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IRIN
TPO: Coupés des services de santé

Le mur de la séparation, dont la section
de Tantour a été achevée en 2005,
sépare le village des villes cisjordaniennes voisines de Beit
Jala et de Bethléem
Photo: Phoebe
Greenwood/IRIN
BEIT JALA, 3 mai 2011 (IRIN)
La mère de Fuad Ahmed Jabo avait 70 ans lorsqu’elle est décédée
des suites d’une crise cardiaque dans leur maison du village
palestinien de Tantour, à Beit Jala, entre la partie de
Jérusalem sous contrôle israélien et la ville palestinienne de
Bethléem.
Ses proches ont appelé une ambulance, mais celle-ci a été
retenue au poste de contrôle situé entre Bethléem et Tantour.
Les services ambulanciers israéliens ont dit à M. Jabo qu’il ne
pourrait pas obtenir de l’aide parce que sa maison était située
dans une zone militarisée. Puisque le temps était compté, M.
Jabo et son neveu ont décidé de l’amener à l’hôpital. Ils
n’avaient fait que 200 mètres lorsqu’elle est décédée.
« Une ambulance aurait mis à peine deux minutes pour venir de
Jérusalem. Avant, je mettais trois minutes pour aller à
Bethléem, mais depuis que le mur est terminé, je dois prévoir au
moins une demi-heure », a dit à IRIN M. Jabo, qui est âgé de 50
ans.
Les Jabo font partie des 80 habitants de Tantour et des dizaines
de milliers de familles palestiniennes de la Cisjordanie et de
la bande de Gaza dont l’accès aux soins de santé est compromis
par les mesures de sécurité israéliennes, et notamment par la
présence du mur et l’instauration d’un système de permis très
strict.
En 2001, la construction du mur a débuté à quelque 100 mètres
derrière la maison des Jabo. Depuis la fin des travaux, en 2005,
la famille est complètement coupée de la Cisjordanie. Puisqu’ils
possèdent des cartes d’identité cisjordaniennes, ils ne sont pas
couverts par l’Assurance nationale israélienne et ne peuvent
donc pas se rendre dans les hôpitaux de Jérusalem-Est, qui est
sous contrôle israélien. Ils doivent passer par un poste de
contrôle pour se rendre en Cisjordanie et obtenir des soins
médicaux. En outre, ils ne sont pas autorisés à conduire du côté
israélien.
Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des
Nations Unies (OCHA), environ 1 500 détenteurs de cartes
d’identité cisjordaniennes ont été déplacés du « mauvais » côté
du mur, du côté de Jérusalem, et sont maintenant confrontés à
des délais pour l’obtention de soins de santé qui pourraient
éventuellement compromettre leur survie.
Les membres du personnel médical et les patients palestiniens
qui possèdent une carte d’identité cisjordanienne doivent
obligatoirement passer par les postes de contrôle de Qalandiya,
d’Az Zaytoun et de Gilo pour entrer à Jérusalem. Et il y a
souvent de longues files parce que les Palestiniens doivent
traverser à pied.

Fuad Ahmed Jabo se tient devant sa
maison à Tantour, Jérusalem-Est,
où 80 personnes vivent coupées des hôpitaux de la Cisjordanie
par le mur de la séparation
Photo: Phoebe Greenwood/IRIN
« Choisir la vie »
Les responsables israéliens estiment que la construction du mur
était justifiée. « La ville de Jérusalem regrette que le
terrorisme palestinien et les meurtres de jeunes innocents aient
exigé la construction [du mur], qui peut effectivement entraîner
une détérioration de la qualité de vie de certains habitants de
Jérusalem », a dit à IRIN Stephan Miller, un porte-parole du
bureau du maire.
« Mais entre une détérioration de sa qualité de vie et la vie
elle-même, le peuple de Jérusalem a choisi la vie », a-t-il
ajouté.
Et les Palestiniens en subissent les conséquences. Ala Zawahri,
8 ans, souffre de handicaps mentaux et physiques qui exigent des
soins médicaux. Sa famille vit à Um Al Asafir, un village
palestinien coincé entre le mur et la colonie israélienne de Ha
Homa.
« Quand elle était petite, on pouvait se rendre en voiture à
Bethléem ou à Beit Sahour en moins de 15 minutes », a indiqué sa
mère. « Maintenant, nous devons trouver un chauffeur de taxi qui
accepte de venir jusqu’ici pour nous amener au poste de contrôle
de Gilo. Nous traversons ensuite à pied en portant Ala dans nos
bras. Nous prenons ensuite un autre taxi jusqu’à la clinique ou
à l’hôpital. Il nous en coûte 45 shekels [13 dollars] au total
pour un trajet seulement. La plupart du temps, il faut compter
entre une heure et une heure trente ».
Le système de permis instauré par Israël signifie que les
Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza ont besoin d’une
autorisation pour entrer à Jérusalem. En cas d’urgence, il est
possible d’obtenir un permis le jour même, mais cela nécessite
une certaine coordination au niveau sécuritaire. Le patient doit
par ailleurs être transféré d’une ambulance palestinienne à une
ambulance israélienne et il peut toujours y avoir des délais aux
postes de contrôle. D’après la Société du Croissant-Rouge
palestinien, les deux tiers des 440 ambulances dont l’entrée a
été retardée ou refusée en 2009 dans l’ensemble du territoire
palestinien occupé l’ont été à des points de contrôle permettant
l’entrée à Jérusalem.
Le blocus imposé par Israël sur la bande de Gaza depuis que le
Hamas a pris le contrôle de la région en 2007 a eu des
conséquences dévastatrices sur le système de santé. En 2008, le
ministère de la Santé palestinien a référé 3 118 patients à
Jérusalem-Est, contre 382 en 2006.
Des quelque 11 600 demandes qui ont été déposées entre janvier
et décembre 2010 pour obtenir la permission d’être soigné à
l’extérieur de la bande Gaza, 78,1 pour cent ont été acceptées,
16,3 pour cent retardées et 5,6 pour cent refusées.
Pour M. Jabo, qui a lui-même souffert à trois reprises d’une
crise cardiaque, la seule solution est de déplacer le mur ou de
modifier son statut: « Qu’est-ce que je peux faire si je tombe
malade ici ? », a-t-il demandé. « Donnez-moi la citoyenneté
israélienne avec l’assurance-santé qui va avec et l’accès à
Jérusalem ou alors modifiez le tracé du mur pour que ma maison
soit en Cisjordanie. Je ne partirai pas d’ici ».
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