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Intifada-Palestine.com
Israël réussira-t-il
à faire en sorte que l'histoire se répète ?
Jeff Gates
Jeff Gates
on Intifada-Palestine.com, 3 octobre 2009
http://intifada-palestine.com/2009/10/03/will-israel-ensure-that-history-repeats-itself/
Les semaines ayant précédé les premiers
pourparlers américano-iraniens, depuis trente ans, ont connu une
réitération du même modus operandi qui avait incité les
Etats-Unis et leurs alliés à envahir l’Irak, en mars 2003. Déjà
à l’époque, comme aujourd’hui encore, l’invasion de l’Iran est
en effet en cohérence avec un agenda de changement de régime
politique du Grand Israël décrit dans un document stratégique de
1996 mis au point pour le Premier ministre israélien Benjamin
Netanyahu par des juifs américains.
Comme dans le cas de l’Irak, la menace
d’armes de destruction massive fait, là encore, l’objet d’une
campagne de marketing la présentant comme un casus belli. Le
programme irakien avait été arrêté bien une douzaine d’années
avant l’invasion américaine. En Iran, il n’y a aucune preuve que
de l’uranium ait été enrichi au-delà des bas niveaux requis pour
des fins médicales et énergétiques.
Des rapports sur une usine de
transformation « secrète » ont omis de relever que l’Iran a
suspendu son enrichissement d’uranium de 2003 à 2005. Ne voyant
aucun changement politique notable dans le climat politique, à
l’exception de demandes accrues de sanctions et de menaces
israéliennes accrues de bombardement de ses sites nucléaires,
l’Iran s’est mis à construire et à équiper une nouvelle
installation.
Comme dans le cas de l’Irak, il n’y a
aucune menace directe pour les Etats-Unis. Comme pour l’Irak,
les médias consensuels américains se sont concentrés non pas sur
Israël – le seul pays, dans toute la région du Moyen-Orient dont
on sache qu’il possède des bombes nucléaires -, mais sur…
l’Iran ! L’enrichissement de l’uranium est une opération
relativement aisée, si on la compare aux étapes nécessaires pour
être à même de concevoir, de construire et de livrer de manière
fiable une tête nucléaire. L’activité entourant chacune de ces
étapes peut être détectée immédiatement.
Le Secrétaire américain à la Défense Robert
Gates a reconnu que même si l’Iran était attaqué, cela n’altèrerait
en rien les perspectives nucléaires de ce pays – si ce n’est que
cela inciterait les Iraniens à produire précisément les armes
dont toutes les preuves indiquent qu’ils ne sont pas en train de
les produire, aujourd’hui. Est-ce là une manœuvre calculée pour
exercer une pression sur Téhéran ? Ou pour provoquer les
Iraniens ? A moins qu’il ne s’agisse d’une manœuvre de
Washington visant à gagner du temps sur un « allié » qui menace
de passer à l’attaque [Israël, ndt], avec des effets désastreux
pour les intérêts des Etats-Unis et ceux de tous leurs
véritables alliés ?
Personne n’est en mesure d’expliquer la
raison pour laquelle l’Iran, quand bien même posséderait-il
l’arme nucléaire, irait attaquer Israël, doté d’un vaste arsenal
nucléaire estimé entre 200 et 400 têtes nucléaires, et à
plusieurs sous-marins susceptibles d’en lancer. A la mi-juillet,
des navires de guerre israéliens se sont déployés en Mer Rouge
afin de procéder à des répétitions d’une attaque contre l’Iran.
Comme lors de la montée en puissance de la guerre contre l’Irak,
l’ancien vice-secrétaire à la Défense Paul Wolfowitz est, à
nouveau, en train de battre les tambours de la guerre. C’est ce
même conseiller qui, quatre jours après les attentats du 11
septembre 2001, conseillait à George Deubeuliou Bush d’envahir
l’Irak.
