Opinion
Les accusations
infondées de l'AIEA contre l'Iran
Konstantin Bogdanov
Photo: RIA
Novosti - © AFP/ JOE KLAMAR
Jeudi 10 novembre
2011
L’Iran est accusé de réalisation de
programmes nucléaires militaires. Telle
est l’interprétation répandue ces
derniers jours du nouveau rapport de
l’Agence internationale de l’énergie
atomique (AIEA) sur l’industrie
nucléaire iranienne. Mais ces
accusations s’appuient sur des
interprétations très controversées des
faits, dont l’énoncé n’a toujours pas le
statut de document officiel de l’AIEA.
Pourquoi précisément maintenant?
Le rapport promis depuis longtemps a
commencé à paraître dans la presse il y
a seulement deux jours, par parties et
avec des réserves sur son statut. Or,
les médias écrivaient déjà début octobre
qu’un tel rapport était en cours de
préparation et qu’il serait sévère et
intransigeant.
A l’époque sont également parues des
fuites sur la préparation d’une frappe
militaire contre l’Iran. Cette
préparation était présentée sous des
formes diverses et variées, en
commençant par des exercices à grande
échelle de l’aviation militaire de
transport des Etats-Unis au
Proche-Orient (qui masqueraient la
projection de troupes) et en terminant
par des communiqués presque paniqués
disant que l’Iran est sur le point de
finir d'évacuer ses centrifugeuses dans
les montagnes où il sera impossible de
les localiser et de les détruire.
Il est assez difficile de comprendre
cette inquiétude vu que d’après le
rapport de l’AIEA, il n’existe aucune
raison de paniquer.
La réaction des représentants
officiels de l’AIEA à cet égard est
particulièrement intéressante. Il
s’avère que le rapport, dont le texte a
déjà été mis sur internet et commenté à
maintes reprises par la presse et même
les personnalités officielles, ne sera
pas officiellement publié.
"Le rapport sera diffusé dans les
jours à venir seulement parmi les
délégations des pays membres. C’est aux
diplomates de décider s’il faut ou non
transmettre les détails de cette étude à
la presse. Les experts de l’AIEA ne sont
pas habilités à le faire", a déclaré le
porte-parole de l’agence Giovanni
Verlini.
Autrement dit, les experts de l’AIEA
remettent simplement le rapport aux
membres des délégations officielles des
pays membres de l’organisation comme une
note confidentielle, et ne vont pas plus
loin. Une attitude assez originale
concernant le sort d’un document
potentiellement capable d’influer sur
les questions de la guerre et de la paix
au Proche-Orient.
Aucune preuve tangible
Le rapport de l’AIEA est en réalité
une note d’experts et donne l’impression
d’un document inachevé. C’est d’autant
plus étrange que la position des parties
intéressées à l’égard de ce rapport a
commencé à se former à pratiquement un
mois de sa publication.
Ce rapport pourrait effectivement
donner matière à réfléchir et servir de
guide d'action (c’est-à-dire pour les
futures inspections et enquêtes). Mais
il est très difficile d'y voir une
preuve de la "culpabilité" de l'Iran, et
qui plus est un motif de sanctions (sans
parler des opérations militaires).
D’une part, le rapport énumère tous
les péchés et les "incartades" de
l'Iran, ainsi que les soupçons nourris à
l’égard de ce pays à partir des années
1990. A cet égard, l’Iran a déjà déclaré
que ce n’était rien de plus qu’une
compilation des anciennes accusations
qui ne sont étayées par aucun argument
nouveau et sont politiquement motivées
sous la pression des Etats-Unis.
D’autre part, les nouveaux résultats
(des deux dernières années) de
l’inspection des sites nucléaires cités
dans le rapport constatent une
augmentation considérable des quantités
de production d’uranium enrichi à 20%
(l’Iran a présenté ces matériaux comme
combustible pour les réacteurs de son
propre programme nucléaire).
Cependant, ce n’est pas une preuve
tangible: Téhéran n’a jamais été pris en
flagrant délit de production d'uranium
de qualité militaire. Comme en témoigne
les conclusions très claires du rapport
qui constate que ce qui a été observé
sur les sites iraniens n’entre pas en
contradiction avec les informations
officiellement présentées par l’Iran à
l’AIEA.
