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Analyse

M. Barack Obama est-il un homme d'Etat (2)
Manuel de Diéguez


Manuel de Diéguez

Dimanche 21 mars 2010

L'heure de vérité au Moyen-Orient:
Le retard scientifique de la classe dirigeante mondiale

" Ah ! qu'il est difficile de feindre sans cesse la vertu ! ( Quam vero difficilis virtutis diuturna simulatio !)" (Lettre de Cicéron à Atticus du 16 octobre de l'an 50 av. notre ère)

Le préambule mis en ligne la semaine dernière prenait acte d'un tournant irréversible de la politique internationale: le Président, le vice-Président et la Ministre des affaires étrangères des Etats-Unis accusaient Israël d'une "insulte" à la nation et au peuple américain, ce qui signifie que l'argumentaire du patriotisme, timidement évoqué dans le discours du Président Obama au Caire le 6 juin 2009 a maintenant débarqué sur la scène internationale et ne la quittera plus, de sorte que l'enjeu planétaire du bras de fer entre Tel-Aviv et Washington n'est autre que l'avenir politique de l'empire américain au sein de l'islam, de l'Europe et par conséquent, du reste du monde.

C'est dire également que le rideau est tombé sur le premier drame de la tétralogie des Niebelungen : les vraies pièces du jeu, les vrais acteurs du monde et les vraies ambitions des parties sont clairement apparues sur un échiquier jusqu'alors contrefait et soustrait aux regards. Néanmoins l'apprentissage des nouvelles règles sera relativement long: initier des Etats infantilisés à l'école de la candeur démocratique exigera de leur classe dirigeante plusieurs mois de déscolarisation intensive. Pour l'instant, les responsables politiques d'un globe terrestre censé régi par des idéalités évangélisantes se montrent tétanisés par un bouleversement subit et inattendu du code informatique en usage au Moyen Orient depuis 1948. Ce coup de tonnerre a fait tomber la Pythie du Nord de son trépied; et maintenant, elle court à toutes jambes de Téhéran à Jérusalem et retour, afin de tenter d'interdire à l'Iran de disposer de l'énergie nucléaire pacifique; et elle feint de faire la grosse voix afin de paraître morigéner subitement Israël, mais en veillant à ne pas gêner M. Netanyahou.

L'Europe pétrifiée et pareille à un poulet à la tête coupée n'a pas encore eu le temps de mettre au point un discours balancé sur le modèle berlinois ; mais le traité de Lisbonne vient de la soustraire à la dictature des sept nains de Walt Disney. Pour l'instant, c'est pour rien qu'Alice court à Gaza en ignorant le Hamas. Quand les grands Etats du Vieux Continent auront pris la mesure de la mutation de la géopolitique survenue le 12 mars, ils attendront docilement les nouvelles directives de Washington. Or, celles-ci ressortiront encore quelque temps aux subterfuges du passé. Durant cet intermède, aucune capitale de poids ne prendra le risque de mesurer le ridicule d'afficher derechef l'ambition de reprendre des "négociations" contrefaites, parce qu'il crève désormais les yeux que l'obstacle réel n'est nullement l'expansion sans frein des colonies à Jérusalem Est, mais celui de l'impossibilité physique de résoudre les problèmes matériels que pose la politologie actuelle à une civilisation mondiale intellectuellement non moins en retard que le Moyen Age sur l'astronomie de Copernic.

Mais par bonheur, les prétendus "pourparlers" ne reprendront jamais, parce que, dans ce cas, les véritables apories commenceraient d'apparaître cruellement et à tous les regards; et puisque les Etats-Unis n'ont aucune chance d'obtenir pour la troisième fois une mise en scène de simulacres diplomatiques affligeants et qui feraient se tordre de rire les dieux de l'Olympe, l'heure a sonné, pour les ophtalmologues de l'histoire de notre espèce de regarder le monde tel qu'il se réfléchit sur la rétine de ses idoles.

Du coup, l'avenir politique de la planète est devenu celui du destin du globe oculaire simiohumain. Gide a écrit que le monde sera sauvé par quelques-uns. Je constate que la presse israélienne se déchaîne contre M. Netanyahou, mais seulement pour le motif qu'il s'est brouillé avec la grande puissance dont Israël a besoin pour défendre ses intérêts sur la scène internationale. Mais que se passera-t-il quand les Etats-Unis se casseront les dents à leur tour au Moyen Orient?

Mais il existe une phalange influente de dix mille juifs des Etats-Unis qui voit plus loin que tout le monde et qui défendent non seulement leurs devoirs à l'égard de leur patrie d'adoption avec toute la vigueur et la ténacité du peuple hébreu, mais dont le regard porte sur l'avenir réel d'Israël dans le monde de demain. Nous verrons bien si ce seront les géants de l'intelligence juive, les Spinoza, les Einstein, les Freud, les Bergson, les Isaïe et les Ezéchiel qui ouvriront les yeux de l'humanité sur le "Connais-toi" de demain. Dans mon texte précédent, j'ai évoqué l'avenir mondial de "l' impératif catégorique" de la morale de Kant.

