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Regards sur le Proche et le Moyen Orient

Israël et le syndrome d'Esther
Un tournant dans la politique mondiale
Manuel de Diéguez


Manuel de Diéguez

Dimanche 18 mars 2012

 

1 - L'œil et l'écran
2 - A l'ombre d'un exterminateur
3 - L'histoire est un perpétuel recommencement
4 - Un peuple mythologique
5 - Le Livre d'Esther de la planète
6 - L'avenir de la plume
7 - Les intelligences auto-sacrificielles
8 -L'âge post nucléaire
9 - L'avenir cérébral d'Israël

1 - L'œil et l'écran

Les grands tournants de la politique internationale répondent à des mutations du regard que la raison globale d'une époque porte sur son temps et dont les Etats ne sont jamais que des médiateurs sourds et tardifs. En ce début du XXI siècle, on assiste à une métamorphose rapide, mais encore secrète des écouteurs et des appareils de prise de vues. Le meilleur exemple de cette métamorphose de l'œil de la caméra en est un récent article du Spiegel signé de Mme Juliane von Mittelstaedt, qui renonce purement et simplement à l'écran et à l'ouïe convenus afin de raconter sur un ton nouveau la rencontre décisive du 5 mars entre M. Barack Obama et M. Benjamin Netanyahou à Washington. Il s'agit d'emprunter l'allure détachée du récit historique et de narrer la scène en spectatrice tour à tour poliment attentive et moqueuse. La conteuse ne se met ni à l'école de la nouvelle kafkaïenne, ni du romancier ciseleur de personnages attirants, ni du dramaturge tendu ou glacé, ni d'un Molière des rencontres diplomatiques rieuses et correctement habillées. Et pourtant, le tournant est pris: le globe oculaire de la journaliste de talent est devenu un appareil d'enregistrement digne d'inaugurer un genre littéraire à mi-chemin entre la chronique et la fresque.

C'est que les métamorphoses soudaines des rétines font changer de marque de fabrique aux capteurs du temps aveugle des nations. On avait passé du télescope de Bossuet à la lentille des microscopes. Mais cette fois-ci, la description allègre et de bonne tenue fait débarquer l'acteur comique, le théologien, le prêcheur et l'impresario dans le pilotage d'une planète placée entre le gouffre de la platitude et celui de l'utopie. Du coup, un contraste angoissant apparaît entre le récitatif superficiel des diplomates, des économistes ou des stratèges, d'une part, et le tragique des enjeux mythologiques de la politique internationale, d'autre part. La science historique au jour le jour des narrateurs de catastrophes s'est agrémentée de couleurs vives; quant aux relations amusantes ou sous tension apocalyptique entre les Etats, elles donnent un voltage balzacien aux minutieux agendas de la folie du monde.

2 - A l'ombre d'un exterminateur

Juliane von Mitteltstaedt raconte tranquillement que des milliers de membres fervents du principal groupe de pression et de compression israélien domicilié aux Etats-Unis et régi par le droit civil américain, mais entièrement au service d'une nation étrangère, ont accueilli avec des cris jubilatoires le discours d'un illustre visiteur, M. Benjamin Netanyahou, qui avertissait solennellement le gouvernement des Etats-Unis que l'Iran avait programmé un second holocauste du peuple juif.

