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Shamireaders

C’est le printemps !

Israël Shamir



Photo Réseau Voltaire

on Shamireaders, 14 mars 2007

Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier

Le printemps est venu jusqu’à notre retraite nordique : la neige a fondu, découvrant des prairies qui se sont arrangées, on comprend mal comment, pour rester vert pâle ; la glace, épaisse, qui recouvrait le lac, s’est brisée, et ses blocs se sont hissés sur la berge, comme autant de crocodiles blancs ; maintenant, une brise tiède souffle, et le soleil brille, comme pour dire « maintenant, fini d’hiverner : ’ faut travailler ! ». Le Printemps est venu conclure un Hiver splendide : notre âme a autant besoin d’obscurité que de lumière et, ici, à 60 degrés de latitude Nord, à un jet de boule de neige du Cercle Arctique, en ce lieu où je passe quelques mois, loin de l’incessant soleil méditerranéen, l’obscurité m’a été prodiguée à pleines poignées, aussi généreuse que ces montagnes de crème glacée, dans nos rêves de gamins. Dieu sait si j’aspirais à l’obscurité et à l’isolement – au froid, aux ciels nocturnes noirs et bas, avec une myriade d’étoiles scintillantes – à des champs bordés de neige et à des pins brodés de neige – au soleil, ne s’élevant guère au-dessus de l’horizon, à la paresse des matins tardifs, aux journées raccourcies et aux soirées interminables, au feu crépitant dans la cheminée, au patinage sur glace et aux descentes à ski – et tout cela m’a été prodigué, à foison. Et voici qu’aujourd’hui un rayonnement se déverse dans notre univers, promettant la résurrection de la Lumière issue de la Lumière, Lumen de Lumine, Φώς εκ φωτός

C’est le temps des bonnes nouvelles. A Londres, le mouvement Palestinian Solidarity a repoussé une motion d’activistes juifs visant à exclure Deir Yassin Remembered [Mémorial de Deir Yassine], la plus dynamique des associations palestinophiles non-sionocompatibles, au motif (entre autres péchés) qu’elle a un lien avec moi. Le samedi 10 mars, au Meeting Général Annuel de la Campagne de Solidarité avec la Palestine, deux motions

[ http://www.zionism-israel.com/israel_news/2007/03/legitimate-criticism-of-israel.html ] ont été proposées par Tony Greenstein et Roland Rance, toutes deux tout aussi interminables que parfaitement explicites, exigeant des amis de la Palestine qu’ils fassent de la « lutte contre l’antisémitisme et contre le négationnisme de l’Holocauste » l’Alpha et l’Oméga de leur combat. Qualifier cette impudence de chutzpah serait un euphémisme. Ces types sont tellement malhonnêtes que je n’ai absolument pas été étonné d’apprendre que ce Greestein [ http://geocities.com/tonynotgreenstein/Criminal.pdf ]avait été dénoncé en tant que fraudeur à la carte de crédit. Greenstein avait sali Deir Yassin Remembered [DYR], le président de DYR, le professeur Dan McGowan, le directeur britannique de DYR, Paul Eisen, ainsi que notre ami Gilad Atzmon, dans le quotidien britannique The Guardian, dans un article intitulé « Les dessous de la solidarité »

[ http://commentisfree.guardian.uk/tony_greenstein/2007/02/greenstein.html ], et il m’avait attaqué personnellement dans un long texte intitulé « L’Antisémitisme ne saurait être la bonne réponse au sionisme »

[http://www.amin.org/look/amin/en.tpl?IdLanguage=1&IdPublication=78&NrArticle=396118&
NrIssue=1&NrSection=3
]. Ainsi, ils ont essayé d’interdire DYR, bien que cette association accorde des bourses d’études à des enfants palestiniens, informe le public et commémore le combat et les souffrances des Palestiniens. Paul Eisen

[ http://groups.yahoo.com/group/shamireaders/message/906 ], Ramzy Baroud

[ http://arabnews.com /?page=7&section=0&article=93246&d=7&m=3&y=2007 ] et Gilad [http://peacepalestine.blogspot.com ] les ont envoyé chier.

