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Retour
sur l'époque où Israël était l'allié déclaré de l'Apartheid
Lenni Brenner
Jimmy Carter
5 novembre 2007
L’ouvrage de
l’ancien président étatsunien Jimmy Carter – Palestine :
la paix, pas l’apartheid ! – a suscité dans une grande
partie de l’opinion publique américaine un sérieux examen des
réalités israéliennes. Non que Carter soit spécialiste de
l’histoire du sionisme. Mais l’Anti-Defamation League et les
autres propagandistes d’Israël travaillent désormais
vingt-cinq heures par jours, trois cent soixante six jours par an,
afin de tenter de discréditer toute analogie entre Israël et
l’Afrique du Sud soumise au régime raciste de l’Apartheid…
Chose piquante :
Carter ne mentionne l’apartheid sud-africain qu’à trois
reprises, pas une de plus. Il relate ainsi, qu’en 1973, tandis
qu’il était en visite officielle en Israël, « le général
Rabin lui décrivit la relation extrêmement étroite qu’Israël
entretenait avec l’Afrique du Sud, en l’occurrence dans le
commerce des diamants (il était revenu de là-bas avec deux ou
trois jours d’avance, de manière à pouvoir accueillir Carter
en Israël). Mais Rabin avait fait la réflexion que le système
sud-africain d’apartheid ne pourrait survivre très longtemps. »
Carter nous relate
aussi que « les dirigeants israéliens s’étaient engagés
dans toute une série de décisions unilatérales, qui shuntaient
tant Washington que les Palestiniens. Leur supposition étant
qu’une barrière d’encerclement apporterait finalement la
solution au ‘problème palestinien’. Usant de leur domination
politique et militaire, ils sont en train d’imposer un système
de retraits partiels, d’encerclement et d’apartheid aux
citoyens des territoires occupés, tant chrétiens que musulmans.
Le principe directeur de la séparation forcée des deux peuples,
à la différence de ce qui se passe en Afrique du Sud, n’est
pas le racisme, mais l’acquisition de terres. Il y a eu un
effort déterminé, et remarquablement efficace, pour isoler les
colons des Palestiniens, de façon à ce qu’une famille juive
soit en mesure de faire la navette entre Jérusalem et sa maison
outrageusement subventionnée dans les profondeurs de la
Cisjordanie, grâce à des routes dont les autres [comprendre les
Palestiniens, ndt] sont exclus, sans avoir à ‘subir’ de
contact désagréable avec l’une quelconque des facettes de
l’existence arabe. »
Et il expose les
trois options – toutes aussi peu sexy les unes que les autres
– auxquelles la population israélienne est confrontée. Une de
ces options, c’est « un système d’apartheid, dans
lequel deux peuples occupent un même territoire, mais en étant
totalement séparés l’un de l’autre ; les Israéliens
exerçant une domination absolue et avortant la violence en
privant les Palestiniens de tous leurs droits humains
fondamentaux. C’est la politique suivie actuellement, bien que
beaucoup de citoyens israéliens critiquent les connotations
racistes inhérentes au fait d’assigner en permanence un statut
de seconde classe aux Palestiniens. Comme l’a formulé un Israélien
éminent : « Je crains que nous ne soyons en train de
nous diriger vers un gouvernement semblable au régime
sud-africain, avec une société duale, faite de dirigeants juifs
et de sujets arabes disposant de droits extrêmement réduits à
la citoyenneté. La Cisjordanie ne vaut pas ce prix-là ! »
Au-delà, son
unique citation concernant l’Afrique du Sud post-apartheid
classe Nelson Mandela comme partisan de l’ « Initiative
de Genève », un plan de paix pour Israël et la Palestine
dans la définition duquel Carter a joué un rôle.
En réalité, les
liens des sionistes tant israéliens qu’américains avec le régime
raciste de Pretoria étaient si étroits qu’il ne saurait y
avoir aucun doute quant à la complicité des dirigeants du
sionisme dans les crimes de l’apartheid, y compris les invasions
meurtrières de l’Angola et de la Namibie.
Israël a dénoncé
l’apartheid jusqu’à la guerre dite de Yom Kippur, en octobre
1973, car cette guerre visait, diplomatiquement, à dégarnir les
pays arabes à l’Onu en courtisant les pays d’Afrique Noire.
