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IRIN
TPO: Le boom des blogues gazaouis
Le blogueur gazaoui
Sharif Al Sharif écrit pour exprimer sa frustration et parler de
la crise humanitaire qu’il vit quotidiennement. Il dit : « Gaza
n’est pas l’enfer, c’est juste un endroit plutôt malsain pour
vivre »
Photo:
Phoebe Greenwood/IRIN
GAZA-Ville, 27 janvier 2011 (IRIN)
Sharif Al Sharif, 27 ans, a créé
son blogue en 2006 alors qu’il n’y avait encore qu’une
poignée de blogueurs dans la bande de Gaza. Ils sont aujourd’hui
plus de 50, dit-il. Au cours de la dernière année, les médias
sociaux ont connu un véritable boom à Gaza. Des jeunes femmes et
des hommes comme M. Sharif envahissent le Web pour communiquer
avec une communauté mondiale de laquelle ils sont autrement
exclus. Les internautes du monde entier sont de plus en plus
nombreux à les lire.
Si M. Sharif s’est toujours intéressé à la politique, il n’a
jamais aimé parler publiquement de ses opinions. Lorsqu’il a
lancé son blogue, il n’avait pas d’agenda politique : « Je
voulais simplement être entendu. Lorsque j’ai commencé à bloguer,
j’ai senti que j’avais ma place dans ce monde, même si ce
n’était qu’une place virtuelle. J’écrivais pour être reconnu ».
M. Sharif raconte son expérience de la vie quotidienne à Gaza et
rédige souvent des critiques d’albums de musique ou de films
qu’il a vus et aimés. Bref, il écrit à propos de tout ce qui lui
tient à cœur. Vu le contexte dans lequel il vit, les sujets
politiques et humanitaires sont inévitables. « Tout ici est lié
à la politique : c’est dans l’air qu’on respire. Il est
impossible de ne pas y penser », explique-t-il.
Après la prise de pouvoir du Hamas en 2007, les frontières avec
l’Égypte et Israël ont été fermées et la circulation des
personnes et des biens a été soumise à des restrictions très
sévères. Plus de 1,5 million de personnes vivent maintenant
confinées dans un territoire de 360 kilomètres carrés.
D’après M. Sharif, ce qui est le plus satisfaisant dans le fait
de bloguer, c’est la possibilité de communiquer avec une vaste
communauté en ligne : « Les jeunes Palestiniens ne vivent pas
comme les jeunes du reste du monde. Ils n’ont pas la même
expérience de vie. Alors, nous nous créons une vie sur Internet
pour remplacer ce qui nous fait défaut ».
Tout comme M. Sharif, Ola Anan, 25 ans, tient
un
blogue depuis 2006. Son anglais est parfait, mais elle
préfère écrire en arabe. Son objectif premier est de créer un
forum en ligne pour ses semblables afin de s’attaquer aux
problèmes qui les touchent de près.
Ola Anan a créé son blogue « From
Ghazza » en 2006. Pour elle, le blogue est un outil qui permet
d’aborder des problèmes tant politiques que personnels avec des
membres de sa communauté.
Photo:
Phoebe Greenwood/IRIN
Selon elle, « les blogueurs locaux sont nombreux à écrire en
anglais pour être lus par des gens de l’extérieur de Gaza, et en
particulier de l’Occident. Je n’aime pas cette idée. Nous devons
discuter de ces questions entre nous, et c’est pourquoi j’écris
en arabe ».
« Ceux qui écrivent pour l’Occident ressentent toujours le
besoin de parler de politique, mais il y a tant à faire au
niveau social, comme d’œuvrer à la réconciliation [entre le
Hamas et le Fatah, les deux factions rivales]. Je pense que nous
devons résoudre ces problèmes nous-mêmes avant d’en parler aux
gens de l’extérieur ».
Elle admet que les blogueurs palestiniens se montrent parfois
réticents à s’attaquer aux problèmes locaux parce qu’ils
craignent d’être lus par les mauvaises personnes. M. Sharif est
du même avis : « Un de mes amis a abordé des questions très
délicates sur son blogue et il s’est attaqué à certaines
personnes [au pouvoir à Gaza] sur le plan personnel et
professionnel. Il a reçu un avertissement de la part d’un ami
d’un ami, qui lui a dit de se calmer et de laisser tomber ».
Public international
Qu’ils le veuillent ou non, les blogueurs de Gaza attirent de
plus en plus de lecteurs étrangers. Pendant l’opération Plomb
durci (entre le 27 décembre 2008 et le 18 janvier 2009), la
dernière incursion militaire israélienne dans la bande de Gaza,
les journalistes se sont vu refuser l’entrée à Gaza. Les blogues
gazaouis ont alors connu une popularité sans précédent auprès
des lecteurs du monde entier qui souhaitaient connaître la
réalité au-delà des gros titres.
Ola Anan étudiait alors en Belgique, mais elle a réussi à
communiquer quotidiennement avec sa famille à Gaza. Pendant les
trois semaines qu’a duré le conflit, elle a trouvé du réconfort
dans l’écriture de son blogue et les commentaires postés en
réponse à ses articles. Le nombre de visiteurs sur sa page est
passé de 50 à 1 500 par jour.
« Les nouvelles ne disaient pas tout, au contraire. Par exemple,
des blogueurs en Égypte ont demandé si les Gazaouis recevaient
les dons qu’ils faisaient. Mes parents m’ont dit que des
entrepôts de nourriture avaient été bombardés et que les
hôpitaux étaient tous à court de fournitures », a-t-elle dit.
« Même si on envoyait de l’argent à Gaza, les habitants
n’avaient aucun moyen de le récupérer parce que les banques
n’avaient pas de réserves d’argent. J’avais le moyen de diffuser
cette information », a-t-elle ajouté.
Les médias sociaux comme exutoire
Les blogues et les médias sociaux servent de plus en plus de
soupape pour évacuer la pression. C’est ce que le groupe de
jeunes Gazaouis
Gaza’s Youth Breaks Out, apparu sur Facebook fin 2010, a
clairement démontré avec son manifeste passionné :
« Nous, les jeunes de Gaza, on en a marre d’Israël, du Hamas, de
l’occupation, des violations permanentes des droits de l’homme
et de l’indifférence de la communauté internationale ! »
« Nous voulons crier, percer le mur du silence, de l’injustice
et de l’apathie de même que les F16 israéliens pètent le mur du
son au-dessus de nos têtes, hurler de toute la force de nos âmes
pour exprimer toute la rage que cette situation pourrie nous
inspire ».
Le groupe Facebook a désormais plus de 18 000 fans et les
blogueurs gazaouis sont très présents sur le Web. C’est
pourquoi, aussi longtemps qu’Israël maintiendra son blocus et
limitera la circulation des personnes, Internet permettra
d’entretenir un lien crucial entre les Palestiniens de Gaza et
le monde extérieur.
[Cet
article ne reflète pas nécessairement les vues des Nations
Unies]
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