Voir: La morale kantienne et le clostridium botulium béhachélien, 7 mars 2010

L'histoire vient d'en fournir une démonstration frappante: si les Etats-Unis n'avaient pas rompu spectaculairement les pseudo négociations israélo-palestiniennes au nom d'une exigence éthique plus impérieuse que celles dont s'arment les calculs diplomatiques à courte vue, la catastrophe politique qui en serait résultée pour la Maison Blanche serait irréparable, tellement le gouvernail suprême du monde est celui d'une politique de l'esprit. Ce sera l'impératif catégorique de Kant qui contraindra la démocratie mondiale à reconnaître qu'on ne saurait légitimer durablement un Etat qu'on aura arbitrairement spolié au préalable des quatre cinquièmes de son territoire et amputé de sa capitale. D'ores et déjà, c'est l'éthique kantienne qui se révèle la clé du monde moderne; car sitôt qu'on abordera le débat de fond au Moyen Orient, on découvrira que toutes les demandes des Palestiniens sont légitimées par l'universalité de la morale kantienne, de sorte que si l'universalité de l'éthique n'était pas reconnue, toute la politique internationale perdrait à jamais ses fondements démocratiques. Tel est l'échiquier kantien sur lequel se joue le destin de l'éthique du monde.

C'est pourquoi l'exploration ci-après de la terra incognita qu'on appelle l'humanité sera suivie, le 28 mars, d'une analyse du mythe de "l'incarnation de la vérité", puis le 4 avril d'une spectrographie de l'inconscient, schizoïde à son tour, du peuple russe et enfin, le 11 avril, dd'un dialogue imaginaire, donc riche d'informations sérieuses, entre M. Barack Obama et M. Benjamin Netanyahou.

1 - La balance à peser les chefs d'Etat
2 - Les malheurs de Gulliver à Lilliput
3 - Les nouveaux souterrains de la politique
4 - Au nain de se dresser sur la pointe des pieds
5 - La marionnette du tragique
6 - Notre matière grise originelle
7 - Une victime à égorger
8 - Se colleter avec la vie onirique de l'Histoire
9 - Gaza et la guerre des imaginaires
10 - Guantanamo et le Moyen Orient
11 - Les chromosomes des hérésies
12 - Le Moyen Orient, le catastrophisme religieux et le mythe de la purification du monde
13 - Hommage à E.R. Dodds

1 - La balance à peser les chefs d'Etat

Si je me mets en tête de juger les travaux d'un mathématicien de génie, il me faudra reconnaître le génie mathématique au premier coup d'œil que je jetterai sur ses équations. C'est dire que la question de la qualité des magistrats s'impose en tout premier lieu et que la pesée à un gramme près de l'encéphale de l'accusé se posera seulement plus tard. Mais la balance à calibrer globalement la conque osseuse du tribunal ne se trouve pas exposée dans les vitrines de Thémis. Dans quel prétoire faudra-t-il la dénicher? L'enceinte de la science du droit, celle de l'éthique des nations, celle de la science politique, celle de la jurisprudence, celle de l'histoire ne nous tireront pas d' embarras.

Car pour faire passer un chef d'Etat en jugement au civil ou en correctionnelle - soit de son vivant, soit devant la cour de cassation qu'on appelle la postérité - aucune instance juridictionnelle ne saurait suffire à m'éclairer ici et maintenant sur la nature même de la question à résoudre, parce qu'il faudrait que je commence par me demander non seulement quel poids les siècles déposeront sur les plateaux de la balance d'une telle juridiction , mais si l'instrument approprié à une telle pesée de l'histoire du monde existe d'ores et déjà dans la nature. Sommes-nous en possession des premiers matériaux appropriés et des ateliers spécialisés dans la fabrication à venir d'un appareil de ce genre? C'est dire que les difficultés les plus providentielles, si je puis dire, que rencontre la réflexion philosophique d'avant-garde - donc l'anthropologie critique - sera de tenter de peser avant l'heure et à nos risques et périls le cerveau des hommes d'Etat qui dirigent les plus grandes nations d'aujourd'hui.

2 - Les malheurs de Gulliver à Lilliput

Par bonheur, la solution du problème de la pesée des juges se trouvera grandement facilitée par les relations que la question entretiendra avec l'évolution de l'histoire et de la politique de toutes les civilisations dont des écrits ont conservé le souvenir : car toutes ont inauguré une science de l'humanité et de son destin étroitement liée au magasinage de leur parcours, ce qui les a conduites à un approfondissement du savoir historique auquel seule la plume pouvait les conduire. Puis les hommes de l'écrit se sont banalisés ; et l'armée des scribes s'est lassée de l'héroïsme des guides de haute montagne, ce qui a fait sombrer les historiographes dans le minutieux et le méticuleux des greffiers du passé. La Grèce et Rome ont obéi à ce modèle de la destruction programmée des encéphales surplombants. De même, l'Europe notariale d'aujourd'hui a renoncé à descendre dans la féconde postérité des Montesquieu, des Montaigne, des Voltaire, des Hippolyte Taine, des Freud et même des Gibbon. Les facilités de la description superficielle ont ouvert les vannes de son aveuglement à une science sociologique dont les statistiques aveugles et les graphiques muets ont pris le relais des spéléologues d'autrefois. Foin des plongées en apnée dans les nappes phréatiques de la politique, foin de la connaissance simianthropologique de la conque sommitale des peuples et des nations. Tout ce qui contredit l'édénisme et le messianisme au petit pied du mythe démocratique se heurte aux contreforts d'une pastorale mondiale de la candeur. Les décadences se vissent la loupe à l'œil et s'imaginent que les myopes voient mieux, parce qu'ils regardent de plus près les babioles qui se gravent sur leurs rétines. Quand la fin de l'ère des guerriers à la vue basse a asséché les sources de l'histoire prospective, l'émiettement du champ de l'histoire jette à la voirie les télescopes perfectionnés d'autrefois.

Alors, il faut se résigner à construire la balance d'or qui pèsera l'encéphale de l'humanité de pacotille dont les proverbes imagés des Romains disaient qu'elle "se fabrique des cordes de sable ", qu'elle "laboure les rivages", qu'elle "porte des seaux à la mer", qu'elle "trace des sillons dans la poussière", qu'elle "parle à un mort" ou qu'elle "raconte des fables à un âne sourd"?

