|
Al-Ahram Weekly
Du droit d'Israël à être un Etat
raciste
Joseph Massad *
Joseph
Massad - Photo Al-Ahram
http://weekly.ahram.org.eg/2007/836/op1.htm
Le combat d’Israël pour la paix est un combat sincère. De fait,
Israël désire vivre en paix, non seulement avec ses voisins,
mais aussi – en particulier – avec sa propre population
palestinienne, ainsi qu’avec les Palestiniens des territoires
qu’il a conquis et qu’il occupe par la force armée. Le désir
de paix d’Israël n’est pas seulement rhétorique ; il
est également substantiel, et profondément psychologique. A de
rares exceptions près, les dirigeants sionistes les plus en vue,
depuis l’origine du sionisme colonial, désiraient établir une
paix avec les Palestiniens et avec d’autres Arabes, dont ils
avaient voué les territoires à la colonisation de peuplement. La
seule chose qu’Israël ait exigé, par le passé – et qu’Israël
continue à exiger, aujourd’hui – pour mettre un terme à l’état
de guerre avec les Palestiniens et avec ses voisins arabes,
c’est que – tous – reconnaissent son droit à être un pays
raciste pratiquant une discrimination légale à l’encontre des
Palestiniens (et des Arabes, de manière générale), ainsi que
son droit absolu à accorder des droits légaux différents, ainsi
que des privilèges, à ses propres citoyens juifs, ainsi qu’à
tous les juifs, partout ailleurs dans le monde. La résistance que
les Palestiniens (et d’autres Arabes) ont lancé contre le droit
d’Israël à être un Etat raciste est l’élément qui
continue à s’interposer entre Israël et cette paix pour
laquelle Israël s’est battu et à la recherche de laquelle il
se voue, depuis des décennies. De fait, cette résistance, ça
n’est rien moins que le « nouvel antisémitisme ».
Israël est prêt à faire n’importe quoi afin de convaincre les
Palestiniens et les Arabes, en général, des raisons pour
lesquelles il a besoin (et mérite) son droit à être raciste. Même
au niveau théorique, et même avant sa concrétisation sur le
terrain, le projet colonial sioniste recherchait les divers moyens
grâce auxquels il pourrait convaincre le peuple (dont il voulait
voler les terres et contre lequel il ambitionnait d’exercer sa
discrimination) d’accepter sa compulsion de racisme comme
quelque chose de compréhensible. La seule chose qu’exigeait le
sionisme, c’était que les Palestiniens « reconnaissent [à
Israël] son droit à l’existence » en tant qu’Etat
raciste. Les méthodes militaires ne furent en aucun cas les seuls
instruments de persuasion utilisés ; il y en eut d’autres,
dont des incitations économiques et culturelles. Le sionisme, dès
le début, offrit à certains Palestiniens des avantages
financiers pour peu qu’ils accèdassent à son exigence
d’avoir le droit d’être raciste. De fait, l’Etat d’Israël
continue à faire cela. Bien des responsables officiels de l’Autorité
palestinienne et de l’Organisation de Libération de la
Palestine [OLP] se sont vu offrir de nombreuses incitations
financières – qu’ils ont acceptées – à reconnaître à
Israël ce besoin impérieux. Ceux des Palestiniens qui persistent
fâcheusement à résister sont punis de leur intransigeance par
l’étouffement économique et la famine organisée, accompagnés
de bombardements et d’incursions militaires réguliers, ainsi
que d’un isolement international. Ces méthodes de persuasion,
espère Israël, finiront bien par convaincre une population récalcitrante
à reconnaître le besoin vital qu’a Israël d’être un pays
raciste… Après tout, le racisme israélien ne se manifeste
« que » dans son drapeau, dans son hymne national, et
dans un package de lois absolument nécessaires à la perpétuation
du privilège juif, dont la loi du retour (1950), la loi des
propriétaires absents (1950), la loi sur les propriétés d’Etat
(1951), la loi sur la citoyenneté (1952), la loi sur le statut
(1952), la loi sur l’Administration israélienne des Terres
(1960), la loi sur la construction et le bâtiment (1965) et la
loi temporaire de 2002 interdisant tout mariage entre des Israéliens
et des Palestiniens des territoires palestiniens occupés.
