Nouvelles et analyses humanitaires
Des réfugiées
syriennes exploitées en Égypte
IRIN

Une
Syrienne installée dans un camp de
réfugiés en Jordanie
Photo: Salah Malkawi/IRIN
LE CAIRE, 3 février
2013 (IRIN) Lina Al
Tiby, une militante syrienne installée
au Caire, dirige un réseau de soutien
aux réfugiées syriennes. Elle aide ses
femmes à s’adapter à la vie en Égypte et
essaye de les convaincre de ne pas
laisser la pauvreté les inciter à
travailler dans l’industrie du sexe ou à
accepter un mariage forcé.
Les femmes syriennes, qui bien souvent
arrivent en Égypte avec les seuls
vêtements qu’elles portent, considèrent,
pour certaines, que le mariage est
l’unique moyen de
survie.
« Les Égyptiens disent aux Syriennes
qu’ils les épouseront pour les aider,
elles et leur famille, mais … ces hommes
ne peuvent-ils pas leur venir en aide
sans les épouser ? », a demandé Mme Al
Tiby.
Ils disent aux Syriennes que, si elles
acceptent de les épouser, ils
satisferont leurs besoins. Ce concept
est soutenu par des imams qui
encouragent les Égyptiens à se marier
avec des réfugiées syriennes, car ils
considèrent que ces mariages sont une
façon de faire le
djihad.
Ces déclarations ont été critiquées en
Égypte : le mois dernier, le Conseil
national égyptien pour les droits des
femmes (NCWR) a déclaré que ces mariages
étaient « des crimes commis contre les
femmes sous le couvert de la religion ».
LLe Haut Commissariat des Nations Unies
pour les réfugiés (HCR) indique qu’il a
enregistré l’arrivée de
14 375 réfugiés et demandeurs
d’asile syriens en Égypte. À la fin du
mois de novembre 2012, le gouvernement
égyptien estimait que le pays comptait
près de 100 000 Syriens.
Aucune estimation du nombre de femmes
syriennes mariées à des Égyptiens n’est
disponible. Des réfugiés syriens ont
toutefois dit à IRIN que leur nombre
était en augmentation. Un constat
similaire a été fait en
Jordanie.
Exploitation
Laila Baker, la représentante du Fonds
des Nations Unies pour la population
(UNFPA) en Syrie, a constaté une
tendance similaire dans d’autres pays de
la région. Elle a dit à IRIN que ces
relations relèvent de l’exploitation : «
S’il y a une inégalité de pouvoirs basée
sur le sexe, et qu’une personne en
profite, alors on peut parler
d’exploitation… Ils choisissent des
jeunes filles, en général des mineures.
Des hommes riches originaires de
Jordanie, du Golfe, de Lybie disent
qu’ils prendront ces filles, les
épouseront et leur offriront une
meilleure vie ».
Il s’agit d’une question sensible en
Égypte et rares sont les personnes qui
souhaitent s’exprimer. Plusieurs Syriens
ont toutefois dit à IRIN qu’ils
pensaient que les familles étaient
exploitées et que ces mariages étaient
l’occasion de se marier « à moindre coût
», sans que l’époux s’engage à
entretenir son épouse ou sans échange de
cadeaux lors de la cérémonie.
« Les familles syriennes installées en
Égypte ont une vie très difficile ; leur
situation financière est très
compliquée. Alors quand un homme demande
leur fille en mariage, ils acceptent
immédiatement, que cet homme soit
convenable ou pas », a dit Mme Al Tiby.
« Dans la plupart des mariages, la dot
est très petite ; parfois, il n’y en a
pas. Dans ce cas-là, les mariages sont
en contradiction avec les coutumes en
vigueur en Égypte et en Syrie »,
a-t-elle dit.
Abu Omar, un cordonnier syrien d’une
quarantaine d’années réfugié en Égypte
depuis janvier, vit dans le quartier du
6 octobre, situé en périphérie du Caire.
Chaque jour, dit-il, un homme différent
frappe à sa porte et demande si une
femme syrienne non mariée vit dans
l’appartement et souhaite épouser un
Égyptien.
« Cela devient agaçant et humiliant » a
dit Abu Omar.
« Les Égyptiens devraient comprendre
qu’en se comportant de la sorte, ils
n’aident pas les Syriens, ils les
exploitent en profitant de leurs
conditions de vie difficiles ».
Une
évaluation jointe de la situation
des réfugiés syriens réalisée par le
HCR, le Programme alimentaire mondial
(PAM) et le Fonds des Nations Unies pour
l’enfance (UNICEF) indique que, outre la
violence, les menaces liées à la
sécurité (vols et agressions physiques)
et la dégradation des moyens de
subsistance, les actes de harcèlement,
le sexe de survie et les mariages forcés
suscitent des inquiétudes en matière de
protection de la vie de communauté.
Par crainte du harcèlement ou de
l’exploitation, Abu Omar cache sa fille
de 17 ans lorsque des Égyptiens qu’il ne
connait pas frappent à sa porte.
Tareq*, un ami syrien de Mme Al Tiby,
n’a pas réussi à cacher sa fille, âgée
de 13 ans : récemment, il a reçu un coup
de téléphone de l’imam d’une mosquée
égyptienne demandant à marier la jeune
fille. Il a refusé et se dit aujourd’hui
inquiet pour sa sécurité.
Vulnérable
Le conflit syrien a été marqué par des
attaques contre les femmes. Selon un
rapport récent du Comité
international de secours (IRC), le viol
est « une caractéristique importante et
inquiétante de la guerre civile syrienne
» et le « principal » facteur de l’exode
des femmes et enfants vers les pays
voisins.
Plus de 700 000 Syriens ont fui vers des
pays voisins, plus particulièrement
la Jordanie, la Turquie et le Liban.
Quelque 3 000 Syriens quittent leur pays
chaque jour.
*nom d’emprunt
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Publié le 4 février 2013 avec l'aimable
autorisation de l'IRIN
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