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Opinion
Le Venezuela et la Libye : Soutenir le
soulèvement populaire, s'opposer à une intervention impérialiste
!
Jorge Martin
Vendredi 4 mars 2011
La situation en Libye a donné lieu à d’intenses
débats en Amérique latine. Cet article explique quelle est la
position de la Tendance Marxiste Internationale, qui soutient le
soulèvement du peuple libyen, mais s’oppose à une intervention
impérialiste. Nous y analysons également, d’un point de vue
critique, les positions de Hugo
Chavez et Fidel Castro.
Dans les institutions internationales, les
gouvernements cubain et vénézuelien se sont à juste titre
prononcés contre toute intervention impérialiste en Libye. Ils
ont critiqué l’hypocrisie des pays qui poussent de hauts cris
contre les violations des droits de l’homme en Libye – tout en
participant aux guerres impérialistes meurtrières en Irak et en
Afghanistan, ou en soutenant la répression brutale du peuple
palestinien par l’Etat d’Israël.
L’ambassadeur vénézuélien à l’ONU,
Jorge Valero, déclarait : « Qui paie pour les plus d’un
million de morts en Irak ? Qui paie pour le massacre permanent
du peuple palestinien ? Pourquoi les responsables de ces crimes
de guerre, génocides et crimes contre l’humanité – qui sont
connus de tous et qui reconnaissent publiquement leurs actes –
ne sont-ils pas amenés traduits le Tribunal International ? Que
fait le Conseil de Sécurité face à ces horribles crimes ? »
Jorge Valero dénonce ensuite les objectifs réels d’une
éventuelle intervention impérialiste en Libye : « Ceux qui
préconisent l’usage de la force en la Libye ne cherchent pas à
défendre les droits de l’homme, mais à y établir un protectorat
où ils violeront ces droits, comme toujours, car ce pays est
l’une des plus importantes sources de pétrole et d’énergie au
Moyen-Orient ».
En témoigne le sort du peuple irakien. Washington a inventé
un prétexte (les « armes de destruction massive ») dans le but
d’attaquer l’Irak et, ainsi, de prendre le contrôle direct de
ses vastes ressources pétrolières. Le but de l’invasion n’était
pas « d’instaurer la démocratie » – et on ne peut guère parler
de démocratie, en Irak, sous l’actuel gouvernement de Maliki. Le
mois dernier, des milliers d’Irakiens ont manifesté pour exiger
de l’électricité, de l’eau, du travail et du pain. Ils ont été
brutalement réprimés par les forces gouvernementales. Il y a eu
des morts, des blessés, des arrestations et des kidnappings. A
cette occasion, on n’a entendu personne suggérer de traduire le
gouvernement irakien devant la Cour Internationale !
En réalité, l’ONU
est une farce. Cette institution reflète la domination de
l’impérialisme américain. Lorsque les Etats-Unis peuvent y
obtenir des résolutions justifiant leurs actions, ils utilisent
l’ONU
comme une couverture légale. Lorsque, pour telle ou telle
raison, ils ne sont pas en mesure d’obtenir l’aval de l’ONU,
ils passent outre et font ce qu’ils ont décidé de faire. Enfin,
lorsque des résolutions s’opposant à l’impérialisme y sont
votées (par exemple contre l’embargo sur Cuba ou contre
l’oppression du peuple palestinien), ils se contentent de les
ignorer – et personne les oblige à rien. Dans le cas récent
d’une résolution sur les colonies israéliennes en territoire
palestinien, les Etats-Unis ont utilisé leur veto. Autant pour
la justice et les droits de l’homme !
Ces derniers jours, les puissances impérialistes ont fait
beaucoup de bruit à propos de la Libye – et pris quelques
mesures concrètes. En Méditerranée, les Etats-Unis ont mobilisé
deux bâtiments de guerre amphibie, l’USS Ponce et l’USS
Kearsarge, qui transportent des hélicoptères et des avions de
chasse. Sous couvert d’« intervention humanitaire », les
puissances impérialistes – Etats-Unis, Royaume-Uni, France et
Italie en tête – discutent des mesures qu’ils peuvent prendre
pour protéger leurs propres intérêts. Les pays européens
s’inquiètent de la possibilité d’une arrivée massive de réfugiés
sur leur territoire. L’autre grande préoccupation des
impérialistes est le contrôle des ressources pétrolières, et
surtout l’impact des révolutions arabes sur les prix du pétrole
– et donc sur l’économie mondiale.
