Opinion
Des membres de la
famille Kadhafi assassinés par les États-Unis et l'OTAN
James Cogan
Mardi 10 mai 2011
Les meurtres du plus jeune fils et de trois petits-enfants du
chef libyen Mouammar Kadhafi sont des assassinats politiques. Le
premier ministre britannique David Cameron, le président
français Nicolas Sarkozy, le premier ministre italien Silvio
Berlusconi et le président américain Barack Obama en sont
directement responsables. Ils ont autorisé un tir de missile sur
une résidence privée où s'étaient réunis Kadhafi et des membres
de sa famille samedi soir. Saif al-Arab Kadhafi, 29 ans, était
le plus jeune fils du chef libyen et n'était pas considéré comme
un membre du gouvernement libyen. Des amis de la famille Kadhafi
ont rapporté que les enfants qui ont été tués étaient âgés de 1
à 4 ans.
Suivant la frappe aérienne, le commandant canadien des
opérations militaires de l'OTAN en Libye, le lieutenant-général
Charles Bouchard a fait une déclaration aussi sommaire que
malhonnête : « Nous regrettons toute perte de vie, surtout quand
il s'agit de civils innocents qui subissent les conséquences du
conflit. »
Dans une déclaration tout aussi mensongère, Cameron a tenté
de maintenir l'illusion politique que l'attaque sur la résidence
était permise sous les conditions de la résolution 1973 de
l'ONU. La frappe aérienne, a-t-il dit, visait à « empêcher les
pertes de vies humaines en ciblant la machine de guerre de
Kadhafi. Celle-ci est évidemment constituée de chars, de fusils
et de lance-roquettes, mais aussi du commandement et de la
direction. »
Cameron, suivant les conseils de ses avocats, a fait
référence à la résidence privée en tant que centre de « commande
et de direction » afin de ne pas avoir à faire face à
l'accusation que Mouammar Kadhafi avait été la cible de la
frappe aérienne. La prise d'un individu en particulier comme
objectif est un assassinat et, même dans une guerre, peut être
qualifiée d'acte criminel. La tentative d'assassinat de Kadhafi
prend toutefois place dans un contexte où les États-Unis et les
puissances européennes n'ont même pas déclaré la guerre à la
Libye et où l'administration Obama n'a pas invoqué les
dispositions de la Loi sur les pouvoirs de guerre.
Il y a 35 ans, le rapport Church aux États-Unis reniait les
pratiques d'assassinat et ranimait la position de longue date du
gouvernement des États-Unis, provenant de la Révolution
américaine, qui affirmait que ces pratiques étaient non
seulement criminelles et barbares, mais aussi imprudentes, et
qu'elles viendraient légitimer les actes de tout gouvernement
cherchant à assassiner la direction politique de ses rivaux.
Après presque deux décennies de guerre quasi ininterrompue pour
contrer le déclin économique et politique de l'impérialisme
américain, toutes ces contraintes et ces réserves ont été
abandonnées.
Les dirigeants politiques américains, méprisant les aspects
juridiques de la question, ont appelé de manière effrontée pour
le meurtre du chef libyen. Lors d’une entrevue à Fox News
dimanche matin, le sénateur de la Caroline du Sud, Lindsey
Graham, a déclaré à nouveau: « Peu importe où va Kadhafi, il est
une cible militaire légitime ». Avec cette déclaration, le
sénateur américain consacre l’assassinat comme politique
officielle d'État.
À peine sept heures avant l'attentat qui a tué le fils et les
petits-enfants de Kadhafi, des avions de l'OTAN avaient pilonné
des cibles à Tripoli, où ils pensaient que le dirigeant libyen
faisait un discours télévisé en direct pour appeler à un
cessez-le-feu. Le 24 avril, une enceinte où les services de
renseignement de l'OTAN croyaient manifestement trouver Kadhafi
a été réduite en ruines, tuant trois civils.
La mort de Kadhafi est devenue l'objectif primordial de la
guerre des États-Unis et de l'OTAN en Libye. La stratégie
initiale de l'agression, qui a débuté le 19 mars, a
lamentablement échoué. Les frappes aériennes ont massacré des
centaines de soldats libyens et de civils, mais elles n'ont pas
provoqué l’effondrement du régime de Kadhafi comme cela a été
prévu en toute confiance dans les milieux impérialistes. Sur le
terrain, le Conseil national de transition pro-OTAN basé dans la
ville de Benghazi (à l’est) s'est montré incapable de faire des
avancées contre, et encore moins de vaincre, les forces
militaires de Kadhafi.
