EODE - International Elections
Monitoring
Italie : la crise
s'approfondit avec l'élection du
président
Luc Michel
Dimanche 21 avril 2013
Luc MICHEL pour EODE Press Office avec
AFP – La Repubblica - La Stampa -
Corriere della Sera – PCN-SPO / 2013 04
20 /
http://www.facebook.com/EODE.monitoring
http://www.eode.org/category/eode-international-elections-monitoring/international-elections-survey/
"Hier, le cannibalisme aveugle des
parlementaires a brûlé même Romano Prodi
(...), le seul dirigeant de la gauche à
avoir une stature européenne. Les
explications sont toutes bonnes et
stupéfiantes, sauf une: la médiocrité
d'un groupe dirigeant et d'une classe
parlementaire qui ne répond plus à rien,
même pas à l'instinct de survie"
- La Repubblica
"La République est
suspendue au-dessus du vide"
- Corriere della Sera,
L’élection présidentielle (indirecte)
est l’occasion d’un nouvel
approfondissement de la crise politique.
La solution choisie – un nouveau tour de
passe-passe à court terme des partis
traditionnels – ne fera que renforcer
l’ébranlement structurel du
parlementarisme italien.
Tour qualifié d’ « incroyable! » par Le
Temps (Genève),
le chef d’Etat sortant Napolitano,
un ancien militant communiste
réintroduit dans le jeu électoral, a été
élu au sixième tour de scrutin. Censé
venir « à la rescousse d’un parlement en
pleine déroute », il s’agit plutôt d’une
traite politique sur l’avenir qui risque
de coûter fort cher.
Retour sur les épisodes mouvementés
d’une dérive qui voit l’usure et la
limite du jeu des partis …
PSYCHODRAME POLITIQUE EN ITALIE
A l’issue du cinquième épisode du
psychodrame politique en Italie: les
grands électeurs n'avaient toujours pas
réussi samedi matin à élire un président
de la République, au lendemain de
l'échec de Romano Prodi qui a entraîné
un véritable séisme au sein de la
gauche.
Les principaux partis de la péninsule
ont donc « exercé dans la matinée une
forte pression sur le chef d'Etat
sortant », Giorgio Napolitano, pour
qu'il accepte un second mandat, "dans
l'intérêt supérieur du pays", comme l'a
dit le chef du gouvernement sortant
Mario Monti dans un communiqué.
M. Napolitano, 87 ans, avait jusqu'à
présent toujours refusé de rempiler en
raison de son âge.
Troisième économie de la zone euro,
l'Italie continue donc de s'enfoncer
dans la crise politique depuis les
élections législatives de fin février
qui n'ont dégagé aucune majorité claire.
"La République est suspendue au-dessus
du vide", titre le Corriere della Sera,
premier quotidien de la péninsule.
L’EPUISEMENT DU JEU PARLEMENTAIRE :
PRODI ECHOUE AU 4e TOUR ET
BERSANI JETTE L'EPONGE AU 5e
TOUR DE SCRUTIN
Parti grand favori, l'ex-Premier
ministre Romano Prodi a échoué ce
vendredi au quatrième tour de l'élection
présidentielle italienne, et Pier Luigi
Bersani, leader du centre-gauche arrivé
en tête aux élections de février,
désavoué, a annoncé son renoncement,
rendant la crise inextricable. Choisi le
matin même par la gauche, qui compte le
plus grand nombre d'électeurs, M. Prodi
avait recueilli seulement vendredi 395
voix, très loin de la majorité absolue
requise (504 voix sur 1.007 électeurs).
101 "franc-tireurs" --sur 496 électeurs
de gauche-- n'avaient pas respecté la
consigne de vote en sa faveur.
M. Bersani avait annoncé que son parti
s'abstiendrait lors du cinquième scrutin
des grands électeurs, ce samedi matin,
et qui s'annonçait donc voué à l'échec.
"Je n'arrive pas à accepter que le
candidature de Romano Prodi ait échoué.
Nous avons abouti à une affaire d'une
gravité absolue, les mécanismes de
responsabilité et de solidarité ont
sauté", a-t-il dit, pour expliquer
l'annonce de sa démission, qui
interviendra, a-t-il dit, une fois élu
le prochain chef de l'Etat.
Selon lui, le PD doit "reprendre les
contacts avec les autres forces
politiques".
La première force de gauche avait déjà
échoué la veille à faire élire
l'ex-syndicaliste démocrate chrétien
Franco Marini, choisi en commun accord
avec la droite de Silvio Berlusconi.
Pour protester contre le choix de M.
Prodi, dont il est la bête noire, le
Cavaliere avait appelé le centre-droit à
ne pas participer au quatrième tour,
consigne largement respectée par son
camp.