L'auteur adopte l'ampérage du portraitiste d'un personnage qu'elle peint sur le vif. M. Benjamin Netanyahou n'affectionne rien davantage, écrit-elle, que de monter sur les planches devant treize mille juifs américains sagement assis devant lui, mais tous "fanatiques d'importation" de l'Etat d'Israël. Le célèbre "comité des affaires internationales communes à Israël et à Washington" permet au Premier Ministre de l'Etat juif de se sentir "l'ombre portée" du Président des Etats-Unis sur la scène du monde. A cette occasion, il aime baisser le ton de sa voix et afficher son meilleur accent de la côte ouest. Quelques instants plus tôt, l'autre locataire de la planète des désastres, un Obama encore souriant avait annoncé face aux enregistreurs de l'histoire universelle que M. Benjamin Netanyahou et lui-même préféraient appliquer le remède d'une réponse diplomatique à l'Iran. Et maintenant, M. Benjamin Netanyahou affirmait, la bouche en cœur, n'avoir jamais rien dit de tel, et que, pour cette raison, il saisissait l'occasion de ses adjurations médicales à la communauté juive américaine pour réfuter deux lectures fautives de l'état du malade et de la gravité de la contagion dont il menaçait l'univers. Premièrement, l'hérésie selon laquelle l'Iran serait mis à genoux par la thérapeutique de rebouteux que la diplomatie mondiale appliquait à ses maléfices et secondement, l'hétérodoxie selon laquelle un Iran armé du feu satanique n'illustrerait pas nécessairement la morbidité la plus incurable du genre humain: "Nous ne pouvons plus attendre, s'est-il écrié. Comme Premier Ministre d'Israël je ne puis tolérer que mon pays vive à l'ombre (unter dem Schatten) de son exterminateur."

3 - L'histoire est un perpétuel recommencement

L'austère promeneur au bord du cratère a cité un échange de lettres dont la copie ne quitte jamais son bureau: en 1944, le Comité mondial juif de l'époque avait demandé instamment au gouvernement américain de bombarder Auschwitz. Cinq jours plus tard, la Maison Blanche avait répondu que cette attaque pourrait déclencher une réaction encore plus vengeresse "des Allemands". Alors, le dramaturge de la mort affectionne de mettre en scène une pause vocale bien connue des grands orateurs. Puis il regarde longuement la foule et reprend, sur le théâtre de sa voix: "Représentez-vous bien cela, une réplique encore plus vengeresse que l'holocauste!"

Pour le Cicéron de la Judée, l'Iran inguérissable d'aujourd'hui n'est autre que l'Allemagne d'hier, pour l'Hippocrate du Moyen Orient, l'holocauste menace de nouveau Israël, pour l'Isaïe du gouffre, l'Amérique contemporaine déclare une seconde fois que la "peur des conséquences" l'empêchera de frapper la peste et le choléra! Chaque fois que M. Benjamin Netanyahou évoque l'Iran, raconte la journaliste, "l'holocauste est présent" dans son esprit. C'est pourquoi Israël doit se défendre tout seul et à n'importe quel prix. Et puis, enchaîne le nosologue de l'Islam, le 8 mars commence la fête glorieuse du Pourim, qui rappelle qu'il y a deux millénaires et demi, le Premier Ministre du roi de Perse, un certain Haman, avait programmé l'assassinat en une seule journée de tous les juifs du pays. Aujourd'hui, voici qu'à nouveau un "antisémite perse" conteste le droit d'Israël d'en appeler à la force des armes pour occuper la Cisjordanie: "A chaque génération, s'écrie l'orateur, il existe des gens qui veulent anéantir le peuple juif".

C'est pourquoi, poursuit la narratrice, il faut demander à M. Barack Obama de se souvenir de tout cela : " Moi qui vous parle, je lui ai envoyé, il y a quelques jours, une édition du Livre d'Esther. Alors l'assemblée tout entière se lève pour une longue ovation. Mais ce que les deux chefs d'Etat se sont dit sans témoins au cours d'un entretien de deux heures demeure un secret d'Etat dont je réserve plus loin la primeur à mes lecteurs.

4 - Un peuple mythologique

Quelle fut, au cours du combat, la gestuelle des deux lutteurs? Un an auparavant, M. Benjamin Netanyahou avait donné une leçon d'histoire juive au Président Obama, dont une main s'était crispée sur l'accoudoir de son siège. Cette fois-ci, les observateurs ont remarqué que le bras gauche du Président reposait de nouveau sur l'accoudoir, mais que l'autre s'appuyait sur sa jambe droite et qu'il s'était calé contre le dossier de son fauteuil. Tout le monde sait à la Maison Blanche ce que signifie cette attitude: le Président se met sur la défensive.

