les
bons procès, mais de peser la nature d'un litige inconnu des
anciens hommes de loi. Car M. Barack Obama s'est ensuite vanté
qu'il allait chambrer les deux interlocuteurs et surveiller d'un
froncement de sourcils impérieux les allées et venues de leurs
négociateurs. On sait ce qu'il en est advenu.
Voir :
M. Barack Obama est-il un
homme d'Etat , L'heure de vérité au Moyen-Orient: Le
retard scientifique de la classe dirigeante mondiale
Introduction,
15 mars 2010
N'aurait-il pas mieux valu étudier au préalable les ressorts de
l'âme humaine à la lecture des auteurs sus-dits? Exemple : vous
entendez dépasser la rivalité entre les catholiques et les
protestants, dont on sait qu'ils se disputent depuis cinq
siècles sur une doctrine eucharistique scindée entre les
défenseurs et les contempteurs du prodige de la
transsubstantiation de la victime sous le couteau du discours
rituel de l'officiant; on sait également que la pauvre bête est
censée changer tout subitement de substance sur l'autel du
sacrifice et que, du pain et du vin qu'elle était gentiment tout
à l'heure, elle se métamorphose instantanément en chair et en
sang d'une immolation profitable, et cela à la seule écoute des
paroles mgiques que prononcent les bouchers d'un Dieu cruel.
Imagine-t-on les calvinistes céder d'un pouce sur l'absurdité et
la sottise d'une charcuterie cultuelle aussi ahurissante,
imagine-t-on les fidèles de Rome consentir, de leur côté, à
préciser le dosage du réel et du symbolique au cœur du miracle
sanglant que réclame l'idole? Sur quelle balance allez-vous
peser le crime de la messe? Qu'en est-il des magiciens officiels
de l'offrande substantifiée ou vaporisée inter caesa et
porrecta, comme disaient les Anciens - entre la trucidation
d'Isaac et sa présentation encore palpitante sur l'offertoire?
M.
Obama et toute la planète de la candeur politique ignorent la
nature et la fonction historique d'une eucharistie politique
encore soustraite à la pesée anthropologique. Quelle est la
nature du prodige de la substantification de la Palestine
assassinée par les prêtres aux yeux bandés de la Démocratie et
de la Liberté? Comment apprendraient-ils que la nouvelle
Iphigénie à égorger s'appelle Gaza? Le sera-t-elle à la fois
physiquement et symboliquement? Qu'en est-il du vrai sang et de
la vraie chair de la bête immolée à la "paix du monde"?
Le sacerdoce naïf des ignorants illustre l'évidence qu'admettent
les spécialistes des religions antiques, selon lesquels
l'instant intercalé entre l'égorgement de l'animal et le cadeau
pieux au locataire de l'Olympe est l'âme des sacrifices de sang.
Comme disent ensemble la Lettre aux Hébreux et le
Saint Siège, là où manque le sang, il n'y a pas de "vrai et
réel sacrifice". Si les théologies sont des documents
humains, qu'est-ce qu'une science politique qui détourne sa face
du sang des sacrifices?
Il
est donc inutile de seulement tenter de pacifier le Moyen Orient
si, sous le manteau des démocraties sacrificielles, les
représentations de la pièce sont immolatoires par nature et par
définition; et il n'y a pas de politologie scientifique sans
connaissance anthropologique des offertoires cachés sous
lesquels les démocraties cachent leurs autels. La conquête du
grand Israël ne ressortit-elle pas à la dramaturgie religieuse
du peuple des propitiatoires? Le mythe biblique dont se nourrit
cet Etat ne le lance-t-il pas à l'assaut d'un royaume de la
terre? Revenir aux "frontières" de 1967 et autoriser les
réfugiés à fouler derechef la terre de leurs ancêtres sous leurs
sabots, n'est-ce pas profaner tout ensemble le pain et le vin de
la foi et le sang sacré de la patrie? Voyez comme les deux
autels cérébraux du simianthrope se font face sur la terre, mais
confondent leurs profits dans l'éternité; voyez comme la victime
est pétrie par un physicien de la substantification des signes
de la vie et de la mort, un certain Jahvé.