Commençons par examiner la raison pour laquelle Israël et le
sionisme ont besoin de s’assurer qu’Israël reste bien un pays
raciste, de par sa législation, et pourquoi ce pays détient ce
droit. La raison est fondamentalement triple, elle est fondée sur
les affirmations ci-après :
a)
Les juifs sont toujours en danger, partout, dans le vaste monde ;
b)
Seul un Etat privilégiant les juifs du point de vue racial et
religieux peut être à l’abri de
l’oppression des Gentils et prospérer ;
c) Si Israël abrogeait ses lois et ses symboles racistes, devenant
un Etat non-raciste et démocratique, les juifs cesseraient d’être
majoritaires, et deviendraient semblables aux juifs de la
diaspora, à savoir : une minorité dans un pays non-juif.
Ces préoccupations sont exprimées très clairement par les
dirigeants israéliens, individuellement et collectivement. Ainsi,
Shimon Peres, la colombe de l’Israël officiel, se préoccupe
depuis pas mal de temps du « danger » démographique
palestinien, la Ligne Verte (qui sépare Israël de la
Cisjordanie) commençant à « disparaître… ce qui
pourrait aboutir à la dépendance du devenir des Palestiniens de
Cisjordanie par rapport à celui des Arabes israéliens. »
Il a formulé l’espoir que l’arrivée de 100 000 juifs supplémentaires
en Israël ajournerait ce « danger » démographique
encore une dizaine d’années supplémentaires, étant donné
qu’à la fin des fins, a-t-il souligné, « la démographie
aura raison de la géographie ».
En décembre 2000, l’Institut des études politiques et stratégiques
du Centre Interdisciplinaire d’Herzliya (Israël) a tenu la
première d’une série annoncée de conférences annuelles
consacrées à la puissance et à la sécurité d’Israël, et en
particulier à la nécessité d’assurer une majorité démographique
juive. Le président d’Israël, les Premiers ministres passés
et actuel, et les membres du gouvernement y ont, tous, assisté.
Un des « principaux points » répertoriés dans un
document de 52 pages résumant la conférence fait état de sa préoccupation
devant le nombre élevé de juifs nécessaires afin de pérenniser
la suprématie tant démographique juive que politique d’Israël :
« Le haut taux de fécondité des « Arabes israéliens »
pose la question du devenir d’Israël en tant qu’Etat juif…
Les tendances démographiques actuelles, si elles devaient
perdurer, remettraient en cause l’avenir d’Israël en tant
qu’Etat juif… Israël a le choix entre deux stratégies :
l’adaptation ou le colmatage des brèches. La deuxième solution
requière une politique démographique sioniste énergique sur le
long terme – une politique dont les effets politiques, économiques
et éducationnels soient de nature à pérenniser le caractère
juif de l’Etat d’Israël. »
Péremptoire, le rapport ajoute que « ceux qui soutiennent la
préservation du caractère juif… s’appliquant à la seule
nation juive qu’est l’Etat d’Israël, représentent une
majorité de la population juive d’Israël ». Bien
entendu, ceci signifie le maintien de toutes les lois racistes qui
garantissent le caractère juif de l’Etat. Les réunions
annuelles suivantes ont confirmé cet engagement.
Les juifs sont porteurs de la civilisation occidentale, et ils
constituent un avant-poste défendant en Asie à la fois la
civilisation occidentale et les intérêts économiques et
politiques de l’Occident face à la barbarie et au terrorisme de
l’Orient. Si Israël devenait un pays non-raciste, sa population
arabe risquerait de saper sa vocation à la civilisation
occidentale ainsi que sa défense des intérêts économiques et
politiques de l’Occident, et elle pourrait aussi – pourquoi
pas ? – faire des juifs eux-mêmes une population levantine
barbare ? Voici de quelle manière Ben Gourion exprima un
jour cela : « Nous ne voulons pas que les Israéliens
deviennent des Arabes. Nous avons une mission, qui est de lutter
contre la mentalité orientale, qui corrompt les individus et les
sociétés, et de préserver les valeurs juives authentiques
telles qu’elles se sont cristallisées dans la diaspora européenne. »
De fait, Ben Gourion ne mâchait pas ses mots, au sujet du rôle
attendu du sionisme dans la défense de ces principes :
« Nous ne sommes pas des Arabes, d’ailleurs nous ne sommes
pas traités de la même manière qu’eux.. nos instruments de
guerre sont différents de ceux des Arabes, et seuls les
instruments qui sont les nôtres sont en mesure de nous assurer la
victoire. » Plus récemment, l’ambassadeur d’Israël en
Australie, Naftali Tamir, a souligné ceci : « Nous
sommes en Asie, sans avoir les caractéristiques des Asiatiques.