Comment faut-il interpréter le débarquement de la description minutieuse du greffier dans le récit journalistique de haut vol? On rencontre à foison des récits amusés de ce genre dans les Mémoires de Talleyrand, dans les Mémoires de sainte Hélène ou dans les Mémoires du duc de Saint-Simon. Mais cette fois-ci, il s'agit de tout autre chose: il est soudainement devenu spectaculaire que l'histoire filmée de la planète des incurables est bel et bien entrée dans une dramaturgie cinématographique du fantastique, du fabuleux et du délirant, il est devenu criant que les hallucinations théologiques du peuple juif demeurent nourries de la mythologie de la terre promise et que le terreau eschatologique des textes sacrés de cette nation devient un acteur physique sur l'astéroïde des "étranges lucarnes".

5 - Le Livre d'Esther de la planète

Supposons que le président du plus puissant empire sotériologue du monde se serait mis en tête de mener des négociations diplomatiques décisives avec le seul rival d'une taille rédemptrice comparable à la sienne et dont la croissance doctrinale menacerait son hégémonie d'un demi-siècle sur la planète entière du salut, j'ai nommé la Chine. Supposons non seulement que l'empire du Milieu ne soit pas près de s'en laisser compter, mais qu'en raison de sa corpulence et de l'immensité de sa population, il aurait si bien truffé Washington de milliers de ses agents confessionnels qu'il serait parvenu à acheter en sous-main et une par une les voix des représentants du peuple américain à la chambre des représentants et au sénat, de sorte que tous les membres de l'appareil législatif de son interlocuteur seraient tombés entre ses mains et se trouveraient stipendiés sur l'escarcelle de l'empire du Milieu.

Supposons ensuite que le Premier Ministre de la Chine s'adresse en baryton et de sa propre autorité à un Congrès américain attaché aux cordons de la bourse de Pékin afin de dicter à son hôte les conditions sine qua non d'un futur accord sur l'interprétation commune aux deux Etats du contenu actuel du Livre d'Esther. Supposons que la proposition théologique de l'empereur de Chine soit saluée par cinquante sept ovations debout et que le Président des Etats-Unis en aurait été non seulement affaibli devant le Concile mondial des droits de l'humanité, mais ridiculisé sur la scène internationale de la délivrance. Supposons que le souverain du Sanhédrin chinois aurait, en outre, admonesté crûment le maître de maison devant des milliers de vrais Chinois devenus des citoyens américains garantis et demeurés des serviteurs attestés de Pékin de la tête aux pieds. Supposons que cette phalange de dévots de Confucius et de Lao Tseu serait devenue le vrai souverain du Nouveau Monde.

Dans ce cas, vous direz-vous, il faudrait se demander quel serait l'objet des négociations apostoliques entre le géant et le nain. Et l'on trouverait des raisons de se rassurer au ciel et sur la terre: le Chinois ne piloterait, dirait-on, qu'un seul porte-avion, un rafiot racheté à l'Ukraine au prix de la ferraille à la casse et demeuré longtemps en cale sèche, tandis que le Gulliver des mers se serait fabriqué douze de ces messies d'acier, dont l'un de trois cent trente trois mètres de longueur et de soixante dix mètres de largeur, ce qui en ferait une île ronde de cent quatre-vingt quatorze mètres de diamètre, de huit cent six mètres de circonférence et d'une surface de deux hectares un tiers.