La plupart des pays d’Afrique Noire ont rompu leurs relations
diplomatiques avec Israël, cependant, en solidarité avec l’Egypte,
qui s’efforçait de faire se retirer un Israël par définition
non africain du Sinaï, qui appartient géographiquement à
l’Afrique. Jérusalem se tourna alors vers l’Afrique du Sud.
Durant la Seconde
guerre mondiale, la Grande-Bretagne avait fait interner John
Vorster, au motif de ses sympathies nazies. Mais, en 1976, Israël
invita le Premier ministre sud-africain à Jérusalem. Yitzhak
Rabin, Premier ministre d’Israël à l’époque, salua les
« idéaux partagés par Israël et l’Afrique du Sud :
les espoirs de justice et d’une coexistence pacifique. »
Confrontés tous deux à une « instabilité et des troubles
inspirés par l’étranger », Israël – seul pays au
monde, en la matière – autorisa le Bophuthatswana, un « township
noir » marionnette de l’Afrique du Sud, d’ouvrir une
ambassade.
« A partir du
Zaïre, nous allâmes en Afrique du Sud, où on nous emmena, Lily
et moi, visiter la région frontalière avec l’Angola. Là, des
Sud-Africains menaient une guerre de tous les instants contre des
groupes de guérilleros sous commandement cubain, qui
s’infiltraient à partir du Nord. Pour atterrir, notre avion
s’éleva à grande altitude, tandis que des hélicoptères
faisaient des rondes, inspectant la zone. Quand les hélicos
furent rassurés, nous descendîmes en décrivant une spirale en
tire-bouchons, en direction de la piste d’atterrissage – une
spirale très serrée, afin d’éviter le danger représenté par
le tir éventuel de missiles terre-air, les redoutables Strellas
Sam-7, de fabrication russe, que j’avais été amené à connaître
sur le Canal [de Suez, ndt] »
Une fois posés,
j’ai découvert des scènes familières. Des soldats vivaient,
avec leur famille, dans cette zone frontalière, soumis à des
risques permanents, leurs enfants emmenés à l’école dans des
convois protégés par des véhicules blindés aux essieux surélevés,
afin d’être moins vulnérables aux mines.
J’ai circulé,
passant d’une unité à l’autre, et, partout, on m’a fait un
rapport et on m’a tarabusté pour avoir mon appréciation de la
situation. Il est absolument impossible de comparer Israël et
l’Afrique du Sud, et je ne pense pas qu’un juif, quel qu’il
soit, puisse soutenir l’apartheid. Mais en voyant ces unités
s’efforçant de sanctuariser leur frontière contre des raids
terroristes venus d’Angola, vous ne pouviez pas ignorer leur présence
et leur détermination. Aussi, bien que les conditions prévalant
dans les deux pays fussent considérablement différentes, d’une
certaine manière, la vie sur la frontière angolaise ne semblait
pas différer réellement de celle régnant sur nos propres frontières.
Sharon se rendit
ensuite à Washington, afin d’y traiter un ensemble de questions
relatives au Moyen-Orient. Il en profita également « pour
discuter d’autres sujets d’intérêt mutuel avec le Secrétaire
d’Etat Alexander Haig, le secrétaire à la Défense Casper
Weinburger et le directeur de la CIA, William Casey. Je leur ai décrit
ce que j’avais vu en Afrique du sud, notamment les problèmes
auxquels la République d’Afrique Centrale était confrontée.
Je leur ai indiqué que nous devions nous efforcer de remplir les
vides existant dans la région, et je leur ai suggéré l’idée
que des efforts allant dans ce sens s’inscriraient parfaitement
bien dans la coopération américano-israélienne. »
Dès 1989, il était
devenu évident que l’apartheid allait s’effondrer, d’où
les propos de Sharon : « Je ne pense pas qu’un juif
quel qu’il soit puisse soutenir l’apartheid. » Mais un
article publié le 14 décembre 1981 par le New York Times,
intitulé « L’Afrique du Sud a besoin de davantage
d’armes, dit un Israélien » [South Africa Needs More
Armes, Israeli Says] dressait un tableau haut en couleurs du zèle
d’Israël pour la cause de son allié :
« Les
relations militaires entre l’Afrique du Sud et Israël, jamais
totalement reconnues par aucun des deux pays partenaires, a pris
une nouvelle importance avec la récente visite de dix jours
effectuée par le ministre de la Défense israélien, Ariel
Sharon, aux forces sud-africaines en Namibie, déployées tout au
long de la frontière avec l’Angola ».