L’option la plus discutée est celle d’une « zone d’exclusion
aérienne », que soutiennent à la fois le sénateur républicain
John McCain et le sénateur démocrate John Kerry, entre autres.
Cependant, même une intervention de ce type serait risquée et
compliquée à mettre en œuvre. Le Secrétaire américain à la
Défense, Robert Gates, s’est plaint qu’« il y a, franchement,
beaucoup d’affirmations légères au sujet de certaines options
militaires ». Il met en garde contre les implications d’une
telle action : « Appelons un chat un chat : une zone
d’exclusion aérienne commencerait par une attaque contre la
Libye, pour détruire ses défenses anti-aériennes. C’est comme ça
qu’on met en place une zone d’exclusion aérienne. Cela nécessite
davantage d’avions qu’on ne peut en transporter sur un seul
porte-avions. Donc c’est une gran de opération – dans un grand
pays ».
Comme le souligne Robert Gates, l’armée américaine est déjà
embourbée en Irak et en Afghanistan : « Si nous engageons des
effectifs supplémentaires, quelles en seront les conséquences en
Afghanistan et dans le Golfe Persique ? […] Et quels alliés
seraient prêts à s’engager à nos côtés ? »
Cependant, la principale préoccupation des stratèges
impérialistes concerne l’impact d’une intervention en Libye sur
toute la région. Les masses y sont exaspérées par
l’impérialisme. La vague révolutionnaire qui balaie le monde
arabe frappe directement des régimes parrainés par les
Etats-Unis. La classe dirigeante américaine en est consciente.
C’est ce que sous-entend Robert Gates lorsqu’il dit :
« Franchement, nous devrions aussi réfléchir à l’impact d’un
engagement militaire américain dans un autre pays du
Moyen-Orient. »
Tout ceci, bien sûr, n’exclut pas la possibilité d’une
intervention des impérialistes en Libye ou ailleurs. Ils y
seront poussés, si leurs intérêts vitaux sont menacés.
Toutefois, il est clair que la vague révolutionnaire a pris les
Américains au dépourvu. Ils se sont révélés incapables
d’orienter le cours événements en leur faveur.
Face aux manœuvres des impérialistes et à leur politique à
géométrie variable en matière de « droits de l’homme », le
Venezuela et Cuba ont eu raison de dénoncer cette hypocrisie
et de s’opposer à toute intervention de puissances étrangères en
Libye. Cependant, la position de ces deux pays, et
singulièrement celles d’Hugo
Chavez et Fidel Castro, est minée par le fait qu’ils sont
perçus comme des soutiens de Kadhafi – et non des masses
libyennes qui se sont soulevées contre son régime.
Il est vrai que l’ambassadeur vénézuélien à l’ONU
a déclaré, dans son discours, que le
Venezuela « salue les peuples arabes qui se soulèvent
pacifiquement pour conquérir la paix, la justice et un avenir
meilleur ». Mais au même moment, Fidel Castro affirmait que
la Libye faisait face à des problèmes différents de ceux qui
existent en Tunisie et en Egypte. Il a ajouté que même « s’il
ne fait aucun doute que les visages de ceux qui protestent, à
Benghazi, expriment une authentique indignation », il y a
une « énorme campagne de mensonges, de la part des
médias de masse, qui a généré une grande confusion dans
l’opinion publique mondiale ».
Le président vénézuélien Hugo
Chavez a déclaré qu’il « refuse de condamner Kadhafi »,
cet « ami de longue date du
Venezuela », car il ne disposerait pas de suffisamment
d’informations sur la situation réelle en Libye.
Chavez a fait référence au coup d’Etat du 11 avril 2002, au
Venezuela, lorsque les
médias internationaux l’ont accusé d’avoir ordonné à l’armée
d’ouvrir le feu sur des manifestants désarmés. L’objectif de ces
mensonges était de justifier le coup d’Etat contre
Chavez. Comme tout le monde le sait désormais, il s’agissait
d’un coup monté : des tireurs d’élite à la solde de l’opposition
ont ouvert le feu à la fois sur la manifestation de l’opposition
et sur celle des révolutionnaires.
Or, dans le cas de la Libye, la situation est complètement
différente. Au
Venezuela, il s’agissait d’un mouvement réactionnaire dirigé
contre un gouvernement démocratiquement élu qui tentait de
mettre en œuvre des réformes progressistes et de s’opposer à
l’impérialisme. En Libye, il s’agit d’un soulèvement populaire
contre un régime dictatorial qui a fait toutes sortes de
compromis avec l’impérialisme.
