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Analyse
M. Barack Obama
est-il un personnage shakespearien ?
La Démocratie sacrificielle et
le tragique de l'Histoire
Manuel de Diéguez
Manuel de Diéguez
Lundi 5 octobre 2009
Introduction
A
- On attend un Shakespeare du mythe de la Liberté
B -
La Démocratie
comme personnage historique
1 - La
fin de l'âge d'or des Démocraties
2 - Le vassalisateur édénique
3 - La
rechute dans la barbarie
4 - Les
nouveaux grelots de la piété
5 - Une
mythologie de la démocratie
6 - Les
fondements psychobiologiques de la servitude politique
7 - le
mythe de la Liberté et le temps
8 -
Décidément, plus on avance…
9 - La démocratie placée inter
sacrum et saxum
10 -
La vassalité sacrée
11 - Le valet de pied de
l'OTAN
*
A
-
On attend un Shakespeare du mythe de la Démocratie
Le 1er juin
2009, je diffusais sur ce site le texte d'un discours à la fois
fictif et hypothétique que, dans mon imagination, M. Barack
Obama aurait dû prononcer au Caire le 4 juin et dans lequel il
aurait évoqué son destin d'hostie d'un monstre schizoïde, la
démocratie mondiale ; et je lui faisais prophétiser qu'il serait
assassiné par cet animal ambigu, parce qu'à l'instar de Socrate,
qui avait bu vaillamment le poison: de l'immortalité de la
philosophie, il refuserait de s'enfuir piteusement pour Mégare.
Le 22 septembre
2009, cette vision bipolaire de l'histoire a pris des traits
d'une si grande netteté qu'il devient impossible de fermer les
yeux plus longtemps sur la logique bifide qui commandera une
fatalité historique devenue aussi implacablement biphasée. Mais,
en politique, il arrive que la fatalité s'exerce à des
bifurcations, ce qui laisse aux acteurs scissipares le choix
entre deux chemins principaux des morts testimoniales, celle du
déshonneur aperto capite - à visage découvert - et celle de la
grandeur voilée.
Aujourd'hui
cette question anthropologique a pris une tournure nouvelle,
celle de savoir quelles relations les grands dramaturges du
destin du monde entretiendront demain avec l'histoire ainsi
scindée et si M. Barack Obama se révèlera un personnage digne de
mettre en scène les deux lobes du cerveau simiohumain de son
siècle et de tous les temps ou si sa stature hésitante et
inquiète ne se révèlera pas à la hauteur du drame dans lequel il
est pourtant condamné à jouer un rôle décisif. Car, depuis
Homère jusqu'au XVIIIe siècle, la plus haute littérature était
celle qui attelait les hommes d'autorité au timon des nations.
Puis, le genre romanesque a commencé de rivaliser avec les
Eschyle et les Sophocle. Mais sitôt que les Lettres antiques
eurent bénéficié de la résurrection renacentiste, les grands
jésuites français ont remis les rênes des peuples et des Etats
entre les mains des hommes de plume, parce que l'illustre
Compagnie était née d'un guerrier blessé et d'une tête
politique; et ses disciples ont si bien marqué les Corneille,
les Voltaire et les Diderot, mais également les Shakespeare de
leur sceau que même le théâtre bourgeois du XIXe siècle n'a pas
réussi à tuer l'alliance originelle de la littérature de haut
vol avec la mise en scène des acteurs sommitaux de la politique.
Certes, le drame historique de Victor Hugo
ou de Vigny n'a pas enfanté de géants ; certes encore, le
Caligula
d'Albert Camus, le Romulus le Grand
de Durrenmatt, la
Reine morte
de Montherlant, La Guerre de Troie
n'aura pas lieu de Giraudoux ne
rivalisent plus avec le Wallenstein,
le Guillaume Tell
de Schiller ou le
Coriolan de
Shakespeare. Mais peut-être notre époque se prêtera-t-elle au
grand retour du géant élisabéthain, le seul élève des grands
tragiques grecs qui ait su montrer l'homme l'Etat aux prises
avec un personnage plus shakespearien que lui-même et qu'on
appelle l'Histoire. Le véritable protagoniste de
Hamlet, du
Roi Lear,
de Macbeth
n'est autre que Clio; et c'est toujours sa voix qu'on entend
donner la réplique aux protagonistes en chair et en os de la
pièce. Or, le personnage historico-théologique à la fois
planétaire et shakespearien d'aujourd'hui n'est autre que la
Démocratie ; et c'est face à ce Titan-là que M. Barack Obama
jouera les Hamlet ou les Macbeth, le roi Lear ou seulement les
Roméo. .