3 - Une civilisation de la quadrature du cercle

Et pourtant, on n'avait jamais vu un chef d'Etat tenter de convaincre gentiment une petite nation amie, mais armée jusqu'aux dents, de renoncer à étendre son territoire par la force du glaive, donc en violation joyeuse du droit international, on n'avait jamais vu un chef d'Etat placé dans la situation de prétendre restreindre tout subitement - et dans des proportions à débattre avec la nation prédatrice - les pouvoirs et les prérogatives qu'il n'a lui-même cessé d'octroyer allègrement au voleur, alors que l' existence même de son protégé sur la scène internationale demeure entièrement fondée sur la bénédiction d'un rapt artificiellement légitimé, on n'avait jamais vu un donneur de leçons tombé de la dernière pluie et oublieux de l'éthique internationale depuis des décennies invoquer par surprise les principes censés être redevenus inébranlables des démocraties dont les contrefaçons jurent avec les droits à nouveau réputés constants et inaliénables des peuples de disposer d'eux-mêmes, on n'avait jamais vu une si soudaine résurrection des vertus de la démocratie amputer pourtant la justice de ses apanages les plus anciens et les plus reconnus, on n'avait jamais vu un chef d'Etat accorder, de guerre lasse, au conquérant déchaîné les trois-quarts du territoire dérobé à la victime, on n'avait jamais vu un chef d'Etat sain d'esprit jouer au Salomon sadique, qui s'aviserait de couper l'enfant en deux tronçons , puis d'accorder la moitié du cadavre à l'usurpateur et l'autre moitié au propriétaire, on n'avait jamais vu un chef d'Etat menacé, d'un côté de déconfiture morale sur la scène internationale, donc de la perte du rang , de la dignité et du respect dont sa nation jouissait dans le monde entier et livré, de l'autre, au danger de perdre l'appui de la planète des corsaires en haute mer, celle des banques et de la finance.

On comprend que le chantier de fabrication de la balance à peser l'encéphale embryonnaire et le cœur défaillant des hommes d'Etat démocratiques soit tombée en panne et que ni la politique, ni l'histoire, ni le droit, ni l'éthique, ni la jurisprudence, ni la sociologie, ni l'anthropologie, ni la philosophie, ni la psychanalyse d'hier ne fourniront le fléau et les plateaux de la balance sertie de pierres précieuses qui pèserait la capacité naturelle ou l'incapacité neuronale de M. Barack Obama de résoudre le problème qui se pose à la diplomatie mondiale depuis un demi siècle. Par bonheur, la course des vieilles civilisations vers le microscopique subit un coup d'arrêt quand la minusculité demeure coite à son tour et que le silence d'une civilisation de la quadrature du cercle se fait entendre jusque dans les repaires des archivistes qu'on voyait, hier encore, se dresser sur leurs ergots.

4 - Au nain de se dresser sur la pointe des pieds

Il existe cependant quelques indices de nature à nous mettre sur la piste d'un examen critique des rouages et des ressorts de la balance mise en place par M. Barack Obama au Moyen Orient. Car s'il est difficile de présenter le plan d'un appareil de pesée idéal, il est néanmoins possible de déceler à coup sûr les défauts de fabrication des pièces d'ores et déjà maladroitement usinées et censées faire fonctionner tant bien que mal l' appareil défectueux précipitamment mis en service.

Si vous demandez à un cambrioleur chevronné de cesser, ne serait-ce qu'un instant de forcer la porte de ses voisins et de chasser les propriétaires ou les locataires de leur maison, allez-vous l'allécher à lui glisser à l'oreille qu'à ce prix, non seulement ses forfaits antérieurs se trouveront dûment légitimés, mais qu'ils recevront sans tarder la bénédiction solennelle d'un tribunal des sauvages dont la balance aura été ajustée afin de se plier sans cesse aux circonstances du moment et que, par conséquent, il gagnerait grandement à accepter les verdicts de la machine à duper consciencieusement l'univers que ses juges lui mettront toute façonnée entre les mains ? Mais, dans ce cas, comment motiver aux yeux du droit international des arrêts tranchés en coulisse par la loi du glaive et par lui seul ? Et si ce premier faux pas de M. Barack Obama dans l'univers de la conscience morale a pu passer inaperçu en raison du refus souverain d'Israël de suspendre un seul jour son expansion mètre carré par mètre carré en Cisjordanie, que dire des avantages que ce petit Etat a su tirer de son rejet tout net d'un cadeau aussi inattendu?

5 - La marionnette du tragique

Car le monde entier a assisté, abasourdi, à la déconfiture de M. Barack Obama face à un gouvernement fier à bras, mais lilliputien. Le dommage politique qui en est résulté pour sa nation s'est aussitôt révélé immense et irréparable. Comment se tirer d'affaire après un désastre diplomatique d'une gravité aussi incalculable? M. Obama a paru, de surcroît, abandonner la partie et laisser Israël seul debout sur un champ de bataille déserté. Puis le capitulard a piteusement supplié M. Mahmoud Abbas de négocier à sa place: au nain, disait-il, de se camper plus fièrement sur son lopin que le roi des fuyards sur le sien. Mais, du coup, c'est sur l'heure que le géant s'est couvert de ridicule aux yeux du dernier conseiller municipal des plus petits villages de la planète et que le monde arabe tout entier a été pris de fou rire.

