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Qu'est-ce que philosopher

La raison de demain
Manuel de Diéguez


Manuel de Diéguez

Samedi 8 juin 2013

1 - Une généalogie de la raison expérimentale
2 - Le chasseur et son gibier
3 - La raison moderne et le totémisme originel
4 - La scolastique et la sorcellerie
5 - Le bûcheron d'Isaïe
6 - Isaïe et l'avenir de la philosophie

1 - Une généalogie de la raison expérimentale

Que vérifie le savoir qualifié d'expérimental? La raison occidentale est née de la physique et de la géométrie des Grecs qui, les premiers, ont tenté de remplacer les récits invérifiables de l'Olympe de leur temps par la vertu explicative qu'ils attribuaient à la succession des phénomènes constants et prévisibles dont la course leur présentait le spectacle inlassablement répété. Mais du coup, qu'observait-on? Des évènements muets ou le sens rationnel qu'on leur attribuait? Dans ce cas, quel est l'instrument de vérification d'un "signifiant"? Les faits transporteraient-ils leur sens comme l'escargot sa coquille?

C'est dire qu'en réalité, la raison qualifiée d'expérimentale métamorphose inlassablement dans les cervelles le spectacle qu'enregistre sa caméra et que cette métamorphose résulte de ce que l'encéphale simiohumain projette instinctivement une prétendue compréhensibilité en soi sur la régularité inlassable des phénomènes. Que vaut une intelligibilité du monde censée fournie par la monotonie qui la rend profitable? De plus, cette pythonisse du signifiant est venue au monde accompagnée d'un assistant sourcilleux, d'un surveillant soupçonneux et d'un agent d'exécution méfiant. On l'appelle la causalité. Les "lumières naturelles" et le "sens commun" du genre humain sont réputées illuminer le train imperturbable de la nature. A quelle hauteur la science met-elle la barre qu'elle charge le verbe comprendre de franchir?

Pour l'anthropologie critique, la généalogie de la raison dite "expérimentale" révèle qu'elle est de type oraculaire sans le savoir, puisqu'elle s'imagine constater que le cosmos serait loquace, alors qu'elle ne constate rien de tel: elle ne voit que des successions constantes d'évènements muets. Aussi lui faut-il expédier un haut-parleur dans le cosmos , à savoir le mythe d'une légalité auto-expliquante de la matière, laquelle doterait cette dernière d'une "parole du sens" calquée sur le langage du droit. Le sorcier originel rend locuteurs les ressassements utiles de l'univers, le magicien moderne est chargé, à l'instar de son prédécesseur, de faire parler haut et fort les constats sans faille des observateurs - mais ce sont les ventres, non les encéphales que cette raison-là fait parler. Il aura fallu attendre l'an 1739 pour que David Hume mît la cause supposée éloquente sous la lentille d'un microscope nouveau, celui des premiers anthropologues qui filmèrent la transfiguration, sous l'os frontal de la bête, de l'impassibilité de la matière en un discours des animaux en voie de cérébralisation.

Mais les instruments du généalogiste du XVIIIe siècle n'avaient pas encore la puissance qui fait raisonner nos verres grossissants. Maintenant, nous observons dans les têtes la génitrice spontanée de la compréhensibilité illusoire des redites d'un muet de naissance, maintenant, nous radiographions sous les crânes les reptations du langage auquel un animal fasciné par l'imperturbable procède sans jamais s'en apercevoir, maintenant, nous nous rions des inconscients assermentés par des huissiers et des magasiniers de l'inconnaissable.

2 - Le chasseur et son gibier

Il nous a donc fallu chercher une motivation du chemin que parcourt le réel dans l'encéphale de cet animal afin de se rendre, clopin clopant, dans un royaume non seulement locuteur, mais expressément préconstruit pour s'adresser éloquemment à des estomacs. La digestion de nos fourrages mentaux cache son itinéraire dans les ténèbres d'une bête hypnotisée par le vocabulaire et la grammaire qu'on lui verse dans la tête dès le berceau. Mais si endormi que demeure le bipède parlant, il y a de quoi l'alerter sur le mystère psycho-cérébral qui fait couver à sa boîte osseuse une croyance universellement partagée et que le seul spectacle de la réitération perpétuelle des phénomènes qualifiés de naturels suffit à répandre et à fortifier.