7 - Une victime à
égorger
Comme il est rappelé plus haut, M. Obama n'a jamais étudié ni le
contenu psycho-vaporeux des sacrifices de sang, ni leur contenu
à la fois doctrinal et moléculaire. La charpente osseuse de ce
gentil professeur de droit constitutionnel dans une petite
Université américaine se rend maintenant à l'église catholique
plantée tout près de la Maison Blanche, alors qu'il était encore
un presbytérien de la tête aux pieds l'an dernier. Mais, à
l'instar de toute la classe dirigeante de l'Amérique des corps,
il ignore à quelle mythologie religieuse mi-incarnée et
mi-cérébralisée il accorde désormais son adhésion à la fois
séraphique et musculaire; car il s'imagine que la difficulté
tient seulement à une divergence doctrinale en voie
d'aplanissement entre le Saint Siège et le parti démocrate sur
l'opportunité du sacrifice des embryons. Les grossesses
sont-elles plutôt cellulaires ou plutôt théologales? Gaza est-il
un fœtus mort-né ou une âme résurrectionnelle de la politique
internationale?
Ah!
comme tout se tient dans la radiographie anthropologique des
sacrifices ! M. Mitchell croit s'engager dans des négociations
diplomatiques certes difficiles, mais dont il connaîtrait les
clés mentales et qui ressortiraient aux mêmes apories
décryptables que celles avec lesquelles M. Obama croit jongler,
les deux parties "chérissant leur religion" tant
conceptualisée que trucidatoire, comme on chérit ses biens, sa
femme, ses enfants et le climat de la région. Et voici que la
querelle sur les chromosomes des meurtres immolatoires se pose
au sein des démocraties du mythe de la Liberté, de sorte que la
question est de savoir qui tient le couteau des sacrifices par
le manche, le prêtre ou l'Etat. Et voici que la querelle des
investitures du Moyen Age ressuscite sous des traits nouveaux.
Et voici que l'anthropologie critique couche la nouvelle
querelle des universaux sur la table de dissection; car elle se
demande quelle est l'universalité triomphante ou en perdition de
la parole habilitée à raconter les autels et à regarder les
dieux avec des yeux nouveaux, quelle est l'histoire du monde
qu'attend l'encéphale des évadés actuels de la zoologie.
Car
il est maintenant révélé que les religions ne sont pas des
objets à "chérir" confusément ; il est annoncé qu'elles
mettent le corps et la tête du croyant en possession de la
portion ancestrale et atavique de l'encéphale à la fois embrumé
et sanglant des fuyards de la horde primitive.
Pauvre chef d'Etat que celui dont la connaissance pseudo
scientifique du cerveau simiohumain remonte au XVIIIe siècle,
pauvre M. Mitchell, qui se prend pour Machiavel, Talleyrand ou
Vergennes réunis face à une guerre des totems dont la
connaissance physiologique et cérébrale demande rien de moins
que le futur déchiffrement de la matière grise originelle d'une
espèce demeurée semi-animale! Comment juger un chef d'Etat dont
la piété de convention ignore tout de la postérité de Darwin et
du débarquement sacrilège de la simianthropologie critique dans
la politique et dans l'histoire?
Voir -
Lettre ouverte à Jean-Luc
PUJO, Président des clubs "Penser la France" , L'arme
nucléaire et l'anthropologie critique du XXIe siècle,
1er février 2010
Mais
il est difficile de lui en faire grief dans une civilisation du
sang séché des autels dont la science de la mémoire est tombée
entre les mains d'un faux séraphin de la Maison Blanche d'un
côté et dans celles des archivistes, des mémorialistes et des
chroniqueurs, de l'autre, comme les historiographes émaciés
d'Athènes et de Rome avaient succédé aux physiologues des crimes
de l'Histoire, les Thucydide et les Tacite.
8 - Se colleter avec
la vie onirique de l'Histoire
Et
pourtant tout est prêt pour qu'une pesée anthropologique de la
conque sommitale des chefs d'Etat fasse ses premiers pas.
Saluons un précurseur, M. Trevor Roper. On sait que cet
historien anglais avait tenté d'observer les relations toujours
sporadiques et fluctuantes que les élites dirigeantes des
nations dites civilisées entretiennent par instants avec les
avant-gardes éphémères de la raison de leur temps; et, à ce
titre, son mérite fut grand de souligner qu'au XVIIIe siècle, ce
miracle, certes de courte durée a néanmoins permis aux
encyclopédistes de faire progresser la pensée critique à
l'échelle du monde de l'époque.
M.
Trevor-Roper a partiellement théorisé une observation de M.
Dodds, qui avait remarqué que notre espèce est la seule à vivre
dans deux mondes à la fois, mais qui avait échoué à étudier leur
mélange sanglant et la nature de leurs relations meurtrières (E.R.
