Madame Midani,
présidente de l'AFAMI, intervient en
anglais lors d'une émission de la BBC,
vendredi 6 juillet 2012. Elle contredit
BHL en fin de vidéo. J'ai recopié la
traduction pour qu'on se rende compte de
l'imposture qui sévit en Occident dans
nos médias à propos des Printemps arabes
- et que le lecteur prenne la mesure de
la boucherie qui s'est déroulée en
Libye. La prise de Tripoli fin août 2011
ne fut pas la délivrance pour le peuple
libyen débarrassé du dictateur Kadhafi.
Les Libyens ne voulaient pas du chaos
orchestré par l'OTAN. Ils se sont
défendus dans l'ouest et le sud avec
héroïsme. Quand il a fallu après huit
mois de combats acharnés prendre Tripoli
et tuer Kadhafi, les avions de l'OTAN
ont bombardé la capitale pendant un à
deux jours; puis les hélicoptères ont
mitraillé les poches de résistance
pendant une journée. Enfin, les forces
spéciales et les mercenaires ont pu,
avec des trahisons, envahir la ville. Il
y eut entre 2000 et 3000 morts, dans ce
qui constitue une des pires massacres
coloniaux. Ceux qui défendent cette
atrocité sont complices de crimes
impérialistes et n'ont aucune légitimité
pour défendre la démocratie,
l'humanisme, la justice et la liberté.
Aujourd'hui encore, Tripoli continue à
résister, par la tactique de la
guérilla, sur le modèle de ce qui se
passe en Irak (où la résistance inflige
des pertes aux Anglo-Saxons). La
situation en Syrie, aussi différente
soit-elle du chaos libyen, obéit au même
principe de l'ingérence démocratique.
"Je suis Madame Midani, je suis
présidente d'une association ici en
France. Je suis franco-syrienne. Je
voudrais demander à M. Lévy... Je
pense que la plus grande blague est
de voir M. Lévy s'inquiéter des
morts en Syrie. En partant du
principe qu'il a toujours affirmé
qu'il travaille pour Israël et qu'il
porte Israël dans son coeur. Et
c'est je pense la raison pour
laquelle pour lui la Syrie est une
menace, car c'est une menace
peut-être pour ...
(interrompue par le présentateur)
C'est la première chose, laissez-moi
s'il vous plaît continuer...
BHL : - Je ne vous autorise pas à
dire que je travaille pour Israël...
Midani : - C'est vous qui l'avez
dit!
BHL : - Non, non, non! Je ne vous
autorise pas à dire que je travaille
pour Israël! Tout ce que je peux
vous répondre est que depuis
quarante ans mon coeur est du côté
de tous ceux qui souffrent dans le
monde entier!
Midani : - Les gens de Gaza ne sont
pas des gens?
BHL : - Partout dans le monde! Et
aujourd'hui la capitale mondiale de
la souffrance est Homs! est la
Syrie!"
(Le présentateur veut lui enlever le
micro!)
Midani : - Non, non, non! Combien de
personnes ont été tuées en Libye
après l'intervention de l'OTAN? 160
000 personnes! Pour en protéger 2000
comme vous disiez, alors même que
HRW (Human Rights Watch, NdA), qui
est une ONG pour couvrir les
interventions impérialistes, ils
disent eux-mêmes 200 personnes!
L'intervention de l'OTAN en Libye a
semé la destruction, des choses
horribles, des morts. Et maintenant
c'est le chaos en Libye!"
(Nouvelle intervention du
présentateur pour interrompre
l'intervention).
Trois remarques pour commenter ce
discours de vérité :
- Cette présidente d'une association
franco-syrienne rappelle la vérité
des événements face au propagandiste
BHL (dont les discours sont
criminels, au sens où ils
cautionnent les morts au nom des
plus forts) : les guerres
humanitaires pour la démocratie sont
des couvertures pour l'impérialisme.
Ceux qui les défendent montrent leur
visage de colonialistes et
soutiennent les massacres des
populations autochtones.
- L'imposture de la protection des
populations à Benghazi (issue de la
R2P) apparaît comme le prétexte pour
l'intervention impérialiste : pour
protéger quelques milliers
(évaluation contestable) de
manifestants, dont des islamistes
armés par les affidés régionaux de
l'OTAN, on en aura tué plus de 100
000. Je reste médusé par l'argutie,
qui confond violence et démocratie :
au nom de la violence minimale de la
dictature, on pourrait perpétrer la
violence maximale de la démocratie.
