Mondialisation.ca
Une guerre civile provoquée en Libye afin de justifier une
intervention militaire des États-Unis et de l'OTAN ?
Mahdi Darius Nazemroaya
Samedi 26 février 2011
Est-ce que Tripoli
est poussée à la guerre civile pour justifier une intervention
militaire des Etats-Unis et de l'OTAN dans la Libye qui regorge
de pétrole?
Est-ce que les
pourparlers relatifs aux sanctions sont le prélude à une
intervention de type Irak?
Il y a quelque
chose de pourri dans la “Jamahiriya” de Libye
Il est certain que le Colonel Mouammar Kadhafi (Al-Gaddafi) est
un dictateur. Il a été le dictateur et "caïd" de la Libye
pendant à peu près 42 ans. Il apparaît aujourd'hui qu'on a fait
monter les tensions et qu'on a attisé les flammes de la révolte
sur place en Libye. Ceci inclut les déclarations du Secrétaire
des Affaires Etrangères britannique William Hague comme quoi le
Colonel Kadhafi avait quitté la Libye pour le Vénézuela. [1]
Cette déclaration à servi à amplifier la révolte contre Kadhafi
et son régime en Libye.
Bien qu'ils soient tous les trois
dictateurs, le Libyen Kadhafi est assez différent du
tunisien Ben Ali et de l'égyptien Moubarak. Le pouvoir en Libye
n'est pas tellement subordonné aux Etats-Unis et à l'Union
Européenne. Contrairement aux cas de la Tunisie et de l'Egypte,
la relation qui existe entre Kadhafi et les ETats-Unis et
l'Union européenne est un modus vivendi. En clair, Kadhafi est
un dictateur arabe indépendant et non pas un "dictateur
supervisé" comme Ben Ali et Moubarak.
En Tunisie
et en Egypte, le statu quo prévaut, la machine militaire et le
néo-libéralisme restent intacts, tout ceci roule dans le sens
des intérêts des Etats-Unis et de l'Union Européenne. Par contre
en Libye, les Etats-Unis et l'Union Européenne ont pour objectif
de bouleverser l'ordre établi.
Les Etats-Unis et l'Union Européenne. veulent maintenant
capitaliser sur la révolte contre Kadhafi et sa dictature en
espérant se forger une position plus forte que jamais en Libye.
Des armes entrent en Libye par ses frontières sud pour pousser
la révolte. La déstabilisation de la Libye aurait aussi des
conséquences significatives pour l'Afrique du Nord, l'Afrique de
l'Ouest et les réserves d'énergie globales.
Le Colonel Kadhafi en bref
L'accession
au pouvoir de Kadhafi a commencé quand il était lieutenant
libyen au sein d'un groupe d'officiers qui ont fomenté un coup
d'Etat. Le coup d'Etat de 1969 était contre la jeune monarchie
libyenne et son roi Idris Al-Sanusi. Sous cette monarchie, la
Libye était passive vis-à-via des intérêts des Etats -Unis et de
l'Europe de l'ouest.
Bien qu'il
n'aie aucun poste officiel ou gouvernemental, Kadhafi a alimenté
et profondément enraciné une culture politique du favoritisme,
de la corruption et des privilèges en Libye, dès le coup d'Etat
de 1969. De plus, en toile de fond, il a aussi renforcé le culte
de la personnalité en Libye.
Kadhafi a tout fait pour s'ériger en héros
devant les masses, et en particulier les Arabes et les
Africains. Ses aventures militaires au Tchad étaient aussi liées
au fait de laisser sa marque dans l'histoire et de créer un état
client
en morcelant le Tchad. Le "cahier
vert" de Kadhafi a été fortement décrit et vénéré en tant
qu'exploit politique et philosophique. De nombreux intellectuels
ont été obligés ou payés pour le soutenir.
