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Spritzlerj.blogspot
Le méprisable sabot du Diable d'Avnery
(au sujet de son article intitulé « Devil’s Hoof »)
John Spritzler
Dimanche 24 août 2008
http://spritzlerj.blogspot.com
Dans son article intitulé
"The Devil's Hoof", Uri
Avnery affirme donner des conseils d’ami aux Palestiniens. Mais
son véritable message est une menace, et de l’espèce la plus
méprisable : « Si vous luttez non pas pour un Etat palestinien
séparé, mais bel et bien pour une égalité totale avec les juifs,
au sein d’un Etat unique englobant toute la Palestine, alors,
nous – les juifs d’Israël – nous vous épurerons ethniquement de
toute la Palestine ». Tout en recourant à son style « conseil
d’ami », Avnery menace :
"There is no chance at all that the Jewish public will agree, in
this generation or the next, to live as a minority in a state
dominated by an Arab majority. 99.99% of the Jewish population
will fight against this tooth and nail. The demography will not
stop haunting them, but on the contrary, it will push them to do
things which are unthinkable today. Ethnic cleansing will become
a practical agenda. Even moderate Israelis will be driven into
the arms of the fascist right-wing. All means of oppression will
become acceptable when the Jewish majority adopts the aim of
causing the Arabs to leave the country before they have a chance
of becoming the majority."
« Il n’y a aucune chance que les Juifs acceptent, dans cette
génération ou la prochaine, de vivre comme une minorité dans un
Etat dominé par une majorité arabe. 99,99% de la population
juive se battra contre cela bec et ongles. La démographie ne
cessera pas de les hanter, mais au contraire, elle les poussera
à faire des choses qui sont impensables aujourd’hui. Le
nettoyage ethnique deviendra un programme pratique. Même les
Israéliens modérés seront poussés dans les bras de la droite
fasciste. Tous les moyens d’oppression deviendront acceptables
quand la majorité juive aura pour but de faire en sorte que les
Arabes partent avant d’avoir une chance de devenir
majoritaires ».
[Traduction du site de l’AFPS, généralement bien disposé envers
Avnery –
voir
l’intégralité de cette traduction, ndt.]
Y a-t-il une quelconque différence entre ces propos avnériens et
ceux que pourrait tenir un caïd de la Mafia donnant son
« conseil d’ami » à quelque boutiquier, l’avertissant des
conséquences, au cas où il oublierait de verser la rançon
régulière valant « protection » de ladite Mafia ? Ici, nous
voyons Avnery-le-sioniste en train de laisser tomber son masque
de « gentil ami des Palestiniens », et rendre parfaitement
claire la véritable position qui est la sienne : ‘Si vous osiez
défier le projet sioniste d’une souveraineté exclusivement juive
sur la quasi-totalité de la Palestine, nous nous unirions, tous,
formant une « phalange de la droite fasciste » qui vous chassera
de la Palestine !’
Examinons de plus près ce qu’Avnery et un caïd de la Mafia ont
en commun. Le caïd de la Mafia ne veut pas que le destinataire
de son « conseil » sache de quelle manière la Mafia pourrait
être vaincue, et il ne soutient pas les efforts du peuple allant
en ce sens. De la même manière, Avnery ne veut pas que les
Palestiniens sachent de quelle manière le sionisme peut être
vaincu, et il ne soutient donc pas les efforts du peuple
[palestinien] allant dans ce sens : en quelque sorte, le sabot
du Diable d’Avnery cherche à dissimuler le talon d’Achille du
sionisme.
Oui ; Avnery nous enfume avec ses propos oiseux sur le sabot du
Diable afin de dissimuler le talon d’Achille du sionisme. Il ne
veut surtout pas que les Palestiniens sachent que le sionisme
peut être vaincu dès lors que ceux-ci déclencheraient une guerre
de classe contre lui. Le sionisme, c’est l’idéologie et la
praxis d’une classe supérieure juive, dont le principal objectif
est de dominer et d’exploiter une classe laborieuse
majoritairement juive, et dont la stratégie maîtresse en vue de
contrôler cette classe ouvrière juive est de faire la guerre à
des non-juifs, au nom des juifs, afin de faire en sorte que les
non-juifs haïssent les juifs, et que les juifs ordinaires aient
tellement peur des non-juifs qu’ils ne manqueront pas de se
réfugier dans les basques des dirigeants juifs, afin d’y
chercher une « protection ». C’est ça, le talon d’Achille du
sionisme !