Des faits évidents de ce genre ont
été assortis de longues réflexions sur
l’intérêt de l’Iran pour la création de
systèmes très complexes assurant le
fonctionnement simultané des détonateurs
d’une charge nucléaire.
A cet égard, le Washington Post a
brièvement mentionné le nom d’un
scientifique d’origine soviétique,
Viatcheslav Danilenko, expert en
explosifs nucléaires.
Le rapport de l’AIEA ne mentionne pas
ce nom, mais dans l’annexe on fait
allusion à un individu prétendument lié
à la production de microdiamants. "Un
expert étranger qui a travaillé à une
certaine époque pour l’industrie
militaire de son pays" aurait conseillé
entre 1996 et 2002 Téhéran sur des
questions sensibles concernant son
programme nucléaire.
Selon les informations du Guardian,
un certain Viatcheslav Danilenko a
effectivement travaillé pour la société
tchèque Nanogroup, qui était chargée de
la production de microdiamants
industriels par explosion.
Sur la base des "informations en
possession de l’AIEA", le Washington
Post affirme que dans le rapport il est
question de cet homme. Aucune autre
information pertinente à ce sujet n’est
fournie ni dans les documents officiels,
ni dans les enquêtes des médias.
L’éventualité de travaux nucléaire de
nature militaire de Téhéran à cette
période (en présence des soupçons
fondés) doit être minutieusement
étudiée. Mais l’AIEA possède-t-elle
d’autres preuves matérielles qui ne se
réfèrent pas à un passé aussi lointain?
Les ambiguïtés du nucléaire
pacifique iranien
On peut comprendre ceux qui sont
prêts à accuser d’emblée l’Iran de
mettre en œuvre un programme nucléaire
secret à des fins militaires. La
transparence du nucléaire pacifique de
l’Iran, des éléments de ses projets et
les équipements qu’il possède forment un
tableau très controversé.
D’une part, Téhéran répète à chaque
fois la fatwa de l’ayatollah Khomeini,
interdisant l’arme nucléaire. Toutefois,
l’Iran montre beaucoup d’intérêt pour
l’énergie nucléaire et les recherches
nucléaires pacifiques. Les spécialistes
russes ont construit la centrale
nucléaire de Bouchehr, et les Iraniens
construisent plusieurs réacteurs
expérimentaux.
En annonçant les projets gigantesques
de construction de vingt réacteurs de 1
GW (difficile à prendre au sérieux),
Téhéran argue de l’extension
considérable des capacités en termes
d’enrichissement d’uranium. La raison
serait simple: l’Iran affirme souhaiter
produire pas ses propres moyens le
combustible pour ses réacteurs en
développant l’industrie des hautes
technologies.
Toutefois, des questions se posent au
sujet de plusieurs sites industriels
nucléaires. Les centres d’enrichissement
à Natanz et Qom se retrouvent
régulièrement au centre de l’attention
des experts de l’AIEA. Des équipements à
double usage y ont été installés: grâce
à certaines modifications simples il est
possible de produire de l’uranium
hautement enrichi de qualité militaire.
Et ce que Téhéran fait passer pour la
production purement pacifique et la
recherche scientifique ne peut pas ne
pas susciter de préoccupations liées à
la possibilité de l’utilisation
militaire de ces usines.
Cela concerne également le réacteur
de recherche IR-40 à Arak. Un appareil
relativement puissant de ce type peut de
manière relativement facile être utilisé
pour fabriquer du plutonium de qualité
militaire. Par ailleurs, la structure du
réacteur permet de manipuler des
assemblages de combustible sans stopper
les travaux, ce qui simplifie
significativement la production secrète
de matériaux fissiles de qualité
militaire.
Et on trouve énormément d'ambiguïtés
de ce type dans le "nucléaire pacifique"
de l’Iran.
L’opinion de l’auteur ne coïncide
pas forcément avec la position de la
rédaction
© 2011 RIA
Novosti
Publié le 10 novembre 2011
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