Opinion
Libye : Les médias
et la propagande en faveur de la rébellion
Julie Lévesque
Samedi 2 avril 2011
Depuis le début de la crise en Libye les
médias ont de toute évidence un parti pris pour le camp des
rebelles. On semble se fier davantage à ce que dit la rébellion
et mettre en doute les affirmations du gouvernement libyen.
Vérifier la véracité de déclarations n’a rien
de répréhensible, au contraire : cette vérification devrait être
systématique. Y compris dans le cas des gouvernements
occidentaux et des rebelles de tout acabit. Pourtant les médias
ne font preuve de pratiquement aucun scepticisme quant aux
prétentions des rebelles libyens et des gouvernements
« bienveillants » qui se portent à leur défense.
La
scène de l'Hôtel Rixos
L'exemple le plus frappant est celui de la
scène de l'Hôtel Rixos à Tripoli. Le 26 mars dernier, Eman al-Obeidi
s'est présentée à cet hôtel où logent les journalistes étrangers
pour accuser des soldats du régime libyen de l'avoir violée et
torturée.
Dit-elle la vérité? Peut-être. Toutefois,
dans les premiers reportages cette question n'était pas soulevée
par les journalistes. Ces derniers ont pour la plupart vu dans
cet incident une preuve de la cruauté du régime libyen. Dans les
exemples ci-dessous, le choix des mots donne une aura de
crédibilité au témoignage de la femme inconnue tout en
démontrant de la méfiance à l’égard des autorités libyennes.
Mais
les journalistes n'avaient qu'un seul souci: quel sort sera
réservé à la jeune femme? Esquivant les questions sur ce « cas »,
il a affirmé qu'il n'avait pas d'assez éléments sur
l'« incident », assurant que la femme allait être « traitée
conformément à la loi ». (Une
jeune femme violée
tente de témoigner devant les journalistes à Tripoli,
AFP/Le Monde, 26 mars 2011.
Une femme a fait irruption samedi dans l’hôtel de Tripoli où
logent les journalistes étrangers. Avant d’être
expulsée sans ménagement,
elle a pu raconter des
bribes de sa
terrible histoire […] Dans l’hôtel, le
terrible témoignage
provoque une bousculade. Un employé de l’établissement menace
Eman d’un couteau et lui lance: «Traîtresse!» Bientôt,
les sbires du régimes
(sic) interviennent pour tenter de faire taire l’opposante. Eman
est évacuée sans
ménagements, tandis que
les hommes de Kadhafi
affirment que la jeune femme est une «malade mentale».
(Adrien Gaboulaud,
Libye: Eman al-Obeidi,
celle qui brise le silence, Paris Match, 29
mars 2011.
C’est l’auteure qui souligne.)
Dimanche 27 mars, le gouvernement affirme avoir libéré la femme.
Si les médias rendent
compte de leur difficulté à enquêter sur le cas, ils estiment
aussi que le témoignage est crédible. “CNN
n’a pas pu vérifier de façon indépendante le témoignage d’Eman
Al-Obeydi, mais ses blessures semblaient cohérentes avec ce
qu’elle disait”, explique la télévision états-unienne sur
son site. Le New York Times renchérit : “Son
expérience correspond aux rapports de longue date sur les abus
des droits de l’homme en Libye sous le gouvernement Kadhafi.”
(Jerome Delay,
Libye -
Confusion autour d’un viol collectif, Le
Monde, 28 mars 2011.
C’est l’auteure qui souligne.)
Même Al-Jazira a choisi son camp. Dans
cette vidéo,
la journaliste ne démontre aucun signe d’impartialité :
L’histoire retentissante
de viol et d’abus d’Eman al-Obeidi aux mains des milices de
Kadhafi a choqué les journalistes présents, mais la
réaction des gardiens de
sécurité du gouvernement libyen et du personnel de l’hôtel a
accentué le désarroi.
Une serveuse a brandi un
couteau de table vers elle et l’a accusée d’être une « traitresse ».