Dans une interview
accordée durant sa dernière visite aux Etats-Unis, Sharon a
soulevé plusieurs points relatifs à la position sud-africaine.
Tout d’abord, il
a dit que l’Afrique du Sud était un des rares pays en Afrique
et en Asie du Sud-Est qui s’efforçât de résister à
l’infiltration militaire de l’Union soviétique dans la région.
Il ajouta qu’il y
avait eu un flux croissant d’armes soviétiques de plus en plus
sophistiquées vers l’Angola et d’autres pays africains, et
que le résultat de ceci, ainsi que du poids politique et économique
de Moscou, l’Union soviétique était en train de « gagner
du terrain, tous les jours », dans l’ensemble de la région.
M. Sharon, en
compagnie de nombreux analystes militaires américains et de l’Otan,
indiqua alors que l’Afrique du Sud avait besoin de plus
d’armes modernes s’il voulait combattre efficacement des
troupes (ennemies) équipées par l’URSS. L’embargo imposé
aux armements par l’Onu, en novembre 1977, avait tari des
sources d’armement ayant autant pignon sur rue que la
Grande-Bretagne, la France et Israël, contraignant l’Afrique du
Sud à recourir à des marchés par-dessous la table.
Israël, à la tête
d’une industrie d’armement de taille relativement modeste,
mais florissante, bénéficiait des débouchés militaires en
Afrique du Sud avant même l’embargo de 1977.
D’après les
Comptes de l’Armement, publication annuelle de l’Institut
International des Etudes Stratégiques de Londres, la marine
sud-africaine comporte sept vedettes offensives de construction
israélienne, munies de missiles israéliens. La publication fait
observer que sept bâtiments du même type sont commandés, et en
cours de construction. Le bon de commande a dû être signé avant
l’imposition de l’embargo de… 1977 !?
M. Sharon a indiqué
que Moscou et ses alliés avaient réalisé des avancées considérables
en Afrique centrale, établissant des « couloirs énergétiques »,
comme celui qui relie la Libye au Tchad. Il a également dit que
le Mozambique était sous contrôle soviétique, et que
l’influence soviétique au Zimbabwe était croissante.
Le responsable israélien
vit, dans les livraisons d’armes soviétiques, en particulier de
tanks, dans l’ensemble de la région, un autre danger.
La politique
militaire de l’Afrique du Sud, consistant à entretenir des réserves
suffisantes, indiqua M. Sharon, lui permettra de conserver des
forces sur le terrain dans l’avenir prévisible, mais il avertit
qu’à moyen terme, le pays risquait d’être confronté à des
armes plus puissantes, ainsi qu’à des soldats mieux armés et
mieux formés.
Les sionistes américains
étaient quant à eux tout aussi déterminés à soutenir
l’apartheid. Le bulletin de mai 1986 de l’Anti-Defamation
League écrivait : « Congrès National Africain :
Regardons de plus près… » L’article révélait la haine
de cette organisation pour le mouvement à la tête de la lutte de
libération en Afrique du Sud. L’ADL envoya sa tirade à tous
les membres du Congrès des Etats-Unis !
Dans la forme, elle
respectait le politiquement correct : « Un examen de la
situation politique en Afrique du Sud se doit de débuter par la
stipulation coulant de source que l’apartheid est un régime
raciste et déshumanisant. » Mais « cela n’implique
nullement que nous fermions les yeux sur ce qui pourrait émerger,
une fois l’apartheid out… Nous devons distingue entre ceux qui
travailleront à une Afrique du Sud humaniste, démocratique et
pro-occidentale, et ceux qui sont totalitaires, antihumanistes,
antidémocratiques, anti-israéliens et antiaméricains.