B
- La Démocratie comme personnage historique
Mais si le vrai protagoniste des Perses
d'Eschyle ou de l'Antigone
de Sophocle a emprunté les vêtements de la démocratie mondiale
et si ce régime politique se révèle décidément un acteur
eschylien, sophocléen, shakespearien à son tour, ne nous
rappelle-t-il pas que le vrai personnage de Stendhal, de
Cervantès ou de Swift est le même que celui avec lequel Eschyle
ou Shakespeare se sont empoignés ? Quelles sont la musculature
et l'ossature de la démocratie mondiale avec laquelle M. Barack
Obama a pris rendez-vous ? En fera-t-elle son hochet ou son
héros? Mais il se trouve que cet acteur mythique présente la
singularité de se présenter divisé d'avance entre le réel et le
songe et que toutes les religions répondent à ce modèle, ce qui
le livre à des convulsions cultuelles et à des écartèlements
entre le ciel et la terre. Comment ce personnage mythologique
apparaît-il crucifié sur son propre autel ? Comment est-il bâti
sur la coupure originelle du simianthrope entre le monde réel et
un sacré ritualisé?
Car les trois
religions du Livre auront seulement donné une tournure
évangélique à cette dichotomie native de la boîte osseuse de
notre espèce. De plus, cet acteur tronçonné s'incarne à la fois
en Amérique et en son saint rejeton, Israël; et les deux
moignons illustrent à la perfection le dédoublement viscéral de
la démocratie mondiale entre le temporel et le surréel, puisque,
de ces deux Etats, le plus petit se rue depuis soixante ans et
le glaive à la main sur le territoire de ses voisins, alors que
dans le même temps, il se présente à tout l'univers sous les
traits d'un don Quichotte de la démocratie mondiale et d'une
Antigone des nations. Or, le géant qui lui sert de protecteur
obéit au même déchirement intérieur.
Si M. Barack Obama se révélait donc un
acteur shakespearien de l'histoire de la planète en ce début du
XXIe siècle, il figurerait un Hamlet de la Démocratie
viscéralement condamné à hésiter sans fin sur la terrasse
d'Elseneur de l'Histoire entre la vocation d'empire de
l'Amérique et celle du grand Israël, ces deux nations répondant
au même modèle de conflit entre le glaive et le goupillon que le
christianisme et la démocratie mondiale. Mais Barack Obama
figurerait également le roi Lear, cet archétype immortel de
l'impuissance politique, et Macbeth, cette effigie éternelle des
relations pathétiques que le pouvoir politique entretient avec
le meurtre profitable, pour ne rien dire d'une pièce bien
oubliée, Le sang de Danton
de Saint Georges de Bouhélier, le seul dramaturge français qui,
à l'exemple de Shakespeare, ait tenté de porter le drame
historique à une symbolique du sang répandu, celle du mythe
biblique de la culpabilité héréditaire.
Mais M. Barack Obama se trouve
appelé à illustrer de surcroît une autre dimension encore du
tragique propre à l'Histoire la plus originelle de toutes et la
plus prometteuse, la dimension auto-immolatoire. Il convient
donc d'observer l'itinéraire de ce chef d'Etat en analyste des
pistes et des sentiers qui feront de son destin un personnage
chargé de rendre post-shakespearienne l'histoire secrètement
sacrificielle de la démocratie mondiale.
*
1 - La fin
de l'âge d'or de la démocratie
Huit mois ont passé depuis l'entrée de M. Obama à la Maison
Blanche et déjà sa silhouette pastorale a paru brodée d'un or
fatigué sur les coussins de velours de l'évangélisme
démocratique international. Et pourtant, aux yeux des experts du
Quai d'Orsay, les contours de son effigie apostolique sont
demeurés flous. C'est que notre diplomatie ne dispose pas encore
d'analyses anthropologiques qui lui permettraient de situer avec
exactitude ce Président des Etats-Unis dans l'histoire de la
vocation tumultueusement rédemptrice dont la Maison Blanche
revendique la catéchèse heurtée et flottante. Il était pourtant
fatal que le Nouveau Monde se révélerait, le jour venu, le
témoin le plus assermenté du déclin planétaire des démocraties
du salut par la "Liberté" et de leur aura messianique. Il
est donc d'un grand intérêt psychobiologique de se livrer à
l'exégèse des métamorphoses de l'âme sotériologique de ce
régime, parce que l'empire américain se trouve désormais ébranlé
jusque dans les fondements de sa vocation parareligieuse
originelle.
Dès 1789, le
mythe de la Liberté était un personnage de complexion
eschatologique par définition ; mais les transfigurations
internes de son théâtre et de sa doctrine se sont révélées
parallèles à la chute diplomatique tantôt lente et tantôt rapide
de la grande puissance politique et militaire qu'on appelle
encore quelquefois l'empire d'outre-Atlantique. Le discours du
Caire du 4 juin et celui de Moscou du 6 juillet ont d'ores et
déjà mis en évidence une mutation fort significative et même
spectaculaire de la dialectique du pain bénit qui commandait le
capitalisme évangélisateur sur la scène du monde. Du coup,
l'appel à un vocabulaire sotériologique a commencé de faire
apparaître la démocratie mondiale sous la bannière trouée d'une
anarchie et d'un chaos devenus les souverains cachés de
l'industrie et du commerce planétarisés. Dès lors, une
argumentation plus rationnelle voudrait démontrer qu'une
inspiration salvifique universelle guiderait la civilisation de
la délivrance par la grâce des nouveaux agents du Saint Esprit
dans le temporel que seraient l'argent et le profit.
