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Le Quotidien d'Oran
L'Empire, le
dictateur et le projet de pantin
M. Saadoune
Samedi 16 avril 2011
Poursuivre les bombardements sur la Libye… pour obtenir le
départ de Mouammar Kadhafi. Quels que soient les sentiments que
peut inspirer l'autocrate de Libye, les Etats occidentaux
sortent totalement du mandat de l'Onu. Ce n'est pas le texte
cosigné par les dirigeants des Etats-Unis, de la France et de la
Grande-Bretagne qui va faire avaler cette grosse couleuvre.
Cette guerre a été lancée au nom de la protection des civils
contre un possible massacre, elle est en train d'être poursuivie
afin de faire tomber un régime et pour remplacer un dictateur
anciennement ami par un nouvel «ami». Que M. Kadhafi ait
facilité par ses éructations grotesques la propagande des
Occidentaux, qui sont en train de s'arroger le pouvoir de
démettre ou d'installer selon leur convenance les dirigeants des
autres pays, ne la rend pas plus acceptable.
Il n'existe pas de diplomatie des droits de l'homme et encore
moins des guerres des droits de l'homme. On est, depuis l'Irak,
dans une entreprise de démolition du droit international. Le
régime irakien installé par l'armada américaine reste d'une
grande fragilité, malgré l'impopularité de l'ancien régime. Le
départ d'un dictateur est hautement désirable. Mais c'est une
affaire des populations concernées. Aucun pouvoir installé par
les armes de l'Otan ne pourra bénéficier d'une quelconque
légitimité. Karzaï aurait depuis longtemps pacifié son pays si
cela était possible.
Il ne sert à rien d'essayer de convaincre des Etats froids qui
continuent de raisonner sous des œillères impériales et
néocoloniales. Mais comme ils font semblant d'aimer les
«formes», il faut souligner clairement que les actions
militaires menées par l'Otan n'ont plus aucune couverture
légale.
La résolution 1973 du Conseil de sécurité n'avait pas pour but
de donner mandat à Obama, Sarkozy et Cameron pour changer le
régime en place. Un article de presse signé Obama et les autres
ne change rien à ce constat. «Il ne s'agit pas d'évincer Kadhafi
par la force», affirment ces trois dirigeants, qui croient que
le monde est peuplé de demeurés. Car c'est clairement ce qu'ils
veulent. Dégommer leur vieil ami Kadhafi - qui peut oublier ses
parades parisiennes, ses arrangements avec les Britanniques pour
élargir les intérêts de BP et les éloges appuyés de Miss
Condoleezza au «guide» ? - pour le remplacer par quelqu'un qui
passera nécessairement pour un pantin.
Cette sortie de l'illégalité, l'action militaire de l'Otan est,
du point de vue du droit international, une entreprise
d'agression. Elle donne des arguments à Al-Qaïda, qui vient
d'ailleurs de se manifester par le biais d'Ayman Edhawahiri en
appelant à combattre aussi bien Kadhafi que l'Otan. Bien
entendu, la propagande occidentale va sans doute la transformer
en argument supplémentaire pour justifier l'intervention.
Les ardeurs guerrières des Occidentaux vont néanmoins alimenter
durablement l'instabilité dans la région. Déjà, la ligne de
front militaire esquisse une partition du pays en deux, voire
davantage, sur fond de désordre généralisé. Qui servira à
justifier une intervention directe au sol et donc à une
occupation militaire de la Libye.
La Russie vient de relever, faiblement, que les Occidentaux sont
en train de sortir du mandat de l'Onu. Le ministre français de
la Défense l'admet clairement. Il s'agit bien d'évincer Kadhafi.
Il s'agit très clairement d'un message de mépris à l'Onu, à la
communauté internationale et au droit international.
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