Avec le
temps, le Colonel Kadhafi a essayé de se forger une image
romantique d'homme du peuple. Ceci implique notamment de vivre
sous la tente. Il a tout fait pour se faire remarquer. Ses
réprimandes à l'égard des autres dictateurs arabes, comme le Roi
Abdallah d'Arabie Saoudite pendant les sommets de la Ligue Arabe
ont fait la une des journaux et ont été bien accueillis par
beaucoup d'Arabes. Pendant ses visites d'état, il s'est
ostensiblement entouré d'une garde rapprochée féminine pour
attirer l'attention. De plus, il s'est aussi auto-proclamé imam
ou leader des Musulmans, et homme de Dieu, discourant sur
l'Islam en Libye et en dehors.
La Libye est
gérée par un gouvernement sous la coupe de Kadhafi. La peur et
le favoritisme ont été le nerf de la guerre pour maintenir
l'ordre en Libye parmi les officiels aussi comme les citoyens.
Des Libyens et aussi des étrangers ont été tués ou ont disparu
pendant plus de dix décades. Le cas du Libanais Musa Al-Sadr, le
fondateur du mouvement Amal, est l'un des plus fameux et a
toujours été une entrave pour les relations Libano-Libyennes.
Kadhafi a eu une influence très négative en créant et en
conditionnant une hiérarchie entière d'officiels corrompus à
Tripoli. Chacun poursuit son propre intérêt aux frais des
Libyens.
Ruptures et Tensions dans la
Hiérarchie du Régime de Kadhafi.
A cause de la nature du régime de Kadhafi à
Tripoli, il y a beaucoup de tensions internes en Libye et dans
la structure du régime elle-même. L'un de ces sujets de tension
est entre Saif Al-Islam Kadhafi et le cercle des ministres plus
âgés de son père.
Les ministres libyens sont en
général divisés entre ceux qui se regroupent autour de Saif
Al-Islam et ceux qui font partie de la vieille garde.
Il y a même des tensions entre Kadhafi et
ses fils. En 1999, Mutassim Al-Kadhafi essaya de renverser son
père quand le Colonel Kadhafi était hors de Libye. Mutassim
Kadhafi dispose d'un panel de sociétés libyennes en tant que
conseiller en sécurité nationale.
Il est fameux parmi les Libyens en
tant que play-boy ayant passé la plupart de son temps en Europe
et à l'étranger. Il y a aussi Khames Kadhafi qui a sa milice de
nervis, qu'on appelle la milice Khames. Il a toujours été vu
comme un candidat sérieux pour la succession par rapport à ses
frères.
On a toujours
eu en Libye des craintes au sujet de la succession en cas de
disparition du Colonel Kadhafi. Au fil du temps, Kadhafi a purgé
en profondeur la Libye de toute forme d'opposition organisée et
a empêché quiconque, à part sa famille, d'acquérir suffisamment
de pouvoir pour défier son autorité.
Le problème de la loyauté et de
la défection en Libye.
Sans aucun doute, il n'y a pas une grande
loyauté envers Kadhafi et sa famille. C'est par peur que les
Libyens se sont tenus tranquilles. Au niveau du gouvernement
libyen et des militaires libyens, bons ou corrompus, ils
se sont tenus tranquilles par peur
et par intérêt personnel. Cette chape de peur vient de sauter.
Les affirmations et les déclarations de dénonciations contre le
régime de Kadhafi arrivent des officiels, des villes et des
casernes dans toute la Libye.
Aref Sharif,
commandant de la Force Aérienne libyenne, a lâché Kadhafi. Le
Ministre de l' Intérieur Abdul Fatah Al-Yunis (Al-Younis), qui
est de Bengazi et supervise une section des opérations spéciales
en Libye a démissionné. On rapporte que Yunis est le numéro deux
de Kadhafi, mais c'est inexact. Abdullah Sanusi, le chef des
services secrets libyens et allié à Kadhafi par son mariage,
serait plutôt numéro deux dans la structure du pouvoir à
Tripoli.