Dodds, Professeur à l'université d'Oxford, Les Grecs
et l'irrationnel, Berkeley 1959). Il en est de même de
Paul Veyne, Professeur au Collège de France, (Les
Grecs croyaient-ils en leurs dieux), qui remarquait que
les convictions religieuses ne débarquent pas dans la vie
quotidienne de la piété: les Dorzés sont convaincus que les
léopards jeunent le vendredi, parce qu'il est avéré que ces
fauves se sont convertis à l'irénisme bon teint du
christianisme, ce qui n' empêche en rien cette tribu de
mécréants de protéger tous les jours leurs troupeaux des crocs
du pieux animal.
Naturellement, il faut citer Oswald Spengler (Le
déclin de l'Occident) et Ernst Kantorowicz (Les
deux corps du roi) parmi les précurseurs du débarquement
de l'étude des imaginaires pseudo pacificateurs dans une science
historique soucieuse de comprendre réellement des évènements
anthropologiques par nature, donc sanglants, auxquels les
religions offrent les planches de leur théâtre et les ressources
de leur mise en scène - mais, dans le même temps, on voit qu'il
est impossible à un historien de profession d'entrer en
philosophie sans changer radicalement de discipline
scientifique. Le "Je pense donc je suis", de Descartes se
trouve chez saint Augustin, mais la théologie ne saurait en
tirer "Le discours de la méthode", parce qu'il
faut changer de problématique pour en traiter, c'est-à-dire
déposer le verbe comprendre sur un autre échiquier.
L'anthropologie critique dépose la politique et l'Histoire sur
l'échiquier du sang.
9- Gaza et la guerre
des imaginaires
De
nos jours, la tétanisation intellectuelle de la politique
internationale résulte encore de ce que la connaissance des
secrets religieux du blocage interne du "problème
israélo-palestinien", comme on dit, n'est pas à la portée
d'une politologie cérébralement aussi désarmée face à
l'interprétation des offertoires que celle du Moyen Age, faute,
comme il est rappelé plus haut, qu'elle dispose d'une
anthropologie des sacrifices de sang digne de la postérité
encore à défricher de Darwin et de Freud; mais la paralysie
contemporaine des sciences humaines à l'échelle de la planète
des immolations se révèle providentielle à sa manière, parce que
l'étude psychobiologique de "l'eucharistie politique" des
peuples se conjuguera avec le scannage des racines, déistes à
leur tour, du mythe pseudo-irénique de l'incarnation de leur
destin, donc de la transcendance des valeurs dont le droit
international public se révèle porteur; car les lois se placent
sur le même terreau évangélisateur que les mondes oniriques de
la foi.
C'est pourquoi le sacrifice de Gaza se révèle le paradigme des
relations que le simianthrope entretient avec son corps et son
ciel, ainsi que des tractations qu'il mène afin de satisfaire
les alliances éphémères et bancales qu'il ne cesse de conclure
entre ses mondes surréels et sa chair mortelle. C'est dire que
l'impossibilité de jamais légitimer, tant aux yeux des
jurisconsultes purs que dans l'ordre d'un sacré substantifié par
le mythe chrétien de l'incarnation de l' "absolu",
l'impossibilité de jamais légitimer le retour corporel du peuple
hébreu sur les terres que ses ancêtres occupaient, croient-ils,
deux millénaires auparavant, cette impossibilité, dis-je,
illustrera un divorce et un parallélisme tous deux saisissants
entre l'esprit juridique des Romains et l'esprit cosmologique
des Hébreux.
Car,
d'un côté, les valeurs qualifiées d'universelles et réputées
transcendantes au monde des meurtres sacrés se voient servies au
mieux, croit-on, par les idéaux de la démocratie irénique
mondiale; de l'autre, leur vertu se réclame à titre
psycho-somatique du retour à une éthique du sang de
l'incarnation. Ces deux instances se trouvent donc en rivalité,
si je puis dire; et, à ce titre, c'est à leur corps défendant
qu'elles démontrent leur incohérence à prétendre fonder la
souveraineté angélique d'un peuple sur le vol à main armée des
trois quarts du territoire de ses voisins : les apanages
séraphiques d' "Allah" et de "Jahvé" jurent avec une logique de
sanglants pilleurs. C'est rappeler qu'une politologie fondée sur
une connaissance anthropologique des sacrifices de sang élabore
une cohérence mentale nouvelle et qui va servir de balance à
peser la vie cérébrale antinomique des offertoires dont
témoignent des hommes d'Etat dichotomisés à leur tour et donc
spoliateurs-nés, mais condamnés sous les dehors de la piété
démocratique mondiale, à se colleter avec leurs dévotions. Leur
cerveau idéalisé se présente en interlocuteur de leurs
sacrifices de sang. Telle est la portée intérieure du mot de
Cicéron : "Ah ! qu'il est difficile de feindre sans cesse la
vertu!" que j'ai placé en exergue de cette réflexion.