Alors que des représentants du gouvernement essayaient de la
faire taire et de l’emmener, elle a crié : « Ils disent qu’ils
m’emmènent à l’hôpital, mais en réalité ils m’emmènent en
prison ». Ensuite la
manipulation du gouvernement a commencé. Le porte-parole [du
gouvernement] a dit qu’elle était saoule et souffrait de maladie
mentale et qu’elle n’était pas avocate, tel qu’elle l’affirmait,
mais une prostituée, et,
dernière fausse déclaration, qu’elle était à la maison, en
sécurité avec sa famille. En fait, elle était à nouveau sous la
garde des forces de Kadhafi, mais, déjà sa famille se battait
pour elle. (Anita McNaught,
Anger over detention of Libyan woman, Al Jazeera English, 28
mars 2011.
C’est l’auteure qui souligne.)
Malgré la horde de photographes et de caméramans, il ne semble
pas y avoir d’image disponible du couteau de table, brandi
tantôt par un homme, tantôt par une femme selon les reportages,
ni des blessures sanglantes de la présumée victime évoquées par
de nombreux médias.
On dit par ailleurs qu’elle est emmenée « sans ménagement »,
mais on le voit bien dans la vidéo, un homme tient son bras,
elle n’est ni menottée, ni cagoulée, ni traînée de quelque
façon. Les manifestants pacifiques aux réunions du G20 sont
d’ordinaire traités bien plus brutalement dans les pays dits
« démocratiques », comme cela fut le cas à Toronto au Canada
lors de la plus récente réunion.
La journaliste poursuit :
En entrevue avec la chaîne arabe d’Al-Jazira,
ses parents montrent une
photo d’elle avec son diplôme en droit lors de sa graduation.
(Ibid.
C’est l’auteure qui souligne.)
Pourtant, on nous montre sa mère avec une simple photo d’elle
sans diplôme.
La révélation suivante du Washington Post aurait dû semer le
doute dans les médias quant au témoignage d’Eman al-Obeidi :
Selon le Washington Post, « Hasan Modeer, un
rebelle activiste qui
était avec la mère de Mme Obaidi à Tobruk a déclaré qu’un
représentant du gouvernement avait appelé Ahmed à 3 heure du
matin dimanche pour demander à la mère de persuader sa fille de
changer sa version des faits ». (Tara Bahrampour et Liz Sly,
Libyan government offered money to appease Iman al-Obaidi, woman
in rape-claim case, mother says, Washington Post, 27
mars 2011.
C’est l’auteure qui souligne.)
Si cette femme a des liens avec les rebelles, il se peut que
cette histoire soit un événement fabriqué, une opération
psychologique destinée à galvaniser l'opinion publique mondiale
en faveur de l’intervention de l’OTAN et à diaboliser le régime
libyen, à l'instar de
Nayirah al-Sabah, durant la guerre du Golfe.
Cette Koweïtienne avait fait un témoignage émouvant devant le
Congressional Human Rights Caucus des États-Unis sur des
atrocités apparemment commises par le régime irakien. Il s'est
avéré par la suite que cette jeune femme était la fille de
l'ambassadeur du Koweït aux États-Unis et que son témoignage
n'était que pure fantaisie.
Pourquoi donc les médias prennent-ils parti pour la rébellion en
Libye? Est-ce volontaire ou non? Ce qu’il y a de plus dérangeant
dans ce favoritisme, c’est qu’on ne cesse de nous parler des
rebelles, mais on ne nous a jamais dit qui sont ces rebelles
libyens!
Les rébellions armées et
les « interventions humanitaires »
Alors, qui sont-ils ces rebelles? Qui les arme? Qui les finance?
Quels sont leurs intérêts? Ont-ils des liens avec des pays
étrangers? Bref, on semble n’avoir qu’une vague idée de la
nature de cette rébellion armée, et, pourtant, on la défend dans
la presse occidentale, au même titre que les soulèvements
populaires non armés en Tunisie et en Égypte.