La frustration, et même le désespoir, des grandes puissances
est inscrite dans la croyance inepte que la mort de Kadhafi
mettra fin à toute résistance et permettra aux soi-disant
« rebelles », une collection d’anciens ministres de Kadhafi, de
gens à la solde de la CIA et de fondamentalistes islamiques, de
prendre le pouvoir du pays sans opposition et de servir en tant
que fidèle régime fantoche.
Du côté de l'establishment politique et militaire américain,
le désir sadique de tuer Kadhafi est en ligne avec le traitement
qu’il inflige aux dirigeants de nombreux pays qui sont devenus
la cible de l'agression militaire américaine. Ils ont tous été
traités de la façon la plus vindicative.
L’homme fort du Panama, Manuel Noriega, anciennement à la
solde de la CIA, a été transporté aux États-Unis après
l'invasion américaine de 1989, jugé pour des délits de drogue,
emprisonné jusqu'en 2007, puis transféré en France pour un autre
procès et sept ans d'emprisonnement.
Slobodan Milosevic, qui avait eu par le passé du succès
auprès des grandes puissances, a été accusé de crimes de guerre
après la guerre de l’OTAN et des États-Unis en 1999 contre la
Yougoslavie et est mort en prison lorsqu’il subissait son procès
à La Haye.
Le vieux chef des talibans, le mollah Omar, avec qui les
États-Unis ont cherché à négocier pendant les années 1990
concernant la construction de pipelines, est caché et son nom
est sur une liste de personnes devant être assassinées depuis
l’invasion de l’Afghanistan en 2001.
Saddam Hussein de l’Irak, que Washington a activement appuyé
pendant la guerre Iran-Irak dans les années 1980, a été mené
devant un tribunal irrégulier et pendu à la manière d'un
lynchage. Ses enfants ont été tués et leurs corps mutilés
exhibés comme des trophées.
Kadhafi, lui-même, a vécu une grande partie de sa vie sous la
menace d’être assassiné par les États-Unis ou par des services
secrets alliés. Dans les semaines qui ont suivi le coup d’État
militaire qui l’a porté au pouvoir en 1969, l’ancien conseiller
à la sécurité nationale, Henry Kissinger, a recommandé de mener
des « actions secrètes » pour l’éliminer. Les services secrets
britanniques auraient tenté de le tuer en 1971. L’administration
Reagan a donné l’ordre de bombarder massivement sa résidence
personnelle en 1986, un geste qui a eu pour conséquence la mort
d’un enfant et de nombreux civils. L’agence MI6 de la
Grande-Bretagne aurait tenté de tuer le chef libyen en 1996. Il
est plus que probable qu’il y a d’autres tentatives qui n'ont
jamais été révélées publiquement.
Les efforts pour tuer Kadhafi ont cessé en 2000 après que son
régime a cherché un rapprochement avec Washington et qu’il a été
perçu comme un instrument économique et un collaborateur
politique utile des États-Unis et de leurs alliés. Comme il est
maintenant considéré, une fois de plus, comme un obstacle à la
défense les intérêts des impérialistes en Afrique du Nord et
dans le Moyen-Orient, le vaste appareil de renseignements de
Washington a été déployé pour le pourchasser et le tuer.
Les actions du gouvernement américain ont un fort élément
d'imprudence. Malgré ses prétentions d'être engagé dans une
« guerre contre le terrorisme », les meurtres de masse, la
torture, la répression et les assassinats qu'il supervise ont
créé un héritage de haine qui ne sera pas facilement effacé.
C’est précisément ces conditions qui ont créé un terreau fertile
pour des gestes de représailles désespérés et désorientés, qui
pourraient avoir des conséquences imprévisibles et
potentiellement terribles.
(Article original paru le 2 mai 2011)
Copyright 1998 - 2011 - World Socialist
Web Site- Tous droits réservés
Publié le 10 mai 2011 avec l'aimable autorisation du WSWS
Le dossier Libye
Dernières mises à
jour
|