On peut comprendre pourquoi il existe une certaine confusion,
au
Venezuela, sur la nature des événements en Libye. Les
Vénézueliens ne font plus confiance aux
médias capitalistes, qui ont été complètement discrédités
par le rôle qu’ils ont joué lors du coup d’Etat d’avril 2002.
Par ailleurs, l’opposition contre-révolutionnaire, au
Venezuela, s’appuie sur la révolution arabe pour proclamer
que « Chavez
sera le prochain dictateur renversé ».
Il est de notoriété publique que l’opposition
contre-révolutionnaire, au
Venezuela, reçoit de Washington des financements et toutes
sortes de soutiens. A plusieurs occasions, ils ont mobilisé
leurs forces dans des manifestations de rue pour tenter de
présenter
Chavez comme un tyran confronté à une opposition populaire
(lors du coup d’Etat d’avril 2002, lors du lock-out de décembre
2002, lors de la guarimba de 2004, lors des
manifestations étudiantes en soutien à la chaîne RCTV, etc.).
Ils n’hésiteront pas à recommencer. Cependant, ce à quoi nous
assistons, dans le monde arabe, est exactement le contraire.
C’est une série de soulèvements révolutionnaires contre des
régimes dictatoriaux soutenus par l’impérialisme américain.
Il est vrai que lors du renversement de la monarchie du Rois
Idris Ier, en 1969, Kadhafi a pris le pouvoir à la tête d’un
gouvernement bénéficiant d’un large soutien populaire. Sous
l’influence de la précédente vague de révolutions arabes, dans
les années 1970, mais aussi sous l’impact de la récession
mondiale de 1974, le régime de Kadhafi a opéré un virage à
gauche. Il a expulsé les impérialistes et pris des mesures
d’ampleur contre la propriété capitaliste. Grâce aux richesses
pétrolières du pays et à sa population peu nombreuse, il a pu
mettre en œuvre des réformes progressistes et augmenter de façon
significative le niveau de vie de l’immense majorité des
Libyens.
Cependant, après la chute de l’Union Soviétique, le régime a
commencé à s’ouvrir à l’impérialisme. Dès 1993, des lois ont été
adoptées pour ouvrir l’économie aux investissements étrangers.
Après la chute de Saddam Hussein, en 2003, Kadhafi a passé toute
une série d’accords avec les impérialistes : démantèlement d’une
partie de l’arsenal militaire, dédommagement des victimes
d’attentats terroristes, etc. Le régime de Kadhafi est alors
devenu un allié fidèle des impérialistes dans leur prétendue
« guerre contre le terrorisme ». Il a également collaboré avec
l’Union Européenne dans le domaine de la lutte contre
l’immigration en provenance d’Afrique subsaharienne.
Ce mouvement s’est accompagné d’une requête pour intégrer
l’OMC. Le régime libyen a créé des Zones de Commerce Spéciales,
privatisé des pans entiers de l’économie, autorisé le retour des
multinationales dans l’industrie pétrolière – et supprimé les
subventions sur les aliments de première nécessité. Selon les
officiels libyens eux-mêmes, l’objectif était de privatiser
entièrement l’économie. C’est précisément cette politique qui a
conduit à une augmentation du chômage (entre 20 et 30%), de la
pauvreté et des inégalités. Cette régression sociale est l’une
des causes principales du soulèvement en cours.
Dans un récent article sur la Libye, Fidel Castro souligne
qu’« indéniablement, les relations entre les Etats-Unis, ses
alliés de l’OTAN et la Libye ont été excellentes, ces dernières
années ». Castro ajoute que la Libye « a ouvert des
secteurs stratégiques, tels que la production et la distribution
de pétrole, aux investissements étrangers », et que « de
nombreuses entreprises publiques ont été privatisées. Le FMI a
joué un rôle dans la mise en œuvre de ces politiques. » En
conséquence, « Aznar ne tarissait pas d’éloges sur Kadhafi,
de même que Blair, Berlusconi, Sarkozy, Zapatero et même mon ami
le roi d’Espagne : tous faisaient la queue devant le sourire
moqueur du dirigeants libyen. Ils étaient satisfaits. » (Cuba
Debate)
Dans des interviews récemment accordées à la BBC et ABC
news, Kadhafi a lui-même expliqué qu’il se sentait « trahi »
par les puissances occidentales. Il a beau les avoir soutenues
et avoir suivi leurs politiques pendant plusieurs années, voilà
qu’elles l’abandonnent. La rhétorique de Kadhafi est
significative. Lorsqu’il accuse les insurgés d’être manipulés
par Al-Qaïda, il recourt aux mêmes arguments que ceux de Ben Ali
et Moubarak. En fait, il demande aux Occidentaux de l’aider
contre leur ennemi commun. La vraie nature du régime de Kadhafi
est illustrée par sa position lors du soulèvement
révolutionnaire en Tunisie : il a fermement soutenu Ben Ali et
critiqué les jeunes et les travailleurs tunisiens qui l’ont
renversé.
