Opinion
Une réclamation
qui vaut aveu
Kharroubi Habib
Des
insurgés à Dafniya le 17 juin
Jeudi 23 juin 2011
En réclamant la suspension, pour
raison humanitaire, de
l'intervention militaire occidentale
en Libye, le ministre italien des
Affaires étrangères confirme
implicitement ce que d'autres
sources internationales n'ont cessé
de dénoncer : à savoir que les raids
aériens menés par la coalition ne
sont pas aussi « chirurgicaux » que
prétendus et donc touchent la
population civile libyenne que ces
opérations sont censées mettre à
l'abri de l'aviation et des armes
lourdes des forces pro-kadhafistes.
Depuis le début de ces opérations «
les « bavures » n'ont cessé de se
multiplier. Le commandement
militaire de la coalition a dû
admettre la réalité de
quelques-unes.
L'on ne peut soupçonner le ministre
italien des Affaires étrangères de
chercher à sauver la mise au
dictateur libyen. Il faut donc
mettre sa demande au compte de la
prise de conscience des autorités
italiennes, dont le pays est membre
de la coalition, que l'opération
militaire occidentale en Libye a un
coût humain insupportable que paie
la population civile libyenne.
En tout cas, elle donne raison à
ceux, nombreux, qui en réclament
l'arrêt, jugeant que l'intervention
militaire internationale en Libye se
poursuit, non pas parce qu'elle n'a
pas atteint l'objectif qui lui a été
fixé par le Conseil de sécurité
onusien, à savoir mettre la
population libyenne à l'abri de
l'aviation et des armes lourdes des
pro-kadhafistes, mais parce que des
puissances membres de la coalition
lui ont assigné un but que ne
prévoit pas la résolution 1973 de
l'ONU : celui d'en finir coûte que
coûte avec Kadhafi et ses partisans.
Peu importe à ces puissances que
dans l'affaire se produisent « des
bavures ».
Si, comme il est prévisible, elles
refusent d'entendre la demande
italienne, le massacre de civils va
donc continuer car Kadhafi et son
régime, contre leur attente, ne se
sont pas effondrés. Il ne s'agit pas
de prendre prétexte de cette réalité
pour revenir sur l'exigence du
départ de ce dictateur et de la fin
de son régime. Cela est désormais
l'affaire du seul peuple libyen.
Or, ce qui se passe en Libye nous
prouve que l'on n'est pas dans le
schéma que les puissances
occidentales et leurs médias nous
ressassent. A savoir, d'un côté, un
peuple libyen unanime derrière
l'insurrection et, de l'autre, un
dictateur coupé de tout soutien
populaire. Rien n'est plus faux que
cette présentation de la réalité
libyenne.
Qu'on le veuille ou non, Kadhafi
dispose de celui d'une partie de la
population. D'où le caractère de
guerre civile qu'ont les
affrontements qui se déroulent dans
le pays. Une guerre civile ne peut
se conclure que par la négociation
entre ses protagonistes. Ce dont des
puissances membres de la coalition
ne veulent pas entendre et
s'acharnent à faire avorter les
médiations internationales visant à
rendre possible cette solution. Pour
justifier leur refus d'une telle
issue à la crise libyenne, elles
font valoir que Kadhafi a perdu
toute légitimité et, de ce fait, ne
doit plus être considéré comme un
interlocuteur valable.
Soit, mais les dirigeants
autoproclamés de l'insurrection
qu'elles appuient sont-ils eux
légitimes et porteurs d'un projet de
société démocratique pour la Libye ?
Ces puissances elles-mêmes sont très
réservées sur le sujet. En fait et
pour des raisons multiples, leur
objectif immédiat est d'en finir
avec Kadhafi. Ce que sera
l'après-Kadhafi aux normes de la
démocratie est le dernier de leurs
soucis. Ce qui leur importe est que
les successeurs de Kadhafi, dont
l'intervention internationale doit
hâter l'accession au pouvoir, leur
renvoient à ce moment-là l'ascenseur
en tenant compte des ambitions
d'intérêt que chacune nourrit pour
la Libye.
En attendant, Kadhafi est toujours
là, et la population libyenne subit
les affres de la guerre civile et
les conséquences des « bavures » que
l'OTAN ne nie même plus.
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