Chaque fois que la science d'autrefois portait le regard sur un enchaînement docile d'évènements matériels marchant à petits ou à grands pas dans le vide de l'immensité , le "sujet de conscience", comme disaient sottement les savants de ce temps-là, oubliait instantanément que seul le défilé aveugle des faits lui faisait conjuguer le verbe comprendre. Celui-ci se trouvait donc préfaçonné à l'usage d'un chasseur sans cesse aux aguets de sa proie, à savoir la prévisibilité hautement rentable de la ribambelle des "causes" et des "effets". L'anthroologie moderne redécouvre la "nuit des sens", la "nuit de la connaissance" et la "nuit de l'entendement" d'un Jean de la Croix - le naufrage de la logique d'Euclide ouvre un territoire nouveau et immense à la connaissance radiographique de la psychobiologie des grands mystiques.

Que disait le génie de leur nuit aux explorateurs du silence et du vide? Que l'aveuglement mental des premiers hommes - les pauvres se sont rassurés à brandir le totem d'une causalité bavarde - cet aveuglement, dis-je, s'est révélé parallèle à la cécité d'un animal théologisé de naissance par sa peur de l'immensité, mais utilement leurré par la nourriture cérébrale qui lui servait de caution; et cette garantie lui était apportée, pensait-il, par une nature gorgée d' aliments intellectifs. Ceux-ci lui faisaient baptiser de "raison" un tropisme cervical intéressé et hautement nourricier - celui de capturer la baleine de la causalité expliquante.

Enfin Socrate vint. Mais ce simianthropologue avant la lettre fut aussitôt assassiné par ses congénères pour avoir tenté de substituer à la loquacité pseudo rationnelle et trompeuse de l'afflux des "causes" - pourtant incapturables en tant que telles dans la nature - l'examen traumatisant des secrets neuronaux de l'animal abêti par son ventre et qui fait sécréter des paroles à la matière. Mais pourquoi ne reconnaît-il pas pour sien le discours du cosmos, pourquoi croit-il le faire jaillir de la pierre? Du coup, un "Connais-toi" abyssal s'est révélé le véritable objet d'une philosophie enfin réservée aux seuls spéléologues des Moïse qui frappent des rochers afin d'en extraire une musique de l'illusion. Depuis cinq siècles avant notre ère, les philosophes se déchirent entre les magiciens de l'expérience muette et les plongeurs aux yeux desquels la vérité est un puits sans fond.

3 - La raison moderne et le totémisme originel

Qu'en est-il de nos jours de la notion d'intelligibilité, donc de la conjugaison naïve du verbe expliquer à laquelle la science expérimentale se livre avec candeur?

L'observation anthropologique de l'état embryonnaire de la boîte osseuse des semi évadés de la zoologie révèle que non seulement cette espèce ne capture jamais de causes visibles, comme il est dit plus haut, mais qu'elle enfante toujours et seulement des signes, donc des affiches trompeuses, lesquelles lui signalent des signifiants subjectifs par définition. La causalité est donc la sage-femme du sens simiohumain du monde. Quand cet animal observe un phénomène régulièrement suivi de tel autre, il les insère tous deux dans un système de référence pré-construit dans son esprit et réputé conjoindre les évènements successifs dans une seule et même signalétique. L'homme se trouve donc prisonnier d'un code dont il tend lui-même l'échiquier à sa boîte osseuse. La calotte crânienne du simianthrope post-zoologique se révèle pré-conditionnée par ses interprétations a priori d'un monde pré-totémisé par son geôlier, la causalité, laquelle plie spontanément un cosmos capturable aux intérêts psychogénétiques de l'espèce.

4 - La scolastique et la sorcellerie

On appelle "épistémologie" la sorcellerie vocalisée dont les cordages verbaux sélectionnent les faits étiquetables et ligotables à l'univers mental d'un magicien en chef du profitable - un "Dieu incapturable ou la science du préhensible.

Du coup, si le croyant d'une religion guérit d'une maladie ou d'une infirmité à la suite de la récitation d'une prière officialisée par une Eglise ou qu'il aura rédigée motu proprio, il en conclura que les paroles prononcées seraient la cause du rétablissement de sa santé. Mais si le code censé enfanter le thérapeute de l'univers qu'on appelle l'intelligibilité du monde, et si ce code se place de sa propre autorité à la tête d'une humanité médicalisée de la sorte, le même phénomène psychogénétique pilotera à la fois les religions censées guérisseuses et tout l'enfantement expérimental des "signifiants rationnels" réputés innerver et corseter la théorie scientifique.