Si l’on regarde un tant soit peu en arrière, on peut se poser
les questions suivantes : s’agit-il du même genre de rebelles
que ceux qui ont été armés et financés par la CIA en Haïti et
qui ont contribué au renversement en 2004 de Jean-Bertrand
Aristide, président élu avec une majorité d’environ 70 % et aux
tendances socialistes et anti-impérialistes? (Voir Julie
Lévesque,
L’ingérence étrangère en Haïti : quelle démocratie?,
Mondialisation.ca, 19 novembre 2010)
Ou peut-être sont-ils du même type que les Contras du Nicaragua,
ces « combattants de la liberté », défendus par le gouvernement
Reagan dans les années 1980, armés et financés par la CIA, et
qui tentèrent de mettre fin à la révolution sandiniste, elle
aussi socialiste et anti-impérialiste? (Voir Philip Agee,
How United States Intervention Against Venezuela Works,
Global Research, 15 septembre 2005)
Ces exemples ne semblent pas faire partie de la mémoire
médiatique, dont on peut sérieusement douter de l’existence. La
seule comparaison que l’on nous sert est celle avec le Kosovo.
Pourtant, là aussi, l’histoire se répète : l’Armée de libération
du Kosovo a été armée et financée entre autres par la CIA. (Voir
Michel Chossudovsky,
La déstabilisation de la Bolivie et l’option Kosovo,
Mondialisation.ca, 7 octobre 2008)
Mais comme la vérité peine à faire son chemin dans les têtes
bien pensantes de la presse occidentale, l’intervention des
États-Unis et de l’OTAN au Kosovo est un exemple de « guerre
humanitaire » à suivre pour éviter des « massacres ».
Or, quiconque a étudié au minimum l’éclatement de la
Yougoslavie, sait que le but ultime de cette intervention était
de diviser pour régner, d’éliminer une économie socialiste
fonctionnelle, aujourd’hui scindée en petites entités
capitalistes criblées de dettes, faisant ainsi le bonheur des
grandes institutions financières de ce monde. Les Serbes ont été
accusés d’avoir commis des massacres alors que la violence dont
ils ont été victimes a été et demeure largement ignorée. (Voir
Srebrenica Historical Project)
Il y a eu le « boucher de Bagdad », le « boucher de Belgrade »
et aujourd’hui c’est le « boucher de Tripoli ». Toujours la même
tactique. Toujours les mêmes sauveurs. Toujours, on n’y voit que
du feu.
La version officielle de ce genre d’intervention a hérité du nom
de « guerre » ou « intervention humanitaire », que d’autres
qualifient à juste titre d’« impérialisme humanitaire ».
Rappelons-nous : les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des
intérêts.
Ceux qui interviennent à l’étranger ne le font pas pour sauver
des peuples, mais leurs intérêts économiques et la presse se
garde bien de nous expliquer la lutte de pouvoir entre les États
occidentaux au pays de Kadhafi, la plus grande richesse
pétrolière africaine. (Voir Michel Chossudovsky,
L’« Opération Libye » et la bataille du pétrole : Redessiner la
carte de l’Afrique, Mondialisation.ca, 22 mars 2011)
En 2001, peu après l’intervention de l’OTAN en Yougoslavie, le
concept orwellien de « responsabilité de protéger » a été
développé sous l'égide de la Commission internationale de
l'intervention et de la souveraineté des États, une initiative
du gouvernement canadien.
Après avoir diabolisé à outrance le chef libyen, les médias se
sont empressés de promouvoir la fameuse doctrine du « devoir de
protéger » pour venir en aide au peuple libyen, doctrine prônée
aussi par les dirigeants en faveur d'une intervention armée aux
côtés des rebelles, dont on ne nous révèle toujours pas
l'identité.
La ligue arabe, qui s’est prononcé le 13 mars en faveur d’une
zone d’exclusion aérienne pour « protéger les civils », compte
de nombreux alliés des États-Unis, dont le Yémen, Bahreïn et
l’Arabie Saoudite, qui sont loin d’être des exemples de
démocratie. L’Union africaine s’est pour sa part opposée à une
intervention de l’extérieur.
Plutôt que de remettre en question les raisons de cette
intervention et les intérêts de ses partisans, les grands médias
ont préconisé l'ingérence, sans savoir qui est à l'origine de la
rébellion armée.
La plupart des tyrans
trouvent des prétextes nobles pour
massacrer
ceux qui les contestent.
Kadhafi, lui, affirme
sans la moindre gêne son intention de déclencher un
carnage
illimité. À ses
yeux, aucun prix n'est trop élevé pour se maintenir au pouvoir.
