Opinion
Après les bombes
les réformes du FMI
Manlio Dinucci
Christine
Lagarde
Mardi 13 septembre
2011
Au terme du G8 de
Marseille, la néo-directrice du FMI, la
française Christine Lagarde, a fait une
annonce solennelle : « Le Fonds
Monétaire International reconnaît le
Conseil de transition comme gouvernement
de la Libye et est prêt, en envoyant au
plus tôt son staff sur le terrain, à lui
fournir assistance technique, conseil
politique et soutien financier pour
reconstruire l’économie et commencer les
réformes » (surlignage
traductrice).
Aucun doute, sur la base de
l’expérience consolidée du Fmi, que les
réformes signifieront ouvrir grand les
portes aux multinationales, privatiser
les propriétés publiques et endetter
l’économie. A commencer par le secteur
pétrolier, dans lequel le FMI aidera le
nouveau gouvernement à « rétablir la
production
pour générer un revenu et re-stabiliser
un système de paiements ». Les réserves
pétrolières libyennes -les plus grandes
de l’Afrique, précieuses
pour leur qualité élevée et leur
bas coût d’extraction- et celles du gaz
naturel sont déjà au centre d’une âpre
compétition entre les « amis de la
Libye ». L’Eni a signé le 29 août un
mémorandum avec le Cnt de Benghazi, dans
le but de rester le premier opérateur
international d’hydrocarbures en Libye.
Mais son primat est l’objet de quelques
embûches dressées par la France : le Cnt
s’est engagé le 3 avril à lui concéder
35% du pétrole libyen. Et sont aussi
dans la compétition les Etats-Unis, la
Grande-Bretagne, l’Allemagne et quelques
autres. Leurs multinationales
obtiendront les licences d’exploitation
à des conditions beaucoup plus
favorables que celles pratiquées jusqu’à
maintenant, qui laissaient jusqu’à 90%
du brut extrait à la compagnie nationale
libyenne. Et il n’est pas exclu que
celle-ci aussi ne finisse entre leurs
mains, à travers une privatisation
imposée par le FMI.
En plus de l’or noir, les
multinationales européennes et
étasuniennes visent l’or blanc libyen :
l’immense réserve d’eau fossile de la
nappe nubienne (estimée à 150mille km3),
qui s’étend sous la Libye, l’Egypte, le
Soudan et le Tchad. Les possibilités de
développement qu’elle offre ont été
démontrées par la Libye, qui a construit
un réseau d’aqueducs de 4mille
Kms de long (qui a coûté 25 milliards de
dollars) pour transporter l’eau,
extraite en profondeur par 1.300 puits
dans le désert, jusqu’aux villes
côtières (Benghazi ayant été une des
premières servies) et à l’oasis de
Khufrah, en fertilisant les terres
désertiques. Ce n’est pas un hasard si,
en juillet, l’OTAN a bombardé l’aqueduc
et détruit la fabrique, près de Brega,
qui produisait les conduites nécessaires
aux réparations. C’est sur ces réserves
hydriques, en perspective plus
précieuses encore que les pétrolifères,
que veulent mettre la main -à travers
les privatisations promues par le FMI-
les multinationales de l’eau, surtout
françaises (Suez, Veolia et autres) qui
contrôlent presque la moitié du marché
mondial de l’eau privatisée. Et pour
réparer l’aqueduc et les
infrastructures, les multinationales
étasuniennes comme Kellogg Brown & Root,
spécialisées dans la reconstruction de
ce que les bombes USA/OTAN détruisent,
sont prêtes à s’en occuper : en Irak et
Afghanistan elles ont reçu en deux
années des contrats d’un montant
d’environ 10 milliards de dollars.
Pour les approvisionnements des
nouvelles forces armées libyennes en
armements, après que l’OTAN ait détruit
la plus grande partie de ceux qui
existaient, ce sont surtout les
industries guerrières étasuniennes,
britanniques, françaises et italiennes
qui s’en occuperont. Les affaires ont le
vent en poupe : les exportations
britanniques d’armes en Afrique du Nord
et Moyen-Orient ont augmenté de 30% dans
les premiers mois de l’année, à cause de
la demande accrue de la part de régimes
comme ceux du Bahrein et de l'Arabie
saoudite, engagés à réprimer leurs
mouvements populaires.
L’entière « reconstruction »,
sous la régie du FMI, sera payée avec
les fonds souverains libyens (environ 70
milliards de dollars plus d’autres
investissements extérieurs pour un total
de 150), une fois « décongelés », et
avec les nouveaux revenus de l’export
pétrolier (environ 30 milliards annuels
avant la guerre). Ils seront gérés par
la nouvelle « Central Bank of Libya »,
qui avec l’aide du FMI sera transformée
en une filiale de HSBC (Londres), de
Goldman Sachs (NEW York) et d’autres
banques multinationales
d’investissement. Elles pourront de
cette façon pénétrer encore plus en
Afrique, où
ces fonds sont investis dans plus
de 25 pays, et miner les organismes
financiers indépendants de l’Union
africaine -la Banque centrale, la Banque
d’investissement et le Fonds monétaire-
nés surtout grâce aux investissements
libyens. La « saine gestion financière
publique », que le FMI s’engage à
réaliser, sera garantie par le nouveau
ministre des finances et du pétrole Ali
Tarhouni, ancien enseignant de la
Business School de l’Université de
Washington, autrement dit nommé par la
Maison Blanche.
Edition de mardi 13
septembre de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20110913/manip2pg/08/manip2pz/309832/
Traduit de
l’italien par Marie-Ange Patrizio
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