Et pourtant, répète le logicien de la mystique, on n'expérimente jamais que des signifiants simianthropomorphiques par nature et réputés plonger abusivement les évènements dans un seul et même bain de sapience, celui de leur vérification et celui de leur baptême langagier étroitement confondus au nom tantôt d'un Dieu trompeur, tantôt d'une Raison demeurée animale, puisqu'elle prend son fourrage pour une parole expliquante. C'est ainsi que la physique classique avait adopté le bréviaire juridifiant du droit romain: l'expérience scientifique préinterprétait l'univers de la matière sur le modèle de la loi civile du peuple de la Louve. On légalisait les routines du cosmos ; et le créateur aveugle de la Genèse soutenait la même poutraison du "sens" que ses faux savants. Mais si la logique du monde épaulait le divin et vice-versa, le temporel était tenu pour un trône auquel des autels leurrés servaient de garants.

Ce type de raison et de rationalisation des "habitudes de l'univers", comme disaient les nominalistes du Moyen Age - ils furent les premiers anthropologues du piège dans lequel les évadés de la zoologie sont tombés - ce type de raison projective, dis-je, a converti toute la science occidentale à une scolastique de magiciens de leurs propres fétiches verbifiques. C'est ainsi que le structuralisme "explique" le recommencement perpétuel des faits coutumiers à l'aide de la charpente réputée immuable des "structures", l'existentialisme par le soutènement du concept magique "d'existence", la phénoménologie par la toile d'araignée des phénomènes, le "complexisme" par le substantif "complexité" projeté à vide sur toutes choses d'ici-bas, le causalisme par le caractère causatif de tout ce qui arrive, de sorte qu'une tautologie universelle est devenue la clé, l'oracle et le temple dans lesquels l'esprit religieux originel s'est réfugié. Le lien entre la scolastique et la sorcellerie se révèle la clé de l'observation simianthropologique de notre espèce.

5 - Le bûcheron d'Isaïe

Qu'en est-il d'une raison livrée à un psittacisme langagier? Pour tenter de le comprendre, constatons que les dieux sont des personnages censés s'offrir le luxe de porter sur le genre simiohumain un regard de haut, de loin et du dehors.

Observons ensuite la prétention inscrite dans les viscères craintifs de cet animal. Cette bête s'épouvante de se doter à son tour de l'intelligence qu'il a attribuée à ses Célestes. Qu'en est-il, en réalité, du panorama cérébral supposé supérieur au nôtre dont il a affublé le ciel? Si ce bimane se défausse sur les Immortels qu'il charge de prendre sur leurs épaules sa propre envergure effrayée et s'il refoule, dans l'effroi, l'œil de Zeus tapi en lui-même, que perd-il au change? Quand Saint Paul écrit dans l'Epître aux Romains que les hommes sont "remplis de toute espèce d'injustice, de perversité, de cupidité, de méchanceté ; pleins d'envie, de meurtre, de querelle, de ruse, de perfidie; rapporteurs, calomniateurs, ennemis de Dieu, insolents, orgueilleux, fanfarons, ingénieux au mal, indociles aux parents, sans intelligence, sans loyauté, sans cœur, sans pitié" (1-28-31), il n'hésite pas à fixer les rescapés de la nuit animale avec les yeux impitoyables du Zeus des chrétiens.

Mais l'observation anthropologique du calibre transcendantal attribué à la boîte osseuse du Zeus nouveau débouche aussitôt sur un début de réponse sacrilège à la question réelle posée en sous-main par l'interrogateur. Voyons comment Isaïe regarde sans trembler l'animal tueur que l'homme est à lui-même. Que dit-il de la bête qui offre à son idole le poulet ou l'agneau qu'il a égorgés et dont il négocie le prix d'achat et de vente avec le roi du cosmos? Le prophète a guéri de l'effroi originel de l'espèce et il dit à l'homme: "J'ai horreur du sang que tu répands sur mes parvis et tes sacrifices, sache bien que je les ai en abomination".

Bien plus, l'intelligence victorieuse de la nuit et de la peur décrit l'idolâtre en généalogiste de la boîte osseuse d'un bipède à peine éjecté du règne animal; et il radiographie, dans la stupeur et la fureur de sa raison à lui, le bûcheron qui a coupé un arbre dans la forêt: il se chauffe avec la moitié de sa récolte, tandis qu'avec l'autre moitié, il se taille une idole, se prosterne devant elle et l'adore.