Quand deux Cyclopes de leurs Evangiles respectifs comparent leur ossature leur envergure et leurs Ecritures, la Chine a beau compter des centaines de milliers d'agents du dragon sur toute la terre habitée et au sein de toutes les nations du globe terrestre, elle ne mérite qu'un haussement d'épaules du roi des arsenaux. Israël, en revanche, c'est une autre paire de manches: si ce géant biblique partait en guerre contre Lucifer en Iran, si l'Iran ensorcelait le détroit d'Ormuz, si le prix du pétrole s'élevait à la hauteur de l'Himalaya, si l'or des pécheurs flambait à Lilliput, si la Chine, l'Inde, la Russie, le Brésil, l'Afrique du Sud et demain l'Amérique du Sud s'enflammaient et refusaient à leur tour de lire le bréviaire de M. Benjamin Netanyahou, ne faudrait-il pas se demander quels sont les gènes et les neurones des lecteurs du Livre d'Esther sur la mappemonde pour que, de tous temps et en tous lieux, ce peuple singularise les chromosomes de son orthodoxie à l'écoute du mythe qui le propulse dans les cieux et le ligote à quelques arpents mythiques sur la terre.

Par bonheur, nous entrons dans un monde halluciné, ahurissant et fantasmagorique. Il devient nécessaire de lever nos nasaux de dessus nos herbages et de nous demander quel fourrage nous broutons sur les vastes pâturages du Livre d'Esther.

6 - L'avenir de la plume

Combien de temps les Etats modernes mettront-ils à prendre pleinement conscience et à tirer en toute logique les conséquences d'un bouleversement de cette taille de la carte cérébrale du monde ? A nouveau et tout subitement, le destin de l'humanité se révèle eschatologique. Quand les dirigeants que le suffrage universel aura portés à la tête de la sotériologie démocratique auront intériorisé et assimilé l'évidence qu'Israël est parvenu non seulement à se caler dans le fauteuil de l'histoire messianisée de la planète, mais à contrôler la rotation du globe terrestre sur l'axe de l'apocalypse, il faudra bien que l'humanité découvre qu'elle s'appuie au dossier du seul confessionnal du globe terrestre. Cette attitude, que j'ai brièvement évoquée plus haut, donnera au génie littéraire un essor dont les millénaires écoulés ne sauraient fournir aucun exemple; car si, trois siècles après Voltaire, l'humanité redevient à elle-même un personnage théologique et que téléguident ses rêves sacrés, il faudra scanner la puissance de propulsion irrépressible d'un animal doctrinal; et il deviendra immense, le territoire que le désert de l'ignorance à défricher ouvrira aux génies de la plume.

Car, pour la première fois, on verra comment le monopole des trois dieux auto-proclamés uniques tient entre ses mains les rênes d'une espèce affolée, pour la première fois, le dramaturge et le romancier peindront des personnages sanglants et pourtant angéliques d'apparence ; et ils les verront tituber dans les nues et dans tous les cerveaux des fuyards embryonnaires de la zoologie. Quel éclairement que d'observer les viscères d'une espèce née démente, quelle lumière que le débarquement dans le vide d'un bimane effaré et en proie au vertige de l'immensité ! Pascal et ses épouvantes paraîtra un enfant au berceau, Shakespeare et ses balances du destin un apprenti de village, Sophocle le visionnaire un gentil metteur en scène du destin d'Œdipe face à un peuple de Jahvé dont les yeux crevés raconteront à nouveaux frais l'histoire de la folie du monde.

7 - Les intelligences auto-sacrificielles

La seconde révolution de la pensée découlera de la nécessité de porter la raison de demain à la hauteur du cataclysme qui aura frappé le genre simiohumain d'une cécité d'un genre nouveau. Car enfin, tout le monde voit de ses yeux grands ouverts et à la simple écoute de son bon sens politique que l'Iran ne saurait exterminer un Etat qui dispose déjà, lui, de l'arme d'une apocalypse de la sottise. Le suicide à deux demeure réservé aux amoureux.