Pis que cela: qui tire les ficelles de la marionnette du tragique? Car voici qu'à offrir des armes à Taïwan, elle défie la Chine; puis, dix jours seulement plus tard, voici qu'elle demande à l'Arabie Saoudite d'allécher l'Empire du Milieu et, pour cela, de lui ouvrir le marché empoisonné d'un pétrole à bas prix; et voici qu'elle encourage la rébellion du Tibet et fait des grâces à Moscou non sans lui mettre à nouveau des bouches à feu sous le nez en Roumanie. Où faut-il chercher la balance à peser une maladie cérébrale des chefs d'Etat fort rare et toute nouvelle - une incohérence mentale étalée aux regards de la planisphère?

De tout cela, une première conséquence ne découle-t-elle pas du jugement que porteront les peseurs de la boîte osseuse des hommes d'Etat et les examinateurs de leurs neurones? Car, se disent-ils en se frottant les yeux, un Président qui aura perdu son rang à l'improviste devra le reconquérir à la force du poignet pour seulement tenter de reprendre pour quelques heures sa place au festin interrompu, ce qui ne sera pas une mince affaire, puisqu'on a vu M. Obama fort étonné de ce qu'ayant quitté un instant ses commensaux, les pièces en ont profité pour changer de place sur l'échiquier, de sorte qu'il a poussé vainement les hauts cris au spectacle de l'expulsion continue et fièrement affichée des Palestiniens de Jérusalem Est. Puis, il s'est si bien et si subrepticement levé de table une fois de plus qu'il a financé, aux côtés de l'Egypte la construction d'un mur d'acier autour de Gaza. Puis il s'est fâché une fois de plus des incartades et de l'insolence de son protégé. Le premier devoir d'un vrai chef d'Etat serait-il de ne pas tourner les talons à chaque instant ? Mais s'il faut enseigner aux élèves de première année à soupeser le chaos et si la balance à construire est celle qui indiquera le poids des relations que la démence politique entretient avec l'Histoire, ce ne seront ni les juristes, ni les historiens et tutti quanti qu'il faudra consulter , mais le bon sens d'Erasme, de Cervantès, de Swift et de Shakespeare.

6 - Notre matière grise originelle

La rouille de la balance des ancêtres et la paralysie de ses rouages dans le dédale des juridictions de la peur tient donc à l'inaptitude de la machine du droit à prendre un recul approprié à la pesée de la justice dans le monde actuel et à se mettre à la bonne distance de sa propre magistrature - et cela non plus afin de juger le cas à l'aune des critères qui caractérisent les bons procès, mais de peser la nature d'un litige inconnu des anciens hommes de loi. Car M. Barack Obama s'est ensuite vanté qu'il allait chambrer les deux interlocuteurs et surveiller d'un froncement de sourcils impérieux les allées et venues de leurs négociateurs. On sait ce qu'il en est advenu.

Voir : M. Barack Obama est-il un homme d'Etat , L'heure de vérité au Moyen-Orient: Le retard scientifique de la classe dirigeante mondiale Introduction, 15 mars 2010

N'aurait-il pas mieux valu étudier au préalable les ressorts de l'âme humaine à la lecture des auteurs sus-dits? Exemple : vous entendez dépasser la rivalité entre les catholiques et les protestants, dont on sait qu'ils se disputent depuis cinq siècles sur une doctrine eucharistique scindée entre les défenseurs et les contempteurs du prodige de la transsubstantiation de la victime sous le couteau du discours rituel de l'officiant; on sait également que la pauvre bête est censée changer tout subitement de substance sur l'autel du sacrifice et que, du pain et du vin qu'elle était gentiment tout à l'heure, elle se métamorphose instantanément en chair et en sang d'une immolation profitable, et cela à la seule écoute des paroles mgiques que prononcent les bouchers d'un Dieu cruel. Imagine-t-on les calvinistes céder d'un pouce sur l'absurdité et la sottise d'une charcuterie cultuelle aussi ahurissante, imagine-t-on les fidèles de Rome consentir, de leur côté, à préciser le dosage du réel et du symbolique au cœur du miracle sanglant que réclame l'idole? Sur quelle balance allez-vous peser le crime de la messe? Qu'en est-il des magiciens officiels de l'offrande substantifiée ou vaporisée inter caesa et porrecta, comme disaient les Anciens - entre la trucidation d'Isaac et sa présentation encore palpitante sur l'offertoire?

M. Obama et toute la planète de la candeur politique ignorent la nature et la fonction historique d'une eucharistie politique encore soustraite à la pesée anthropologique. Quelle est la nature du prodige de la substantification de la Palestine assassinée par les prêtres aux yeux bandés de la Démocratie et de la Liberté? Comment apprendraient-ils que la nouvelle Iphigénie à égorger s'appelle Gaza? Le sera-t-elle à la fois physiquement et symboliquement? Qu'en est-il du vrai sang et de la vraie chair de la bête immolée à la "paix du monde"? Le sacerdoce naïf des ignorants illustre l'évidence qu'admettent les spécialistes des religions antiques, selon lesquels l'instant intercalé entre l'égorgement de l'animal et le cadeau pieux au locataire de l'Olympe est l'âme des sacrifices de sang. Comme disent ensemble la Lettre aux Hébreux et le Saint Siège, là où manque le sang, il n'y a pas de "vrai et réel sacrifice". Si les théologies sont des documents humains, qu'est-ce qu'une science politique qui détourne sa face du sang des sacrifices?