On a rapporté que deux pilotes libyens se
seraient réfugiés à Malte et que des vaisseaux de la marine
libyenne auraient refusé d'attaquer Bengazi.
Les défections continuent en cascade
au sein de l'armée et du gouvernement. Maintenant, il faut une
pause pour analyser la situation.
L'opposition libyenne
Il est temps de se demander qui est
l'opposition en Libye. L'opposition n'est pas
monolithique. Son commun
dénominateur est l'opposition au système de Kadhafi et de sa
famille. Il faut dire que les "actions d'opposition ou de
résistance contre l'oppresseur" et un "mouvement d'opposition"
sont deux choses différentes. Principalement, les gens
ordinaires et les officiels libyens corrompus, qui génèrent une
haine bien ancrée envers Kadhafi et sa famille, sont maintenant
dans le même camp, mais il y a des différences.
Il y a une
forme d'opposition authentique qui n'est pas organisée, et une
forme d'opposition systématique, qui est soit externe, soit
menée par des personnalités du régime libyen proprement dit.
L'opposition interne des gens authentiques en Libye n'est pas
organisée et les "actions de l'opposition" venant du peuple ont
été spontanées. Pourtant, l'opposition et la révolte ont été
encouragés et relatées depuis l'extérieur de la Libye à travers
les réseaux sociaux, les chaînes de nouvelles internationales et
les évènements à travers le reste du Monde Arabe. [2]
Le leadership
de l'opposition interne qui émerge en Libye vient de l'intérieur
du régime lui-même. Les officiels corrompus qui se sont rebellés
contre Kadhafi ne sont pas choisis par le peuple. Ces figures de
l'opposition ne sont pas opposées à la tyrannie; elles sont
surtout opposées à la férule du Colonel Kadhafi et de sa
famille. Aref Sharif et Al-Yunis sont eux-mêmes des
personnalités du régime libyen.
Il faut voir que quelques officiels libyens
qui se sont retournés contre Kadhafi le font pour se sauver,
alors que d'autres vont travailler à mollir ou durcir leurs
positions. Abdel Moneim Al-Honi, le délégué libyen à la Ligue
Arabe au Caire, peut être pris comme exemple.
Al-Honi a dénoncé Kadhafi, mais il
faut remarquer qu'il était l'un des membres du groupe des
officiers libyens qui ont fait le coup d'Etat de 1969 avec
Kadhafi et que plus tard en 1975, il a lui même essayé de
prendre le pouvoir en un coup d'Etat manqué. Après ce coup
manqué, il a fui la Libye et ne revint qu'en 1990 après que
Kadhafi lui eût pardonné.
Al-Honi n'a
pas été le seul diplomate libyen à démissionner. L'ambassadeur
libyen en Inde en fit autant. Il y a une intention de la part de
ces officiels à être partie-prenante du pouvoir en Libye après
l'éviction de Kadhafi:
L'ambassadeur de Libye en
Inde Ali al-Essawi a déclaré à la BBC qu'il démissionnait,
opposé à l'attitude violente du gouvernement envers les
manifestants.
M. Al-Essawi avait été
Ministre à Tripoli et pourrait être une personnalité
importante dans un gouvernement alternatif, au cas où le
Président libyen Mouammar Kadhafi perde le pouvoir.
Le second diplomate
libyen à démissionner fut le représentant permanent auprès
de la Ligue Arabe
Abdel Moneim al-Honi, qui
déclara au Caire qu'il devait quitter son poste pour
"rejoindre la révolution" dans son pays.
"J'ai remis ma démission
en protestation contre les actes de répression et de
violence contre les manifestants, et je rejoins les rangs de
la révolution," a déclaré M. Al-Honi. Le second Secrétaire
Hussein Sadiq al Musrati, a annoncé sa démission depuis la
Chine, dans un interview à Al-Jazeera, et a appelé l'armée à
intervenir dans le soulèvement. [3]
A nouveau,
ces officiels en révolte, comme Al-Yunis et Sharif, sont issus
du régime. Ce ne sont pas des diplomates, mais d'anciens
ministres. Il y a aussi la possibilité que ces "figures de
l"opposition" pourraient avoir fait ou faire des arrangements
avec des puissances étrangères.
