La tête est celle du régime hostile
imposé aux Palestiniens qui les
persécute à chaque instant de leur vie,
jour après jour, semaine après semaine
depuis des décennies.Une mosquée a
été incendiée le 4 octobre 2010 au
matin, par des colons juifs dans le
village de Beit Faijar, en Cisjordanie.
Ils avaient auparavant tracé des
inscriptions insultantes en hébreu sur
le bâtiment. Vivre dans de telles
conditions et rester sain d’esprit —
c’est de l’héroïsme. "Et qui dit que
nous sommes sains d’esprit ?" me
répondent les Palestiniens. Eh bien
voilà la preuve qu’ils le sont : ils
sont capables de se moquer d’eux-mêmes.
Les voyous des collines ne sont que
la cerise sur le gâteau. La plus grosse
partie du travail est faite par les
voyous en gants de chevreau.
Contrairement à ceux qui ont lancé des
pierres à l’adjoint du commandant de
brigade, ceux-là sont les chouchous
d’Israël. La chair de notre chair. Des
officiers et des soldats, des juges
militaires, des architectes et des
hommes d’affaire au service de l’armée,
du ministère de l’Intérieur et des
employés de l’Institut de la Sécurité
Nationale. Les mains sont leurs mains.
La tête est celle du peuple juif
israélien qui par des voies
démocratiques envoie son gouvernement
imposer ses dictats aux Palestiniens.
En quoi consiste la dictature
israélienne sur les Palestiniens ? Ce
n’est pas seulement le contrôle de leur
espace et la création d’enclaves isolées
les unes des autres ; pas seulement
l’envoi de jeunes israéliens de 19 ans
—masqués et armés jusqu’aux dents— dans
des raids militaires (560 le mois
dernier selon le groupe qui supervise ce
secteur dans le département des
négociations de l’OLP) ; pas seulement
les arrestations quotidiennes (257
arrestations en novembre dont 15
Gazaouis) et les 758 blocs de pierres
mis en travers des routes de Cisjordanie
pour les condamner temporairement le
mois dernier.
La dictature n’est pas seulement
l’interdiction faite aux Palestiniens de
construire dans plus de 60% de la
Cisjordanie, l’invention quotidienne de
nouvelles lois pour les priver de leurs
droits civiques et les expulser, ni la
démolition en 2011 de 500 maisons
palestiniennes, de puits, de citernes,
d’abris pour les animaux, des toilettes
et autres structures essentielles. La
dictature est tout cela et beaucoup plus
encore.
La dictature israélienne est l’art
des deux poids deux mesures (les
Palestiniens n’ont pas le droit de
construire sur leur terre cultivable car
elle est classée en zone rurale mais
l’état peut légaliser une colonie juive
construite sur de la terre cultivable
palestinienne). Israël est le champion
de l’arrogance et de la prétention ("la
seule démocratie") et il détient la
palme de l’hypocrisie ("prêt à retourner
à la table des négociations à tout
moment"). Ce qui empêche les
Palestiniens de devenir fous de colère,
c’est qu’ils savent que tout cela se
retournera contre les Israéliens
eux-mêmes.
Tous ceux que la dictature
israélienne a blessés se sentent seuls,
démunis, furieux et désespérés. Mais
chaque famille à sa manière cultive son
humanité. D’une manière étonnante et
émouvante, —en dépit de rivalités
internes, d’une répartition injuste du
fardeau, de manifestations d’ignorance
et d’opportunisme, et de leaders
décevants — la dictature israélienne a
rendu les Palestiniens plus solides et
plus solidaires.
C’est le sumud* dont l’avocat Raja
Shehadeh a parlé il y a longtemps, quand
nous vivions encore dans l’illusion que
le peuple juif israélien pouvait guérir
de la maladie du pouvoir. Ce que
recouvre ce mot est aussi vrai de chaque
individu que de chaque famille : c’est
la capacité de résilience, la capacité
de se contrôler avec beaucoup de sagesse
et de finesse, qui est à la base du
courage qui est devenu la norme en
Palestine et qui se transformera en
résistance collective de masse quand le
moment sera venu.
Les Palestiniens sont des héros et ce
n’est pas seulement une belle tournure
journalistique. C’est une fait dont les
voyous n’ont que faire mais qui pourrait
peut-être toucher les gens qui ferment
les yeux —et il y en a beaucoup. Les
gens ferment les yeux parce qu’ils
veulent que tout soit normal. Ce qu’ils
ne voient pas n’existe pas et ne les
gêne pas. La normalité israélienne a
besoin que les Palestiniens
disparaissent ou au moins qu’ils se
taisent et se rendent. Mais la bravoure
des Palestiniens n’a pas fini de
contrarier les espoirs israéliens de
normalité.
Source : Haaretz