Opinion
Quand la CPI se
mêle de brouiller les cartes
Kharroubi Habib
Photo: RIA
Novosti
Mercredi 29 juin 2011
Est-ce simple coïncidence si la Cour
pénale internationale (CPI) a émis
des mandats d'arrêt à l'encontre du
Colonel Mouammar Kadhafi, son fils
Seïf El-Islam et de Abdallah
Al-Senoussi, chef des services de
renseignements libyens, au moment où
le comité des médiateurs de l'Union
africaine était réuni à Pretoria et
passait en revue les efforts de
médiation devant aider à un
règlement de la crise libyenne et
que l'on apprenait que des contacts
sont en cours entre des
représentants du régime libyen et
ceux de l'insurrection ?
A moins de pécher par naïveté,
force est d'établir un lien entre le
timing de la décision de la CPI et
ces deux évènements. Les juges de la
CPI n'étaient pas sans savoir que ce
qu'ils annonçaient aurait de
l'incidence sur ce qui se discutait
à Pretoria et entre les
protagonistes de la crise libyenne.
Ne faut-il donc pas voir dans la
coïncidence une volonté de la CPI
d'associer sa pression à celles que
les puissances occidentales engagées
dans l'intervention en Libye
exercent pour que n'intervienne pas
une solution négociée entre le
régime de Kadhafi et la
représentation de l'insurrection ?
Une solution qui se dessinait
pourtant à partir du moment où
Kadhafi, ayant accepté de s'effacer
lui et son fils dans les tractations
du régime avec l'insurrection, a
déclaré attendre rapidement une
offre pour mettre fin à une guerre
civile de plus de quatre mois.
L'émission des mandats d'arrêt par
la CPI dans ce contexte place
Kadhafi dos au mur et l'incite ainsi
à se battre jusqu'au bout.
Elle est aussi une tentative de
dissuader l'Union africaine de
poursuivre ses efforts de médiation
qui n'excluent pas Muammar Kadhafi
et ses proches concernés par les
mandats d'arrêt du processus de
règlement de la crise libyenne. Il
ne faut surtout pas que l'on nous
avance que la Cour pénale
internationale est indépendante dans
ses décisions. Si elle l'était, elle
aurait pu et dû se saisir d'autres
affaires dont certains des acteurs
sont coupables de crimes dont la
poursuite relève irrécusablement de
ses compétences.
En disant cela, le propos n'est pas
de défendre l'innocence de Kadhafi
et des autres personnages visés par
la Cour pénale internationale. Mais
d'exprimer du doute sur les
motivations à l'origine de
l'empressement de cette Cour à
statuer dans leur cas. Initiative,
il faut le souligner, qui contribue
à fermer la porte à une solution
négociée rapide de la crise
libyenne.
La CPI a, sciemment ou non,
conforté tous les tenants de la
poursuite de la confrontation
militaire en Libye. Avec
l'enlisement dans lequel se trouve
l'intervention internationale en
Libye, le conflit, faute d'issue
sortie pour Kadhafi et ses proches,
s'installe dans la durée.
A moins que la décision de la Cour
pénale internationale n'ait été
sollicitée en couverture juridique
d'une éventuelle extension de
l'actuelle intervention aérienne à
des opérations terrestres, au
prétexte que les mandats d'arrêt
internationaux autoriseraient la
coalition à aller «débusquer»
Kadhafi là où il se trouve. Un
objectif que le président
sud-africain Jacob Zuma a qualifié
«d'assassinat politique», pour
lequel la résolution 1973 du Conseil
de sécurité n'a donné mandat à
aucune puissance.
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