C’est dans ce
contexte que l’ANC (African National Congress), si fréquemment
évoqué en tant qu’alternative au gouvernement de Pieter Wilhem
Botha, mérite un examen de près, dépourvu de tout
sentimentalisme… L’ANC, qui cherche à renverser le
gouvernement sud-africain, est un « mouvement national de
libération » qui, dit simplement, est soumis à une très
forte influence communiste. L’ANC est allié avec le Parti
communiste d’Afrique du Sud (SACP), depuis cinquante ans… La
chute de l’Afrique du Sud aux mains d’une force aussi prosoviétique
et procommuniste représenterait un sévère recul pour les
Etats-Unis, dont l’industrie d’armements dépend fortement de
la richesse de l’Afrique du Sud en minerais stratégiques. »
L’espionnage de
l’ADL à l’encontre du mouvement anti-apartheid aux Etats-Unis,
au profit du BOSS, la police secrète sud-africaine, devint
publique en 1993, les journaux de San Francisco ayant révélé
que Tom Gerard, un flic local, et un ancien agent de la CIA, avait
donné illégalement des informations de police à Roy Bullock, le
représentant de l’ADL dans cette ville.
Gerard plaida
coupable, dans le procès qui lui fut intenté pour effraction des
ordinateurs de la police. L’ADL plaida « ce n’est pas
nous, et nous ne recommencerons pas » devant l’attorney du
district. Elle accepta de se plier à l’injonction de ne plus
recourir à des méthodes illégales dans son « suivi »
du monde politique. Le directeur national de l’ADL, Abe Foxman déclara
que, plutôt que d’aller au tribunal, où – bien entendu !
– ils auraient certainement été jugés innocents, l’ADL
renonça au procès parce que « poursuivre ainsi, avec une
enquête sur nous durant des mois et des années, cela risque
d’amener certaines personnes à penser que vous avez peut-être
quelque chose à vous reprocher… »
En dépit de ce
marché de maquignons, les activités de Bullock firent l’objet
d’une enquête. L’ADL prétendit qu’il s’agissait d’un
informateur ‘free-lance’, dont les activités pour le compte
du régime d’apartheid étaient inconnues d’elle. Mais le
rapport du FBI (FBI) FD-302, de 1993, consacré à un
interrogatoire de Bullock, reproduit un courrier retrouvé dans
les fichiers de son ordi, « prêt à être transmis aux
Sud-Africains ». Ce rapport indique qu’ « au
cours d’une conversation prolongée avec deux agents du FBI »,
en 1990, ceux-ci avaient demandé :
« Pourquoi,
à votre avis, des agents sud-africains viennent-ils sur la Côte
Ouest ? Est-ce que je connaissais l’un quelconque des
agents qu’ils avaient finalement interrogés ?... Je répondis
qu’une rencontre avait été arrangée, en secret, par l’ADL,
qui désirait des informations sur les activistes d’extrême
droite en Afrique du Sud, et leurs connexions américaines. A
cette fin, j’ai rencontré un agent à la cafétéria du
Rockefeller Center. »
Le FBI a indiqué
que « Bullock avait fait le commentaire que la lettre
TRIP.DBX était une pièce à conviction particulièrement
« accusatrice ». Il a dit qu’il avait oublié que ce
fichier se trouvait dans son ordi. « Bien entendu, il
s’est empressé de raconter au FBI que ses « déclarations
au FBI, selon lesquelles l’ADL avait mis sur pied sa relation
avec l’Afrique du Sud étaient dénuées de fondement. »
L’ADL était
tellement anti-ANC que seuls, des demeurés auraient pu penser
qu’ils ne savaient pas que Bullock travaillait avec les
Sud-Africains. N’est-il pas plus vraisemblable qu’il avait dit
la vérité, en 1990, mais menti, en 1993 ? Les flics fédéraux
soulevèrent un autre lièvre en 1990, le coinçant avec leurs
questions sur les Sud-Africains. Ils l’interrogèrent dans son
cabinet d’avocat, en 1993. Vous pouvez être sûr que ce qu’il
leur dit alors n’allait pas être répété. Il savait, par
ailleurs, que s’il voulait que l’ADL l’aide à faire face à
ses ennuis avec le FBI à propos de l’Afrique du Sud, il devait
prétendre que ces ennuis n’avaient strictement rien à voir
avec sa connexion avec le service secret sud-africain, le BOSS.
Quoi qu’il en soit, l’ADL continua à travailler avec Bullock.
Et le quotidien new-yorkais Village Voice du 27 juillet 1993
rapporta qu’Irwin Suall, son investigateur en chef, autant dire
un espion en chef, avait indiqué au FBI qu’il « ne
pensait pas que le fait de travailler avec les services
sud-africains était quelque chose de bien différent du travail
avec n’importe quelle autre officine policière. »
Le Time n’a pas
été particulièrement tendre, avec l’ADL. L’ANC dirige son
pays, et c’est un modèle de tolérance ethnique et religieuse.
