Opinion
Briser un silence
embarrassé
Vincent Braun
Jeudi 8 décembre
2011
IRIB-D’anciens soldats de l’armée
israélienne témoignent des réalités de
l’occupation des Territoires
palestiniens. Une exposition visible à
Bruxelles.
Il faut d’abord se rendre en sous-sol.
S’extraire de la surface et de ses
bruits. Pénétrer une réalité
silencieuse, voire réduite au silence.
Découvrir une cinquantaine de photos,
des scènes de la vie quotidienne des
soldats israéliens déployés dans les
Territoires palestiniens. Décrypter ces
images prises par d’anciens soldats,
dûment légendées et même commentées en
direct par ceux-ci. Y voir autant de
témoignages peu flatteurs -
cathartiques, expiatoires ? - de leur
passage sous les drapeaux. Briser le
silence embarrassé que suscitent
l’occupation et la colonisation
israéliennes. Donner corps à ces deux
mots.
Montée pour la première fois à Tel
Aviv, et interdite, l’exposition "Breaking
the silence" (visible aux Halles de
Schaerbeek durant quinze jours) est due
au collectif israélien du même nom. Elle
montre une réalité qui dérange d’autant
plus qu’elle émane des rangs même de
l’armée de l’Etat hébreux. "La majorité
de la communauté juive ne veut pas
savoir ce qui se passe réellement. C’est
pourquoi ces soldats sont importants,
parce qu’ils sont les témoins directs,
les acteurs de cette occupation, et
qu’ils montrent ce qu’ils ont été amenés
à faire au nom de la société
israélienne", souligne Henri Wajnblum,
l’ancien président de l’Union des
progressistes juifs de Belgique (UPJB),
qui a contribué au montage de
l’exposition.
Breaking the silence est un collectif
israélien créé en 2004 par d’anciens
soldats ayant servi dans les Forces de
défense israéliennes (IDF) - le nom
officiel de l’armée - en tant que
conscrits ou officiers durant la seconde
Intifada (guerre des pierres), qui prit
fin en 2000. Son objectif est de
collecter des documents afin de montrer
la nature réelle de l’occupation. A ce
jour, près de 8 000 soldats ont apporté
leur pierre à cet édifice. Chaque
témoignage, chaque document est
systématiquement vérifié, recoupé,
comparé, en fonction de l’actualité et
des dates, nous explique Simcha Levental,
29 ans.
Lorsqu’il sert comme sergent entre
2000 et 2003, il est témoin des
humiliations et des harcèlements qui
sont le lot quotidien des Palestiniens.
"Cela m’a pris deux ans et demi pour me
rendre compte de ce qui se passait
réellement, car nous sommes plongés dans
la réalité du terrain. Certaines choses
me dérangeaient. Alors, j’ai commencé à
en parler à mes proches, qui trouvaient
cela tout aussi dérangeant. Puis
d’autres m’ont raconté des choses
similaires", nous confie Simcha Levental.
"Au final, on se rend compte que nous ne
sommes pas là pour protéger notre pays
ou assurer sa sécurité, mais bien pour
entretenir une situation d’occupation."
Pour lui, être occupant, même sans
avoir d’intention malveillante, conduit
à réaliser des choses honteuses et
regrettables. "Ces choses banales que
nous sommes amenés à faire sont contre
la morale et répondent à des buts
politiques", affirme encore Simcha.
"L’occupation nous pousse à être
créatifs", dit-il. L’une des photos
exposées (ci-contre) montre des
Palestiniens punis pour avoir bravé le
couvre-feu imposé par Israël. "Leurs
yeux bandés rappellent qu’ils sont les
victimes aveugles de ce régime
d’oppression", suggère Simcha.
Et de commenter une autre photo qui
témoigne de la politique d’intimidation
et d’intrusion mise en œuvre par les
forces israéliennes. On y découvre des
soldats ayant investi une maison
palestinienne pour la fouiller et
regardant un match de la Coupe du monde
de football à la télévision. "Ils ont
enfermé les membres de la famille dans
deux pièces. L’opération a duré deux
heures, parce que c’était la durée du
match."
Source : Vincent Braun/lalibre.be
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Reçu de l'IRIB le 8 décembre 2011 pour
publication
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