Puissances étrangères en jeu en
Libye
Les
gouvernements des Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Allemagne
et Italie savaient très bien que Kadhafi est un despote, mais
cela ne les a nullement empêchés de faire des affaires
lucratives avec Tripoli. Quand les media ont couvert la violence
en Libye, on aurait pu aussi se demander, d'où viennent les
armes qu'on a utilisées? Les ventes d'armes que les Etats-Unis
et l'Union Européenne ont faites à la Libye doivent être
examinées. S'agit-il d'une partie de leur programme de
promotion?
Depuis le rapprochement entre les
Etats-Unis et la Libye, les forces militaires des deux pays se
sentent des points communs. La Libye et les E.U. ont
des transactions militaires, et
depuis le rapprochement, Tripoli s'est montré très intéressé à
acheter du matériel lourd américain. [4] En 2009, une
porte-parole du Pentagone, le Lieutenant-Colonel Hibner, a
affirmé que cette relation était au mieux; "[Les E.U.]
considéreront les demandes libyennes pour des équipement de
défense qui permettent [à la Libye] de se renforcer dans des
zones qui servent nos intérêts mutuels [ou les intérêts
synchronisés des Etats-Unis et de la Libye]." [5] Le critère est
ici les intérêts des Etats-Unis, c'est-à-dire que le Pentagone
n'armera la Libye que sur la base des intérêts étasuniens.
Il semble que ce qui est arrivé hier, c'est
l'arrivée en Libye de tout un arsenal de matériel de défense des
Etats-Uis.
Des jets F-16 made in USA, des
hélicoptères Apache et des véhicules sont utilisés en Libye par
Kadhafi. Si elle est confirmée, cette révélation est choquante.
Il n'y a pas de confirmation officielle au sujet de ce matériel
militaire en provenance des Etats-Unis dans l'arsenal libyen.
Par rapport aux F-16, les jets libyens sont traditionnellement
des Mirages de fabrication française et des MIGs russes.
Silvio Berlusconi et le gouvernement
italien ont également été d'ardents
supporters
du régime de Kadhafi.
Il y a une information en provenance
de Libye selon laquelle il y aurait des pilotes italiens au sein
de l'Armée de l'Air libyenne. [7] Il y a également des
mercenaires venant du Tchad, du Soudan, du Niger et du Nigeria.
Ceci a été vérifié sur des vidéos en
provenance de Libye. Le régime libyen envisage également de
passer des contrats avec des sociétés de sécurité américaines ou
européennes (mercenaires). [8]
Les Politiques d'Al Jazeera
Le gouvernement libyen a coupé Internet et
les lignes téléphoniques, une guerre de l'information est en
cours. Bien qu'étant l'un des réseaux d'information les plus
professionnels du monde, il faut reconnaître qu'Al Jazeera n'est
pas neutre. Il est subordonné à l'Emir du Quatar et au
gouvernement Quatari, qui est aussi une
autocratie. En sélectionnant et
choisissant ce qu'il rapporte, la couverture de la Libye par Al
Jazeera est biaisée. Ceci saute aux yeux quand on examine la
couverture de Barheïn par Al Jazeera, qui a été tronquée en
raison des liens politiques entre Barheïn et Quatar.
Les retours d'Al Jazeera sur les jets
libyens faisant feu sur les manifestants à Tripoli et dans les
villes principales ne sont pas confirmés et posent question. [9]
D'où les relations selon lesquelles les jets libyens
auraient attaqué les gens dans les
rues n'ont pas été vérifiées. On n'a aucune preuve visuelle de
l'attaque des jets, alors que les autres évènements de Libye ont
été confirmés par des preuves visuelles.