Pour comprendre ce qui se passe en Libye, il n’est pas
nécessaire d’écouter les grands
médias occidentaux. Saif al-Islam, le fils et bras droit de
Kadhafi, a lui même admis l’usage de l’armée contre des
manifestants désarmés, dans son discours du 20 février :
« Bien sûr il y a eu beaucoup de morts, ce qui a accru la colère
des habitants de Benghazi. Mais pourquoi toutes ces personnes
ont été tuées ? L’armée était sous pression. Elle n’est pas
habituée à contrôler les foules, alors elle a tiré. Je les ai
appelés. L’armée a déclaré que certains manifestants étaient
ivres et que d’autres étaient sous l’emprise de drogues. L’armée
devait défendre ses armes. Le peuple était en colère. Donc il y
a eu des morts. »
Kadhafi a lui même affirmé que « quelques centaines de
personnes ont été tuées », mais il en fait porter la
responsabilité à Al-Qaïda, qui distribuerait de la drogue à la
jeunesse libyenne !
Reed Lindsay, correspondant de
Telesur en Libye (twitter.com/reedtelesur),
confirme ce que rapportent d’autres sources : l’armée a ouvert
le feu sur des manifestations populaires, pacifiques et
désarmées (voir par exemple
ce reportage sur
Telesur). Dans un
autre reportage envoyé de Brega le 2 mars, Lindsay explique
que des soldats ont rejoint le soulèvement, mais aussi
« toutes sortes de citoyens. J’ai parlé à des médecins, des
ingénieurs, des travailleurs de la compagnie pétrolière. Ils
sont tous en rébellion, ici. Ils participent au soulèv ement et
sont armés ». Il ajoute que « cette révolte a commencé
pacifiquement, il y a deux semaines. Mais désormais, les gens
s’arment pour lutter jusqu’au renversement de Kadhafi ».
Dans son reportage, Lindsay confirme tous les témoignages
attestant que les insurgés libyens sont fermement opposés à une
intervention étrangère : « Ils disent que si des soldats
américains débarquent en Libye, ils les combattront de la même
façon qu’ils combattent le gouvernement de Kadhafi ».
L’autre aspect important du reportage de Lindsay concerne
l’attitude du peuple, à Benghazi comme à Brega, à l’égard des
gouvernements latino-américains, et en particulier ceux des pays
de l’ALBA. A Brega, beaucoup de gens demandent : « pourquoi
est-ce que le président vénézuélien et d’autres présidents
latino-américains appuient un dictateur qui mobilise l’armée
contre son peuple ? » (Union
Radio). « Ils demandent aux pays de l’ALBA de rompre avec
Kadhafi et d’appuyer la lutte révolutionnaire du peuple libyen »,
rapporte Lindsay, de Benghazi.
Nous citons Reed Lindsay, car il ne peut pas être accusé
d’être un agent de l’impérialisme – ou de déformer la réalité
dans le but de justifier une intervention impérialiste.
Même l’autre correspondant de
Telesur, Jordan Rodriguez, qui se contente en général de
rapporter – sans commentaire – ce que disent Kadhafi et les
autres officiels du régime, a eu des problèmes lorsqu’il a voulu
s’informer sur des affrontements dans certains quartiers de
Tripoli. Son équipe a été détenue pendant quatre heures par des
officiers de la police libyenne. Ils ont été frappés et menacés
avec des pistolets. Leurs images ont été saisies (Telesur).
C’était la seconde fois qu’ils étaient arrêtés, et cela s’est
produit alors qu’ils circulaient à bord d’une voiture
diplomatique vénézuélienne.