Mais aussi bien au Caire qu'à Moscou et au Gana, M. Barack Obama
est allé beaucoup plus loin dans l'apologie d'un droit et d'une
justice séraphiques: il a même semblé soutenir que le "leadership
moral" demeurait la clé de la puissance politique réelle et
pourtant tout idéale que les Etats-Unis entendent exercer à
l'échelle de la planète par l'intercession d'une démocratie
évangélique et salvatrice. Il existe donc désormais des formes
bizarrement diversifiées et imparfaites de gouvernements
légitimes des Etats; et cette multiplicité confessionnelle, si
peu démocratique qu'elle paraisse quelquefois, répondrait
néanmoins et nécessairement à des structures des sociétés
simiohumaines certes fâcheusement incompatibles entre elles,
mais il dont serait nonobstant utile et pertinent de peser la
qualité de leurs performances respectives sur notre astéroïde. A
ce titre la démocratie demeurera un pirate et un rapace aux
ailes d'anges. Mais elle sera censée exprimer l'organigramme
politique le plus parfait et le plus universel possible, du seul
fait que ce régime, si détérioré qu'il pourra paraître ici ou
là, persévèrera contre vents et marée à porter en lui non
seulement la capacité innée, mais l'exigence morale
incompressible de se perfectionner sans relâche, donc de
corriger aussi inlassablement que spontanément les carences qui
pourraient inopinément entacher sa blancheur. Simplement ce
piédestal du monde devra se vanter de son excellence plus
discrètement qu'autrefois. Il n'en servira pas moins que
précédemment de tribune principale à un discours éloquemment
orthodoxe, parce qu'au service d'une magistrature politique
toujours sacerdotalement légitime.
2
- Le vassalisateur édénique
Le
contraste n'en est pas moins stupéfiant entre ces sourdines
encore discrètement imposées à l'innocence native de ce
personnage planétaire et qui, pour l'instant, mettent seulement
son théâtre le plus tonitruant en veilleuse d'une part, et
d'autre part, la scène rétrécie et même rabougrie de
l'eschatologie de l'Amérique édénique de l'"hymne à la joie"
internationale qui régnait depuis la seconde guerre mondiale -
celle dont l'orchestration messianique avait servi d'axe et
d'aiguillon à l'archétype paradisiaque de la rédemption
démocratique de la mappemonde. On se souvient qu'en ce temps-là,
J. F. Kennedy avait réussi à hisser les talismans verbaux de
l'Amérique sur la scène du globe terrestre et de les élever au
rang de la nouvelle religion du genre humain. On se souvient
également qu'à l'époque des premières amulettes du mythe de la
Liberté, le Président des Etats-Unis se contentait de brandir
les grigris du nouvel évangile. On se souvient enfin de ce que
le vide fascinant de ce nouveau "In hoc signo vinces"
servait à la fois de crosse et de massue d'une brutalité inouïe
à une Amérique victorieuse du Mal sur la terre. Il avait suffi à
ce Président de prononcer un seul discours au Bundestag pour
convaincre les députés allemands de conduire au cimetière des
illusions la dépouille mortelle de l'alliance que le Général de
Gaulle venait de conclure avec un Chancelier allemand dépouillé
de tout pouvoir politique réel face aux représentants officiels
d'un peuple alors naïvement converti au mythe d'un nouvel âge
d'or.
On
mesure à cet exemple, la difficulté, pour les Eschyle du destin
démocratique du monde, de mettre en scène le personnage sacré et
sanglant qu'on appelle l'Histoire. Comme Dieu, la Liberté est un
acteur à la fois meurtrier et auréolé de sainteté. Ses crimes
mêmes sont séraphiques, ses carnages mêmes portent le blason des
anges. Décidément, jamais le génie littéraire n'avait été appelé
à faire monter sur les planches un acteur toisonné de la sorte.
C'est pourquoi le destin de M. Barack Obama sera tragique. Il
lui sera demandé de monter sur la scène d'un théâtre aux
planches glissantes ; et les protagonistes de la pièce devront
symboliser la condition simiohumaine dans la fatalité de sa
dichotomie originelle . Et d'abord, on attend de Shakespeare
qu'il mette en scène un personnage inconnu de la littérature
classique : le vassalisateur édénique.
3
- La rechute dans la barbarie
Depuis 1945, la
question est de savoir si toute démocratie moderne peut se
trouver mise invisiblement dans les fers par une puissance
porteuse du sceptre et de l'oriflamme d'une Justice et d'une
Liberté parées des atours de l'universalité de la Vérité.
Qu'adviendra-t-il des banderoles du salut populaire si une
souveraineté des masses saintement aveuglées par leur propre
verbe n'aura jamais été qu'un fétiche et si les sorciers
bénisseurs peignent leurs totems des couleurs qu'appellent les
circonstances?