Al Jazeera n'est pas le seul à avoir biaisé
les informations venant de Libye. Les media d'Arabie Saoudite se
délectent également des évènements en Libye.
Asharq Al-Awsatest
un journal appartenant à un Saoudien, et qui est strictement
aligné sur les intérêts des Etats-Unis dans la région du
Moyen-Orient Afrique de l'Est (MENA). Son rédacteur en chef fait
actuellement des éditoriaux glorifiant la Ligue Arabe pour sa
décision d'exclure la Libye, à cause de
l'usage de la force par Tripoli
envers les manifestants libyens - pourquoi de telles mesures
n'ont-elles pas été prises pour l'Egypte, la Tunisie, le Barheïn
ou le Yémen? - A l'intérieur comme à l'extérieur du Monde Arabe,
les media principaux créent actuellement les conditions pour une
intervention en Libye.
Le Rôle des intérêts étrangers
en Libye
Kadhafi et
ses fils ont géré la Libye comme une propriété privée. Ils ont
gaspillé ses forces et ses ressources naturelles. L'un des fils
de Kadhafi est connu pour avoir payé la chanteuse américaine
Beyonce Knowles au moins un million de dollars US pour un
concert privé. [10] Les sociétés étrangères jouent également un
rôle dans cette histoire.
Les positions et les actions des sociétés
étrangères, des Etats-Unis et de l'Union Européenne face à la
Libye ne devraient pas être ignorées.
Se poser
des questions sur le rôle des gouvernements et des sociétés
étrangers en Libye, voilà qui est très important. Les
gouvernements italien et américain devraient être interrogés
quant au rôle des pilotes de nationalité italienne, et de toutes
les nouvelles armes mises en jeu en Libye.
Il est très
clair que la démocratie est employée comme un prétexte pratique
uniquement contre les dictateurs qui ne font pas allégeance aux
intérêts américains et européens. Il suffit de regarder comment
Mutassim Kadhafi fut accueilli les bras ouverts à Washington le
21 avril 2009 par Hillary Clinton et l'administration Obama. Après
le meeting, la Secrétaire d'Etat Clinton a déclaré en public:
Je suis très heureuse d'accueillir le
Ministre Kadhafi au Département d'Etat. Nous attachons
beaucoup d'importance à la relation entre les Etats-Unis et
la Libye. Nous avons beaucoup d'occasions pour approfondir
et renforcer notre coopération, et je souhaite vivement
investir dans cette relation.
Alors, M. le Ministre, bienvenue ici. [11]
Ce que
veulent les Etats-Unis et l'Union Européenne maintenant, c'est
tirer un maximum de profit de la Libye. La guerre civile, c'est
ce que Bruxelles et Washington ont derrière la tête.
La balkanisation de la Libye et
la marche vers la guerre civile.
Le fils de
Kadhafi Saif Al-Islam a fait des déclarations sur la télévision
libyenne sur des organisations religieuse apparentées aux
Talibans et qui prendraient le dessus en Libye ou essayeraient
de le faire. Rien n'est moins vrai. Il a aussi mis en garde
contre la ruine et la guerre civile. C'est un exemple des
efforts de la famille Kadhafi pour garder le pouvoir en Libye,
mais une avancée vers la guerre civile apparaît en Libye.
Parmi les personnalités en vue chez les
militaires, Mahdi Al-Arab, le chef adjoint de l'Etat-Major
libyen, aurait renié Kadhafi.
[12] Al-Arab a cependant modifié sa
position en disant qu'il ne veut pas voir la Libye s'enfoncer
dans la guerre civile que déclencherait une intervention
étrangère ou une mise sous tutelle.
[13] C'est pourquoi Al-Arab a
empêché les gens de sa ville, Zawarah, de se joindre à la
révolte et d'aller à Tripoli, ville voisine.
[14]
Le penchant
vers la guerre civile en Libye est encouragé par deux facteurs.
L'un est la nature du régime de Kadhafi. L'autre est un désir
extérieur d'affaiblir et de diviser la Libye.