Les deux motions ont été rejetées à une stupéfiante majorité – 95 % des voix –, a indiqué Mary Rizzo sur son blog [ http://peacepalestine.blogspot.com ]. Les amis britanniques de la Palestine ont tranché en faveur de la liberté de pensée et du pluralisme, et ils ont rejeté le lit de Procuste d’une analyse sociale imposée par les activistes juifs. Si leur motion, par malheur, avait été acceptée, elle aurait déligitimé non seulement Gilad, Paul Eisen et votre serviteur, mais aussi Michael Neumann, Jimmy Carter et jusqu’à Walt et Mearsheimer eux-mêmes. Quiconque aurait fait allusion à l’existence d’un lobby juif aurait été qualifié d’antisémite, et mis au ban. Cela aurait institué une croyance obligatoire au mythe juif antisioniste de la création, selon lequel, seul, l’impérialisme serait coupable, le lobby juif étant une invention des antisémites - une vision fallacieuse des choses magnifiquement déconstruite par M. Ahmad

[ http://www.dissidentvoice.org/Mar07/Ahmad04.htm].  

L’obsession de l’holocauste serait devenue un devoir pour tout ami de la Palestine. Mais ceux qui veulent que la Palestine soit libre veulent être, eux-mêmes libres : libres de lire, libres d’écrire et libres de dire ce qu’ils veulent. Et c’est ainsi, afin de protéger cette liberté chérie, qu’ils ont rejeté le diktat juif.

Bien sûr, c’est un détail, en comparaison des merveilles de la nature, ou même en comparaison avec certains des combats fondamentaux que des gens sont en train de livrer, ailleurs dans le monde. Mais ne tordons pas le nez dessus… ; ce fut, là, une importante bataille et une grande victoire, même si elle a été arrachée dans notre propre camp, sur notre propre terrain. Comme l’a dit un jour Churchill : « ça n’est pas le commencement de la fin ; c’est la fin du commencement ». Depuis des années et des années, ils obtenaient absolument tout ce qu’ils voulaient. Les juifs de droite attaquaient Ken Livingstone et Jimmy Carter en raison de leur « antisémitisme », tandis que les juifs de gauche attaquaient, quant à eux, mes amis, et moi-même, sous le même prétexte, avec la même perfidie. Il était totalement impossible de prononcer le mot « juif » autrement qu’avec une admiration proche de l’adoration, et de conserver néanmoins sa place dans la société.

Effrayé par cette offensive, les alliés timides faisaient défection, voire participaient eux-mêmes à l’ostracisme ; ils arrêtaient de répondre aux courriers que je leur avais adressés, ils rejoignaient le chœur des accusateurs. Des sites ouèbe (les médias écrits, je n’en parle même pas…) cessaient de publier mes essais, les organisateurs de mes conférences me désinvitaient. Comme les Commissaires vêtus de cuir de la redoutée Tchéka, des activistes juifs s’immisçaient dans absolument toutes les conversations pour imposer leur discours unique – le seul « vrai » –, et les gens se mettaient au garde-à-vous, le petit doigt sur la couture du pantalon… Seuls, les esprits les plus solides, les plus déterminés et les plus amoureux de la liberté soutenaient leur assaut d’essaim de moucherons. Le vote intervenu à Londres est-il annonciateur d’un changement ? Peut-être le long hiver de nos dissensions est-il, enfin, terminé ?

C’est possible, car souffle actuellement le vent dominant venu de l’Orient. En dépit de sa propre merveilleuse civilisation et de ses conforts terrestres, l’Occident a toujours reçu ses meilleures idées – les plus profondes – de l’Orient, qu’il s’agisse du Christianisme (venu de la Palestine), ou du  socialisme (venu de la Russie).

Et voici qu’aujourd’hui, la Russie nous offre la Volya – cette liberté russe illimitée et intraduisible – antidote de cette guerre menée, en réalité, contre les libertés, mais qui se dissimule sous son pseudo de « guerre contre le terrorisme ». La Russie est incroyablement libre, ou plutôt : elle est pleine de volya : on peut fumer dans un restaurant ou dans un bar, on n’a pas l’obligation d’attacher sa ceinture de sécurité, et même le parking est libre, pour peu qu’il y ait une place de libre. Plus important encore : vous pouvez dire, écrire et publier pratiquement tout ce qui vous passe par la tête. En plus de toutes les libertés disponibles en Occident, les Russes peuvent être gays, ou se moquer des gays ; ils peuvent déplorer l’Holocauste, ou regretter qu’il ait pris fin trop tôt ; ils peuvent être féministes ou harceler les féministes ; ils peuvent aimer Israël ou prôner sa rapide dissolution.