A
ce titre, l'évolution du ton et du contenu du discours
messianisé de la démocratie mondiale à partir J.F. Kennedy le
flamboyant jusqu'au modeste professeur de droit public Barack
Obama exige des analyses non seulement des mascottes et
scapulaires verbaux que l'Occident a brandis, mais également une
pesée anthropologique de la nouvelle parole de la délivrance
dont le suffrage universel se proclame le dépositaire: car il
s'agira d'apporter la démonstration de l'étroite conjonction
psychobiologique qui relie les mentalités primitives aux nôtres.
Car ces connexions mettent en scène une continuité du politique
simiohumain dont M. Lévy-Bruhl - décédé à la veille de la guerre
de 1940 - était loin de se douter. A ce titre, la psychanalyse
de l'éloquence messianique de M. Barack Obama nous renvoie aux
évidences aveuglantes de la théopolitique la plus classique.
Le
credo triomphal des ancêtres de 1789 avait vu le pain de la
Liberté, de l'Egalité et de la Fraternité monter dans le four de
la foi politique des modernes. L'empire américain en avait
respiré les senteurs, mais jamais il n'avait connu les parfums
précédents de la parole de la "Justice", notamment ceux
qui fleuraient le glaive de l'empire napoléonien. Certes la
politique internationale n'était pas encore devenue
irrespirable; mais elle n'allait pas tarder d'interdire à
l'Amérique de faire entendre les fifres et les tambours d'une
épopée du mythe de la Liberté devenue méphitique à l'échelle
mondiale. Alors que la colonisation du XIXè siècle tenait le
goupillon d'une main et le sabre de l'autre, celle du XXe
exposait les brûle-parfums de la démocratie sur les places
publiques et serrait le poing sur des liasses de billets verts.
En
1945, après que l'Amérique victorieuse eut brièvement incarné,
comme il est dit plus haut, la rédemption flamboyante d'un monde
qu'on croyait odorisé pour l'éternité par les nouvelles
Ecritures du salut et de la damnation, la guerre d'Indochine
avait conduit le Nouveau Monde au désastre militaire et celle de
l'Irak avait convaincu la patrie d'Abraham Lincoln de
réintroduire manu militari le salut par la torture dans
l'appareil législatif et judiciaire du royaume des saintes
idéalités de la démocratie mondiale. Quant à la guerre en
Afghanistan, déclenchée à la suite de l'attentat du 11 septembre
2001, elle avait démontré que l'expansion armée de l'empire du
Bien sur la terre se nourrissait de violations vertueuses d'un
droit international frappé d'asthénie, puisqu'un Etat souverain
pouvait être tenu pour coupable de la pestilence d'un
particulier et subir, de ce fait, des canonnades sanctifiées des
années durant et dans le monde entier par les pieux
applaudissements des dévots de la démocratie.
4
- Les nouveaux grelots de la piété
L'énigme anthropologique qu'illustre un théâtre du "beau, du
juste et du bien" rendu universel par le culte démocratique
- mais réduit au rang d'otage d'un régime politique auto
sacralisé par la mise en scène de ses idéalités - cette énigme,
dis-je est de savoir si la vassalité est toujours serve des
épées ou si, depuis le fond des âges, la simiohumanité se
laisserait principalement domestiquer par l'encens qui monte des
Césars du moment, quel que soit le masque violent ou patelin du
Verbe sous lequel le souverain en place cache ses crocs. Car
depuis 1945, une Amérique rendue prédatrice par une mythologie
planétaire du concept de Liberté a réussi à placer l'Europe du
roi Lear sous son sceptre.
Certes, la croisade contre le despotisme prolétarien et ses
goulags s'était révélée nécessaire. Mais tout le monde s'était
imaginé qu'à la suite de la chute du mur de Berlin en 1989, la
victoire de l'Amérique sur le manichéisme marxiste entraînerait
un retour triomphal sur leurs terres des évangélistes
provisoirement débarqués d'au-delà de l'Océan, puisque la
vocation aussi naturelle qu'éclatante de cette nation est censée
l'appeler à libérer tout l'univers et ne la prédestine jamais
que le temps d'un clignement de paupières à revêtir la tenue
toute terrestre du guerrier - mais toujours exclusivement pour
le salut in extremis d'une humanité placée au bord du gouffre et
que le point d'y tomber. Hélas, les troupes américaines se sont
angéliquement incrustées sur le territoire de leurs alliés un
instant en perdition ; et les démocraties du Vieux monde se sont
docilement placées, par de nouvelles dispositions de leurs
constitutions elles-mêmes sous le commandement séraphique d'un
empire éternel, ce qui les a entraînées dans les équipées
idéologiques et militaires sans fin de leur souverain au Moyen
Orient et jusqu'au cœur des anciennes "démocraties populaires".