Citant l’usine soi-disant « clandestine »
de l’Iran, Wolfowitz prétend qu’il est « évident que les
dirigeants iraniens sont en train de chercher à se doter d’armes
nucléaires… Le temps s’épuise. » Sans la moindre ironie, il
argue du fait que l’Iran (et non Israël) « est un test crucial
permettant de savoir si la possibilité de passer à un monde
libéré des armes nucléaires est réaliste ou s’il s’agit
simplement de dangereuses illusions. » En appelant de ses vœux
des sanctions « paralysantes », Howard Berman, le secrétaire
juif du House Committee on
Foreign Affairs (Commission du Parlement pour les Affaires
étrangères), a exprimé une préoccupation similaire, ainsi
qu’Ileana Ros-Lehtinen, doyen républicain de ladite Commission,
qui est, lui aussi, juif.
Si les pro-israéliens ne parviennent pas à
imposer une guerre contre l’Iran, la stabilité qui résultera de
leur échec permettra aux gens de découvrir qui avait fabriqué
les faux renseignements qui, par la tromperie, poussèrent les
Etats-Unis à envahir l’Irak. Seul, un pays possède les moyens,
la motivation, l’opportunité et un service de renseignement
suffisamment solide pour monter un coup tordu sur une période
aussi longue que celle qui a servi à mettre en scène, à
orchestrer, à instrumenter et à couvrir avec succès une telle
opération.
Les indices pointent vers le même réseau
d’infiltrés au sein de notre gouvernement et d’hommes des médias
qui s’en prennent aujourd’hui à l’Iran. Qui a tiré profit de la
guerre en Irak ? Qui bénéficierait d’une guerre contre l’Iran ?
Ce n’est ni les Etats-Unis ni leurs alliés, à moins qu’en dépit
des évidences, l’on considère qu’Israël est leur allié (!?), et
non pas ce qu’il est, à savoir un ennemi infiltré.
Caricature par Paresh Nath : Oncle
Sam rédige un interminable pensum sur le sujet :
« Comment réaliser une percée dans
la situation totalement bloquée, au Moyen-Orient ».
Mais il est enfermé entre les
hauts murs, infranchissables, de la politique de l’ancienne
administration (Bush) vis-à-vis d’Israël…
Les
Etats-Unis sont-ils capables d’une stratégie permettant d’aller
de l’avant ?
Comme en Afghanistan, il n’y a pas de
solution militaire en Iran. Pas plus qu’en Irak.
Géopolitiquement, la première victime de guerre, dans cette
région du monde, c’est les Etats-Unis : sa crédibilité est en
lambeaux, son armée est dispersée et ses finances sont dévastées
par une guerre financée en s’endettant d’un montant que
l’économiste prix Nobel Joseph Stiglitz estime à environ 3 000
milliards de dollars (à comparer à l’issue rapide et au coût
global de 50 milliards de dollars dont Wolfowitz assurait les
décideurs politiques qu’il pourrait être récupéré sur les ventes
de pétrole irakien !)
Ceux qui ont incité les Etats-Unis à
procéder à cette invasion (de l’Irak, ndt) ont persuadé les
Américains de commettre un hara-kiri économique et géopolitique.
Aucune force extérieure n’aurait pu à ce point défaire
militairement et économiquement l’unique superpuissance
restante. En lieu en place, les Etats-Unis ont été trompés par
un prétendu allié ; ils ont été incités à s’infliger une défaite
à eux-mêmes par une réaction mal avisée à la provocation que fut
un massacre de masse sur le sol américain [les attentats du 11
septembre 2001, ndt].
La seule solution sensée et soutenable est
une solution qui serait au service de besoins non satisfaits
dans cette région, tout en restaurant la crédibilité des
Etats-Unis en tant que héraut du choix en connaissance de cause
et de la liberté d’entreprendre. Tout en rendant transparente la
source commune de la tromperie qui a incité les Etats-Unis à
lancer cette guerre, les décideurs politiques peuvent aussi
poser les fondations permettant de faire obstacle à une telle
duplicité à l’avenir. Cela requiert une consultation entre les
Etats-Unis, leurs véritables alliés et les pays, dans cette
région du monde, qui ont été les plus affectée par cette
trahison.