Il est donc inutile de seulement tenter de pacifier le Moyen Orient si, sous le manteau des démocraties sacrificielles, les représentations de la pièce sont immolatoires par nature et par définition; et il n'y a pas de politologie scientifique sans connaissance anthropologique des offertoires cachés sous lesquels les démocraties cachent leurs autels. La conquête du grand Israël ne ressortit-elle pas à la dramaturgie religieuse du peuple des propitiatoires? Le mythe biblique dont se nourrit cet Etat ne le lance-t-il pas à l'assaut d'un royaume de la terre? Revenir aux "frontières" de 1967 et autoriser les réfugiés à fouler derechef la terre de leurs ancêtres sous leurs sabots, n'est-ce pas profaner tout ensemble le pain et le vin de la foi et le sang sacré de la patrie? Voyez comme les deux autels cérébraux du simianthrope se font face sur la terre, mais confondent leurs profits dans l'éternité; voyez comme la victime est pétrie par un physicien de la substantification des signes de la vie et de la mort, un certain Jahvé.

7 - Une victime à égorger

Comme il est rappelé plus haut, M. Obama n'a jamais étudié ni le contenu psycho-vaporeux des sacrifices de sang, ni leur contenu à la fois doctrinal et moléculaire. La charpente osseuse de ce gentil professeur de droit constitutionnel dans une petite Université américaine se rend maintenant à l'église catholique plantée tout près de la Maison Blanche, alors qu'il était encore un presbytérien de la tête aux pieds l'an dernier. Mais, à l'instar de toute la classe dirigeante de l'Amérique des corps, il ignore à quelle mythologie religieuse mi-incarnée et mi-cérébralisée il accorde désormais son adhésion à la fois séraphique et musculaire; car il s'imagine que la difficulté tient seulement à une divergence doctrinale en voie d'aplanissement entre le Saint Siège et le parti démocrate sur l'opportunité du sacrifice des embryons. Les grossesses sont-elles plutôt cellulaires ou plutôt théologales? Gaza est-il un fœtus mort-né ou une âme résurrectionnelle de la politique internationale?

Ah! comme tout se tient dans la radiographie anthropologique des sacrifices ! M. Mitchell croit s'engager dans des négociations diplomatiques certes difficiles, mais dont il connaîtrait les clés mentales et qui ressortiraient aux mêmes apories décryptables que celles avec lesquelles M. Obama croit jongler, les deux parties "chérissant leur religion" tant conceptualisée que trucidatoire, comme on chérit ses biens, sa femme, ses enfants et le climat de la région. Et voici que la querelle sur les chromosomes des meurtres immolatoires se pose au sein des démocraties du mythe de la Liberté, de sorte que la question est de savoir qui tient le couteau des sacrifices par le manche, le prêtre ou l'Etat. Et voici que la querelle des investitures du Moyen Age ressuscite sous des traits nouveaux. Et voici que l'anthropologie critique couche la nouvelle querelle des universaux sur la table de dissection; car elle se demande quelle est l'universalité triomphante ou en perdition de la parole habilitée à raconter les autels et à regarder les dieux avec des yeux nouveaux, quelle est l'histoire du monde qu'attend l'encéphale des évadés actuels de la zoologie.

Car il est maintenant révélé que les religions ne sont pas des objets à "chérir" confusément ; il est annoncé qu'elles mettent le corps et la tête du croyant en possession de la portion ancestrale et atavique de l'encéphale à la fois embrumé et sanglant des fuyards de la horde primitive.

Pauvre chef d'Etat que celui dont la connaissance pseudo scientifique du cerveau simiohumain remonte au XVIIIe siècle, pauvre M. Mitchell, qui se prend pour Machiavel, Talleyrand ou Vergennes réunis face à une guerre des totems dont la connaissance physiologique et cérébrale demande rien de moins que le futur déchiffrement de la matière grise originelle d'une espèce demeurée semi-animale! Comment juger un chef d'Etat dont la piété de convention ignore tout de la postérité de Darwin et du débarquement sacrilège de la simianthropologie critique dans la politique et dans l'histoire?

Voir - Lettre ouverte à Jean-Luc PUJO, Président des clubs "Penser la France" , L'arme nucléaire et l'anthropologie critique du XXIe siècle, 1er février 2010

Mais il est difficile de lui en faire grief dans une civilisation du sang séché des autels dont la science de la mémoire est tombée entre les mains d'un faux séraphin de la Maison Blanche d'un côté et dans celles des archivistes, des mémorialistes et des chroniqueurs, de l'autre, comme les historiographes émaciés d'Athènes et de Rome avaient succédé aux physiologues des crimes de l'Histoire, les Thucydide et les Tacite.

8 - Se colleter avec la vie onirique de l'Histoire

Et pourtant tout est prêt pour qu'une pesée anthropologique de la conque sommitale des chefs d'Etat fasse ses premiers pas. Saluons un précurseur, M. Trevor Roper. On sait que cet historien anglais avait tenté d'observer les relations toujours sporadiques et fluctuantes que les élites dirigeantes des nations dites civilisées entretiennent par instants avec les avant-gardes éphémères de la raison de leur temps; et, à ce titre, son mérite fut grand de souligner qu'au XVIIIe siècle, ce miracle, certes de courte durée a néanmoins permis aux encyclopédistes de faire progresser la pensée critique à l'échelle du monde de l'époque.

M. Trevor-Roper a partiellement théorisé une observation de M. Dodds, qui avait remarqué que notre espèce est la seule à vivre dans deux mondes à la fois, mais qui avait échoué à étudier leur mélange sanglant et la nature de leurs relations meurtrières (E.R. Dodds, Professeur à l'université d'Oxford, Les Grecs et l'irrationnel, Berkeley 1959). Il en est de même de Paul Veyne, Professeur au Collège de France, (Les Grecs croyaient-ils en leurs dieux), qui remarquait que les convictions religieuses ne débarquent pas dans la vie quotidienne de la piété: les Dorzés sont convaincus que les léopards jeunent le vendredi, parce qu'il est avéré que ces fauves se sont convertis à l'irénisme bon teint du christianisme, ce qui n' empêche en rien cette tribu de mécréants de protéger tous les jours leurs troupeaux des crocs du pieux animal.