Or, vous ne trouverez chez aucun dramaturge et aucun romancier
un personnage dédoublé de la sorte. Il faudrait mettre en scène
rien de moins que la condition simiohumaine "en personne",
si je puis dire. Mais comment faire monter sur les planches d'un
théâtre l'acteur schizoïde qu'on appelle l'Histoire et qui,
depuis le fond des âges , rampe sur la terre et vole dans les
airs? Une seule recette connue peut résoudre cette difficulté :
imaginer un homme d'Etat aux prises avec le monstre dédoublé que
sa nation est à elle-même, mais également l'humanité tout
entière. Pour introduire une faille dans ce personnage compact
et pourtant fissuré, il faut un contre-jeu ; et seul Israël peut
jouer cette partie-là, seul Israël peut mettre le Dieu schizoïde
que le simianthrope est à lui-même dans une situation de
conflits d'intérêts entre les deux lobes de son cerveau.
5
- Une mythologie de la démocratie
Voyons donc
comment M. Obama va entrer dans le rôle de ce personnage bifide.
En premier lieu,
il lui faudra tenter de comprendre comment l'auto-vassalisation
définitive de l'Europe a pu se trouver gravée à jamais et en
toutes lettres dans les lois organiques des démocraties . Car
l'étroite dépendance d'un Etat pourtant fondé sur le suffrage
universel à l'égard d'un autre bâti sur le même modèle a été
jugée compatible avec les principes de 1789, et cela sous la
plume des juristes les plus chevronnés de la planète des droits
de l'homme et du citoyen. Une souplesse d'échine aussi
théologique du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, mais
sous le contrôle d'un chef mythique et lointain suffira à
démontrer à la simianthropologie shakespearienne de demain que
le besoin des descendants du chimpanzé de se soumettre à la
raideur doctrinale d'un souverain invisible du Bien et du Mal
peut s'accommoder du culte d'une Liberté et d'une Justice
estampillées du sceau d' un dieu en chair et en os.
Bien plus : aux yeux des Eschyle et des Shakespeare à venir, une
servitude saintement intériorisée peut même servir de
convertisseur à de nouvelles dévotions, tellement les bénéfices
dits "spirituels" attachés au pieux auto-asservissement
d'un peuple et d'une nation à une autre s'incarnent sur la scène
du monde sous la défroque d'un domestique tenu évangéliquement
en laisse, à condition que la laisse réponde au modèle
apostolique et fier à bras du sacré. Comment un valet de ce
modèle ne se montrerait-il pas bien davantage porté à
s'enchaîner au ciel d'un chef venu de loin et à s'habiller
joyeusement en esclave d'une religion universelle que le
galérien aux chaînes de métal , tellement il est plus humiliant,
selon Eschyle et Shakespeare, de traîner à grand bruit et dans
la honte la pesante ferraille qui entrave vos chevilles dans
votre village que de les transporter dans le pays d'Alice. C'est
pourquoi l'ardeur des peuples miraculés de s'être asservis au
dogme d'une Liberté dont le harnais aura été universalisé sur le
modèle parareligieux présente une commodité théologique reconnue
des théoriciens chevronnés de la piété et de ses grelots. Il
importe donc de radiographier davantage cette ardeur
fracassante.
6 - Les
fondements psychobiologiques de la servitude politique
Quand, en 2008, l'Amérique en prières dans toutes les Eglises de
la pseudo Liberté du monde a déclenché un naufrage économique
mondial, les dirigeants des Etats européens vassalisés par leur
sainteté démocratique se sont bien gardés d'évoquer crûment les
difficultés de trésorerie soudaines et inattendues de leur
souverain sacralisé, parce que l'or est une relique à la fois
massivement totémisée et mal vue des démocraties héritières du
culte des origines pour les innocents aux mains pleines. La
question des génuflexions et des prosternements aux pieds d'une
statue de la Liberté glorifiée par le veau d'or va donc bien
au-delà d'une connaissance du sacré demeurée au berceau et
encore en attente de son cogito; car cette science d'une espèce
au cerveau dédoublé devra capter les sources psychogénétiques
des psaumes de la servitude simiohumaine.
Mais pourquoi une vassalité cérébralisée et théâtralement
glorifiée par un culte planétaire de la Liberté politique
s'enracine-t-elle toujours et en tous lieux dans une mystique
qui la précède et lui sert de fondement religieux ou
parareligieux? C'est que Dieu est un personnage mental qui
s'auto-légitime en droit et en fait à se proclamer le souverain
solitaire et incontestable du cosmos. Il s'agit donc de le faire
monter en personne sur les planches du monde, mais d'une manière
fort différente de celle dont usaient les Grecs; car si M.
Barack Obama se passait de servir d'interlocuteur national et
international à cet acteur imaginaire de la planète des
démocraties, le monde moderne n'aurait aucune chance de porter
son histoire à la température shakespearienne. Pourquoi cela?
Parce que les révélations post-homériques sont condamnées à
légitimer a posteriori l'existence géopolitique de trois
divinités vaporeuses, donc privées de support corporel et
réputées exister a priori dans le vide de l'immensité. Par
bonheur nous disposons non point d'une seule, mais de trois
idoles armées d'une valorisation théologique de l'univers propre
à chacune et dont elles font désormais bénéficier leurs
créatures de toute éternité, de sorte que, depuis quelques
millénaires, notre espèce glorifie à pleins poumons des garants
unanimement légitimés de son immortalité.