Toute cette affaire a été orchestrée
par les stratèges atlantistes, en
jouant sur les tensions entre
Cyrénaïque et Tripolitaine, en
soutenant l'islamisme régional et en
prenant soin d'acheter quelques
chefs tribaux, plus les
collaborateurs ultralibéraux de
l'entourage corrompu de Kadhafi. Au
final, on aura renversé un régime
népotique et terroriste pour le
remplacer par le chaos. Le peuple
libyen a perdu les bienfaits en
empirant les méfaits de l'ère
Kadhafi. Il ne se libérera de son
oppression qu'au prix d'une longue
résistance et avec le spectre de la
partition d'un pays tribaliste.
- Combien de temps allons-nous
continuer à suivre la rhétorique
grossière de propagandistes notoires
comme BHL, qui travaille plus pour
des intérêts atlantistes que pour
Israël, malgré son engagement
sioniste? Dans le discours
manichéiste, on oppose l'atlantisme
au point de vue autochtone, la
démocratie contre la dictature,
selon la rhétorique
néo-conservatrice. Soit l'on est
pour la démocratie de l'OTAN; soit
pour la dictature légitimement
renversée. La nuance est la
définition de l'intelligence?
Peut-on être contre des régimes
violents tout en s'opposant à
l'intervention impérialiste se
masquant derrière l'humanitarisme et
la démocratie? Il est conseillé de
sortir des stéréotypes, de bouger
les lignes avec finesse et de
réfuter le manichéisme au profit de
points de vue argumentés, en
rappelant que le régime de Kadhafi
comportait aussi des aspects
positifs et que son anéantissement
n'a pu qu'engendrer le chaos. L'on
ne peut implanter la démocratie
depuis l'étranger. L'humanitarisme
belliqueux ne fonctionne que parce
que les opinions en Occident se
trouvent du côté des plus forts, pas
avec les opprimés et les victimes.
- L'assertion de BHL selon laquelle
il défend ceux qui "souffrent
partout dans le monde" suivant les
critères de la justice et non selon
la loi du plus fort serait risible
si elle ne fonctionnait depuis ...
trente ans! En Afghanistan, en
ex-Yougoslavie, en Géorgie, en
Libye, en Syrie, notamment, BHL
s'est placé du côté des plus forts,
selon le point de vue atlantiste
défendu militairement par l'OTAN. Il
est facile de saper les prétentions
mégalomanes de BHL en diffusant par
exemple cet extrait :
http://www.dailymotion.com/video/xoh8z_f-helbert-vs-bhl-sur-jenine_news
Pourquoi les populations françaises
acceptent-elles ces rodomontades non
seulement biaisées, mais creuses et
médiocres?
a) Le crédit dont jouit BHL dans les
médias est épuisé. On l'a mesuré
avec les bides qu'ont fait ses
productions sur la Libye : son livre
et son film retraçant son engagement
en Libye, alors que l'opération
était décidée depuis le siège de
l'OTAN AFRICOM à Stuttgart, et les
plans préparés depuis plusieurs
années, se sont révélés de cuisants
échecs commerciaux.
b) Les populations d'Occident n'ont
pas intérêt à soutenir le parti du
plus fort. Elles sont les victimes
indirectes du colonialisme et de
l'impérialisme. Si elles le font,
c'est parce qu'elles se désengagent
et prônent la dépolitisation. La
dépolitisation souligne l'écoeurement
des peuples en démocraties libérale,
le fait que la démocratie libérale
ne réussit plus à représenter les
aspirations du peuple. Le
désengagement, dont le terme exprime
la mélancolie du desengano,
ne voit pas d'autre horizon que le
plus fort qui le dominerait
outrageusement et qui se révélerait
d'autant plus tout-puissant qu'il
serait diabolique. Le dépolitisé
avoue de go qu'il est incapable de
participer à la gestion de sa
société et qu'il ne lui reste que la
nécessité d'attendre sur le bas-côté
de la route, en attendant que les
plus forts se débarrassent de lui.
Ce simplisme pessimiste va de pair
avec la vulgarité. La dépolitisation
déculpabilise le dépolitisé de sa
responsabilité de citoyen et
rappelle que le principal coupable
de la dépolitisation est le
dépolitisé lui-même, qui adoube les
chaînes de son oppression et fait
mine d'opérer la distinction
hallucinatoire entre le plus fort et
sa victime. A condition de faire
montre d'intelligence, l'esclave
dispose de tous les moyens pour
renverser le maître, comme Hegel l'a
rappelé (tout en cherchant à
conforter le parti du plus fort).
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