Le nom de l'ancien président de la
Commission européenne, âgé de 73 ans,
est très mal vu à droite notamment parce
qu'il est le seul à avoir battu à deux
reprises le Cavaliere.
Pier Luigi Bersani avait opté pour celui
qui a dirigé le gouvernement à deux
reprises (1996-1998 et 2006-2008) pour
tenter de ressouder son parti, que
l'accord avec la droite sur la
candidature Marini avait risqué de faire
éclater. Au moins la
moitié des transfuges du PD ont
apparemment voté pour le candidat du
Mouvement contestataire anti-partis –
que ses adversaires qualifient de
« populiste » - 5 Etoiles (M5S), Stefano
Rodotà, un constitutionnaliste qui
fêtera bientôt ses 80 ans.
M. Rodotà a recueilli 213 voix, soit
bien plus que les 162/163 votes émanant
des "grillini" (petits grillons) comme
sont surnommés les militants du
mouvement de l'ex-humoriste Beppe
Grillo. "Il n'y a
plus de PD. La gauche est détruite", a
asséné Maurizio Lupi, du Peuple de la
Liberté (PDL) de Silvio Berlusconi,
tandis qu'un de ses collègues comparait
la situation au roman "Dix petits
nègres" d'Agatha Christie, où les
personnages meurent les uns après les
autres.
M. Berlusconi s'est réjoui de la
démission annoncée de son adversaire,
affirmant que son parti PDL
s'abstiendrait lui aussi lors du vote
prévu samedi matin s'il n'y avait pas un
candidat de consensus entre droite et
gauche trouvé d'ici là.
Commence alors le jeux stérile des
partis, les combinaziones.
« M. Berlusconi a rencontré M. Monti qui
devait voir M. Bersani samedi matin.
Ou bien la gauche pourrait se rallier au
candidat du M5S, Stefano Rodotà, ancien
député européen et surtout ancien
président du Parti démocratique de la
gauche (PDS, dont le PD est l'héritier).
Le PD peut aussi revenir à une
candidature plus susceptible de séduire
le camp de Silvio Berlusconi, par
exemple l'ex-premier ministre Giuliano
Amato. » Le
directeur du journal La Stampa, Mario
Calabresi, a critiqué le chaos qui a
entouré la stratégie contradictoire du
PD.
"C'est le résultat d'un manque de
courage et d'idées fortes, claires et
communiquées de façon convaincante et
c'est aussi pour ça que le PD n'a pas
gagné les élections", a-t-il dénoncé.
Les élections législatives ont débouché
sur une équation insoluble avec la
gauche qui a la majorité absolue à la
Chambre des députés mais pas au Sénat,
divisé en trois blocs de force
équivalente : la gauche, la droite
berlusconienne et le M5S. Ce qui empêche
la formation d'un gouvernement depuis
plus de 50 jours. 5e
TOUR DE SCRUTIN:
« L'ELECTION PRESIDENTIELLE VIRE A
L'AUTO-DESTRUCTION DE LA GAUCHE »
Les parlementaires et délégués régionaux
avaient commencé peu après 08H00 GMT ce
scrutin considéré inutile, les
principaux partis ayant décidé de voter
blanc ou de s'abstenir.
Le Peuple de la liberté (PDL) de Silvio
Berlusconi avait décidé de ne pas
participer au scrutin, son allié de la
Ligue du Nord de voter bulletin blanc,
de même que les centristes du chef du
gouvernement sortant Mario Monti.
Le Parti démocrate (PD) de Pier Luigi
Bersani avait décidé dès vendredi soir,
après l'échec de son candidat, M. Prodi,
de voter blanc lui aussi lors de ce
cinquième scrutin.
M. Prodi, 73 ans, deux fois chef du
gouvernement italien et ancien président
de la Commission européenne, n'avait
finalement recueilli que 395 voix lors
du quatrième scrutin présidentiel
vendredi soir, soit une centaine de
moins que le nombre total des grands
électeurs du PD qui avait avancé sa
candidature. Les
têtes ont commencé à rouler
immédiatement dans la soirée: M. Bersani
a annoncé sa démission qui sera
effective dès qu'un chef de l'Etat sera
élu, la présidente du PD, Rosy Bindi, a
démissionné elle aussi et M. Prodi a
retiré sa candidature face à la trahison
des membres de son propre parti.
"Le seul conseil que nous pouvons donner
au PD (...) est d'éviter à tout prix de
nouvelles élections (...) car ce serait
un jeu d'enfant" pour ses adversaires
"de se partager les restes d'un parti
orienté avec ténacité vers un suicide
politique collectif", écrit samedi le
directeur du journal Il Fatto Quotidiano
Antonio Padellaro.