Du coup, la philosophie deviendra nécessairement une méta-psychologie des théologies, une anthropologie transcendantale des orthodoxies, une observatrice de l'animal embrumé dont les classes dirigeantes n'auront pas osé ouvrir les yeux sur le titanesque simulacre d'un péril imaginaire. Mais il faut croire que M. Benjamin Netanyahou récite pieusement l'histoire des évadés partiels de la zoologie telle que le Livre d'Esther la lui raconte; et M. Barack Obama ne trouve d'autre réponse que de crisper une main sur l'accoudoir de son fauteuil, tellement la pauvreté intellectuelle et l'ignorance des fils d'Adam interdit aux philosophes, aux anthropologues et aux scrutateurs de la matière grise de cette espèce de rédiger des diagnostics irréfutables de leur folie, de les clouer en gros caractères sur les portes des nations et de les faire adopter à mains levées par la communauté médicale de la planète.

Mais il y a pire: s'il est évident que le programme nucléaire de l'Iran occupera le centre théologique d'une histoire du monde racontée aux enfants, s'il est évident que la démocratie mondiale verra sombrer ses idéaux au spectacle des assiégés de Gaza et de l'expansion d'une prétendue civilisation dite de la liberté et de la justice au Moyen Orient, s'il est évident que la religion des droits universels de l'humanité ne pourra demeurer celle de centaines de millions de bras croisés face à son propre naufrage en Cisjordanie, il faudra bien que la psychologie et la psychogénétique modernes se décident à approfondir leur enquête afin de répondre à un défi vieux de vingt-cinq siècles, celui du "Connais-toi" qui a fait basculer à jamais la sottise du côté du plus grand nombre et le savoir du côté de l'individu auto-sacrificiel.

8 -L'âge post nucléaire

La raison terrestre n'aurait-elle plus rien à dire ? Faudra-t-il remplacer Le Prince de Machiavel par le Livre d'Esther, Clausewitz par l'Apocalypse faussement attribuée à Saint Jean et le Discours de la méthode de Descartes par l'écoute de M. Benjamin Netanyahou, le prophète de la terre promise à Israël par une communauté démocratique mondiale en prières?

Non, l'histoire réelle s'est seulement mise en veilleuse, mais elle monte la garde dans l'ombre. L'histoire réelle est une sentinelle rebelle aux prêches dont débordent les cosmologies dévotes. Le 6 mars, le général Mattis, chef du commandement unifié central américain et le 7 mars le général Dempsey ont déclaré au Congrès que, pour la première fois, une intervention militaire, pourtant toute symbolique, si je puis dire, celle de la Russie en Syrie et en Iran, impose en retour aux conquérants du Nouveau Monde de renoncer purement et simplement à la force armée dans toute cette région du globe. Pourquoi le Pentagone constate-t-il qu'il a atteint les frontières de sa sainteté militaire et que ce barrage est imposé à son glaive par la technologie la plus récente de la Russie, pourquoi, cette fois-ci, la guerre de Troie n'aura-t-elle pas lieu, pourquoi l'Iran poursuivra-t-il tranquillement sa randonnée vers une souveraineté nationale fondée sur le nucléaire guerrier dont Israël jouit depuis plus de trente ans? Parce que le Kremlin dispose maintenant d'armes dissuasives réelles, donc de type classique et qui suffisent à dissuader tout agresseur.

Il s'agit du tournant le plus décisif de l'histoire du monde depuis la bombe d'Hiroshima, parce que tous les Etats croyaient que l'arme nucléaire était dissuasive par nature et par définition et que l'Iran ne deviendrait inattaquable qu'à l'heure où il disposerait, lui aussi, de l'arme céleste des modernes, celle qui copiait le modèle onirique fourni par l'excommunication théologique du Moyen Age. Et voici que l'arme thermonucléaire se révélait aussi inutilisable que celle de l'Eglise, et voici que les armes dites conventionnelles prennent leur revanche sur celles de la foi sottement suicidaire, et voici que la mécanique rejoint la dissuasion utile, réaliste et qui décourage le Pentagone. Il a été pleinement démontré par la capture d'un drone américain en janvier 2012 dans le ciel de l'Iran et par l'installation de S300 en Syrie que des raids israéliens sur Téhéran exigeraient un ravitaillement irréalisable des attaquants au cours de leur vol d'approche et que la bombe perforante de quatorze tonnes fabriquée par les Etats-Unis ne percerait jamais soixante-dix mètres de roches et de béton.