Naturellement, il faut citer Oswald Spengler (Le déclin de l'Occident) et Ernst Kantorowicz (Les deux corps du roi) parmi les précurseurs du débarquement de l'étude des imaginaires pseudo pacificateurs dans une science historique soucieuse de comprendre réellement des évènements anthropologiques par nature, donc sanglants, auxquels les religions offrent les planches de leur théâtre et les ressources de leur mise en scène - mais, dans le même temps, on voit qu'il est impossible à un historien de profession d'entrer en philosophie sans changer radicalement de discipline scientifique. Le "Je pense donc je suis", de Descartes se trouve chez saint Augustin, mais la théologie ne saurait en tirer "Le discours de la méthode", parce qu'il faut changer de problématique pour en traiter, c'est-à-dire déposer le verbe comprendre sur un autre échiquier. L'anthropologie critique dépose la politique et l'Histoire sur l'échiquier du sang.

9- Gaza et la guerre des imaginaires

De nos jours, la tétanisation intellectuelle de la politique internationale résulte encore de ce que la connaissance des secrets religieux du blocage interne du "problème israélo-palestinien", comme on dit, n'est pas à la portée d'une politologie cérébralement aussi désarmée face à l'interprétation des offertoires que celle du Moyen Age, faute, comme il est rappelé plus haut, qu'elle dispose d'une anthropologie des sacrifices de sang digne de la postérité encore à défricher de Darwin et de Freud; mais la paralysie contemporaine des sciences humaines à l'échelle de la planète des immolations se révèle providentielle à sa manière, parce que l'étude psychobiologique de "l'eucharistie politique" des peuples se conjuguera avec le scannage des racines, déistes à leur tour, du mythe pseudo-irénique de l'incarnation de leur destin, donc de la transcendance des valeurs dont le droit international public se révèle porteur; car les lois se placent sur le même terreau évangélisateur que les mondes oniriques de la foi.

C'est pourquoi le sacrifice de Gaza se révèle le paradigme des relations que le simianthrope entretient avec son corps et son ciel, ainsi que des tractations qu'il mène afin de satisfaire les alliances éphémères et bancales qu'il ne cesse de conclure entre ses mondes surréels et sa chair mortelle. C'est dire que l'impossibilité de jamais légitimer, tant aux yeux des jurisconsultes purs que dans l'ordre d'un sacré substantifié par le mythe chrétien de l'incarnation de l' "absolu", l'impossibilité de jamais légitimer le retour corporel du peuple hébreu sur les terres que ses ancêtres occupaient, croient-ils, deux millénaires auparavant, cette impossibilité, dis-je, illustrera un divorce et un parallélisme tous deux saisissants entre l'esprit juridique des Romains et l'esprit cosmologique des Hébreux.

Car, d'un côté, les valeurs qualifiées d'universelles et réputées transcendantes au monde des meurtres sacrés se voient servies au mieux, croit-on, par les idéaux de la démocratie irénique mondiale; de l'autre, leur vertu se réclame à titre psycho-somatique du retour à une éthique du sang de l'incarnation. Ces deux instances se trouvent donc en rivalité, si je puis dire; et, à ce titre, c'est à leur corps défendant qu'elles démontrent leur incohérence à prétendre fonder la souveraineté angélique d'un peuple sur le vol à main armée des trois quarts du territoire de ses voisins : les apanages séraphiques d' "Allah" et de "Jahvé" jurent avec une logique de sanglants pilleurs. C'est rappeler qu'une politologie fondée sur une connaissance anthropologique des sacrifices de sang élabore une cohérence mentale nouvelle et qui va servir de balance à peser la vie cérébrale antinomique des offertoires dont témoignent des hommes d'Etat dichotomisés à leur tour et donc spoliateurs-nés, mais condamnés sous les dehors de la piété démocratique mondiale, à se colleter avec leurs dévotions. Leur cerveau idéalisé se présente en interlocuteur de leurs sacrifices de sang. Telle est la portée intérieure du mot de Cicéron : "Ah ! qu'il est difficile de feindre sans cesse la vertu!" que j'ai placé en exergue de cette réflexion.

Mais on n'avait jamais vu une civilisation entière appelée à peser la logique contradictoire d'une espèce viscéralement livrée à ses piétés biphasées, donc à prendre conscience du déséquilibre neuronal des hommes d'Etat. Si Périclès, Trajan, Hadrien, Marc Aurèle ont mérité le double titre de civilisateurs et de conquérants, ce n'était pas encore au nom du chaos qui commande le "surnaturel" sanglant du genre humain. Une espèce dichotomisée par ses autels se voit transporté dans une symbolique meurtrière.

10 - Guantanamo et le Moyen Orient

La pesée anthropologique de la politique à la fois universalisante et schizoïde d'un Barack Obama censé s'opposer aux tortures policières à Guantanamo va illustrer les mêmes apories que son diagnostic des causes de la guerre israélo-palestinienne . Car les deux théâtres d'une histoire qui scinde le sanglant entre le spatial et le mythique ressortissent à une radiographie critique des univers mentaux dédoublés par le meurtre sacré dont le simianthrope s'alimente de naissance. Toutes les cultures se révèlent à la fois logophores et carcérales. L'encéphale biphasé de notre espèce les sécrète et les emmêle depuis des millénaires.