C’est un fait : tous les journaux libéraux et détenus par des juifs, en Occident, déplorent le manque de libertés dans la Russie « soumise au dictateur sanguinaire du KGB Poutine » (ou au Venezuela « soumis au dictateur sanguinaire Chavez »), (ou encore à Cuba, « soumis au dictateur sanglant Castro » – c’est simple : tous ceux dont la tête ne leur revient pas sont toujours des dictateurs sanguinaires, vous avez pigé le truc ?), mais les Russes sont libérés du politiquement correct et de l’adoration des juifs – ces deux caractéristiques fâcheuses de l’Occident de l’après-guerre.

Récemment, un groupe d’écrivains russes a effectué une visite en Israël, où ils ont rencontré leurs lecteurs (il faut savoir que plus d’un million d’Israéliens sont russophones). Les lecteurs n’y sont pas allés par quatre chemins : ils ont demandé à leurs écrivains préférés de jurer allégeance à l’idéologie en vigueur ; de condamner l’Iran, et de glorifier Israël – cette « forteresse de la démocratie au Moyen-Orient » –, de dénoncer la fourniture d’armes russes aux Arabes et de fustiger l’ « antisémitisme » des Russes. (Il est vrai que les juifs ont tendance à se voir en créditeurs, c’est sans doute la raison pour laquelle ils sont très prompts à formuler des exigences…)

N’importe quel visiteur de marque occidental se serait aplati, quand bien même serait-il allé chialer auprès de sa femme, après coup. Le déni d’un antisémitisme omniprésent et éternel ne vaut pas mieux que le négationnisme de l’Holocauste. Mais la Russie est libre, et les lecteurs russo-israéliens ayant demandé à l’écrivain russe Maria Arbatova de leur dire de quelle manière elle « souffrait de l’antisémitisme » et à quel point « sa vie dans la Russie du dictateur Poutine devait être un enfer », elle a refusé tout net :

« Mais vous allez arrêter, avec ça ?! ? », a-t-elle protesté

[ http://m-arbatova.livejournal.com/814.html ].

Puis elle a ajouté : « Moscou, de nos jours, ressemble au Paris des années 1960 : nous avons plus de manifestations culturelles dans une seule journée que vous n’en avez durant tout un mois. Aujourd’hui, la glorieuse Moscou est un centre de rayonnement mondial. Quant à vous, vous nous fatiguez. Et les Arabes, eux aussi, en ont ras-le-bol de vous et de vos exigences ! Votre projet (sioniste) purement occidental est failli ; il n’est plus d’aucune utilité. Si mes enfants s’avisaient ne serait-ce que d’envisager aller s’installer en Israël, je leur dirais : « Moi vivante ; jamais ! ». La Russie n’a jamais connu l’antisémitisme. Je n’ai pas ressenti d’antisémitisme, ne serait-ce qu’une seule fois dans ma vie -  et j’ai cinquante ans ! Vous me dites que les juifs ne trouvent pas de travail ? En Russie ? Il est arrivé, une seule fois, à ma mère de se faire rembarrer, mais elle a immédiatement trouvé un autre boulot, bien plus intéressant, en faisant jouer les relations de sa famille. »

Telle fut, donc, la réponse à ses lecteurs israéliens d’un femme écrivain progressiste russe éminente. Loin d’être un nationaliste russe, le grand-père de l’écrivain féministe russe en vue Maria Arbatova était un important dirigeant juif, et son arrière-grand-père fut un des fondateurs du mouvement sioniste en Russie tsariste. Quant à elle, sa réponse a été à la fois universelle et paradigmatique.

En Occident, Tony Judt et Harold Pinter auraient pu dire la même chose – peut-être, également, Philip Weiss. Les autres ont toujours les foies. Mais les propos tenus par des évêques allemands – qui se sont par la suite repentis – peuvent être tenus, sans problème, dans la libre Russie, par des descendants de juifs, ou par n’importe qui. Le charme mystique des juifs s’est éventé, en Russie, ce pays où on ignore ce que peut bien être le « politiquement correct », où les églises sont pleines à craquer et où les gens se bénissent mutuellement en se disant : « Christ est ressuscité ! ». Loin d’être effrayés et de se sentir insultés, comme le voudrait la doxa américaine multiculturaliste, beaucoup de mes amis (juifs) de Moscou se considèrent « tout simplement Russes », quand bien même descendent-ils d’un parent juif (ou de deux). De plus, avec un taux de mariages mixtes atteignant près de 80 %, la juiverie russe est derrière nous : elle appartient désormais au passé. Beaucoup de juifs russes (ou plutôt : de Russes juifs…) s’étaient laissés embobiner par la propagande sioniste. Mais ils ont eu largement assez de temps pour en prendre conscience, et regretter leur précipitation.