Kadhafi a
toujours agi de façon à diviser les Libyens. Cela fait des
années que l'on craignait que les fils de Kadhafi ne déclenchent
entre eux une guerre civile, ou qu'un autre haut dignitaire
n'intervienne pour prendre le pouvoir après la disparition de
Kadhafi. Une guerre civile sur les bases des ethnies, du
régionalisme ou du tribalisme, ce n'est pas une très grosse
menace. On peut coopter ou s'allier avec des tribus ou des
régions, mais ceux qui voudraient déclencher la guerre civile
sont des puissants du régime. Les risques de guerre civile
viennent des rivalités entre les officiels du régime eux-mêmes.
Il faut bien comprendre que ces rivalités ont été soigneusement
entretenues afin de diviser la Libye.
Les feux de
la guerre sont ravivés en Libye. Dans de nombreux cercles
stratégiques à Washington, Tel-Aviv, Londres et aux Quartiers
Généraux de l'OTAN, on voit d'un bon oeil le chaos dans le Monde
Arabe. Si la Libye est en proie à la guerre civile ou devient
balkanisée, les bénéficiaires seront les Etats-Unis et l'Union
Européenne, à long terme, et il y aura de sérieuses implications
géopolitiques.
Tous les
états voisins en Afrique du Nord seraient déstabilisés par les
évènements en Libye. L'Afrique de l'Ouest et l'Afrique centrale
seraient également déstabilisées. Les frontières tribales de
Libye et du Tchad s'étendent jusqu'au Niger, à l'Algérie et au
Soudan. Le chaos en Libye aurait également un impact non
négligeable en Europe et sur l'énergie au niveau global. Les
évènements en Libye servent de test pour le contrôle du Cercle
Arctique et de ses ressources énergétiques. [15]
Quelle sera la chute de Kadhafi?
Il y a de
fortes chances pour que Kadhafi n'aie pas une sortie du pouvoir
aussi heureuse que Ben Ali en Tunisie et Moubarak en Egypte.
Kadhafi aura du mal à trouver un pays d'accueil. En général,
Kadhafi est considéré comme une assurance par les autres
gouvernements. L'Arabie Saoudite, que l'on peut dépeindre comme
un refuge pour les dictateurs, n'accordera sans doute pas le
refuge à Kadhafi. La Libye et l'Arabie Saoudite ne sont pas en
bons termes. Il est également recherché pour témoignage au
Liban. En général, la relation de Kadhafi avec les leaders des
pouvoirs pétroliers arabes du Golfe Persique est tendue et
négative. Personne ne l'accueillera dans le Golfe Persique.
En général,
les gouvernements arabes auront peur de l'accueillir. Dans ses
efforts pour passer pour un champion du peuple, il a insulté
beaucoup de ses pairs dictateurs arabes. Cependant il faut dire
que les déclarations de Kadhafi aux meetings de la Ligue Arabe
ou au sujet de la Palestine ou de l'Irak sont beaucoup plus
populaires et candides que ce qu'ont fait le reste des
dictateurs.
Il est très
improbable qu' un pays d'Amérique Latine, d'Europe ou
ex-soviétique lui donne refuge. On le verrait mieux dans un pays
d'Afrique sub-Saharienne.
Ses options
sont limitées et il est déterminé à garder le pouvoir. La guerre
civile semble surgir à l'horizon. Il y a fort peu de chances
qu'il quitte la Libye pacifiquement, et les Etats-Unis et leurs
alliés on sans aucun doute examiné ce scénario. Les 23 et 24
février 2010, il a rencontré les chefs des trois plus
importantes tribus de Libye (Werfala, Tarhouna et Wershfana),
pour s'assurer de leur soutien . [16] Sa propre tribu, Qaddafa,
le soutient et il semble que les tribus Madarha et Awlad Slieman
le soutiennent aussi. [17]
Les
risques d'intervention de l'OTAN et les E.U. et l'U.E.