Mais alors qu'au Moyen Orient, la geôle demeure construite sur l'aporie de valider une espèce de justice et de droit idéalisés de conserve et dont l'orthodoxie des démocraties se réclame - alors que ces instances contrefaites entendent légitimer la scission sanglante d'une nation au profit d'un prédateur armé de la massue de son mythe du salut et de la rédemption - à Guantanamo, en revanche, nous retrouvons l' aporie de la séparation entre deux territoires d'une seule et même pseudo légitimation de l'arbitraire: il s'agit du viol des principes planétaires dont se réclament une justice et un droit tartuffiquement tenus pour universels. Quelles sont les relations sacralisées et prétendument vertueuses que les enclos d'un droit profané ab ovo entretiennent avec leur propre gangrène? Car leur orthodoxie affichée fustige en secret leur pestifération générale.

Exemple: on sait que M. Barack Obama prétend avoir fermé à double tour les portes de fer de l'Hadès microscopique de Guantanamo, puisque les condamnés hurlants dans cette géhenne et dont on aura extorqué les aveux sous la torture purgeront leur peine loin du territoire de leur première damnation, et cela à la faveur de leur enfermement dans un petit Eden flambant neuf, mais quasiment désert - un pénitencier situé dans le Montana. Mais pourquoi le Sénat n'a-t-il pas accepté le principe du pieux déplacement des hérétiques de telles geôles dans telles autres plus ripolinées que les précédentes? C'est que les nouveaux lopins de l'absolu seront maculés par l'arrivée des coupables.

Et pourtant, à ma connaissance, même à Guantanamo, on ne torturait pas les détenus tout au long des années de l'interminable expiation de leurs crimes ; le châtiment est rédempteur par nature, de sorte que, de toutes façons, la "démocratie de la justice" consent à délivrer les malheureux de la maltraitance physique au cours de leurs années de rachat; et cette grâce ne dépend en rien de leur transport sur un sol vierge du péché originel.

Quelles sont donc les raisons anthropologico-religieuses qui rendent inacceptable aux yeux du Sénat d'un Etat tenu à la fois pour rationnel et pour édénique le transport légal et pourtant jugé maléfique des coupables dans un pénitencier réconfortant en principe, puisque destiné à les conduire tout droit au salut alors que de toutes façons, la chute de leurs chaînes se trouve acquise tant en droit qu' en fait sur les deux territoires successivement réservés à leur purgation?

Il est vrai qu'ils sont rares, les cas où la durée de la peine physiquement encourue ne dépasserait pas celle de la vie des âmes sur cette terre : on sait que les condamnations pieusement prononcées par les tribunaux américains sont largement posthumes, donc théologiques par nature et qu'elles peuvent étendre à trois siècles la faculté accordée à leurs cadavres de grignoter dévotement leur éternité. La législation pénale du mythe de l'incarnation poursuit la logique de sa piété jusqu'au royaume des vers.

11 - Les chromosomes des hérésies

Pour percer cette énigme, il faut savoir que la pestifération qui émane des corps ensorcelés par le Mal se révèle aussi contagieuse que le péché originel, dont les juifs, les chrétiens et les musulmans paieront le tribut jusqu'à la consommation des siècles. On suppose donc que la damnation pollue l'atmosphère sous la forme de germes insidieusement semés par le Démon. Comme au Moyen Age, on se persuade que les chromosomes des hérésies demeurent longtemps en suspension dans l'air, puis s'attaquent physiquement aux cellules des organes nés sains et honnêtes des citoyens américains. Pour combattre une épidémie menaçante pour la survie musculaire de la nation, il faut décrypter l'inconscient politico-religieux du Sénat à la lecture de Dieu, l'Amérique et le monde de Mme Madeleine Albright, antépénultième Secrétaire d'Etat de l'Empire - et membre du parti démocrate de surcroît.

- Voir : La diplomatie américaine et la religion A propos de Dieu, l'Amérique et le monde de Mme Madeleine Albright, ex-ministre des affaires étrangères des Etats-Unis , 17 novembre 2008

Comment se fait-il que, bien antérieurement au 11 septembre 2001, le calvinisme du Nouveau Monde a engendré le même ensorcellement bactérien des esprits, les mêmes terreurs irraisonnées, la même interprétation magique de l'histoire des ossatures et des esprits que le catholicisme du Moyen Age ? Guantanamo et ses chambres de torture achèvent de démontrer, s'il en était besoin, que seule une anthropologie en mesure de radiographier le dogme de l'incarnation du Mal et transcendante à la diversité apparente du contenu littéral des théologies du péché et de la damnation permettra de descendre dans les entrailles du culte et des sacrifices inscrits dans la sanglante postérité de la terreur de l'an mil et d'expliquer la nouvelle hypertrophie des autels de la rédemption sous les coups de semonce des catastrophes dont un Déluge meurtrier avait pourtant fourni une illustration tenue pour indépassable de la sainteté de sa justice divine.

12 - Le Moyen Orient, le catastrophisme religieux et le mythe de la purification du monde

Les malades de Guantanamo souffrent de la même damnation d'origine sacrée que celle censée propager ses microbes dans tout le Moyen Orient, où Israël a grand besoin de s'auto angéliser à nouveaux frais sur l'autel de la guerre, donc de purifier son ego sacrificiel - et cela sur le même modèle que les Etats-Unis. C'est que la cohérence mentale des deux peuples élus est viscéralement de nature à la fois salvatrice et expiatrice. A ce double titre, la purification punitive est constitutive de leur identité tout ensemble nationale et apocalyptique - on sait que l'Apocalypse est l'ultime étape de la purification mythologique par le relais du châtiment des nations, donc la dernière révélation de leur gloire dans une immortalité posthume livrée tour à tour aux félicités du royaume des cieux et aux tortures éternelles. Aussi l'existence musculaire d'un Etat palestinien qui se trouverait pleinement légitimé, tant à titre religieux et juridique que cellulaire aux côtés d'Israël serait-elle une profanation, donc un sacrilège de nature à mettre l'inlassable auto-purification nationale et guerrière du peuple hébreu psychiquement et physiquement en péril.

