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La campagne contre
l'Iran et le droit international
Karl Müller

© Photo: RIA Novosti
Mercredi 28 avril 2010
En adhérant aux Nations Unies, 192 Etats du monde ont pris les
engagements suivants:
• «Maintenir la paix et la sécurité internationales
et à cette fin: prendre des mesures collectives efficaces en vue
de prévenir et d’écarter les menaces contre la paix et de
réprimer tout acte d’agression ou autre rupture de la paix, et
réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes
de la justice et du droit international, l’ajustement ou le
règlement de différends ou de situations, de caractère
international, susceptibles de mener à une rupture de la paix;
• Développer entre les nations des relations
amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de
droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, et
prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du
monde.»
De plus, il est inscrit dans la Charte des Nations Unies,
concernant les devoirs des Etats membres:
• «Les membres de l’Organisation règlent leurs
différends internationaux par des moyens pacifiques, de telle
manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la
justice ne soient pas mises en danger.
• Les membres de l’Organisation s’abstiennent, dans
leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à
l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou
l’indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre
manière incompatible avec les buts des Nations Unies.»
Le fait que certains Etats, membres des Nations Unies, ont
contrevenu à maintes reprises à ces dispositions ne dispense pas
le monde actuel de ces engagements. Bien au contraire: Toutes
les guerres menées après la Seconde Guerre mondiale ont démontré
de façon cruelle à quel point était vrai ce que, en 1945, les
membres fondateurs des Nations Unies avaient écrit au début du
préambule de la Charte: «Nous, peuples des Nations Unies,
résolus à préserver les générations futures du fléau de la
guerre qui deux fois en l’espace d’une vie humaine a infligé à
l’humanité d’indicibles souffrances.»
Est-ce compatible avec ces principes que des représentants de
gouvernements et de médias attaquent verbalement avec force un
pays et n’excluent pas une guerre contre lui?
C’est bien ce qui se passe depuis de nombreuses années envers
l’Iran. Et avec un nouvel élan depuis ces dernières semaines et
mois.
On ne tient pas compte du fait
• que ce n’est pas que le gouvernement iranien qui
affirme depuis des années ne pas vouloir posséder des armes
atomiques, mais les inspecteurs de l’Agence Internationale de
l’énergie atomique (AIEA) de même que les services secrets ne
peuvent apporter de preuve tangible d’un programme d’armes
atomiques de l’Iran. Les rapports actuels des services secrets
américains ont même attesté que l’Iran ne mène pas de programme
d’armes atomiques. Certains adversaires de l’Iran prétendent
même qu’il ne s’agit pas de prouver l’existence d’un tel
programme, mais que c’est à ce pays à prouver qu’il n’en a pas –
mais comment est-ce possible alors que tout ce que l’Iran
présente comme preuves est remis en question;
• que les déclarations du président iranien
concernant Israël sont présentées dans les médias occidentaux de
façon erronée et qu’on ne connaît pas de plans de guerre de
l’Iran contre Israël;
• que des plans de guerre israéliens contre l’Iran
(et même des Etats-Unis) existent très probablement alors même
que la Charte des Nations Unies interdit toute acte d’agression;
• que l’Iran est menacé d’intervention guerrière
par d’autres pays, voire par de hauts officiers allemands:
Entre-temps le manuscrit du discours du général allemand de
l’OTAN, Karl-Heinz Lather, tenu le 25 mars à Bonn devant la
Communauté de soldats catholiques a été rendu public. Et c’est
précisément lors de la Journée mondiale de la Paix 2010 qu’il a
dit: «D’ailleurs, la communauté internationale [en fait les
Etats membres de l’OTAN] pourrait se voir contrainte
d’intervenir militairement si l’Iran ne renonce pas à ses
ambitions d’un armement atomique. Il semble que l’action
politique, la diplomatie et les sanctions n’apportent guère de
solution.» Puis il ajouta – à l’encontre des obligations de la
Charte de l’ONU – que «les Etats et les gouvernements [ceux de
l’OTAN] acceptent en général [donc pas toujours] un mandat des
Nations Unies comme condition d’une intervention militaire [ce
qui, selon lui, n’est pas obligatoirement le cas];
• que les propositions soumises à l’Iran ne
respectent pas l’égalité des droits de tous les Etats inscrite
dans la Charte des Nations Unies et on soumet l’Iran à des
exigences sans aucun fondement dans le droit des traités
touchant au nucléaire – ce que les décisions du Conseil de
Sécurité de l’ONU au sujet du programme nucléaire iranien ne
peuvent cacher;
• que des Etats qui, comme Israël, le Pakistan et
l’Inde, refusent de se soumettre au Traité sur la
non-prolifération des armes nucléaires (TNP), et disposent d’un
énorme arsenal d’armes nucléaires, ne sont pas contraints de
rentrer dans le rang (sans parler des 5 puissances nucléaires
«officielles», qui ont aussi signé le TNP et se sont engagés à
réduire leurs arsenaux nucléaires, voire à les supprimer, mais
qui sont à des lieues de leur application) – on travaille ici
aussi à deux niveaux;
• que ce n’est pas la «Communauté internationale»
qui fait pression sur l’Iran, mais avant tout Israël, les
Etats-Unis et l’UE, lesquels se sont unis contre l’Iran et
exercent une pression sur les autres pays pour qu’ils se
soumettent à leur volonté. La plupart des Etats et des
gouvernements, comme par exemple les 118 membres du Mouvement
des non-alignés, considèrent la politique de l’Iran différemment
et estiment qu’il y a une possibilité d’entretenir des relations
avec ce pays et de résoudre les conflits, se démarquant ainsi
nettement du bloc politique des 3 pays sus-mentionnés, lesquels
ne représentent finalement qu’une petite minorité dans
l’ensemble du monde.
On n’évoquera pas ici les vraies raisons des plans de guerre
contre l’Iran. On se contente de signaler que toute cette
agitation guerrière est alarmante pour tout un chacun qui
s’intéresse raisonnablement à ce problème. Il est vrai aussi que
tous ceux qui menacent l’Iran ne veulent pas forcément la
guerre. Toutefois, ils aplanissent le terrain pour ce petit
groupe de pays qui veulent cette guerre, en violation de la
Charte des Nations Unies.
Il est particulièrement inquiétant de constater qu’on n’entend
plus aucune voix contraire dans ces gouvernements et ces
médias-là. Il n’y a aucun débat, on se contente de hurler avec
les loups, alors même que ces cris n’ont rien à voir avec la
vérité, mais ne sont poussés que pour soutenir des projets
politiques inavouables.
Cette volonté d’ignorer la Charte des Nations Unies n’est pas un
délit mineur. C’est proprement une tentative de porter un coup à
l’effort des peuples et des Etats de vivre en paix et dans la
justice. C’est une menace pour l’humanité et c’est pourquoi, au
sein de la Communauté internationale, ils sont nombreux à ne pas
vouloir suivre cette voie.
Au cours des derniers 20 ans, plusieurs guerres ont été
déclenchées contre la volonté de la Communauté internationale,
avec des conséquences dramatiques tant pour les victimes qu’en
ce qui concerne les coûts. Il est donc important de réfléchir à
la façon d’empêcher une nouvelle guerre et aux moyens à
disposition pour faire respecter le droit international – et
cela par tous les Etats.
© Droits d'auteurs Karl Müller,
Mondialisation.ca, 2010
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