Ce mouvement n’a jamais été antisémite, et il y a des membres
juifs de l’ANC, au parlement de Pretoria. Mais Foxman est
toujours prêt à laver Israël et l’ADL des infamies qu’on
leur impute. Le 11 octobre, il parla, à la librairie new-yorkaise
Barnes & Noble, de son dernier bouquin : The Deadliest
Lies: The Israel Lobby and the Myth of Jewish Control [Les crimes
les plus mortels : Le lobby israélien et le mythe du contrôle
exercé par les juifs]. Cet ouvrage comporte un chapitre
condamnant Carter. J’étais dans le public, et je l’ai défié :
« Vous
soulevez le fait que Jimmy Carter ait utilisé le terme
‘apartheid’ dans le titre de son bouquin. Mais je voudrais
vous rappeler que, bien entendu, Israël était allié à l’Afrique
du Sud sous régime d’apartheid. Ainsi, j’ai là le New York
Times du 14 décembre 1981, et j’y lis : « L’Afrique
du Sud a besoin de davantage d’armes, disent les Israéliens »
(« israélien » signifiant Ariel Sharon, le ministre
de la Défense, qui effectuait, comme de juste, une virée en
compagnie de l’armée sud-africaine, tandis que celle-ci
envahissait l’Angola. Puis, en mai 1986…,
Foxman : Je
comprends…
Brenner :
Excusez-moi ! L’ADL a envoyé ceci à tous les membres du
Congrès, dénonçant l’African National Congress, l’accusant
d’être prosoviétique et retors, et, oui, antisémite, etc, etc… »
J’étais assis à
plusieurs rangées de fauteuils de lui. Deux ou trois mots, sur
mon enregistrement magnéto, sont indistincts, et je les ai
dactylographiés, ici, en italiques. Mais cela n’affecte pas la
compréhension générale de cette déclaration, qui comporte même
ses fautes de grammaires, tandis qu’il essayait de se dépatouiller
avec mes accusations-surprise :
Foxman :
« OK, l’ANC, durant son combat pour les élections, son
combat pour la libération de l’Afrique, était antisémite,
procommuniste, anti-israélien, ami et allié partout où cela était
possible, des Arabes, du terrorisme palestinien, etc…
J’ai eu le privilège…,
j’ai eu le privilège d’aller à Genève rencontrer le Président
Mandela, avant qu’il soit devenu président, après sa libération
et avant sa venue aux Etats-Unis pour sa première visite. J’ai
eu le privilège très, très spécial de passer cinq heures avec
lui et plusieurs juifs américains qui étaient allés le
rencontrer avant sa venue aux Etats-Unis, afin de mieux
comprendre… Et il nous a dit, « si », nous a-t-il
dit, « je comprends pourquoi Israël a de bonnes relations
avec l’Afrique du Sud de l’apartheid. C’est parce qu’Israël
était boycotté dans le monde entier, parce qu’Israël ne
pouvait avoir de relations avec d’autres pays dans le monde,
Israël vendait pas des armes pour se défendre, aussi je ne juge
pas Israël, je comprends pourquoi Israël, vous ne devez pas me
juger, moi, à cause de ceux qui sont mes amis. Je suis ami de
l’OLP, je deviens amis de ceux qui ont soutenu notre mouvement
de libération, et si vous ne faites pas un préalable du fait que
vos ennemis doivent aussi être les miens, alors je n’en ferai
pas moi-même un préalable, en ce qui me concerne. »
Ainsi, Mandela, qui
était un combattant héroïque dans le combat pour, vous
comprenez très bien, que de même qu’il devait conclure des
pactes avec le diable, il faisait des marchés pour obtenir des
soutiens, y compris avec des gens avec lesquels il n’était pas
d’accord, avec des gens qu’il n’aimait pas. Vous savez
certainement, pour avoir lu sa biographie, qu’il n’était pas
communiste, et pourtant il a bien accepté le soutien des
communistes, parce qu’ils étaient les seuls. Alors, il
comprenait, et respectait, le fait qu’Israël entretînt des
relations avec l’Afrique du Sud !...
L’Afrique du Sud
était un des rares pays qui lui [= à Israël, ndt] vendait des
armes. Il faut se souvenir que c’étaient là les années durant
lesquelles l’Amérique refusait de vendre des armes à Israël.