Mais
on n'avait jamais vu une civilisation entière appelée à peser la
logique contradictoire d'une espèce viscéralement livrée à ses
piétés biphasées, donc à prendre conscience du déséquilibre
neuronal des hommes d'Etat. Si Périclès, Trajan, Hadrien, Marc
Aurèle ont mérité le double titre de civilisateurs et de
conquérants, ce n'était pas encore au nom du chaos qui commande
le "surnaturel" sanglant du genre humain. Une espèce
dichotomisée par ses autels se voit transporté dans une
symbolique meurtrière.
10 - Guantanamo et
le Moyen Orient
La
pesée anthropologique de la politique à la fois universalisante
et schizoïde d'un Barack Obama censé s'opposer aux tortures
policières à Guantanamo va illustrer les mêmes apories que son
diagnostic des causes de la guerre israélo-palestinienne . Car
les deux théâtres d'une histoire qui scinde le sanglant entre le
spatial et le mythique ressortissent à une radiographie critique
des univers mentaux dédoublés par le meurtre sacré dont le
simianthrope s'alimente de naissance. Toutes les cultures se
révèlent à la fois logophores et carcérales. L'encéphale biphasé
de notre espèce les sécrète et les emmêle depuis des
millénaires.
Mais
alors qu'au Moyen Orient, la geôle demeure construite sur
l'aporie de valider une espèce de justice et de droit idéalisés
de conserve et dont l'orthodoxie des démocraties se réclame -
alors que ces instances contrefaites entendent légitimer la
scission sanglante d'une nation au profit d'un prédateur armé de
la massue de son mythe du salut et de la rédemption - à
Guantanamo, en revanche, nous retrouvons l' aporie de la
séparation entre deux territoires d'une seule et même pseudo
légitimation de l'arbitraire: il s'agit du viol des principes
planétaires dont se réclament une justice et un droit
tartuffiquement tenus pour universels. Quelles sont les
relations sacralisées et prétendument vertueuses que les enclos
d'un droit profané ab ovo entretiennent avec leur propre
gangrène? Car leur orthodoxie affichée fustige en secret leur
pestifération générale.
Exemple: on sait que M. Barack Obama prétend avoir fermé à
double tour les portes de fer de l'Hadès microscopique de
Guantanamo, puisque les condamnés hurlants dans cette géhenne et
dont on aura extorqué les aveux sous la torture purgeront leur
peine loin du territoire de leur première damnation, et cela à
la faveur de leur enfermement dans un petit Eden flambant neuf,
mais quasiment désert - un pénitencier situé dans le Montana.
Mais pourquoi le Sénat n'a-t-il pas accepté le principe du pieux
déplacement des hérétiques de telles geôles dans telles autres
plus ripolinées que les précédentes? C'est que les nouveaux
lopins de l'absolu seront maculés par l'arrivée des coupables.
Et
pourtant, à ma connaissance, même à Guantanamo, on ne torturait
pas les détenus tout au long des années de l'interminable
expiation de leurs crimes ; le châtiment est rédempteur par
nature, de sorte que, de toutes façons, la "démocratie de la
justice" consent à délivrer les malheureux de la
maltraitance physique au cours de leurs années de rachat; et
cette grâce ne dépend en rien de leur transport sur un sol
vierge du péché originel.
Quelles sont donc les raisons anthropologico-religieuses qui
rendent inacceptable aux yeux du Sénat d'un Etat tenu à la fois
pour rationnel et pour édénique le transport légal et pourtant
jugé maléfique des coupables dans un pénitencier réconfortant en
principe, puisque destiné à les conduire tout droit au salut
alors que de toutes façons, la chute de leurs chaînes se trouve
acquise tant en droit qu' en fait sur les deux territoires
successivement réservés à leur purgation?
Il
est vrai qu'ils sont rares, les cas où la durée de la peine
physiquement encourue ne dépasserait pas celle de la vie des
âmes sur cette terre : on sait que les condamnations pieusement
prononcées par les tribunaux américains sont largement
posthumes, donc théologiques par nature et qu'elles peuvent
étendre à trois siècles la faculté accordée à leurs cadavres de
grignoter dévotement leur éternité. La législation pénale du
mythe de l'incarnation poursuit la logique de sa piété jusqu'au
royaume des vers.