Nous n’avons pas la peau jaune, ni les yeux bridés. L’Asie,
c’est fondamentalement la race jaune. L’Australie et Israël
n’en font pas partie : fondamentalement, nous appartenons
à la race blanche. »
Dieu a donné ce pays aux juifs, en leur recommandant de se protéger
contre les Gentils, qui les haïssent. Par conséquent, faire d’Israël
un Etat non-juif, cela reviendrait à encourir le risque de défier
Dieu Lui-même. Cette position n’est pas défendue par les seuls
juifs et chrétiens fondamentalistes, mais même par des sionistes
par ailleurs laïcs (tant juifs que chrétiens). Ben Gourion en
personne était persuadé, à l’instar de Bill Clinton et de
George W. Bush, que « Dieu nous avait promis cette terre, or
Il nous l’a donnée ». [CQFD ! (ndt)]
Il est important de souligner que ce raisonnement sioniste est en
tous points exact, dès lors qu’on admet l’affirmation de l’exceptionnalisme
juif. Il faut conserver à l’esprit que le sionisme et Israël
sont particulièrement attentifs à ne pas généraliser les
principes justifiant le besoin d’Israël d’être raciste, mais
qu’ils sont tout aussi véhéments à affirmer que ces principes
sont exceptionnels [et réservés au seul Israël, ndt]. Non tant
que d’autres peuples n’aient été persécutés, au cours de
l’Histoire : la question, c’est que les juifs ont été
plus opprimés que quiconque d’autre. Non que l’identité
culturelle et physique d’un autre peuple n’ait jamais été
menacée : le fait est que l’existence culturelle et
physique des juifs est plus menacée que celle de tout autre
peuple. Cette équation quantitative est la clé expliquant la
raison pour laquelle le monde, et en particulier les Palestiniens,
doivent reconnaître qu’Israël a besoin, et mérite, d’avoir
le droit d’être un pays raciste. Si les Palestiniens – ou qui
que soit d’autre – rejetaient cette idée, alors il seraient nécessairement
voués à l’anéantissement du peuple juif, à la fois
physiquement et culturellement, sans oublier le fait qu’ils
s’opposeraient à la volonté du Dieu judéo-chrétien himself…
Certes, les dirigeants palestiniens et arabes (en général) ne
furent pas aisément persuadés de ces besoins israéliens spécifiques ;
et certes il fallut plusieurs décennies d’efforts assidus, de
la part d’Israël, pour les convaincre, en particulier au moyen
d’arguments « frappants » (militaires). Au cours des
trente années écoulées, ils ont montré des signes de résipiscence.
Bien qu’Anwar El-Sadate eût inauguré cette évolution dès
1977, il allait falloir plus longtemps à un Yasser Arafat pour
reconnaître les « besoins » d’Israël. Mais Israël
sut se montrer patient, et il devint de plus en plus innovant dans
ses instruments de persuasion, en particulier en matière d’ « arguments
frappants ». Quand Arafat, en 1993, devint raisonnable et
signa les accords d’Oslo, il ne fit que reconnaître – enfin !
– le droit d’Israël à être raciste et à exercer une
discrimination légale contre ses propres citoyens palestiniens.
C’est afin de récompenser cette reconnaissance tardive qu’un
Israël magnanime, aspirant comme toujours à la paix (…), a décidé
de bien vouloir négocier avec lui. Mais Arafat persista toutefois
à résister sur certaines questions [marginales, ndt]. En effet,
il espérait (le pauvre… ndt) qu’en échange de sa
reconnaissance du droit d’Israël à être raciste chez lui,
Israël mettrait un terme à son système d’apartheid dans les
territoires occupés !