Contrôler la Libye
La Libye est
dans le collimateur du Pentagone depuis des années. Selon Wesley
Clark, le général en retraite qui était le commandant en chef de
l'OTAN, la Libye était sur la liste des pays à envahir après
l'Afghanistan contrôlé par les Talibans. La liste incluait
l'Irak, la Somalie, le Soudan, le Liban, la Syrie et enfin
l'Iran. Les propos de Clark:
"Alors je suis rentré pour le voir [un officier de haut rang
au Pentagone] quelques semaines après, nous étions alors en
train de bombarder l'Afghanistan." "- allons nous toujours
faire la guerre avec l'Irak?" "- Oh, c'est pire que ça." Il
rejoint son bureau. Il prit une feuille de papier" - Je la
rapporte tout juste du 1er étage aujourd'hui." - ce qui
voulait dire du bureau du Secrétaire de la Défense -. Il
ajouta: "C'est un mémo qui explique comment nous allons
prendre sept pays en cinq ans, d'abord l'Irak puis la Syrie,
le Liban, la Somalie, le Soudan et pour finir l'Iran." [18]
D'une manière
ou d'une autre, toutes les nations de la liste ont été attaquées
de manière directe ou indirecte, et toutes, sauf la Syrie et
l'Iran, ont succombé aux Etats-Unis et à ses alliés. Je répète,
les seules exceptions sont l'Iran et son alliée la Syrie. Au
Liban, les Etats-Unis ont partiellement gagné, mais il y a un
recul avec le déclin de l'alliance du 14 mars conduite par
Hariri.
La Libye a
entamé des négociations secrètes avec Washington en 2001, qui se
sont concrétisées par un rapprochement formel après la chute de
Bagdad provoquée par les troupes britanniques et américaines en
2003. En fait, les Etats-Unis et leurs alliés ont toujours voulu
étendre leur influence sur le secteur énergétique de la Libye et
s'approprier les grandes richesses de la Libye. Une guerre
civile offre la meilleure des couvertures en ce sens.
Les Libyens doivent être
conscients du prétexte d'intervention pour aide humanitaire.
Les Libyens
doivent absolument être sur leurs gardes. Il est clair que les
Etats-Unis et l'Union Européeenne soutiennent les deux camps.
Les Etats-Unis et l'Union Européenne ne sont pas les alliés des
peuples du Monde Arabe. A ce propos, les Etats-Unis supportent
Kadhafi au sol par du matériel militaire, alors qu'ils
supportent également l'"opposition". Si les soi-disant
gouvernements des pays occidentaux étaient sérieux au sujet de
la démocratie, ils auraient coupé les liens commerciaux avec la
Libye, et spécialement le secteur énergétique, avant 2011.
Washington et
le pouvoir de Bruxelles pourraient conjointement coopter les
forces d'opposition. Ils ont soutenu Kadhafi, mais ils ne le
contrôlent pas, ni lui ni son régime, de même qu'ils n'ont pas
contrôlé Ben Ali en Tunisie et Moubarak en Egypte. La Libye,
c'est une toute autre histoire. Les objectifs de Washington et
de Bruxelles seront de renforcer leur contrôle sur la Libye soit
par un changement de régime, soit par une guerre civile.
Les "Actions
de l'opposition à Kadhafi" sont puissantes, mais il n'y a pas de
véritable "mouvement d'opposition." Les deux choses sont
différentes. La démocratie n'est pas garantie, à cause de la
nature de la coalition opposée à Kadhafi, qui compte de nombreux
officiels corrompus du régime.
On discute
actuellement d'une "intervention humanitaire" en Libye, comme en
Yougoslavie et en Irak. Une "interdiction de survol" au dessus
de la Libye a été évoquée, ainsi qu'une possible intervention de
l'OTAN. Les intentions derrière ces déclarations ne sont pas
humanitaires, mais visent à justifier une ingérence étrangère
qui pourrait potentiellement mener à une invasion. Si ceci se
mettait en place, la Libye deviendrait un pays occupé. Ses
ressources seraient pillées et ses richesses privatisée et
contrôlées par des compagnies étrangères comme c'est le cas de
l'Irak.