Depuis que nous vivons sous le sceptre reconnu d'un propriétaire
immémorial du cosmos, le second volet du credo réputé commun à
toute notre espèce est nécessairement une doctrine et une foi
centralisées à l'extrême et dont le sceptre triphasé est tenu
pour unique, inamovible et inébranlable. Il y faut nos éloges à
haute et intelligible voix d'une obéissance non seulement
inconditionnelle, mais que nous proclamons antérieure à la
promulgation de sa catéchèse, ce qui seul réussit à enfanter une
adoration sans murmure sur toute la surface de la terre.
L'apologie des ordres impérieux et des directives
incontournables d'un créateur mythique de l'univers précède donc
nécessairement leur énonciation grammaticale dans le temps
simiohumain. Mais comment mettre en scène une durée réputée
antérieure à son déclenchement dans le contingent, si le
contingent fait l'histoire réelle ? Et pourtant, nous n'aurons
ni Eschyle, ni Sophocle modernes si notre théâtre de la Liberté
et de la Justice sur la terre se heurte à l'intemporalité de la
puissance de ce mythe politique et de son extension censée
contrôler le vide de l'immensité.
7
- Le mythe de la Liberté et le temps
C'est néanmoins avec cette histoire-là de notre espèce que M.
Barack Obama est appelé à se colleter s'il entend piloter un
globe terrestre cérébralisé sur un modèle onirique. On frémit au
spectacle de l'impuissance du génie tragique d'un Shakespeare
moderne à faire déambuler sur la scène un Hamlet de la liberté
et de la justice du monde, un Macbeth des sacrifices de la
démocratie à sa propre idéalité planétaire, un Roi Lear du
pouvoir absolu et précaire d'une humanité auto-immolée sur
l'autel cérébral qu'elle est devenue à elle-même. Je demande au
lecteur de prendre garde aux pièges qui l'attendent et de
dresser une oreille attentive aux sorciers du salut, parce que
l'heure de l'empoignade du monde avec le sacré des modernes est
proche de sonner à "l'horloge du destin", comme on disait
autrefois.
Voyez ce qui se passe avec la vassalisation de l'Europe:
personne ne lit les textes qui la définissent et en précisent la
pratique, parce que toute servitude politique n'est jamais qu'un
corollaire des prosternements devant l'absolu. C'est pourquoi il
s'agit toujours de mettre en scène une essence qu'il serait
sacrilège de dater. L'auto domestication religieuse est censée
aller de soi, parce qu'elle est toujours collatérale. Elle
s'exprime par le postulat célèbre et bien connu des théologiens:
"Je suis celui qui suis". Ce serait profaner le temps de
l'absolu que de le chronométrer. Il n'y a pas de pendule et de
cadran de l'idole.
M.
Obama est donc appelé à paraître sur la scène d'un théâtre
calqué sur le royaume des cieux de la démocratie mondiale. De
même que Dieu est scindé entre son empyrée et ses marmites
souterraines, la Démocratie s'est dichotomisée entre ses
carnages et ses dévotions ;de même encore que Dieu fulmine et
foudroie d'un côté et balance de l'autre ses encensoirs
bénisseurs, le chef du royaume de la Liberté ne sait sur quel
pied de l'histoire il doit apprendre à danser; de même encore
que Dieu, il est à lui-même son maître et son paltoquet; de même
encore que Dieu, il brandit ses hochets et ses Déluges; de même
enfin, que Dieu est l'otage de ses ciboires et de ses chambres
des tortures dans les profondeurs de sa démiurgie, la Démocratie
est une copie conforme de nos trois dieux bibliques.
8 - Décidément plus on avance…
Décidément, plus on avance dans la théâtralisation démocratico-théologique
de la planète et de son histoire, plus on s'arrache les cheveux
devant les difficultés que rencontrent les Shakespeare du monde
d'aujourd'hui à peindre les porte-drapeau, les manutentionnaires
et les accessoiristes la très sainte épouse du Dieu Démocratie -
la Liberté. D'abord, vous observerez que le non-temps du ciel
simiohumain se confond à celui de ses esclaves et que
l'intemporalité de cette livrée nous introduit dans les arcanes
les plus cachés de la démocratie.
Car l'empire de M. Barack Obama est d'autant plus pieux que plus
vassalisateur, puisque sa logique interne dispose des deux armes
fondatrices du type de domination qu'exerce la sacralisation du
monde depuis le paléolithique, à savoir, d'une part, la sainteté
d'un maître inaccessible par nature, puisque soustrait aux
contingences de la durée, d'autre part, la piété qui s'attache
par définition à la soumission du fidèle à un froc céleste placé
hors de l'atteinte de ses adorateurs. Les démocraties
consommatrices de l'hostie de la Liberté se trouvent donc
chargées des chaînes d'une théologie du pain bénit de
l'obéissance ; et ces chaînes sont les mêmes que celles des
victimes des cultes le plus primitifs, dont la langue latine
avait conservé la trace sans s'en douter. Pour signifier qu'on
se trouvait entre l'enclume et le marteau, on disait
proverbialement: "Inter caesa et porrecta" , c'est-à-dire
entre l'immolation et l'offrande ou: "Inter sacrum et saxum
stare" c'est-à-dire entre le couteau du sacrificateur et la
pierre de l'offertoire. L'Europe est l'offertoire où le dieu "Liberté"
tient le couteau du victimaire.
