Et voici une raison de plus, pour
provoquer son éclatement. C'est Emmanuel
Navon, professeur de relations
internationales, à l'Université de
Tel-Aviv, qui l'évoque, dans les
colonnes du "Monde": l'UE doit mourir,
pour qu'Israël vive, ou mieux survive!
L'idée que les localités israéliennes,
bâties, au-delà des lignes d'armistice
de 1949, constituent un obstacle à la
paix, est devenue un dogme, chez les
diplomates et journalistes européens.
Or, ce dogme est contredit par trois
faits :
1. Le monde arabe était en guerre
contre Israël, bien avant la
construction des premières implantations
israéliennes, dans les années 1970 ;
2. Le leadership palestinien a
rejeté, à deux reprises, l'offre
israélienne, (par Ehud Barak, en juillet
2000, et par Ehud Olmert, en septembre
2008) de démanteler ces implantations,
en échange d'un accord de paix.
3. Lorsqu'Israël démantela toutes ses
implantations de la Bande de Gaza, en
2005, elle reçut à la place de la paix
qu'elle escomptait, des tirs de missiles
incessants.
Bien plus que les implantations, l'un
des principaux obstacles à la paix entre
Israël et les Palestiniens est la
question des réfugiés. Sous couvert de
l'euphémisme humanitaire de "droit au
retour," les Palestiniens veulent
envahir Israël, avec sept millions
d'immigrants, qui sont les descendants
réels ou supposés des quelque six-cent
mille Arabes, qui quittèrent leurs
maisons, pendant la Guerre
d'Indépendance d'Israël. Le "droit au
retour" transformerait Israël en un État
binational, avec une majorité arabe.
Certains relativisent le "droit au
retour", comme étant une simple tactique
de négociations et un phantasme auquel
les Palestiniens eux-mêmes ne croient
pas. Et, pourtant, c'est bien en vertu
de ce "droit au retour" que Yasser
Arafat et Mahmoud Abbas rejetèrent les
offres de paix respectives d'Ehud Barak
et d'Ehud Olmert. Par ailleurs, les
médias d'État palestiniens ne présentent
pas le "droit au retour", comme rêve
irréalisable, mais bien au contraire,
comme l'un des principes fondateurs du
nationalisme palestinien, un principe
dont l'abandon constitue un acte de
haute trahison.
Le "droit au retour" perdure, entre
autre, à cause de l'UNRWA (l'office de
secours et de travaux des Nations Unies
pour les réfugiés de Palestine, dans le
Proche-Orient), et ce, pour deux
raisons. D'abord, parce que la mission
de l'UNRWA (contrairement à la mission
du Haut Commissariat des Nations Unies,
pour les réfugiés, ou UNHCR) n'est pas
d'intégrer les réfugiés palestiniens,
dans leurs pays d'accueil, mais au
contraire, de subventionner leur vie de
réfugiés. Ensuite, parce que l'UNRWA
applique la définition de "réfugié" aux
descendants des réfugiés, tandis que
l'UNHCR (qui est en charge de tous les
réfugiés du monde, à l'exception des
réfugiés palestiniens) limite cette
définition aux réfugiés eux-mêmes. Du
fait de ces différences de missions et
de définitions, le nombre de réfugiés,
dans le monde, a décru de soixante
millions, en 1947, à dix-sept millions,
aujourd'hui, tandis que le nombre de
"réfugiés palestiniens" s'est accru de
six-cent mille, en 1948, à sept
millions, aujourd'hui.
Si les réfugiés palestiniens, comme
le reste des réfugiés, dans le monde,
avaient été la responsabilité de
l'UNHCR, le problème des réfugiés
palestiniens aurait été résolu, depuis
longtemps. Des six-cent mille réfugiés
de 1948, quelque cent-mille seraient,
encore, en vie aujourd'hui. Au lieu
d'être ségrégués, dans des camps, ils
seraient des citoyens, à part entière,
de pays, dont ils partagent
l'appartenance ethnique, la langue, et
la religion. Démanteler l'UNWRA et faire
de l'UNHCR l'agence responsable des
réfugiés palestiniens mettrait fin à un
obstacle majeur à la paix au
Proche-Orient.
La décision récente de l'Union
européenne (UE) d'attribuer 72 millions
d'Euros à l'UNWRA ne fait que retarder
cette réforme nécessaire. Cette
contribution à l'UNWRA n'est pas,
seulement, un affront aux Palestiniens,
eux-mêmes, dans la mesure où elle
encourage des pays, comme le Liban et la
Jordanie, à ne pas remplacer leur
politique de ségrégation, par une
politique d'intégration. Il s'agit,
également, d'un affront à la cause de la
paix.
Tandis que l'UE a réalisé, dans ses
frontières, la vision kantienne de paix
démocratique (avec un peu d'aide des
États-Unis qui protégèrent l'Europe de
la menace soviétique), la contribution
de l'Europe à la paix, en dehors de ses
frontières, n'est pas reluisante – comme
peuvent en témoigner le Rwanda ou
l'ex-Yougoslavie. L'aveuglement
européen, face à un soi-disant
"printemps arabe", qui a amené les
islamistes au pouvoir, est le dernier
exemple tragique en date. La décision de
l'UE de contribuer au financement de
l'UNRWA ne fait pas que confirmer cet
aveuglement. Elle fait de l'EU un
obstacle à la paix au Proche-Orient.