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The Electronic Intifada
La psychothérapeute israélienne expatriée Avigail Abarbanel
traite de l'aspect « psychologique » du soutien juif à la
brutalité sioniste
Karima
Avigaïl Abarbanel - Photo Tlaxcala
karima4483@aol.com
on
worldviewnews@hotmail.com
29 mai
2008
Comme le
note Avigail [voir infra
l’article d’Avigaïl Abarbanel : Cela ne peut plus continuer
ainsi], il est peu vraisemblable que les juifs retrouvent de si
tôt la raison et accordent la liberté aux Palestiniens, de leur
propre mouvement, car c’est délibérément qu’ils ont opté pour
l’épuration ethnique, qui fait partie de leur culture. Elle nous
conseille de ne pas attendre que les juifs décident de marcher
main dans la main avec les Palestiniens. Elle préconise une
pression internationale semblable à celle qui avait été exercée
sur l’Afrique du Sud. Toutefois, j’ai tendance à penser qu’il ne
s’agit, en l’occurrence, que d’un énième bluff, comme celui de
la « solution à deux Etats » et ce, pour plusieurs raisons. Tout
d’abord, quand Olmert dit que nous devons choisir entre une
solution à un seul Etat et une solution à deux Etats, nous
savons ce que signifie la « solution à deux Etats » : un camp de
concentration en plein air, sans nourriture et sans eau.
.../
Traduit
de l’anglais par Marcel Charbonnier
La suite de cette
introduction a été supprimée, certains passages étant jugés
hors la loi française.
Le webmaster
- - - o O o - - -
Cela ne peut plus continuer ainsi
Avigaïl Abarbanel
*
on The
Electronic Intifada, 26 mai 2008
http://electronicintifada.net/v2/article9567.shtml
Près de Bethléem, des militaires israéliens détiennent un
Palestinien qui manifestait contre la construction d’une
nouvelle colonie en Cisjordanie, au mois de mai 2008 (photo :
Luay Sababa/MaanImages)
Il y a
quelques jours, j’ai eu le privilège d’entendre Ali Abu Nimah
parler devant un dîner organisé par un groupe militant
pro-palestinien australien. Abu Nimah, écrivain et cofondateur
de The Electronic Intifada, est partisans d’une solution à un
unique Etat en Palestine/Israël, et c’est aussi mon cas. Un Etat
démocratique et laïc pour les deux peuples, avec un droit au
retour pour les réfugiés palestiniens, tel est, en effet, la
seule solution juste au conflit qui oppose depuis si longtemps
Israël et les Palestiniens. Abu Nimah est optimisme, pour lui,
on peut faire quelque chose de satisfaisant. J’aimerais bien
être aussi optimiste que lui, mais je ne suis pas certaine de
pouvoir y arriver…
D’avoir
été élevée comme une Israélienne m’a donné une compréhension
intime de la psychologie juive israélienne. Le plus loin que
remontent mes souvenirs, on nous disait, à nous, en Israël, que
les juifs n’ont pas d’autre endroit où aller, parce que le monde
entier déteste les juifs. Voici de cela dix-sept ans, lorsque
mon ex-mari et moi-même nous nous apprêtions à émigrer en
Australie, la plupart de ceux que nous connaissions étaient
navrés de notre décision. Beaucoup de gens me disaient que je
faisais une grosse erreur. Ainsi, par exemple, le chirurgien
cardiaque qui avait opéré mon père fut plongé dans un état de
choc total après que nous le lui ayons annoncé. Il m’a prise à
part, et il m’a dit qu’il ne parvenait pas à comprendre comment
je pouvais envisager de quitter Israël ; qu’il ne pourrait
jamais aller vivre dans un quelconque pays où ne serait-ce qu’un
seul antisémite serait encore en vie. Comme bien d’autres, il
était persuadé qu’Israël était le seul endroit où des juifs
pouvaient vivre en sécurité.
Cette
idée – qu’Israël est le seul endroit sûr pour des juifs – est
fondamentale pour saisir les racines du conflit
palestino-israélien, ainsi que la politique et les perspectives
israéliennes actuelles. La majorité des Israéliens ne font pas
confiance à des non-juifs, fussent-ils leurs compatriotes,
depuis plusieurs générations. L’expérience vécue et le roman
national leur ont inculqué l’idée que depuis l’antiquité, les
décideurs et les gouvernements, ainsi que les populations
avaient pu devenir hostiles envers les juifs brutalement, sans
crier gare. Cela signifie que quelque soit la durée vécue par
les juifs dans quelque pays que cela fût, aussi bien intégrés et
aussi peu dérangeants se fussent-ils montrés, ou aussi grande
eût été leur contribution à la société où ils se trouvassent,
les choses étaient susceptibles de se retourner contre eux, du
jour au lendemain.
