
Zurich, le lundi 28 septembre 2009
Alors que les négociations
P5 vont reprendre avec l’Iran à propos de son programme
nucléaire, Kar Müller s’interroge sur les intentions des
diplomates. Les cinq cherchent-ils à obtenir des garanties que
le programme nucléaire civil iranien ne masque pas un programme
militaire ou cherchent-ils à provoquer une escalade vers la
guerre ?
En politique, la morale consiste en premier lieu à respecter
le droit et à l’appliquer ; à créer et garantir des conditions
conformes au droit. Parmi les nations surarmées deux États, les
USA et Israël, et leurs gouvernements, ainsi que leurs alliés,
se sont distingués au cours des dernières années et décennies
par leur non-respect du droit international, faisant ainsi
preuve d’une totale imprévisibilité et plongeant le monde dans
un état permanent de tension et de choc. Ils ont contrevenu
consciemment et de manière éclatante à la
Charte des Nations Unies dont l’article 2, paragraphe 4,
énonce que « les membres de l’Organisation s’abstiennent, dans
leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à
l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou
l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre
manière incompatible avec les buts des Nations Unies. »
Les violations graves et répétées du droit imputables au
gouvernement israélien ont été attestées plusieurs fois par des
commissions d’enquêtes et institutions internationales, en
dernier lieu par la Commission d’enquête du Conseil des droits
de l’homme de l’ONU sur les actes commis par l’armée israélienne
dans la bande de Gaza fin 2008/ début 2009.
La menace d’utiliser la force contre l’Iran, en violation du
droit international, et les actions illégales et violentes des
services secrets en cours sur le territoire iranien durent
depuis des années déjà et depuis des années des indices et
témoignages à prendre très au sérieux font état de préparatifs
de guerre de la part des gouvernements israélien et US. C’est
pourquoi il est plus que justifié que de nouveaux indices d’un
danger de guerre imminent, par exemple ceux que nous citons dans
l’appel ci-après, pris parmi d’autres uniquement à titre
d’exemple, aient poussé des personnalités pacifistes à élever
leur voix pour une mise en garde.
Personne de l’extérieur ne sait avec certitude ce qui est en
projet ou déjà décidé dans les officines de Washington et
Tel-Aviv. Mais l’éternel retour de possibles scénarios de guerre
devient déjà en soi insupportable, dès lors qu’il ne sont pas
assortis de contreprojets et de modalités de règlement pacifique.
Les « discussions » se déroulent alors par delà le droit et
l’aspect humain, et de pareils « projets », même s’ils ne sont
encore que des idées, terrorisent les peuples du monde. Et ceci
d’autant plus qu’on menace ouvertement d’une guerre atomique.
Dès mars 2006, Stephen M. Osborn qui, dans les années 50 du
siècle dernier, était présent lors de la mise à feu de bombes
atomiques dans le Pacifique, faisant des populations autochtones
de simples cobayes, avait exposé dans ces pages ce que signifie
pour l’humanité l’emploi de « bunker busters » (bombes
anti-bunkers à charge pénétrante) atomiques contre des
installations nucléaires iraniennes. Il écrivait, il y a trois
ans et demi : « Si l’on tire des ‹bunker busters› en Iran, des
centaines de milliers de tonnes de terre, d’eau et de rochers
seront vaporisés, et cette ‹soupe radioactive›, dispersée par
les vents, tuera ou rendra malades des peuples entiers [...] Les
cas de cancers et maladies diverses augmenteront de façon
prononcée dans le monde entier. »
Tout ceci et bien d’autres choses encore doivent mettre tous
les gouvernements dans l’obligation de déclarer haut et fort que
l’option guerrière est définitivement exclue et d’exiger le
retour sur le terrain du droit. Le 1er octobre, toutes les
puissances nucléaires, l’Allemagne et l’Iran engageront des
négociations directes au Conseil de sécurité. Ces derniers jours
se sont fait entendre dans les médias des signaux qui pourraient
servir de point de départ à un règlement pacifique du conflit au
Proche-Orient [1]
• Le 16 septembre, le magazine US Newsweek
(« Intelligence Agencies Say No New Nukes in Iran ») écrivait
que les services secrets du Président des USA avaient confirmé
en novembre 2007 que l’Iran avait abandonné son programme
nucléaire militaire depuis 2003 [2]
• Le 17 septembre, plusieurs agences de presse occidentales
(Reuters, AFP) annonçaient que le ministre de la Défense
israélien, Ehoud Barak, avait « changé de langage relativement à
l’Iran » dans une interview accordée au quotidien Yediot
Aharonot. Selon Barak, l’Iran ne représenterait pas une
menace sérieuse pour l’État juif : « Israël est fort, je ne vois
personne qui puisse être une menace pour son existence ».