Au moins, c'est clair.
Il n'est plus possible de prétendre que la menace qui plane sur
le peuple libyen est le fruit d'une oeuvre de propagande.
Plus possible, non plus, de faire semblant que l'on ne sait pas
ce qui nous attend, comme on l'a fait pour le
Rwanda ou la
Bosnie.
Avec son massacre
annoncé,
le sinistre colonel
crée un précédent. Et place la communauté internationale devant
un dilemme délicat:
jusqu'où faut-il aller pour empêcher le bain de sang? […]
[L]e cas de la Libye
s'apparente plutôt à celui du Kosovo, où l'OTAN avait déclenché
une offensive militaire, en 1999, pour protéger la population
contre le pouvoir serbe. […]
C'est d'ailleurs dans la
foulée de cette opération que l'ONU avait commencé à
explorer un nouveau concept: celui de la « responsabilité
de protéger ».
Mais si
le tyran de Tripoli
continue à massacrer son
peuple, tôt ou tard, le monde aura l'occasion de tester le
beau principe de la « responsabilité de protéger ». Car si on ne
le fait pas dans ce cas-ci, c'est qu'on ne le fera jamais.
(Agnès Gruda,
Le devoir de protéger, Cyberpresse, 5 mars 2011.
C’est l’auteure qui souligne.)
Cette doctrine de la « liberté
de protéger »
existe. Elle a été promue par le gouvernement canadien, à l’ONU,
il y a quelques années. Pourtant, aujourd’hui, ni le
gouvernement Harper, ni le chef du parti qui a conçu cette
doctrine, Michael Ignatieff du PLC, ne proposent de l’utiliser
pour protéger le peuple
libyen contre le tyran qui promet « des rivières de sang ».
Heureusement, il s’est produit ce samedi un événement étonnant.
Une organisation internationale à laquelle le Canada ne
participe pas a eu la
décence “d’assurer un soutien immédiat et continu au peuple
libyen (…) face aux
dangereuses violations et aux crimes des autorités libyennes,
lui faisant perdre leur légitimité”. Cette
organisation de
démocrates conséquents
a réclamé, sans la
nommer, l’application du principe de “responsabilité de
protéger” en réclamant du Conseil de sécurité de l’ONU
l’imposition d’une zone d’exclusion aérienne sur la Libye […]
(Jean-François Lisée,
Mais où est donc la « responsabilité de protéger »,
L’actualité, 13 mars 2011.
C’est l’auteure qui souligne.)
Ici les deux auteurs font erreur. En réalité, c’est le fils de
Kadhafi, Seïf Al-Islam, qui a parlé de « rivières de sang » et
cette image choc, prise hors contexte, sert bien la propagande
interventionniste.
Il a dit
auparavant : « Nous envisageons comme dernière solution […]
de nous en remettre tous
aux armes, nous
allons armer 5 millions de Libyens, la Libye n’est ni la
Tunisie ni l’Égypte […] Des rivières de sang couleront […] »
N’est-il pas insensé qu’un gouvernement contesté par un
soi-disant soulèvement populaire se propose d’armer 5 millions
de citoyens alors que son pays en compte 6,5 millions? Les
médias n’ont fait que souligner la « promesse » de « faire
couler des rivières de sang », ce qui donne l’impression que les
forces militaires du régime se lanceront dans une folie
meurtrière contre une population sans défense.
La propagande guerrière
Dans un article intitulé « Les
règles de la propagande de guerre », le journaliste belge
Michel Collon détaille la couverture des guerres par les médias
occidentaux et les « règles incontournables de la "propagande de
guerre" » : diaboliser l’ennemi; omettre le contexte
géographique et historique; cacher les véritables intérêts; et
éviter d’évoquer les manipulations médiatiques du passé. Le cas
qui nous préoccupe en est un exemple patent.
Certes, Mouammar Kadhafi n'est pas un enfant de cœur. Mais
George W. Bush l'était-il davantage? Qui, des deux dirigeants, a
plus de sang sur les mains? Sous le règne de George W. Bush,
personne n'a jamais proposé d'envahir les États-Unis pour les
empêcher d'aller massacrer les Irakiens ou les Afghans.