Etant
donné l’histoire des persécutions, des pogromes, des lois
discriminatoires, des expulsions, des ghettos médiévaux et
modernes, l’existence d’un plan systématique d’extermination
totale, dans ce qui était considéré un pays européen éclairé, il
est difficile de blâmer notre peuple de ne pas se sentir en
sécurité.
Israël
n’est pas né en 1948, ni à cause de l’Holocauste. Ses origines,
c’est le sionisme, le mouvement national juif, qui était né à la
fin du 19ème siècle. Le sionisme avait pour finalité
la mise d’un terme à la situation précaire des juifs européens
en créant un Etat exclusivement juif. La logique était simple :
dès lors que les juifs ne pouvaient pas être fondés à penser
qu’ils seraient en permanence inconditionnellement accueillis ou
en sécurité dans les pays où ils vivaient, il leur fallait un
pays en propre. Cela signifie un pays gouverné uniquement par
des juifs, et qui fût largement exempt de non-juifs. La
localisation du « Foyer national juif » fit l’objet de débats,
au début, mais en fin de compte, le mouvement sionisme dans sa
totalité tomba d’accord sur l’installation en Palestine, en
raison de sa signification spirituelle, pour le peuple juif. Le
fait que la Palestine était peuplée était connu, et ouvertement
reconnu par les dirigeants du mouvement sioniste. L’opinion
courante consistait à dire que c’était là quelque chose de
triste, mais que le projet de créer un foyer national pour le
peuple juif ne pouvait pas être abandonné, étant donné son
extrême nécessité pour les juifs.
Les
sionistes ont toujours considéré que la peur juive justifiait
l’épuration ethnique. Les idées autour du transfert de la
population non-juive de la Palestine – les Palestiniens –
ailleurs, afin de faire de la place pour un Etat exclusivement
juif, existaient bien avant 1948. Le mot « transfert » est entré
en hébreu moderne, comme un euphémisme désignant l’épuration
ethnique, une idée ou un projet consistant à déplacer la
population palestinienne massivement, vers ailleurs, aussi loin
que possible des frontières d’Israël.
L’épuration ethnique de la Palestine a commencé en 1948 derrière
l’écran de fumée de la guerre, mais elle n’a pas été complète.
Non seulement cette épuration ethnique continue, aujourd’hui,
mais des chercheurs comme Ilan Pappé pensent qu’elle connaît une
escalade. L’idéologie sioniste est directement responsable de la
constitution politique de l’Israël d’aujourd’hui. Tenter de
comprendre la dynamique du conflit palestino-israélien, ou
d’analyser le comportement d’Israël, sans comprendre cette
constitution est voué à l’échec, et ne peut conduire qu’à
davantage de confusion et de malentendus.
Dès lors
que la croyance fondatrice est que le peuple juif ne peut être
en sécurité que dans un pays exclusivement juif, la feuille de
route d’Israël est simple. Israël doit se maintenir en tant que
refuge sécurisé pour l’ensemble du peuple juif. En se fondant
sur son expérience et sur ses narrations nationale et
religieuse, le peuple juif croit profondément que le
retournement de la vague contre eux, une fois encore, n’est
qu’une question de temps. Quand cela arrivera (et non pas ‘si’
cela arrivera), l’Etat d’Israël sera là pour les accueillir,
tous, et les sauver. J’utilise « les », et non pas « nous »,
parce que, personnellement, j’ai laissé tomber cette narration,
et j’ai choisi de ne pas passer le reste de mon existence dans
son ombre. Cela est perçu, par beaucoup d’Israéliens, comme une
attitude naïve, voire même insensée. Mais j’ai décidé de tenter
ma chance dans le vaste monde, parce que je ne crois pas que je
pourrais vivre pleinement ma vie et apporter ma contribution au
monde si je devais vivre en permanence dans la peur.
Le
développement de l’Etat d’Israël, et le comportement d’Israël
dans la région ont toujours été en cohérence avec son idéologie.
Israël considère qu’il aurait besoin d’autant de territoire et
de ressources naturelles que possible (comme l’eau, qui est
rare, au Moyen-Orient), afin de pouvoir accueillir les 13
millions de juifs dont il s’attend à ce qu’ils se précipitent
chez lui du monde entier « quand » une nouvelle ère de
persécution antijuive commencera. Israël devra alors avoir
suffisamment de logements, d’infrastructures et d’activité
économique pour ce faire. Il se doit d’être un pays moderne,
dans lequel des juifs occidentaux, habitués à la technologie, au
capitalisme et à l’abondance, puissent se sentir à l’aise. Il
n’y a rien d’incohérent, ni d’étrange, dans ce qu’Israël fait
subir aux Palestiniens si l’on comprend ce fil conducteur. Ce
qui me surprend, c’est le fait que cela ne soit jamais
ouvertement débattu dans aucune des analyses politiques que je
connaisse.