11 - Les
chromosomes des hérésies
Pour
percer cette énigme, il faut savoir que la pestifération qui
émane des corps ensorcelés par le Mal se révèle aussi
contagieuse que le péché originel, dont les juifs, les chrétiens
et les musulmans paieront le tribut jusqu'à la consommation des
siècles. On suppose donc que la damnation pollue l'atmosphère
sous la forme de germes insidieusement semés par le Démon. Comme
au Moyen Age, on se persuade que les chromosomes des hérésies
demeurent longtemps en suspension dans l'air, puis s'attaquent
physiquement aux cellules des organes nés sains et honnêtes des
citoyens américains. Pour combattre une épidémie menaçante pour
la survie musculaire de la nation, il faut décrypter
l'inconscient politico-religieux du Sénat à la lecture de
Dieu, l'Amérique et le monde de Mme Madeleine
Albright, antépénultième Secrétaire d'Etat de l'Empire - et
membre du parti démocrate de surcroît.
- Voir :
La diplomatie américaine
et la religion A propos de Dieu, l'Amérique et le monde
de Mme Madeleine Albright, ex-ministre des affaires
étrangères des Etats-Unis , 17
novembre 2008
Comment se fait-il que, bien antérieurement au 11 septembre
2001, le calvinisme du Nouveau Monde a engendré le même
ensorcellement bactérien des esprits, les mêmes terreurs
irraisonnées, la même interprétation magique de l'histoire des
ossatures et des esprits que le catholicisme du Moyen Age ?
Guantanamo et ses chambres de torture achèvent de démontrer,
s'il en était besoin, que seule une anthropologie en mesure de
radiographier le dogme de l'incarnation du Mal et transcendante
à la diversité apparente du contenu littéral des théologies du
péché et de la damnation permettra de descendre dans les
entrailles du culte et des sacrifices inscrits dans la sanglante
postérité de la terreur de l'an mil et d'expliquer la nouvelle
hypertrophie des autels de la rédemption sous les coups de
semonce des catastrophes dont un Déluge meurtrier avait pourtant
fourni une illustration tenue pour indépassable de la sainteté
de sa justice divine.
12 - Le Moyen
Orient, le catastrophisme religieux et le mythe de la
purification du monde
Les
malades de Guantanamo souffrent de la même damnation d'origine
sacrée que celle censée propager ses microbes dans tout le Moyen
Orient, où Israël a grand besoin de s'auto angéliser à nouveaux
frais sur l'autel de la guerre, donc de purifier son ego
sacrificiel - et cela sur le même modèle que les Etats-Unis.
C'est que la cohérence mentale des deux peuples élus est
viscéralement de nature à la fois salvatrice et expiatrice. A ce
double titre, la purification punitive est constitutive de leur
identité tout ensemble nationale et apocalyptique - on sait que
l'Apocalypse est l'ultime étape de la purification mythologique
par le relais du châtiment des nations, donc la dernière
révélation de leur gloire dans une immortalité posthume livrée
tour à tour aux félicités du royaume des cieux et aux tortures
éternelles. Aussi l'existence musculaire d'un Etat palestinien
qui se trouverait pleinement légitimé, tant à titre religieux et
juridique que cellulaire aux côtés d'Israël serait-elle une
profanation, donc un sacrilège de nature à mettre l'inlassable
auto-purification nationale et guerrière du peuple hébreu
psychiquement et physiquement en péril.
Cet
Etat a besoin de se soustraire au profane, et cela sur le modèle
de la catharsis politique que son tuteur américain met en scène
depuis deux siècles sur un théâtre où sa souffrance pour le
salut du monde lui donne la gloire commune aux armes et à la
foi. Il y faut une sacralisation à la fois élévatoire et
sado-masochiste de l'avènement de la démocratie mondiale sur la
terre, il y faut un inconscient religieux et national de type
vétéro-testamentaire, il y faut une théologie où le temporel
sert d'instrument de démonstration spectaculaire et rentable du
divin; il y faut une purgation inlassablement appelée à protéger
un surmoi patriotique menacé par le péché et qu'on veut rendre
séraphique sur le modèle de l'idéalisation guerrière du surmoi
collectif il y faut, enfin, le creuset du mythe, schizoïde à son
tour, d'une Liberté salvatrice. Cette auto-glorification
rédemptrice et cette lutte contre une contamination mentale à
laquelle les autres peuples de la terre se voient également
exposés, mais à des degrés divers, ont trouvé dans un calvinisme
à la fois masochiste et hautement payant une formulation, qui a
permis à l'accumulation béatifiante des richesses due à
l'industrialisation intensive des modernes de substituer un
modèle avantageux d'auto-sanctification aux gestes mal rémunérés
de la piété romaine . Le prêtre catholique bénissait et payait
d'un même mouvement; le calviniste, lui, dispose, comme le
peuple hébreu et comme l'Amérique tout entière, des preuves
tangibles de la grâce divine sur une vaste étendue où
l'argent-roi vérifie tout ensemble les largesses de Jahvé et l'
élection pleinement réussie de son peuple.