Ces reportages montrent quelque chose de très important. La
révolution vénézuélienne et le président
Chavez sont très populaires, dans le monde arabe, surtout
depuis que le président vénézuélien s’est opposé avec virulence
à l’agression israélienne du Liban, en 2006. Les masses de ces
pays voient en
Chavez le dirigeant d’un pays pétrolier qui se dresse contre
l’impérialisme et qui utilise l’argent du pétrole pour améliorer
les conditions de vie de la population. Cela contraste
singulièrement avec les dirigeants de ces régimes arabes qui
sont des pantins de l’impérialisme américain, ne disent rien
face aux agressions israéliennes et font fortune en détournant
les richesses de leur pays. Une enquête d’opinion menée en 2009,
dans plusieurs pays arabes, a montré que le dirigeant le plus
populaire y était Hugo
Chavez, avec 36% d’opinions favorables, loin devant tous les
autres (pdf).
La masse des jeunes et des travailleurs du Moyen-Orient,
d’Afrique du Nord et du monde entier constitue la seule base de
soutien solide de la révolution vénézuélienne. Ils sympathisent
avec la révolution bolivarienne parce qu’ils souhaiteraient
qu’une révolution de ce type se développe dans leur propre pays.
Hugo
Chavez et les révolutionnaires bolivariens devraient
clairement soutenir la vague révolutionnaire qui balaie le monde
arabe, parce qu’elle fait partie d’une révolution mondiale dont
l’Amérique latine a été à l’avant-garde, ces dernières années.
Cela implique de soutenir le peuple libyen qui se soulève contre
Kadhafi – tout en s’opposant à une intervention impérialiste.
Dans ses tentatives de prévenir une intervention étrangère en
Libye, Hugo
Chavez a proposé de constituer une commission internationale
de médiation. D’après les dernières informations, Kadhafi a dit
accepter cette médiation, alors que son fils, Saif al-Islam, la
rejetait fermement : « Nous devons dire : merci, mais nous
sommes capables de résoudre nous-mêmes nos problèmes. » Il a
ajouté que les Vénézuéliens « sont nos amis, nous les
respectons, nous les aimons, mais ils sont très loin. Ils ne
savent rien de la Libye. La Libye est au Moyen-Orient et en
Afrique du Nord. Le
Venezuela est en Amérique Centrale ». Pour l’information
de Saif al-Islam, le
Venezuela n’est pas en Amérique Centrale, mais sans doute
a-t-il d’autres préoccupations, en ce moment.
De leur côté, les insurgés libyens ont également rejeté cette
proposition de médiation. Ils ont expliqué qu’il est trop tard
pour des négociations, que trop de gens ont été tués par
Kadhafi. En Libye, le gouvernement a brutalement réprimé des
manifestations pacifiques, qui se sont alors transformées en un
soulèvement populaire auquel se sont ralliées des sections de la
police et de l’armée. Dans ce contexte, la proposition de
médiation est évidemment une erreur. C’est comme si, dans les
derniers jours de la révolution cubaine, lorsque l’armée
révolutionnaire était sur le point de renverser Batista,
quelqu’un avait dit : « attendez une seconde, organisons une
médiation internationale pour chercher un compromis entre
Batista et le Mouvement du 26 juillet. »
Face à ce qui se passe en Libye, un révolutionnaire doit
soutenir le soulèvement du peuple. C’est la seule position
correcte. Si Hugo
Chavez ne soutient pas clairement les masses
révolutionnaires du monde arabe, il commettra une grave erreur –
que la révolution vénézuélienne pourrait payer très cher. Hugo
Chavez analyse la situation libyenne à travers le prisme du
Venezuela. Il fait des comparaisons erronées. Les insurgés
libyens ne peuvent pas être comparés à l’opposition
vénézuélienne, et la situation du régime de Khadafi ne peut pas
être comparée à celle du gouvernement vénézuélien.
Nous devons être clairs : ce à quoi nous assistons, en Libye
et dans le reste du monde arabe, n’a rien à voir avec le coup
d’Etat du 11 avril 2002, au
Venezuela. C’est plutôt comparable au Caracazo du 27 février
1989 [1] :
des gouvernements mobilisent l’armée contre des manifestants
désarmés. Tout en nous opposant à une intervention impérialiste,
nous devons dire clairement de quel côté nous sommes : du côté
du peuple libyen contre le régime de Kadhafi.
Note
[1]
Caracazo
: soulèvement du peuple vénézuélien
brutalement réprimé par l’armée. La répression a fait des
milliers de morts
Le dossier Libye
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