Mais si M. Barack Obama est à la fois l'otage et le maître
d'œuvre de l'histoire de la Démocratie mondiale, il nous faudra
un Shakespeare en mesure d'éclairer l'autre face de l'histoire,
celle de la crucifixion , de la mort et de la résurrection du
Dieu Démocratie. On attend de M. Obama qu'il illustre également
la face agonique de l'histoire de l'Amérique , parce que le
nouveau théâtre élisabéthain nous demande : "Qu'est-ce que
l'immortalité?"
9 - La démocratie placée inter
sacrum
et
saxum
L'inconscient auto-bénédictionnel qui sous-tend le suffrage
universel, donc les liturgies du salut par le vote populaire
aurait-il secrètement retrouvé le vieux sang des victimes de
grand prix qu'on présentait à égorger sur les autels des dieux
primitifs et malins, dont on se souvient qu'ils ne se laissaient
pas aisément tromper sur la valeur de la marchandise qu'on leur
offrait? Les meurtres rituels des origines auraient-ils
seulement trouvé des déguisements plus discrets et moins
desséchés que dans le catholicisme, dont la théologie des
masques dont s'affuble le meurtre sacré est demeurée la plus
physiquement trucidatoire de toutes les confessions chrétiennes,
puisque le culte romain proclame encore et le plus résolument du
monde la crue matérialité du sacrifice de l'autel: on sait
qu'aux yeux du Saint Siège, la viande et l'hémoglobine de
Jésus-Christ dûment exposées sur l'étal de la messe sont à la
fois symboliques et censés dûment présentés au sens moléculaire
sur l'offertoire.
Mais quand la politique européenne des sacrifices humains
entraîne les peuples issus des Ecritures de 1789 à suivre les
légions américaines, donc protestantes dans leurs conquêtes
aussi pieusement meurtrières que celles des goupillons et des
croix d'autrefois, et cela du seul fait qu'elles sont désormais
qualifiées de saintement démocratiques, on se demande si les
immolations politico-religieuses que les modernes consentent à
leur démocratie du "salut" par l'intercession de la
Liberté ne répondraient pas à nos retrouvailles les plus
dévotieuses avec les propitiatoires de nos ancêtres, qui
approvisionnaient leurs dieux en cadavres et en entrailles à
tout vat. Car, parmi les premiers évadés de la zoologie il y a
une centaine de millénaires seulement de cela, ce type de
réapprovisionnement des autels était aussi constant que
précautionneusement ritualisé. Mais comment fleurir les
cadavres, comment endimancher les sacrifices, comment remplacer
les morts par des poupées ? France telecom a trouvé la réponse
en anthropologue de génie : après le vingt-quatrième suicide de
ses employés, elle leur a offert à tous un ours en peluche.
Mais, les boucliers anti missiles démocratiquement, donc
saintement placés hier encore aux avant-postes du grand
sacrificateur en Pologne, en Tchéquie ou au Kosovo n'étaient pas
des jouets: ils se trouvaient exposés "inter caesa et
porrecta" ou "inter sacrum et saxum" avant que M.
Barack Obama décidât de les retirer , mais non sans les
considérer comme une monnaie d'échange profitable au dieu
Démocratie - à savoir le désarmement nucléaire de l'Iran, qui
serait imposé à Moscou et à Pékin par Washington et par son
alter ego miniaturisé, Israël. Simplement, la Perse est trop
vieille pour se laisser tromper par un ours en peluche.
Commencez-vous d'apercevoir les acteurs du théâtre caché du
monde, commencez-vous d'apercevoir le personnage dont le sang de
l'autel joue le rôle sur les planches du théâtre élisabéthain de
demain? Car le sang de l'autel fait du dieu Démocratie
l'imitateur et le sosie du dieu biblique . Vous savez tous que
celui-là nous noyait sous les eaux, puis s'en repentait
piteusement - mais non sans forfanterie: "Je me pardonne,
disait-il, mais voici le tribut que tu paieras pour ma
contrition." De même, le Dieu Démocratie se présente en
guerrier armé jusqu'aux dents aux portes de la Russie, puis
consent à battre en retraite , mais non sans apostropher
l'interlocuteur qu'il a outragé et humilié: "Que me donnes-tu
en récompense si je cesse de t'offenser?"
10 - La
vassalité sacrée
Voilà une scène à
porter toute crue et saignante sur le théâtre des Shakespeare de
demain: la peinture au vif du personnage caché sous l'offertoire
et qui met le couteau entre les mains du Dieu Démocratie, ce
saint cambrioleur, ce tueur angélique, ce séraphin de l'histoire
éthérée et toute voletante dans le royaume des cieux. Les
Shakespeare de la Démocratie ne savent pas encore comment faire
prendre son vol à ce sacrificateur. Ils savent seulement qu'il
nous colle le front sur les planches et qu'il ne nous montre que
les nains et les esclaves du dieu, mais ils ne nous mettent pas
le dieu lui-même en scène. Pourquoi cela?