Après l'échec jeudi de Franco Marini,
premier candidat officiel au poste de
président, soutenu par le PD et la
droite de Silvio Berlusconi, M. Bersani
avait décidé de présenter vendredi matin
la candidature prestigieuse de Romano
Prodi.
Dans le secret des urnes cependant plus
de 100 grands électeurs du PD ont voté
contre M. Prodi, provoquant un séisme
dans ce parti qui il y a cinq mois
seulement caracolait en tête des
sondages de popularité et se trouve
maintenant au bord de la dissolution.
"Hier, le cannibalisme aveugle des
parlementaires a brûlé même Romano Prodi
(...), le seul dirigeant de la gauche à
avoir une stature européenne. Les
explications sont toutes bonnes et
stupéfiantes, sauf une: la médiocrité
d'un groupe dirigeant et d'une classe
parlementaire qui ne répond plus à rien,
même pas à l'instinct de survie", écrit
La Repubblica, le grand quotidien de
gauche. L'échec
cinglant vendredi soir de ce dernier,
deux fois chef du gouvernement italien,
a entraîné un véritable séisme au sein
de la gauche.
Les têtes ont commencé à rouler
immédiatement dans la soirée: M. Bersani
a annoncé sa démission qui sera
effective dès qu'un chef de l'Etat sera
élu, la présidente du PD, Rosy Bindi, a
démissionné elle aussi et M. Prodi a
retiré sa candidature face à la trahison
des membres de son propre parti.
"Le seul conseil que nous pouvons donner
au PD (...) est d'éviter à tout prix de
nouvelles élections (...) car ce serait
un jeu d'enfant" pour ses adversaires
"de se partager les restes d'un parti
orienté avec ténacité vers un suicide
politique collectif", écrivait samedi le
directeur du journal Il Fatto Quotidiano
Antonio Padellaro.
Le Mouvement cinq étoiles (M5S) qui a
cristallisé le vote contestataire
continue de voter pour son candidat,
Stefano Rodota, un expert de droit
constitutionnel, auquel s'est rallié
également le parti de gauche SEL,
ex-allié du PD. Les
élections législatives de fin février
ont débouché sur une équation insoluble
avec la gauche qui a la majorité absolue
à la Chambre des députés mais pas au
Sénat, divisé en trois blocs de forces
qui se neutralisent mutuellement: la
gauche, la droite berlusconienne et le
M5S.
6e
TOUR : LE RETOUR DE NAPOLITANO
Le président
sortant Giorgio Napolitano est donc venu
ce samedi à la rescousse d'un parlement
en pleine déroute, acceptant à la
demande générale de solliciter un second
mandat en dépit de son âge avancé, pour
sortir le pays de l'impasse.
"Je considère qu'il est de mon devoir
d'offrir la disponibilité qui m'a été
demandée", a expliqué cet ex-communiste,
après avoir reçu la visite dans la
matinée des principaux dirigeants
politiques du pays.
De Pier Luigi Bersani (gauche) à Silvio
Berlusconi (droite) en passant par le
chef du gouvernement sortant Mario
Monti, tous l'ont pressé de se
représenter, après l'échec des 1007
grands électeurs à lui désigner un
successeur après cinq tours de scrutin.
Soumis à une forte pression, M.
Napolitano, qui avait jusque là répété
qu'il ne souhaitait pas rempiler en
raison de son âge (88 ans en juin), a
finalement accepté par "sens de
responsabilité envers la nation". Dans
la matinée, il avait pourtant glissé aux
représentants des régions, "pourquoi
donc ne me laissez-vous pas me
reposer?". "La
République est suspendue au-dessus du
vide", titrait samedi matin le Corriere
della Sera, premier quotidien de la
péninsule.
Cette fois-ci, "les rencontres ont
permis de faire émerger une large
convergence" des forces politiques "à
demander à Giorgio Napolitano d'accepter
sa réélection", a commenté Pier Luigi
Bersani, chef du Parti démocrate (PD),
après l'annonce du vieux chef d'Etat.
Au cours du sixième tour, qui a débuté
peu après 13H00 gmt, la large
convergence de vue entre les principaux
partis devait lui éviter de mauvaises
surprises dans le secret des urnes.
Contrairement à ce qui s'est produit
jusqu'à présent pour les autres
candidats, en particulier pour
l'ex-président de la Commission
européenne Romano Prodi à qui il a
manqué une centaine de voix de son
propre camp. L'échec
cinglant vendredi soir de ce dernier,
deux fois chef du gouvernement italien,
a entraîné un véritable séisme au sein
de la gauche.
Les têtes ont commencé à rouler
immédiatement dans la soirée: M. Bersani
a annoncé sa démission qui sera
effective dès qu'un chef de l'Etat sera
élu, la présidente du PD, Rosy Bindi, a
démissionné elle aussi et M. Prodi a
retiré sa candidature face à la trahison
des membres de son propre parti.