Et si une rébellion armée avait lieu dans un pays occidental,
que feraient les dirigeants? Si, lors de manifestations
pacifiques, la présence policière y est démesurée, on peut
facilement imaginer la réaction face à une rébellion armée.
Aussi, il convient de noter que les Occidentaux ont tenté plus
d'une fois d'assassiner le colonel Kadhafi. L'une de ces
tentatives a d'ailleurs causé la mort d'une de ses filles.
Qu'adviendrait-il si l'enfant d'un chef d'État occidental était
tué par des forces arabes?
Cette diabolisation de Kadhafi est une tactique de guerre
psychologique ayant été utilisée plus d'une fois pour mobiliser
l'opinion publique en faveur d'interventions armées. Les médias
se font par ailleurs très discrets sur les faits concernant la
Libye : son indice de développement humain et son PIB supérieurs
à tous les pays africains, la qualité des programmes sociaux,
etc.
Lorsque l'on regarde le portrait d'ensemble et le contexte
historique des interventions humanitaires, il est clair que cet
assaut de l'OTAN sur la Libye n'a rien à voir avec la protection
des civils libyens.
Le secrétaire étasunien à la Défense Robert Gates l'a lui-même
avoué en entrevue à
Meet the
Press : les États-Unis sont en Libye pour protéger leurs
intérêts : « Non, la Libye n'est pas un intérêt crucial pour les
États-Unis, mais nous avons évidemment des intérêts là-bas et
[la Libye] fait partie de la région qui constitue un intérêt
crucial pour les États-Unis. »
Cet aveu ne peut être plus clair : nous avons des intérêts au
Moyen-Orient et c'est pourquoi nous intervenons en Libye, pour
protéger nos intérêts au Moyen-Orient.
Si le secrétaire étasunien à la Défense admet que son pays
intervient en Libye pour protéger ses intérêts, comment peut-on
encore parler d'intervention humanitaire? Et ces rebelles que
l'on se propose d'armer, quand osera-t-on avouer que ceux-ci
entretiennent des liens avec les services de renseignements
occidentaux et Al-Qaïda?
Rebelles, Al-Qaïda, MI6,
CIA
Voici un article du Guardian
datant de 2002. Cette information est disponible depuis presque
10 ans, mais les médias n’ont pas cru bon en faire mention :
Les services de
renseignements britanniques ont payé une grosse somme d’argent à
une cellule d’Al-Qaïda en Libye pour tenter d’assassiner en vain
le colonel Kadhafi en 1996. Ils ont par ailleurs déjoué
auparavant des tentatives de traîner Oussama ben Laden devant la
justice.
Les dernières affirmations
voulant que le MI6 ait des liens avec le Groupe islamique
combattant [Al-Jama’a al-Islamiyyah al-Muqatilah bi-Libya], lié
à un fidèle lieutenant de ben Laden, seront embarrassantes pour
le gouvernement, lequel a qualifié des déclarations similaires
de l’officier renégat David Shayler de « pure fantaisie ».
Ces allégations ont émergé
dans le livre
Ben Laden, la vérité interdite, publié aux États-Unis
par deux experts du renseignement français. Ceux-ci révèlent que
le premier mandat d’arrêt d’Interpol contre ben Laden a été émis
par la Libye en mars 1998.
Selon les journalistes
Guillaume Dasquié et Jean-Charles Brisard, conseiller du
président Chirac, les agences de renseignements britannique et
étasunienne ont caché le fait que le mandat d’arrêt provenait de
la Libye et ont minimisé la menace. Cinq mois après l’émission
du mandat, Al-Qaïda a tué plus de 200 personnes dans les
attentats au camion piégé ciblant les ambassades des États-Unis
au Kenya et en Tanzanie.
Selon les auteurs, la
résistance des agences de renseignements occidentales devant les
inquiétudes libyennes peut s’expliquer par la participation du
MI6 au complot de coup d’État d’Al-Qaïda. (Martin Bright,
MI6 'halted bid to arrest bin Laden', Guardian, 10
novembre 2002)
Alors que Kadhafi était la risée
des médias lorsqu’il a accusé Al-Qaïda d’être derrière la
rébellion, le 28 mars dernier le commandant des forces de l'OTAN
a timidement confirmé, sans faire l’objet de dérision, que le
réseau manipulait les insurgés :
Depuis le début de
l'insurrection en Libye, Mouammar Kadhafi accuse Al-Qaïda et
Oussama ben Laden. Il a ainsi affirmé à plusieurs reprises que
le réseau terroriste manipule les insurgés. Ce mardi, James
Stavridis, le commandant des forces de l'Otan en Europe, a en
partie confirmé ces affirmations.