Au cœur
de ce conflit, il n’y a ni l’économie, ni le pétrole, ni la
« guerre contre le terrorisme », ni la religion, ni de
quelconques affiliations régionales. Non : il s’agit d’une
psychologie atavique de persécution et de survie, d’où découlent
toutes les autres considérations. Les loyautés d’Israël sont
utilitaristes. Il n’y a en Israël aucun grand amour pour un
quelconque peuple ni un quelconque pays étranger. Les Israéliens
pensent, en permanence, en termes de ce qui est bon pour les
juifs et de ce qui n’est pas bon pour les juifs, et ils
observent le monde très attentivement, à travers ce prisme. Les
enfants israéliens apprennent à voir la vie sous cet angle,
depuis leur âge le plus tendre. Ce fut mon cas, dans mon enfance
et durant mon adolescence.
Ce n’est
que lorsqu’on a pris toute la mesure de cela que l’on peut
comprendre pourquoi des négociations avec Israël signifient si
peu de choses ; que l’on peut comprendre pour quelle raison
Israël n’a jamais cessé de construire des colonies sur les
territoires palestiniens et pourquoi il n’a jamais cessé
d’étendre son territoire ; pourquoi il fait de la vie des
Palestiniens, à l’intérieur et à l’extérieur d’Israël, un tel
enfer ; pourquoi il les enferme dans des territoires qui ne
cessent de rétrécir, et pourquoi Israël répond à la résistance
des Palestiniens avec une violence tellement disproportionnée et
écrasante. Briser la résistance palestinienne est quelque chose
d’essentiel, du point de vue des Israéliens, non seulement en
raison de la douleur que la résistance armée des Palestiniens
crée en Israël, mais aussi afin de détruire toutes les
aspirations que pourraient nourrir les Palestiniens à retourner
sur leurs terres ancestrales. Israël ne peut tout simplement pas
se payer ce luxe, s’il veut demeurer un pays exclusivement juif.
Israël
est un pays qui est fondé sur des considérations racistes, en
raison de sa philosophie-même, et en raison des circonstances
qui l’ont vu naître. Du point de vue des Israéliens, accepter
l’idée d’un Etat unique ferait d’Israël tout simplement un autre
pays dans lequel des juifs vivent parmi des non-juifs. Toute
l’idée d’un havre juif sécurisé devrait dès lors être
abandonnée, et il n’y aurait aucune garantie que le nouvel Etat
pluraliste admettrait chez lui des réfugiés juifs au cas où des
juifs devraient être secourus. Les juifs israéliens et beaucoup
de sionistes, de par le monde, pensent que leur demander de
vivre avec les Palestiniens revient à leur demander de retourner
à un état d’insécurité et de victimitude potentielle. Ils ne
pensent tout simplement pas que cela soit raisonnable, et par
conséquent, ils n’accepteront jamais une solution qui
compromettrait leur havre, leur refuge. C’est là une des raisons
pour lesquelles les sionistes repoussent toute critique d’Israël
en poussant des cris d’orfraie persistants à l’antisémitisme.
Ils pensent réellement que le fait de mettre un terme à l’Etat
exclusivement juif rendrait tous les juifs vulnérables à un
nouvel Holocauste potentiel, où que ce soit dans le monde.
A mes
yeux, il est évident que, pour que justice soit rendue aux
Palestiniens, cette idéologie raciste et immorale, fondée sur la
peur, doit être surmontée, car la peur d’un peuple ne peut et ne
doit pas justifier la destruction d’un autre peuple. Mais je ne
pense pas que les Palestiniens puissent attendre que la
psychologie juive ait changé d’elle-même, et que les juifs se
sentent suffisamment en sécurité dans le monde pour abandonner
l’idée d’un havre sécurisé exclusivement juif.
Je pense
que cela nécessitera une pression internationale considérable
sur Israël, ou un changement de mentalité, chez les Israéliens,
pour qu’une solution à un unique Etat puisse devenir une
réalité. J’aimerais être optimiste, et penser que ce changement
de mentalité finira par se produire, mais je ne pas certaine de
le pouvoir. Mes doutes proviennent de ma propre expérience –
après tout, cela a été, aussi, mon propre état d’esprit. Aussi,
afin de sauver le peuple palestinien, le monde doit prendre une
initiative décisive dans ce conflit, comme il l’a fait en
Afrique du Sud, sinon, il continuera à sacrifier un peuple pour
un satisfaire un autre.
[* Avigail Abarbanel, ex-citoyenne israélienne, est
psychothérapeute libérale à Canberra, en Australie. Vous pouvez
la joindre à l’adresse mél suivante :
avigail@netspace.net.au
]
Traduit
de l’anglais par Marcel Charbonnier
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