"Le seul conseil que nous pouvons donner
au PD (...) est d'éviter à tout prix de
nouvelles élections (...) car ce serait
un jeu d'enfant" pour ses adversaires
"de se partager les restes d'un parti
orienté avec ténacité vers un suicide
politique collectif", écrivait samedi le
directeur du journal Il Fatto Quotidiano
Antonio Padellaro.
Seul le Mouvement cinq étoiles (M5S),
qui a cristallisé le vote contestataire,
a continué de voter pour son candidat,
Stefano Rodotà, un expert de droit
constitutionnel, auquel s'est rallié
également le parti de gauche SEL,
ex-allié du PD.
"Sept années ont été suffisantes, nous
n'avons pas besoin de M. Napolitano", a
commenté un sénateur du M5S.
NAPOLITANO REELU AU 6e TOUR
« POUR SORTIR L'ITALIE DE L'IMPASSE »
Le président
italien sortant Giorgio Napolitano, 87
ans, appelé à la rescousse par un
Parlement dans l'impasse, a donc été
réélu ce samedi, provoquant la fureur du
contestataire Beppe Grillo qui a crié au
"coup d'Etat" et appelé à une
"mobilisation populaire".
Dans sa première réaction publique après
sa réélection, M. Napolitano a souligné
"la situation difficile" du pays et
indiqué qu'il préciserait ses intentions
au cours de sa prestation de serment et
dans son discours au Parlement lundi.
La réélection, une première dans
l'histoire italienne, à une très large
majorité de cet ancien communiste qui
fêtera ses 88 ans en juin, a été
accueillie par une longue ovation debout
de la majorité des "grands électeurs".
"Aujourd'hui est une journée importante
pour notre République. Je remercie le
président Giorgio Napolitano pour son
sens du devoir et sa générosité
personnelle et politique qui lui a fait
accepter de poursuivre son engagement
dans un contexte aussi difficile et
incertain", a aussitôt réagi le chef de
la droite Silvio Berlusconi.
Son successeur à la tête du
gouvernement, Mario Monti, a lui aussi
remercié M. Napolitano pour son "esprit
de sacrifice".
Le président de la Commission
européenne, José Manuel Barroso, a
félicité M. Napolitano pour sa
réélection qui intervient à "un moment
décisif pour le processus d'intégration"
européen. GRILLO :
"UN COUP D'ETAT EST EN COURS"
A l'opposé, l'ex-humoriste Beppe Grillo,
chef du Mouvement cinq étoiles (M5S), a
estimé que les dirigeants des partis
politiques traditionnels étaient "prêts
à tout pour empêcher le changement".
"Ils sont désespérés. Un coup d'Etat est
en cours", a-t-il écrit sur son blog
pendant que ses partisans, rassemblés
devant la Chambre des députés à Rome,
criaient "Bouffons, bouffons!",
"Honte!", tout en scandant le nom de
leur candidat, le constitutionnaliste
Stefano Rodota
Ce dernier s'est toutefois dissocié de
ces manifestations, soulignant "être
opposé à une quelconque marche sur
Rome". Il a même adressé "un salut au
président réélu".
Napolitano, qui n'avait cessé de répéter
son souhait de ne pas se présenter en
raison de son âge avancé et aussi de la
volonté de changement exprimée par les
électeurs, a finalement cédé à la
pression des responsables politiques,
incapables de lui trouver un successeur
après cinq tours de scrutin.
"Je considère qu'il est de mon devoir
d'offrir la disponibilité qui m'a été
demandée", avait expliqué Giorgio
Napolitano, figure respectée de la scène
politique italienne.
Dans la matinée, de Pier Luigi Bersani
(gauche) à Silvio Berlusconi (droite) en
passant par le chef du gouvernement
sortant Mario Monti, tous étaient venus
l'exhorter à se représenter.
Cette fois-ci, "les rencontres ont
permis de faire émerger une large
convergence" des forces politiques en
faveur de M. Napolitano, a souligné M.
Bersani, chef du Parti démocrate (PD).
La tâche du président est lourde. Les
élections législatives de fin février
ont débouché sur une équation insoluble
avec la gauche qui a la majorité absolue
à la Chambre des députés mais pas au
Sénat, divisé en trois blocs de forces
qui se neutralisent mutuellement : la
gauche, la droite berlusconienne et le
M5S. Cette situation contraint le pays à
aller de l'avant avec un gouvernement
démissionnaire depuis quatre mois.
La solution choisie – un nouveau tour de
passe-passe à court terme des partis
traditionnels – ne fera que renforcer
l’ébranlement structurel du
parlementarisme italien. Et sans aucun
doute, en réintroduisant le président
sortant, renforcera l’anti-parlementarisme.
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