Manifestement, c’était là un malentendu de sa part. Les
dirigeants israéliens lui expliquèrent, à lui et à son
principal négociateur (un certain Mahmoud Abbas), au cours de
discussions marathon qui se poursuivirent pas moins de… sept années,
que les exigences d’Israël ne se limitent nullement à
l’imposition de ses lois racistes à l’intérieur d’Israël,
mais qu’elles s’étendent nécessairement aux territoires
occupés, aussi. Etonnamment, Arafat ne se satisfit pas des
bantoustans que les Israéliens proposaient de découper, à
l’intention du peuple palestinien de Cisjordanie et de la bande
de Gaza, autour des colonies juives de peuplement que Dieu [Lui-même]
avait accordées aux juifs. Les Etats-Unis furent appelés à la
rescousse pour persuader ce leader particulièrement malléable
que la solution des bantoustans n’était pas si mauvaise que
cela, tout bien considéré… De fait, des collaborateurs tout
aussi honorables qu’Arafat en avaient bénéficié, à
l’instar d’un Mangosutho Gatcha Buthelezi, dans l’Afrique du
Sud sous régime d’apartheid… Il n’y avait nulle honte à
accepter cette « solution », assura le président
Clinton à Arafat, à Camp David, au cours de l’été 2000.
Abbas fut tout à fait convaincu. Arafat eut, quant à lui, encore
quelques doutes.
Certes, deux ans plus tard, en 2002, Arafat fit un pas de plus, réaffirmant
sa reconnaissance du besoin qu’avait Israël de lois racistes à
l’intérieur de ses « frontières », quand il renonça
au droit au retour des six millions de Palestiniens exilés,
lesquels, en vertu de la loi israélienne raciste dite « du
retour », se voient interdire de revenir dans la patrie
d’où Israël les a expulsés, tandis que des citoyens juifs de
n’importe quel autre pays obtiennent la citoyenneté israélienne
automatique dans un Etat d’Israël que la majorité d’entre
eux n’ont jamais vu auparavant. Dans une tribune publiée par le
New York Times, Arafat déclarait : « Nous comprenons
les préoccupation démographiques d’Israël et, à nos yeux, le
droit au retour des réfugiés palestiniens – un droit reconnu
par le droit international et la résolution 194 de l’Onu –
doit être mis en application de manière à prendre en compte ces
préoccupations ». Il poursuivait, affirmant qu’il aspirait à
négocier avec Israël sur « des solutions créatives quant
au calvaire des réfugiés, tout en respectant les préoccupations
d’Israël en matière de démographie. » Ce ne fut
toutefois pas suffisant, car Arafat n’était toujours pas
convaincu de la nécessité, pour Israël, d’installer son
propre racisme d’apartheid dans les territoires occupés. On le
constate : Israël n’avait donc d’autre solutions que
celles d’isoler Arafat, de le maintenir sous arrêts
domiciliaires, et sans doute de l’empoisonner, pour en finir.
Le Président Abbas, toutefois, tira la leçon des erreurs de son
prédécesseur, montrant plus d’ouverture envers les arguments
d’Israël au sujet du besoin impérieux de ce pays d’installer
un système d’apartheid raciste en Cisjordanie et dans la bande
de Gaza, et que la légitimité de cet apartheid, de surcroît,
soit reconnue par les Palestiniens, préalable à toute paix
possible. Abbas ne fut pas le seul dirigeant palestinien à se
faire avoir. Plusieurs autres furent à ce point convaincus
qu’ils proposèrent d’aider à construire les colonies de
l’apartheid israélien en fournissant à Israël le plus gros du
ciment dont il avait besoin afin de construire ses colonies et son
mur d’apartheid.
Et voilà que le problème, désormais, c’était le Hamas, qui,
tout en voulant reconnaître Israël, persistait à refuser de
reconnaître son besoin spécial d’être raciste à l’intérieur
de la Ligne verte et de créer un système d’apartheid dans les
territoires occupés. C’est là où on a fait intervenir l’Arabie
Saoudite, le mois dernier, dans la ville sainte de La Mecque. Où
donc ailleurs, sinon à La Mecque, se demandèrent les Saoudiens,
pourrait-on mettre au point un accord par lequel les dirigeants
des victimes du racisme et de l’oppression israéliens seraient
susceptibles d’être contraints à jurer solennellement qu’ils
reconnaissent le besoin spécial de leur oppresseur de les
opprimer ? Certes, le Hamas a résisté à la formule, mise
en exergue par le Fatah depuis déjà cinq ans, consistant nommément
à « s’engager » à cette reconnaissance cruciale…
Le Hamas fit savoir que le maximum qu’il pourrait faire serait de
« respecter » les accords passés, signés par l’Autorité
palestinienne avec Israël, et qui reconnaissent la nécessité,
pour icelui, d’être raciste. Cela, insistent Israël et les
Etats-Unis, ne saurait suffire, et les Palestiniens continueront
à être isolés, en dépit le « respect » du Hamas
pour le droit d’Israël au racisme. La condition sine
qua non de la paix, pour Israël et les Etats-Unis, c’est
que tant le Hamas que le Fatah reconnaissent le droit d’Israël
à être un pays d’apartheid à l’intérieur de la Ligne
verte, ainsi que l’imposition par Israël de son apartheid en
Cisjordanie et dans la bande de Gaza, et qu’ils s’engagent sur
ce point. Sans cette condition, il n’y aura pas d’accord. Le
sommet suivant, entre Condie Rice, Ehud Olmert et le président de
l’Autorité encensé Abbas se passa en questions posées par
Olmert à Abbas, concernant la question de savoir à quel point il
demeurait attaché au besoin israélien d’apartheid dans les
territoires occupés. Une mini-réplique de sommet fut réunie,
voici de cela quelques jours.