Oui, une guerre de classe contre le sionisme peut vaincre le
sionisme ! Une guerre de classe contre le sionisme, par exemple,
pourrait, comme je l’ai exposé en détail par ailleurs [elsewhere],
exiger que les richesses entre les mains des dix-huit familles
les plus fortunées d’Israël soient utilisées pour rendre aux
Palestiniens les biens que le sionisme leur a volés. La richesse
de ces dix-huit familles, à elles seuls, pourrait permettre que
chaque famille israélienne vivant sur une terre volée ou dans
une maison volée dispose de la somme d’un million de dollars,
soit pour acheter ce bien à son propriétaire palestinien
originel et légitime, soit pour le lui rendre, et utiliser cette
somme pour se faire construire une maison neuve, ce qui aurait
pour effet de générer un boom du bâtiment qui profiterait, dans
la pratique, à tout le monde, juifs ou non-juifs, dans toute la
Palestine. Les juifs du peuple, loin de le redouter,
accueilleraient à bras ouverts le retour des Palestiniens à
l’intérieur de la Ligne verte, pour peu que ce retour soit conçu
de cette manière.
La classe dirigeante sioniste d’Israël (et Uri Avnery) ne
veulent pas qu’un tel agenda politique voit le jour. Elle est
horrifiée par tout cadre qui mettrait les gens ordinaires, juifs
et non-juifs, vivant en Palestine du même côté du problème. Ce
qu’elle affectionne, c’est l’exact contraire : elle aime que ses
« ennemis » - d’Avnery au Hamas, en passant par l’OLP –
acceptent de jouer le jeu consistant à faire comme si les juifs
ordinaires et les non-juifs ordinaires devaient nécessairement
être des ennemis. Aussi longtemps que ce sale petit jeu
continuera, la classe dirigeante sioniste d’Israël pourra
continuer à entraîner dans l’abîme des juifs ordinaires [drive
down ordinary Jews] de la même manière dont la classe
dirigeante américaine est en train d’entraîner dans l’abîme des
Américains ordinaires, tout en les contrôlant au moyen de sa
« guerre contre le terrorisme ».
Il y a autre chose, qu’Avnery ne veulent pas que les
destinataires de son « conseil » sachent : une analyse de
classes permet [makes it
possible ] de retourner l’opinion populaire américaine contre
le sionisme, et de faire une révolution aux Etats-Unis, privant,
du même coup, la classe dirigeante israélienne du soutien
américain qui lui est absolument indispensable pour se maintenir
au pouvoir.
Une autre chose, encore, qu’Avnery ne veut surtout pas que ses
soi-disant « amis » sachent, c’est le fait que le soutien juif
au sionisme n’est désormais pas davantage gravé dans le marbre
que ne l’était le soutien des Blancs à l’Afrique du Sud de
l’apartheid. Dès lors que les dirigeants sont persuadés qu’une
stratégie ouvertement raciste de contrôle social n’est plus
viable, du fait qu’elle est condamnée par trop de gens dans le
monde entier, alors, comme le président Sud-Africain DeKlerk,
ils donnent à « leur propre » peuple le feu vert pour rejeter ce
qui était encore la veille au-delà de toute critique, et,
soudain, ce que l’on pensait impossible devient tout-à-fait
possible. Ainsi, en 1992, la
BBC a pu annoncer que « les
Blancs sud-africains ont apporté une majorité écrasante à des
réformes politiques visant à mettre un terme à l’apartheid et à
instaurer un gouvernement multiracial et pluraliste… Dans ce qui
fut un raz-de-marée de changement, le gouvernement a raflé les
élections dans l’ensemble des quatre provinces du pays, et la
totalité des quinze circonscriptions du referendum, sauf une… Il
a remporté 68,6% des voix, ce qui est un score sans précédent,
et ce chiffre a même dépassé les 96 %, dans certaines
circonscriptions. » Avnery ne veut surtout pas que les
Palestiniens tirent les leçons de cet événement historique…
Avnery ne vaut donc pas mieux qu’un caïd de la Mafia. Mais le
problème ne se limite pas à la personne d’Avnery. De braves
gens, qui plaident depuis quelque temps en faveur d’une solution
à un Seul Etat, ont été particulièrement négligents, en n’ayant
pas su déceler que la lutte s’inscrit dans le cadre d’une guerre
de classes – une guerre des gens ordinaires, dans le monde
entier, visant à renverser leurs élites au pouvoir et de donner
à la société la forme des valeurs de la classe laborieuse, des
valeurs d’égalité, de démocratie et de solidarité. La
conséquence de cette incapacité à le comprendre, c’est le fait
que le « conseil » d’Avnery est en mesure de convaincre beaucoup
de gens que notre combat serait sans espoir. Autre
conséquence de cette incapacité : le fait que les tenants de la
solution à un Seul Etat, redoutant la permanence de l’hostilité
de la population israélienne à l’égard des exigences légitimes
des Palestiniens de se voir restitués leurs biens, tentent
d’éviter de parler de la manière dont ces exigences légitimes
pourraient se voir satisfaites (et même d’y penser), et cela a
pour effet que la solution à un Seul Etat apparaît, aux yeux des
Palestiniens, comme un objectif qui ne répond pas réellement à
leurs aspirations.
Nous devons nous mettre sur les bons rails – ceux de la
guerre de classes – si nous voulons vaincre le sionisme et ses
« sabots du Diable », dont Avnery fait partie.
Traduit de l’anglais par Marcel
Charbonnier
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