Il faut reconnaître qu’Israël s’est beaucoup démené afin de les détromper : même les juifs russes les plus aisés ont constaté qu’ils étaient fort mal accueillis dans leur « foyer national historique ». L’oligarque Gusinsky est mis en examen ; à chaque fois qu’il vient en Israël, depuis sa résidence principale espagnole, on l’emmène direct au commissariat central ; un des juifs russes les plus riches, Arcadi Gaidamak, s’est vu séquestrer son compte en banque. Des Russes moins en vue ont été maltraités et exploités par de vieux briscards établis de longue date en Israël et par leur progéniture, exactement de la même manière dont des juifs (séfarades) exilés du Maroc avaient été maltraités et exploités, voici, de cela, quelque quarante ans. Pratiquement aucun d’entre eux ne s’est fait une place au soleil méritant d’être mentionnée. La guerre éternelle prônée et mise en pratique par les dirigeants israéliens les séduit peu ; les missiles du Hezbollah leur ont montré qu’Israël n’est plus invulnérable, et une offensive israélienne future contre la Syrie ou l’Iran pourrait entraîner un grand nombre de victimes parmi les civils israéliens. Corrompu, même en tenant compte des standards moyen-orientaux, perclus de préjugés au point d’être en proie à une jalousie maladive, Israël est sans doute l’endroit où vivre est le moins attractif, en particulier pour des gens éminemment mobiles et dynamiques.

Le résultat, c’est que des dizaines de milliers d’Israéliens d’origine russe retournent en Russie, y trouvent leur véritable pays, leur véritable foyer – là-bas, sur leur terre natale. L’idée sioniste avait un certain charme romantique, mais ce genre de trucs, ça ne dure généralement pas. Ainsi, dans les années 1970, j’avais rencontré des Noirs américains, en Tanzanie, venus vivre en Afrique, poussés par une vague de quête romantique de leurs propres racines. Le maximum qu’ils tinssent – exceptionnellement – c’était cinq ans. Dans l’intervalle, ils en étaient venus à admettre qu’ils étaient Américains, pour le meilleur ou pour le pire, tandis que les Africains étaient divisés entre de nombreuses nations et tribus, et qu’ils n’en trouvaient aucune à leur goût. Impossible de « rentrer chez soi », deux cents ans après. Ni, a fortiori, après deux millénaires !

Le scientifique russe Dan Axelrod, originaire de Saint-Pétersbourg, m’a parlé de ses parents, en Israël, qui aimeraient tellement retourner vivre dans cette ville et y racheter les appartements qu’ils y avaient bradés, voici une dizaine d’années (c’était sous Yeltsin). La seule chose qui les en dissuade, c’est une triste réalité : la valeur de ces appartements a fait dix fois la culbute, depuis lors.

Axelrod a dépassé ce genre de problèmes : ce fils de parents juifs est un chrétien orthodoxe pratiquant, il observe strictement le Carême, il a épousé une femme russe, fait baptiser ses enfants, et il aime son pays – la Russie. Apparemment, la Russie a trouvé une réponse à la Question Juive : ni par la furie germanique, ni par la soumission américaine, mais via l’assimilation dans l’amour chrétien. Ce modèle russe est le seul qui puisse fonctionner ; il finira par fonctionner en Palestine, aussi…

C’est d’ailleurs là une raison supplémentaire pour laquelle la Russie est tellement haïe et tellement dénigrée par les médias bien-pensants occidentaux contrôlés par les sionistes, et c’est la raison pour laquelle la Russie est aimée des amis de la Palestine. Un de mes amis suédois, qui est aussi un ami de la Palestine, Stefan L., m’a écrit : « Vous avez tout à fait raison, en ce qui concerne Poutine. Le fait qu’il soit l’otage des oligarque, c’est une chose… mais quand il remet les pendules à l’heure, en affirmant la vérité, pour une raison ou pour une autre, nous l’aimons bien, cet espion au visage de souris et à l’accent Kalashnikov ! Et à chaque fois que nous revient en mémoire l’existence de Yeltsine, nous jurons à Poutine une éternelle loyauté ! »


 


Source et traduction : Marcel Charbonnier


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