Cet Etat a besoin de se soustraire au profane, et cela sur le modèle de la catharsis politique que son tuteur américain met en scène depuis deux siècles sur un théâtre où sa souffrance pour le salut du monde lui donne la gloire commune aux armes et à la foi. Il y faut une sacralisation à la fois élévatoire et sado-masochiste de l'avènement de la démocratie mondiale sur la terre, il y faut un inconscient religieux et national de type vétéro-testamentaire, il y faut une théologie où le temporel sert d'instrument de démonstration spectaculaire et rentable du divin; il y faut une purgation inlassablement appelée à protéger un surmoi patriotique menacé par le péché et qu'on veut rendre séraphique sur le modèle de l'idéalisation guerrière du surmoi collectif il y faut, enfin, le creuset du mythe, schizoïde à son tour, d'une Liberté salvatrice. Cette auto-glorification rédemptrice et cette lutte contre une contamination mentale à laquelle les autres peuples de la terre se voient également exposés, mais à des degrés divers, ont trouvé dans un calvinisme à la fois masochiste et hautement payant une formulation, qui a permis à l'accumulation béatifiante des richesses due à l'industrialisation intensive des modernes de substituer un modèle avantageux d'auto-sanctification aux gestes mal rémunérés de la piété romaine . Le prêtre catholique bénissait et payait d'un même mouvement; le calviniste, lui, dispose, comme le peuple hébreu et comme l'Amérique tout entière, des preuves tangibles de la grâce divine sur une vaste étendue où l'argent-roi vérifie tout ensemble les largesses de Jahvé et l' élection pleinement réussie de son peuple.

La radiographie anthropologique des profits que le monothéisme vétéro-testamentaire, puis chrétien et musulman attribue à titre de preuves aux croyants méritants révèle que les récompenses célestes sont toujours enracinées dans une psychophysiologie des dévotions tenues pour démonstratives par les fidèles, ce qui conduira la politologie moderne à la connaissance anthropologique et rationnelle des Eden cérébraux sur lesquels reposent encore de nos jours les sacrifices sanglants : simplement, ce sont les Etats démocratico-purificateurs qui les offrent maintenant à leur propre vocation auto-sanctifiante. Leurs autels sont ceux qu'ils dressent à leurs propres idéaux de conquérants et de purificateurs associés. Il en résulte que les hommes d'Etat de notre temps se trouvent aussi inconsciemment ligotés à leur mythologie du salut de la planète dont ils se trouvent investis par la médiation de la démocratie messianique et sous les bandelettes des vertus politiques issues de la révolution rédemptrice de 1789 qu'ils se trouvaient ficelés, hier encore, au sceptre de l'exorciste en chef de l'univers, le détenteur de la foudre de l'excommunication majeure des rois et des empereurs dont le Saint Siège brandissait la fulmination exterminatrice au-dessus de toutes les têtes.

13 - Hommage à E.R. Dodds

Chassons de ces lieux la souillure que symboliserait un débarquement même au compte-gouttes, des otages de Satan dans l'Eden; rejetons l'extraction dangereuse de leurs prisons des damnés de Guantanamo; fuyons le péril de les laisser purger leur damnation sur un territoire préservé du péché originel; conjurons la menace de leur irruption contaminatrice de la patrie d'Abraham Lincoln; effaçons cette salissure potentielle du paradis de la démocratie mondiale. On comprend à quel point l'existence corporelle d'un Etat palestinien nocif à ce point aux côtés des justes serait incompatible avec la prévention de salissures. Cette évidence est demeurée l'assise anthropologique la plus fondamentale et la pierre angulaire de la psychophysiologie biblique commune aux Etats-Unis et à l'autre "peuple élu".

Comme il est dit plus haut, je poursuivrai, le 28 mars, l'analyse anthropologique de la théologie du salut par la médiation du verbe démocratique. Il y sera question de l'expérimentation "théologique" des évènements chronométrables sur le terrain et le calendrier à la main, donc de la signification historique et politique du mythe chrétien de "l'incarnation de la vérité" par la volonté expresse d'un démiurge.

En 1959, E.R. Dodds écrivait déjà: "La branche spéciale de la magie qu'est la théurgie a été assez négligée et demeure imparfaitement comprise." (p. 279) C'est le moins qu'on puisse dire ! Mais les grands esprits lancent des éclairs dont ils ne mesurent pas la portée : l'honnête professeur de grec d'Oxford ne se doutait pas que si toutes les religions sont nécessairement des théurgies, l'approfondissement de la notion de magie conduit à la découverte de l'âme d'une histoire ensorcelée par nature. Soixante ans plus tard, une gigantomachie entre deux théurgies construites sur le même modèle anthropologique se révèle la clé du conflit entre les offertoires au Moyen Orient. L' essai de Dodds intitulé Les Grecs et l'irrationnel, traduit en 1965 aux éditions Montaigne et chez Flammarion en 1977, mérite une relecture sous le titre Le monde moderne et l'irrationnel. Il sera intéressant d'observer comment le peuple de Jahvé vérifiera la signification sanglante du rêve que symbolise la théurgie de la Croix.

Publié le 21 mars 2010 avec l'aimable autorisation de Manuel de Diéguez

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Source : Manuel de Diéguez
http://www.dieguez-philosophe.com/


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