Parce qu'il y a un siècle et demi seulement que Jules Michelet a
pu écrire : "La France est une personne". Mais qui
soutiendra que Braudel aurait réussi à faire de la France un
personnage historique et à le mettre en scène sur le théâtre du
monde? C'est que la vraie postérité historiographique de
Michelet appelle Shakespeare à faire de la Justice une personne,
de la Monarchie une personne, de la Démocratie une personne.
Montesquieu a esquissé cet avenir-là de la science historique;
et également Hippolyte Taine, dont le tableau de l'Angleterre
comme personnage insulaire frise la peinture d'un personnage.
Mais pour mettre en action la Liberté comme un acteur de
l'histoire universelle, il faut une spectrographie de la
théologie inconsciente d'elle-même qui soutient ce monarque. Or,
pour cela, c'est Dieu lui-même qu'il faut se décider à coucher
sur la table de dissection du psychisme du simianthrope,
tellement le créateur est coulé dans le même moule que la
Liberté, la Justice, la France et Clio elle-même; et pour
procéder à une telle autopsie, il faut changer l'échiquier de
l'anthropologie scientifique superficielle d'aujourd'hui; et
pour faire débarquer une telle science dans le cerveau du
simianthrope, qui demeure précisément construit sur le Dieu
biphasé devant lequel il s'agenouille, il faut oser donner son
véritable avenir philosophique au génie du siècle de Voltaire.
11 - Le
valet de pied de l'OTAN
Et
pourtant, la récolte actuelle n'est pas stérile: on y voit le
victimaire suprême déléguer à un homme de main haut comme trois
pommes - hier un Hollandais, aujourd'hui un Danois, mais
toujours un laquais - la tâche d'apprêter l'offertoire : M.
Rasmussen est chargé de convaincre le Vieux Monde de s'engager
davantage en Afghanistan, c'est-à-dire d'y porter l'uniforme du
Pentagone. Il refusera, proclame-t-il, "tout débat qui
remettrait en cause la légitimité de sa mission". Ne
retrouvons-nous pas le "noli me tangere", le "ne me
touche pas" qui, depuis la nuit des temps, protège le sacré
de tout débat afin d'affubler d'un masque d'ange l'animalité de
l'idole? "Certes, ajoute le valet de pied, l'OTAN a
été créée pour la sécurité dans la région euro-atlantique.
Néanmoins nous devons prendre conscience de ce que, dans le
monde d'aujourd'hui, la protection de nos territoires débute
bien souvent fort loin de cette région du monde, par exemple
dans les montagnes de l'Afghanistan."
On
retrouve le mythe de l'ubiquité du Mal, on retrouve les menaces
du Démo au profit du ciel des Démocraties. Mais, encore une
fois, comment faire monter sur la scène et déambuler en chair et
en os sur les planches l'idole cachée sous l'offertoire, le dieu
biface, le sacrificateur au couteau entre les dents, le créateur
dédoublé sur le modèle de sa créature et qui fait attiser sous
la terre par Lucifer, son valet, les fournaises de sa justice
censée resplendir au plus haut des cieux ? La difficulté que
rencontre le théâtre contemporain pour mettre en scène les vrais
acteurs de l'histoire et de la politique du monde ne fait que
commencer ; et pourtant, M. Barack Obama est un acteur dont il
ne faut pas désespérer que son génie du théâtre finisse par
incarner le tragique d'une espèce placée entre sacrum et
saxum.
Certes, il sera difficile de faire monter sur la scène
l'intemporalité de la puissance religieuse et le caractère non
localisable et non chronométrable de l'autorité désormais
saintement conférée à l'absolu de la dernière cuvée. Mais lisez
seulement le texte des pieuses félicitations que M. Rasmussen a
dispensées à la France pour avoir réintégré l'enceinte des
dévotions de l'OTAN, goûtez seulement la saveur doucereuse de la
servitude des modernes, respirez seulement l'odeur de
l'auto-domestication du croyant sanctifié à ses propres yeux par
le spectacle même de sa vassalité, écoutez seulement le
bruissement de la piété dont la catéchèse a souillé les
principes de 1789 et vous découvrirez que les offrandes jugées
payantes se révèlent bel et bien des prébendes de chair et de
sang, qu'elles s'étalent bel bien sur l'offertoire des
démocraties, que les dévotions tenues pour profitables se
trouvent bel et bien en décomposition sur l'autel de la Liberté,
que ce sont bel et bien leurs os et leurs hématies récompensées
par le ciel de la démocratie planétaire qu'on voit sacrifiés au
dieu du nouveau rachat de l'humanité par la sainte et sanglante
intercession du débarquement mythologique de la justice sur
toute la terre.
Le 12 octobre je
tenterai de vous raconter la suite de l'histoire sainte des
modernes.
Publié le 5
octobre 2009 avec l'aimable autorisation de Manuel de Diéguez
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