La
radiographie anthropologique des profits que le monothéisme
vétéro-testamentaire, puis chrétien et musulman attribue à titre
de preuves aux croyants méritants révèle que les récompenses
célestes sont toujours enracinées dans une psychophysiologie des
dévotions tenues pour démonstratives par les fidèles, ce qui
conduira la politologie moderne à la connaissance
anthropologique et rationnelle des Eden cérébraux sur lesquels
reposent encore de nos jours les sacrifices sanglants :
simplement, ce sont les Etats démocratico-purificateurs qui les
offrent maintenant à leur propre vocation auto-sanctifiante.
Leurs autels sont ceux qu'ils dressent à leurs propres idéaux de
conquérants et de purificateurs associés. Il en résulte que les
hommes d'Etat de notre temps se trouvent aussi inconsciemment
ligotés à leur mythologie du salut de la planète dont ils se
trouvent investis par la médiation de la démocratie messianique
et sous les bandelettes des vertus politiques issues de la
révolution rédemptrice de 1789 qu'ils se trouvaient ficelés,
hier encore, au sceptre de l'exorciste en chef de l'univers, le
détenteur de la foudre de l'excommunication majeure des rois et
des empereurs dont le Saint Siège brandissait la fulmination
exterminatrice au-dessus de toutes les têtes.
13 - Hommage à E.R.
Dodds
Chassons de ces lieux la souillure que symboliserait un
débarquement même au compte-gouttes, des otages de Satan dans
l'Eden; rejetons l'extraction dangereuse de leurs prisons des
damnés de Guantanamo; fuyons le péril de les laisser purger leur
damnation sur un territoire préservé du péché originel;
conjurons la menace de leur irruption contaminatrice de la
patrie d'Abraham Lincoln; effaçons cette salissure potentielle
du paradis de la démocratie mondiale. On comprend à quel point
l'existence corporelle d'un Etat palestinien nocif à ce point
aux côtés des justes serait incompatible avec la prévention de
salissures. Cette évidence est demeurée l'assise anthropologique
la plus fondamentale et la pierre angulaire de la
psychophysiologie biblique commune aux Etats-Unis et à l'autre "peuple
élu".
Comme il est dit plus haut, je poursuivrai, le 28 mars,
l'analyse anthropologique de la théologie du salut par la
médiation du verbe démocratique. Il y sera question de
l'expérimentation "théologique" des évènements chronométrables
sur le terrain et le calendrier à la main, donc de la
signification historique et politique du mythe chrétien de
"l'incarnation de la vérité" par la volonté expresse d'un
démiurge.
En
1959, E.R. Dodds écrivait déjà: "La branche spéciale
de la magie qu'est la théurgie a été assez négligée et demeure
imparfaitement comprise." (p. 279) C'est le moins qu'on
puisse dire ! Mais les grands esprits lancent des éclairs dont
ils ne mesurent pas la portée : l'honnête professeur de grec
d'Oxford ne se doutait pas que si toutes les religions sont
nécessairement des théurgies, l'approfondissement de la notion
de magie conduit à la découverte de l'âme d'une histoire
ensorcelée par nature. Soixante ans plus tard, une gigantomachie
entre deux théurgies construites sur le même modèle
anthropologique se révèle la clé du conflit entre les
offertoires au Moyen Orient. L' essai de Dodds intitulé
Les Grecs et l'irrationnel, traduit en 1965 aux éditions
Montaigne et chez Flammarion en 1977, mérite une relecture sous
le titre Le monde moderne et l'irrationnel. Il
sera intéressant d'observer comment le peuple de Jahvé vérifiera
la signification sanglante du rêve que symbolise la théurgie de
la Croix.