La vraie révolution stratégique (Voir - La barbarie commence seulement , 6 février 2011) est celle du téléguidage précis de missiles supersoniques à longue portée. On assiste à l'ultime métamorphose des canons de Marignan : enfouis à une grande profondeur sous la terre et indétectables, ils permettent à la Chine de vaporiser à de grandes distances les plus gigantesques porte-avions de l'empire américain. En vérité, l'arme de la domination des mers, cette clé des empires de Neptune depuis la guerre du Péloponnèse gît au fond des océans depuis plus de trois ans.

Voilà ce que M. Barack Obama a murmuré dans le plus grand secret à l'oreille de M. Benjamin Netanyahou. Mais ce tournant de l'histoire orageuse du monde présente deux volets. Militaire, d'abord, puisque les armes à l'échelle humaine prennent efficacement la relève de l'arme d'une apocalypse fantasmée; théologique ensuite, puisque le sceptre du Livre d'Esther que brandissait le Savonarole du judaïsme lui est tombé des mains au cours de deux heures d'un entretien dramatique et sans témoins avec le Président des Etats-Unis . Du coup, la planète des orateurs du ciel nouveau a déjà pris un nouveau départ: la Chine, la Russie l'Inde et le Pakistan arment les nouveaux navigateurs de la géopolitique, les Christophe Colomb à venir. L'Europe manquera-t-elle son embarquement pour un destin qui lui ouvre les bras? Fera-t-elle déguerpir des cinq cents places fortes d'un empire étranger incrustée sur son sol?

9 - L'avenir cérébral d'Israël

Quand les verdicts que prononce la multitude à tous les carrefours décisifs du destin du monde auront été reconnus aveugles par nature et par définition, quand il aura été solennellement déclaré que seules les cervelles solitaires motorisent en profondeur l'histoire et la politique d'une espèce dont l'animalité s'est cérébralisée, il faudra se décider à bouleverser la hiérarchie convenue des intelligences et revenir à la source du syllogisme sacrilège de Socrate. Car ce philosophe découvrit le théorème de Pythagore de la philosophie occidentale, selon lequel la sottise se trouve nécessairement mille fois plus répandue que le savoir argumentée et que, par conséquent, il est irréfutable que leur nature même condamne les majorités à l'erreur.

Depuis lors, cette géométrie radicale a été partiellement rééquilibrée. Il n'est exclu ni que la bonne volonté et le grand cœur du plus grand nombre puisse tomber juste par une rencontre miraculeuse entre la candeur naturelle des peuples et des circonstances exceptionnellement favorables, ni que des élites rapaces et indifférentes au bien public tombent dans la sottise à leur tour.

On raconte cependant, ici ou là que les séraphins du syllogisme se raconteraient entre eux une étrange histoire: selon leurs prémisses: il subsisterait un espoir qu'Israël, ce champion à la retraite des cerveaux isaïaques, qu'Israël soudainement changé en sorcière de l'univers, qu'Israël métamorphosé en repoussoir et en épouvantail de la planète, qu'Israël réduit au rang de fossoyeur des idéaux politiques du monde remontera du gouffre à l'écoute de ses prophètes ressuscitatifs. Conséquence: ce peuple fournira de nouveau à l'intelligence de l'humanité les armes d'un défrichage et d'un décryptage de ses neurones les plus transcendantaux. Alors, la littérature, le théâtre, la science historique, la philosophie et l'anthropologie critique radiographieront l'encéphale périmé du singe d'autrefois et celui des Titans de la logique de demain.

Le 18 mars 2012

Reçu de l'auteur pour publication

 

 

   

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Source : Manuel  de Diéguez
http://www.dieguez-philosophe.com/

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