C’étaient les années où l’Europe ne vendait pas non plus
d’armes à Israël. Alors, il comprenait. Est-ce que cela
plaisait à tout le monde ? Non, bien sûr. Avons-nous envoyé
les infos concernant l’ANC, à ce moment-là ? Yep !
Mais, aujourd’hui, les choses ont changé, elles ont changé du
tout au tout !
Avec quelle précision
rendait-il compte des commentaires de Mandela ? Nous savons
que l’ANC avait passé un marché avec les dirigeants de
l’apartheid. Les Noirs avaient obtenu leurs droits et des
auditions devaient avoir lieu sur les crimes de répressions qui
avaient effectivement eu lieu du temps du régime raciste. Mais
des militaires et d’autres responsables Blancs ont conservé leur
poste, sous le nouveau gouvernement dirigé par les Noirs. Aussi,
si Mandela a dit ce que Foxman a prétendu qu’il a dit, alors
c’était dans cet état d’esprit de réconciliation :
« Vous avez fait ce que vous avez pensé devoir faire, moi
aussi : alors, dépassons cela, et allons de l’avant ! »
La paix généreuse
offerte par l’ANC n’a pas rendu, rétrospectivement,
l’apartheid moins criminel. Si Mandela voulait que les relations
entre son nouveau gouvernement et Israël passent à un niveau
plus intime, cela ne rendait en rien la collaboration d’Israël
et de l’ADL avec le racisme moins indigne, pas même d’un
poil. Et, bien entendu, les militants de l’ANC continuent à dénoncer
les crimes israéliens contre les Palestiniens. L’archevêque
Desmond Tutu, secrétaire de la Commission Sud-Africaine sur la Vérité
et la Réconciliation, a été très clair, lors du meeting
« End the Occupation » [Mettez fin à
l’occupation !], tenu en 2002 :
« Vous savez,
aussi bien que moi, que, d’une certaine façon, le gouvernement
israélien est mis sur un piédestal. Le critiquer, cela revient
à se faire immédiatement taxer d’antisémite… Les gens ont
peur d’appeler un chat un chat, parce que le lobby juif est extrêmement
puissant. Alors, que faire ?
Au nom du Ciel, ce
monde a été créé par Dieu ! Nous vivons dans un univers
moral ! Le gouvernement de l’apartheid était extrêmement
puissant, et pourtant, aujourd’hui, il n’existe plus !
Hitler, Mussolini, Staline, Pinochet, Milosevic et Idi Amin étaient,
tous, puissants. Mais, à la fin, ils ont mordu la poussière ! »
Cinq ans ont passé.
Israël est toujours extrêmement puissant. Mais, le moment venu,
lui aussi sera remplacé par un unique Etat démocratique, laïque,
binational palestino-israélien. Le modèle, pour cet Etat
binational, c’est la constitution actuelle de l’Afrique du
Sud. La plupart des Blancs qui vivent là-bas disent qu’ils y
sont tout aussi favorables que les Noirs. Et quand le
binationalisme laïc finira par vaincre, les Israéliens, tout
autant que les Palestiniens, de la même manière, jouiront de
leur égalité, de leur paix et de leur prospérité.
[* Lenni Brenner
est l’auteur de quatre ouvrages (en anglais) : Le sionisme
à l’époque des dictateurs / Le mur d’acier : le révisionnisme
sioniste, de Jabotinsky à Shamir / Les juifs en Amérique
aujourd’hui et Le Moindre Mal, Une étude du parti démocrate américain.
Ces ouvrages ont eu des critiques très positives dans des
publications éminentes en onze langues, dont le London Times, la
London Review of Books, les Izvestia de Moscou et le Jerusalem
Post. En 2002, Lenni a publié : 51 Documents : La
collaboration sioniste avec les nazis. Cet ouvrage contient des
traductions exhaustives de nombreux documents cités dans Le
sionisme à l’ère des dictateurs, ainsi que dans Le mur
d’acier. En 2004, il a publié Sur la Séparation de l’Eglise
et de l’Etat : Ecrits sur la Religion et le Sécularisme,
chez Jefferson & Madison.
Traduit
de l’anglais par Marcel Charbonnier
Adresse URL de son
blog : http://www.smithbowen.net/linfame/brenner
Son adresse mél : BrennerL21@aol.com
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