Libye
Libye : Qui fera taire enfin les « bobos
» du Quartier latin ?
Jean-Paul Pigasse
Nicolas Sarkozy et
Bernard-Henri Lévy à la sortie d’une
projection
du "Serment de Tobrouk" à Paris, le 5
juin 2012.
Jeudi 21 juin 2012
Tandis que le
«
philosophe »
Bernard-Henri Lévy parade dans les cafés
chics du septième arrondissement à
Paris, s’entretenant ostensiblement avec
l’ancien président Nicolas Sarkozy du
film consacré à la guerre de Libye qu’il
a présenté à grand fracas lors du récent
Festival de Cannes et se présentant sur
les chaînes de télévision hexagonales
comme «
le » héros de la
liberté libyenne retrouvée, les
conséquences dramatiques de
l’intervention occidentale menée contre
Mouammar Kadhafi se confirment chaque
jour.
Non
seulement, en effet, la Libye n’a pas
trouvé la paix qu’elle cherchait
avidement – on en a eu la démonstration
accablante en fin de semaine dernière
lorsque des milices ont occupé
l’aéroport de Tripoli pendant plusieurs
heures -, mais encore les milliers de
missiles et d’armes lourdes fournis
complaisamment aux insurgés par les
forces de l’Alliance atlantique ont
provoqué une déstabilisation de la
partie nord du continent africain dont
on commence tout juste à mesurer
l’ampleur. Ainsi, se confirme le
jugement hostile que la plupart des
dirigeants africains avaient porté sur
l’intervention occidentale dès le début
de la crise, intervention à coup sûr
calamiteuse qu’ils avaient tenté de
prévenir en chargeant quelques uns de
leurs pairs de convaincre le
« Guide » de
s’effacer avant qu’il ne soit trop tard.
Trop
polis pour dire leurs quatre vérités aux
auteurs de cette incroyable erreur
stratégique ou désireux de ne pas jeter
encore plus d’huile sur le feu qui couve
dans toute l’étendue de la zone
saharosahélienne, les chefs d’État qui
eurent le courage de se rendre sur le
terrain au risque de leur vie observent
aujourd’hui un silence qui en dit long
sur leur ressentiment. Ils connaissent
le prix du sang que les peuples
africains devront payer dans les dix
prochaines années pour venir à bout
d’une « révolution »
que les « bobos » du
Quartier latin réussirent à vendre à des
responsables politiques plus soucieux de
faire parler d’eux et de redresser leur
image auprès du peuple français que
d’aider réellement les Libyens à trouver
une issue pacifique à la crise dans
laquelle ils sombraient.
La
suite est malheureusement écrite
d’avance : elle se traduira par la mort
de centaines de milliers d’êtres humains
innocents, fera imploser inexorablement
les pays du Sahel, permettra aux
islamistes les plus radicaux de mettre
en coupe réglée des peuples pauvres,
provoquera une vague d’attentats sans
précédents dans les pays riches qui
commirent l’erreur historique de
favoriser cette déstabilisation, bref
engendrera un chaos dont nous commençons
tout juste à mesurer l’ampleur. Ce qui
n’empêchera évidemment pas les
Bernard-Henry Lévy et autres prophètes
de la liberté de parader impunément sur
le devant de la scène médiatique.
Les
Français ayant décidé, il y a quelques
semaines, de changer leur président et
s’apprêtant, semble-t-il, à lui donner
les pleins pouvoirs en élisant une
nouvelle majorité à l’Assemblée
nationale qui viendra s’ajouter à la
majorité socialiste au sein du Sénat, la
voie est ouverte pour un changement
radical de politique à l’égard de
l’Afrique. Un changement qui passera
d’abord et avant tout par l’écoute des
voix autorisées qui, sur le continent,
expriment les vérités d’évidence que le
prédécesseur de François Hollande n’a
pas voulu ou pas pu écouter faute
d’avoir à ses côtés les compétences
nécessaires.
Une
chose en tout cas est certaine : si,
très rapidement, les pays occidentaux en
général, la France en particulier,
continuent de tenir pour négligeables
les avis et jugements des chefs d’État
africains, ils verront les portes se
fermer une à une devant eux. Avec toutes
les conséquences néfastes que ce
désamour ne manquera pas de provoquer
dans la sphère diplomatique et sur le
plan économique.
Jean-Paul Pigasse
Les Dépêches de
Brazzaville, 11 juin 2012.
Jean-Paul
Pigasse est un journaliste français,
fondateur et directeur du groupe de
presse ADIAC (Agence d’information
d’Afrique centrale), qui
édite le quotidien congolais le plus
diffusé, Les Dépêches de Brazzaville
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