Aujourd'hui les fantômes d'Omar Mukhtar et
de Saladin sont encore très vivants et actifs en Libye et dans
le Monde Arabe. Se débarrasser de Kadhafi et de ses fils, ce
n'est pas la solution. Tout le système corrompu de gouvernance
en Libye, et la culture de la corruption politique doivent être
démantelés. En même temps il faut pourtant ne pas laisser
s'installer en Libye les ingérences étrangères.
Si le peuple libyen est mobilisé et
ferme, il peut combattre ces méthodes.
Article original en
anglais :
Libya: Is Washington Pushing for Civil War
to Justify a US-NATO Military Intervention?,
publié le 25 février 2011.
Traduction par
Madelaine Chevassus
Notes
[1] “UK Hague: some information that Qaddafi on way to
Venezuela,” Reuters,
21 février 2011.
[2] On revient en arrière vers la prolifération de drapeaux
libyens lors du coup de 1969. D'où viennent tous ces drapeaux?
[3] “3 Libyan Diplomats resign,”
The Hindu, 22
février 2011.
[4] James Wolf, “U.S. eyes arms sales to Libya,”
Reuters, 6
mars 2009.
[5] Ibid.
[6] Informations venant de sources en Libye, non encore
confirmées.
[7] Ibid.
[8] Ibid.
[9] Ibid.; J'ai donné des explications sur ce point.
La première explication, c'est que des agents du
gouvernement de Libye ont répandu des contre-informations auprès
d'Al-Jazeera. Ceci inclut les rapports faits à Al-Jazeera selon
lesquels des jets avaient attaqué des civils dans les rues.
Kadhafi a joué là-dessus pour discréditer Al-Jazeera
sur le plan intérieur en Libye en affimant au peuple
Libyen qu'il n'y avait pas eu d'attaques de jets, et qu'Al-Jazeera
diffusait des contre-informations. La seconde explication
est qu'Al-Jazeera diffuse tout simplement des
contre-informations. En tout cas, les deux explications
coïncident sur le fait qu'il n'y a pas eu jusqu'à présent
d'attaque des manifestants par des jets libyens.
[10] Marine Hyde, “Beyonce and the $2m gig for Colonel Gaddafi’s
son,” The Guardian (U.K.), 8 janvier 2010;le concert
était pour Mutassim
et non pas Hannibal
Kadhafi (l'article a tort). L'article n'est pas fondamental et a
été cité pour montrer que ce genre d'escapade est à peine connu
des journaux grand public en Grande-Bretagne et en Europe de
l'Ouest.
[11] U.S. State Department, “Remarks With Libyan National
Security Adviser Dr. Mutassim Qadhafi Before Their Meeting,” 21
avril 2009: <http://www.state.gov/secretary/rm/2009a/04/121993.htm>.
[12] Informations venant de sources en Libye, non encore
confirmées.
[13] Ibid.
[14] Ibid.
[15] David Ljunggren, “Libya turmoil puts focus on Arctic oil:
Greenland,” ed. Robert Wilson, Reuters, 23 février
2011.
[16] Informations venant de sources en Libye, non encore
confirmées. On m'a dit que Kadhafi promettait des réformes aux
tribus et qu'il allait se retirer dans environ un an. Et
également qu'il affirmait qu'aucun de ses fils ne serait au
pouvoir en Libye
[17] Ibid.
[18] General (retired) Wesley Clark, “92 Street Y Exclusive Live
Interview,” interview by Amy Goodman, Democracy Now, 2
mars 2007.
Mahdi Darius Nazemroaya
specialisé dans le Moyen-Orient et l'Asie Centrale. Il
est chercheur associé du Centre de recherche sur la
Mondialisation.
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