Voilà une observation socratique avant la lettre: si le simianthrope est un adorateur terrorisé des objets cérébraux et psychiques qui sortent de ses mains et qu'il appelle des dieux, nous découvrons l'âme même de toute la scolastique, puisque le bûcheron d'aujourd'hui ne s'agenouille plus devant des totems de bois, mais devant des mots aussi creux et vides de sens que les mots en isme qui font, de l'idolâtrie des modernes, une mythologie de l'abstrait.

Vingt-cinq siècles après le Phédon, la philosophie moderne du "Connais-toi" s'inscrit tout entière dans la postérité anthropologique de Darwin et de Lamarck. A l'observation tridimensionnelle du ciel et de la terre des Anaxagore, la spéléologie de la connaissance multidimensionnelle substitue l'examen d'une animalité totémisée d'avance par le langage de l'idole qu'elle est à elle-même et dont la théâtralité verbale rentabilise les coutumes aveugles de la matière à l'école d'une parole mythifiée d'avance. Au fond de la scolastique du concept oraculaire on retrouve le cerveau bipolaire du bûcheron d'Isaïe. Le monde moderne tout entier ne présente-t-il pas le spectacle de l'encéphale schizoïde des malheureux évadés de la zoologie, mais qui n'ont quitté le monde animal que pour acquérir un instrument cérébral biphasé - une parole dont l'animalité spécifique demeure à décrypter ?

6 - Isaïe et l'avenir de la philosophie

Qu'est-il advenu du pieux bûcheron d'Isaïe? S'agirait-il du bois de la démocratie mondiale et des supplications qu'elle adresse à des captifs? L'humanité se chaufferait-elle avec la moitié de ce bois, tandis qu'elle se taillerait, dans l'autre moitié, une idole du langage des idéalités devant laquelle elle entrerait en transes, se prosternerait et réciterait des prières? Dans ce cas, nous progresserons quelque peu dans le décryptage du "Connais-toi", parce qu'il nous suffira de suivre Isaïe à la trace et de descendre à ses côtés de quelques marches encore dans le puits sans fond de l'idolâtrie; et nous emprunterons un instant la lanterne diogénique de tous les prophètes pour apercevoir les contours d'un personnage nouveau de l'histoire - la spéléologie transcendantale.

Car enfin, si le simianthrope actuel est un insecte dont l'animalité cérébrale s'appelle l'idolâtrie et si les bestioles de ce gabarit sont pilotées par un encéphale demeuré schizoïde, alors toute la pensée occidentale est appelée à courir en direction d'une synthèse entre le magique et le politique, le religieux et le "rationnel", le biologique et le totémique, tellement le décodage isaïaque du cerveau du singe évolutif passe par une radiographie des idoles que sécrètent les neurones de cet animal. Car enfin, répétons-le, la bête vocalisée se caractérise par la folie de prêter sa voix à la matière inanimée; et elle y procède par le truchement d'une métamorphose sans cesse recommencée de sa signalétique semi-animale en une substance oraculaire - le cosmos tout entier. Quelle étrangeté de se donner des interlocuteurs dans le vide de l'immensité, quelle étrangeté de leur présenter des offrandes de sang, quelle étrangeté que d'élever un meurtre cultuel au rang de prébende sacrificielle!

- Andres Behring Breivik et l'anthropologie critique , 7 octobre 2012

- Andres Behring Breivik et l'anthropologie critique , 30 septembre 2012

Voici que le bois du bûcheron d'Isaïe se change en pain de la foi et du culte, voici que l'idole consomme l'hostie dont sa sainteté est censée se nourrir, voici que l'idole récolte la moisson de son langage dans la forêt d'Isaïe, voici que l'idole vous raconte une histoire que les fuyards de la zoologie se racontent dans le bruit et la fureur. Décidément, le monde moderne est à la chasse d'un gibier à prendre dans les rets de Shakespeare, de Cervantès, de Swift, décidément, le gibier du génie littéraire est le même que celui des prophètes, décidément la raison de Cassandre est une voyante. Qu'est-ce que la philosophie, sinon l'histoire d'une bête à la recherche d'une grammaire, d'une syntaxe et d'un vocabulaire du cosmos qui lui permettraient d'écouter le chant du verbe comprendre sur une lyre encore à construire et dont les cordes seraient celles de l'intelligence de demain?

Le 8 juin 2013

Reçu de l'auteur pour publication

 

   

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Source : Manuel de Diéguez
http://www.dieguez-philosophe.com/

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