Lors d'une audition devant
le Sénat américain, il a en effet expliqué que des informations
du renseignement évoquaient les signes d'une présence d'Al Qaïda,
voire du Hezbollah libanais, parmi l'opposition libyenne. Il a
néanmoins tempéré en soulignant qu'il ne disposait pas « de
détails suffisants » pour dire si cette présence était
« significative ou non ». (Libye
: l'Otan admet que l'opposition serait infiltrée par Al-Qaïda,
TF1, 29 mars 2011)
Donc, même si les Occidentaux
admettent la présence d’Al-Qaïda auprès des rebelles, ils optent
quand même pour une intervention en leur faveur.
Pour ajouter à la tournure
kafkaïenne des événements, le Conseil national de transition
(CNT), représentant de l'opposition libyenne reconnue jusqu’à
présent par la France et le Qatar, a nommé un collaborateur de
longue date de la CIA pour diriger ses opérations :
Le groupe situé à Benghazi
représentant les forces rebelles combattant le régime Kadhafi,
le Conseil national libyen, a nommé un collaborateur de longue
date de la CIA pour diriger ses opérations. C’est McClatchy
Newspapers qui a révélé jeudi la nomination de Khalifa Hifter,
un ancien colonel de l’armée libyenne […] (Patrick Martin,
A CIA commander for the Libyan rebels, World Socialist
Web Site, 28 mars 2011)
Le lendemain, on
apprenait lors d'une conférence à Londres qui étaient les
porte-paroles du CNT : Mahmoud Shammam, ancien journaliste du
magazine étasunien Foreign Policy, « vivant entre Washington et
Doha », et Guma El-Gamaty, « un activiste vivant à Londres ». (Eric
Albert,
Les premiers pas politiques hésitants des rebelles libyens,
La Tribune, 29 mars 2011.)
Les représentants des rebelles libyens sont donc des Libyens qui
vivent aux États-Unis et en Grande-Bretagne et le chef de leurs
opérations est un collaborateur de la CIA. La rébellion libyenne
commence à dégager une forte odeur occidentale de changement de
régime.
Deux jours après la publication
de l'article de McClatchy et après le début de l’intervention,
le New York Times « révélait »
que la CIA était en sol libyen depuis plusieurs semaines. Quant
au MI6 et aux Forces spéciales britanniques, des agents on été
capturés au début mars par les rebelles qui les ont pris par
erreur pour des espions ennemis. Le renseignement britannique
aurait été sur place pour tisser des liens avec la rébellion,
qui, vraisemblablement, n’était pas au courant.
Autre fait
d’importance largement ignoré par les médias : Benghazi est le
repaire de choix des djihadistes, selon une étude de l'Académie
militaire des États-Unis à West Point datant de 2007 :
La
conclusion la plus frappante qui ressort de l’étude de West
Point est que le corridor allant de Benghazi à Tobruk et passant
par la ville de Darnah […] constitue l’une des plus fortes
concentrations de terroristes djihadistes au monde, et, dans une
certaine mesure, peut être vu comme la source principale des
kamikazes sur la planète. (Dr. Webster G. Tarpley,
The CIA’s Libya Rebels: The Same Terrorists who Killed US, NATO
Troops in Iraq, Global Research, 28 mars 2011)
Toutes ces informations nous révèlent de nombreux des faits
cruciaux pour la compréhension de ce conflit et sont disponibles
pour quiconque se donne la peine de faire un minimum de
recherche. Or, il semble que le rôle de la presse ne soit pas de
livrer des faits, mais plutôt, de la propagande.
Que ce parti pris des médias soit volontaire ou non, d’une
manière ou d’une autre, le résultat est le même : ils ne font
pas leur travail correctement. Encore une fois.
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