• Le même jour, la chaîne allemande Phoenix publiait un
communiqué de presse où elle attirait l’attention sur une
interview (retransmise le 20 septembre) du Président du Service
fédéral de renseignement (BND), Ernst Uhrlau. Dans cette
interview, le chef des services secrets allemands démentait une
annonce, faite précédemment, selon laquelle ses services
auraient prétendu que l’Iran était sur le point de fabriquer une
bombe à uranium : « Cette citation ne correspond pas aux
déclarations du BND, car l’Iran n’est pas en mesure de se
nucléariser dans les six mois qui viennent. »
• Le Président des USA a fondé son renoncement au
stationnement de systèmes antimissile en Pologne et Tchéquie
entre autres sur le fait que l’Iran rencontrait plus de
difficultés que prévu à mettre au point des lance-missiles à
longue portée.
• Last but not least : L’Iran lui-même a déclaré par
la voix de son ambassadeur en Autriche, dans une interview
accordée au Wiener Zeitung du 18 septembre, qu’il ne
menaçait pas Israël et ne représentait pas un danger pour ce
pays : « L’Iran n’a jamais dit qu’il attaquerait militairement
Israël. Quand des représentants de mon pays ont dit qu’Israël ne
devait pas exister sous cette forme, ils entendaient par là
qu’ils rejetaient le système sioniste et la tyrannie, non qu’ils
désiraient éradiquer Israël au moyen d’une attaque
militaire. » [3]
On est encore loin de déposer les armes, mais ce sont là des
signaux indiquant qu’il existe une autre voie que celle de
l’escalade. Et cette autre voie, il faut l’emprunter. Au sein
des think tanks qui ont de l’influence sur les gouvernements US
et israéliens il doit bien y avoir assez de matière grise pour
mesurer les effets catastrophiques d’une nouvelle guerre,
vraisemblablement nucléaire de surcroît, et pour rechercher une
voie diplomatique et la trouver.
Et assez, aussi, de jugeote pour rejeter des voix comme celle
de l’atlantiste allemand
Josef Joffe. Il avait, dans la livraison de
septembre/octobre 2009 de la revue allemande Internationale
Politik et dans la revue US Foreign Affairs qui
paraît en parallèle, déliré au sujet des USA, puissance
hégémonique mondiale, et de leur « culture de guerre ». Il faut
aussi rejeter clairement des points de vue tels que celui, paru
dans le journal londonien Times le 18 septembre, selon
lequel les « intentions agressives » de l’Iran seraient une
« menace pour l’Occident ». De telles affirmations constituent
une perversion de la réalité.
« War is obsolete » [la guerre est caduque], déclarait il y a
deux ans dans ces colonnes Doug Rokke, vétéran US de la guerre
du Golfe et expert en armes à l’uranium. Et de fait, c’est un
droit fondamental pour le genre humain que d’avoir des
gouvernements qui respectent le droit, renoncent à la violence
et résolvent les conflits par le biais de négociations pacifiques.
C’est la seule voie acceptable dans un monde civilisé.
Traduction
Michèle Mialane
Source
Horizons et débats