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Le Quotidien d'Oran
Les émeutes en
Tunisie, un parfum d'octobre 88
Kharroubi Habib
Dimanche 2 janvier 2011
Dans le Maghreb, l'Algérie n'est plus le seul pays où le
mécontentement social s'exprime par l'émeute populaire. La
Tunisie est maintenant elle aussi le théâtre de débordements
de cette nature. Ce pays voisin est secoué ces derniers
jours par des troubles de cette nature dont l'effet
déclencheur a été la tentative de suicide d'un jeune vendeur
ambulant de fruits et légumes dans la région de Sidi Bouzid
(centre-ouest). Partie de cette région, l'émeute a fait
boule de neige jusqu'à atteindre la capitale, prenant de
court un régime et un pouvoir trahis par leur confiance dans
la crainte dissuasive que leur appareil répressif inspire
aux citoyens.
Les événements que vit la Tunisie ne sont pas pour
rappeler, toute comparaison mécanique gardée, ceux que
l'Algérie a connus en octobre 88. En Tunisie comme chez
nous, ils ont permis de dévoiler le ras-le-bol qu'a atteint
la patience populaire face à l'autoritarisme du régime de
Ben Ali. Ils ont surtout démontré la fausseté de l'image
d'une Tunisie ayant pris son parti de cet autoritarisme au
motif de son bilan économique et social positif. Partout les
manifestants ont décrié la situation économique et sociale
générée par le pseudo «miracle» qui aurait fait de la
Tunisie «un pays émergent». L'on a ainsi découvert que si le
nord du pays offre effectivement l'aspect d'une région en
mutation positive grâce à la manne touristique et à des
investissements industriels encourageants, le reste du pays,
tout le reste n'a pas été concerné par ce «miracle tunisien»
si vanté par les thuriféraires nationaux et étrangers du
régime de Ben Ali. Sous-développement, chômage et mal-vie
sont la triste réalité aussi bien en Tunisie que dans les
pays voisins. Sur ce terreau qu'enrichissent les fléaux que
sont la corruption, le déni de citoyenneté, la hogra et les
atteintes aux droits de l'homme, il était fatal que la
«marmite» explose dans ce pays aussi.
De spontanée qu'elle fut suite à la tentative de suicide du
jeune vendeur de fruits et légumes de Sidi Bouzid (qui est,
précisons-le, un universitaire en chômage), l'explosion
populaire de protestation semble s'installer dans la durée.
Le discours prononcé par Zine El Abidine Ben Ali suite à
cette explosion, le mini-remaniement gouvernemental auquel
il a procédé ainsi que le limogeage dont ont fait l'objet le
gouverneur de la région de Sidi Bouzid et deux autres de ses
collègues, n'ont pas éteint le «volcan». C'est que
contrairement à ce qui s'était produit en Algérie en octobre
88, la jeunesse tunisienne, fer de lance de la contestation
en cours, a bénéficié de l'appui actif des adultes, de la
société civile et des parties et organisations qui la
structurent. Ce qui s'et mis en marche en Tunisie n'est pas
de ce fait un feu de paille que la répression policière va
étouffer.
Toute la question est de savoir si le pouvoir sclérosé dont
Ben Ali est le chef, va savoir apporter les bonnes réponses
aux revendications qu'expriment ses contestataires. Ou si
nihiliste il va persister dans la voie qui a conduit à
l'explosion. Dans ce cas, il est à craindre pour la Tunisie
voisine l'enfoncement dans le même engrenage que celui qui
s'était mis en marche en Algérie après les émeutes d'octobre
88 déclenché par les «réformes» inappropriées instaurées par
le pouvoir d'alors en guise de solutions aux revendications
qui s'exprimaient dans la société algérienne. Apparemment,
Ben Ali est tenté par la politique de «l'autruche» puisqu'il
ne semble voir dans les émeutes que «la main de l'étranger
et des ennemis de la Tunisie».
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