Opinion
Paris conjugue
mauvaise foi et cynisme
Kharroubi Habib
Dimanche 3 juillet 2011
On rappellera de prime abord que
c'est la France qui a été la
cheville ouvrière de la rédaction,
puis de l'adoption de la résolution
1973 du Conseil de sécurité des
Nations unies ayant autorisé une
intervention internationale en Libye
en vue de protéger la population
civile de l'utilisation contre elle
par Kadhafi de son aviation et
d'armement lourd.
Il s'est avéré que les diplomates
français, avec la connivence
anglo-américaine et d'autres parties
ayant participé à la rédaction de
cette résolution, se sont arrangés
pour que la formulation de son
contenu soit assez floue pour, le
cas échéant, donner lieu à des
interprétations autorisant à
outrepasser la seule opération
d'instauration de la zone
d'exclusion aérienne. Ce que Paris
exploite allégrement pour mener une
véritable guerre contre Kadhafi et
ses partisans.
En Libye, l'objectif de la France
est désormais évident. Il ne s'agit
plus de protéger la population
civile mais de chasser du pouvoir
Kadhafi et d'en finir par tous les
moyens avec son régime. Ce qui
explique que Paris ne veut pas
entendre parler d'une solution autre
que militaire à la crise libyenne.
Pour cela, les autorités françaises
s'autorisent toutes les initiatives,
y compris de ne pas tenir compte de
l'embargo sur les livraisons d'armes
à destination de la Libye, décrété
par la résolution 1970 du Conseil de
sécurité, que la 1973 ne lève
nullement tacitement.
Outre qu'elle poursuit à outrance
l'offensive aérienne contre le camp
de Kadhafi, la France ravitaille en
armement l'autre camp, au prétexte
que cela est nécessaire aux insurgés
pour se défendre.
En fait, la France n'a qu'une seule
obsession, celle de précipiter le
dénouement du conflit libyen dans un
sens propice aux intérêts qui sont
les siens. Peu lui importe donc que
l'armement qu'elle parachute -
puisque c'est le mode opératoire
employé - arrive entre les mains «
d'insurgés » dont le but final est
autre que la seule chute de Kadhafi
et de son régime.
Ce qui compte pour Nicolas Sarkozy,
c'est que la France soit créditée
d'avoir été le pays dont la
contribution aura été déterminante
dans le renversement du dictateur
libyen et la défaite de ses
partisans. Cette fixation a des
motivations électorales. Qu'elle se
réalise en faisant courir le grave
risque d'un embrasement pour le
Maghreb et le Sahel n'est pas pour
le faire reculer.
Le plus cynique dans les agissements
français est que Paris a sciemment
balisé le terrain à son implication
dans le conflit libyen qui va
au-delà de ce que le Conseil de
sécurité de l'ONU a autorisé. La
France n'est pas entrée dans la
coalition pour réaliser l'objectif
fixé par la résolution 1973, mais
pour concrétiser le sien qui est de
régler son compte à Kadhafi et
imposer sa tutelle aux futurs
dirigeants qui vont être en charge
de l'après-Kadhafi en Libye. Un
calcul qui se moque que la région
menace de se retrouver à feu et à
sang.
La France ne peut agir comme elle le
fait dans l'affaire libyenne que
parce qu'elle a, avec d'autres
puissances, piégé le Conseil de
sécurité en lui faisant voter une
résolution qui, sous l'apparence
d'avoir édicté la bonne solution
pour empêcher Kadhafi d'agresser son
peuple, a en fait donné un semblant
de légalité internationale à des
opérations de tout autre nature qui
permettent à Paris de mener sa
propre guerre en Libye.
Le dossier
Libye
Les dernières mises à jour
|