Abbas avait espéré que les deux sommets auraient permis
d’inciter Israël à finaliser des accords au sujet des
bantoustans sur lesquels il aspire à régner, mais Israël –
c’est compréhensible – n’était pas rassuré : il
devait encore s’assurer du fait qu’Abbas en personne était
toujours engagé vis-à-vis de son propre droit à imposer son
apartheid, avant toute chose. Sur ces entrefaites, des
conversations « secrètes » israélo-saoudiennes
remplirent Israël de l’espoir que le sommet annoncé de la
Ligue Arabe à Riyadh pourrait tout aussi bien annuler le droit au
retour des Palestiniens (bien que ce droit soit garanti par le
droit international), et affirmer le droit d’Israël à être un
Etat raciste (un droit garanti, quant à lui, par… la diplomatie
internationale) [il y a nuance ! ndt]. Tous les efforts déployés
par Israël afin de réaliser la paix pourraient, enfin, porter
leurs fruits, si seulement ces Arabes voulaient bien enfin
convenir de ce que la médiation internationale avait d’ores et
déjà concédé à Israël, avant qu’eux-mêmes ne se décidassent,
enfin, à le faire.
Il devrait dès lors être très clair que dans ce contexte
international, toutes les solutions existantes à ce qu’il est
convenu d’appeler le « conflit » palestino-israélien
reconnaissent le besoin qu’a Israël de perpétuer ses lois
racistes et sa nature raciste et assurent son droit à imposer son
apartheid à la Cisjordanie et à la bande de Gaza. Ce sur quoi
Abbas et les Palestiniens sont autorisés à négocier, et ce à
quoi le peuple palestinien et les autres Arabes sont invités à
participer, dans ces négociations envisagées, c’est la nature
politique économique (mais attention, hein : pas géographique !)
des bantoustans qu’Israël est en train de leur ménager en
Cisjordanie, ainsi que les conditions du siège imposé à la
prison géante appelée Gaza ainsi qu’aux prisons plus petites
en Cisjordanie. Ne vous y trompez pas : Israël ne négociera
sur rien d’autre, car le faire reviendrait à renoncer à son
pouvoir raciste.
Quant à ceux, parmi nous (car il y en a…) qui insistent à dire
qu’il n’y aura jamais de solution tant qu’Israël n’aura
pas abrogé toutes ses lois racistes et tant qu’il ne se débarrassera
pas de ses symboles racistes, ouvrant ainsi la possibilité d’un
avenir non-raciste pour les Palestiniens et les juifs, dans un
Etat binational décolonisé, Israël et ses apologistes ont une réponse
toute faite, qui a redéfini le sens du mot « antisémitisme ».
L’antisémitisme, ça n’est plus, désormais, la haine des
juifs et la discrimination à leur encontre, en tant que groupe
religieux et ethnique. Non ; à l’âge du sionisme, nous
dit-on, l’antisémitisme est devenu quelque chose de bien plus
insidieux.
Aujourd’hui, Israël et ses partisans occidentaux y insistent :
l’antisémitisme génocidaire consiste essentiellement en toute
tentative d’abroger et de refuser de soutenir le droit absolu
d’Israël à être un Etat juif raciste !
[* L’auteur est professeur assistant de politique contemporaine
et d’histoire intellectuelle arabes à l’Université Columbia.
Son dernier ouvrage paru est (en anglais) The Persistence of the
Palestinian Question; Essays on Zionism and the Palestinians.]
|