Seule une solution mûrement réfléchie est à
même de contrer les sources systémiques actuelles de conflit,
dont l’extrémisme alimenté par des différences choquantes en
matière d’éducation, d’opportunités, de santé et de revenus.
Comme en ce qui concerne les renseignements fallacieux qui ont
poussé les Etats-Unis dans la guerre contre l’Irak, ces sources
de conflit sont dissimulées par des médias complaisants et
complices, marqués par un parti-pris pro-israélien non affiché.
Un réseau transnational de boîtes à idées (think
tanks) pourrait montrer, en temps réel, de quelle manière
les faits sont déformés par ce que les « responsables » sont
susceptibles d’être amenés à croire, par la tromperie. Avec la
domination des pro-israéliens dans les médias des Etats-Unis, du
Canada, du Royaume-Uni, de l’Allemagne et d’autres alliés
occidentaux, cette tâche doit inclure la capacité de montrer de
quelle manière cette tromperie opère à la vue de tous et
néanmoins, jusqu’à aujourd’hui, en totale impunité. Une telle
transparence n’existant pas, les systèmes de gouvernance basés
sur un consentement informé continueront à être manipulés, à
leur détriment, par ceux qui se cachent derrière les
vérités-mêmes que ces systèmes sont censés protéger.
En parallèle à cette transparence, une
initiative impérative doit être un programme éducatif qui mette
en œuvre les meilleures technologies disponibles afin de combler
les lacunes de notre enseignement, qui ne fait que reproduire
des disparités extrêmes en termes d’opportunités. Seul un
véritable effort international est à même de réussir dans cette
tâche essentielle. Seule une éducation transculturelle peut
préempter les manipulations mentales du type de celles qui ont
généré la guerre en Irak et qui cherchent à provoquer,
aujourd’hui, une guerre contre l’Iran, les tenants du clash
entre civilisations étant en train de faire, peu à peu, de ce
concept une réalité.
Alors que nous voyons, aujourd’hui, émerger
un énième exemple de la manière dont les guerres sont fomentées,
à l’ère de l’Information, pourquoi quiconque attendrait qu’une
guerre moderne soit menée d’une quelconque autre façon ? Plus la
source commune de cette duplicité deviendra transparente, plus
la solution deviendra évidente.
Une paix durable requiert un Plan Marshall
capable d’accélérer la transition vers la Société de la
Connaissance. Ce changement systémique ne peut être réalisé en
l’absence de stratégie systémique. La restauration de relations
(internationales) amicales et coopératives doit inclure les
mesures pratiques requises afin de palier cette dichotomie
grandissante dans tous les domaines, à commencer par
l’éducation.
[* Jeff Gates est un auteur largement
salué ; il est avocat, banquier investisseur, éducateur et
consultant auprès de gouvernements, de chefs d’entreprises et de
dirigeants syndicaux dans le monde entier. Son dernier ouvrage
est Guilt By
Association—How Deception and Self-Deceit Took America to War
[Culpabilité par association : Comment la tromperie et
l’auto-intoxication ont entraîné l’Amérique dans la guerre]
(2008). Parmi ses œuvres précédentes, nous citerons
Democracy at Risk:
Rescuing Main Street From Wall Street [La démocratie en
danger : Il faut sauver l’homme de la rue de l’homme de Wall
Street] et The Ownership
Solution: Toward a Shared Capitalism for the 21st Century
[La solution de la propriété : Vers un capitalisme partagé pour
le 21ème siècle]. Durant deux décennies, Jeff Gates a
été le conseiller de décideurs politiques du monde entier. Il a
été conseiller auprès de la Commission sénatoriale des Finances
de 1980 à 1987.]
Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier
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