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Les pourparlers d’Amman : un
suicide politique pour le Fatah ?
Khaled
Amayreh
Mercredi 11 janvier 2012
IRIB-Les responsables du Fatah
veulent minimiser l’importance des
réunions entre l’Autorité Palestinienne
et Israël, en Jordanie, alors qu’il n’y
a aucun changement du côté d’Israël dans
sa politique colonialiste, écrit Khaled
Amayreh, depuis Ramallah.
Les dirigeants palestiniens de
l’ensemble du spectre politique ont
fustigé la dernière réunion à Amman
entre Israël et l’Autorité palestinienne
(AP).
Le Hamas, qui a le mois dernier
validé un accord dont l’objectif est
l’unité avec le Fatah, a critiqué la
direction de l’AP pour « répéter les
mêmes erreurs et reproduire les mêmes
échecs ».Sami Abu Zuhri, porte-parole du
Hamas dans la bande de Gaza, a déclaré
que les réunions à Amman ne feraient
qu’affaiblir la position collective
palestinienne et ne feraient qu’enhardir
Israël.
Les organisations de gauche
qualifient les réunions « d’illogique »
à la lumière de la poursuite incessante
de l’expansion des colonies juives en
Cisjordanie et de la saisie de terres
palestiniennes pour ces mêmes colonies.
L’AP a toujours dit qu’elle
n’accepterait pas de reprendre les
négociations qui sont aujourd’hui au
point mort avec Israël, à moins que
Tel-Aviv n’ait accepté de geler toutes
les activités de colonisation en
Cisjordanie, y compris Qods-Est.
Mais les Etats-Unis ont mis en garde
la très vulnérable Autorité
palestinienne, qu’ils cesseraient de la
financer à moins qu’elle n’accepte de
reprendre les pourparlers sans
conditions préalables avec Israël.
Certains responsables de l’AP ont
souligné que les « avertissements » se
sont transformés en « menaces » et que
l’administration Obama traite le
Président de l’AP Mahmoud Abbas, comme
s’il était un vulgaire autocrate sans
responsabilité devant son peuple.
En d’autres termes, du point de vue
américain, l’Autorité palestinienne doit
abandonner la principale condition pour
la reprise des négociations, à savoir le
lien entre la reprise des pourparlers et
l’arrêt de l’expansion des colonies.
Toutefois, cela représente
probablement un suicide politique pour
la direction de l’AP, en particulier
dans le camp du Fatah. Le mois dernier
le Fatah, qui se prépare pour des
élections générales palestiniennes, a
déclaré qu’il pourrait annuler sa
reconnaissance d’Israël si ce dernier
maintenait son refus d’un l’Etat
palestinien. L’avertissement, qui reste
informel, est considéré comme un réflexe
de défense de la part du Fatah pour
rester dans le rythme et l’esprit du
Printemps arabe et profiter du courant
islamique en plein expansion dans la
région.
Cet avertissement pourrait indiquer
également que le Fatah va devenir plus
radical si son chef, Mahmoud Abbas, ne
parvient pas à convaincre la communauté
internationale de soutenir la création
d’un Etat viable et souverain sur
l’ensemble des territoires occupés par
Israël en 1967.Visiblement embarrassé
par la participation de l’AP à la
réunion d’Amman, l’ancien chef
négociateur palestinien Saeb Ereikat a
cherché à minimiser l’importance de la
rencontre en Jordanie, en disant qu’elle
ne constituait pas une reprise des
pourparlers.
« Nous sommes seulement venus
répondre à l’aimable invitation de sa
majesté le roi Abdallah. Nous allons une
fois de plus faire connaître notre
position actuelle, à savoir que les
pourparlers de paix pourront reprendre à
la condition qu’Israël gèle toutes les
activités de colonisation et donne son
accord à l’établissement d’un Etat
palestinien viable sur la base des
frontières du 4 juin 1967 ». Il a ajouté
: « C’est seulement une occasion de
représenter et de clarifier notre point
de vue, rien de plus ».
Certains observateurs politiques en
Cisjordanie ont exprimé des sentiments
mitigés au sujet de la réunion. « Il est
vrai que la direction de l’AP souhaite
utiliser cette rencontre pour prouver
que la balle est dans le camp israélien
et que la pression devrait être exercée
sur Israël, et non pas sur les
Palestiniens », a déclaré Hani Al-Masri,
un analyste politique basé à Ramallah. «
Toutefois, il est également vrai que la
réunion va confirmer à Israël que l’AP
peut être mise sous la pression et
l’intimidation pour faire des
concessions supplémentaires. Je crains
aussi que le Quartet peut essayer de
contourner la position palestinienne et
cajoler l’AP pour qu’elle reprenne les
pourparlers sans conditions préalables.
Et ce serait une véritable catastrophe.
»
Il n’est pas évident de savoir ce qui
a incité Abdullah de Jordanie à inviter
Israël et l’AP pour une réunion qui,
pour la plupart, sinon tous les
observateurs, aura peu de chance de
réussir à relancer le processus de paix.
Ce n’est pas un secret que le souverain
jordanien considère l’échec du processus
de paix, en particulier sur le volet
palestino-israélien, comme une source
d’angoisse existentielle pour l’État
jordanien et son régime. La Jordanie est
inquiète que la non-résolution du
problème palestinien puisse raviver les
demandes sionistes pour faire de la
Jordanie une patrie palestinienne
alternative.
Son père le roi Abdallah, ou roi
Hussein, décédé en 1999, avait laissé
entendre que la volonté de déjouer les
desseins israéliens de résoudre la
question palestinienne au détriment de
la Jordanie - par exemple, en faisant de
la Jordanie un Etat palestinien,
probablement grâce à une combinaison de
guerre, de migrations forcées, de
déportation en masse et, si nécessaire,
d’un nettoyage ethnique génocidaire - a
joué un grand rôle dans la décision
jordanienne de signer son traité de paix
si impopulaire avec Israël.
Le roi Abdallah, dont le pays dépend
aussi dans une large mesure de l’aide
économique et financière de l’Occident,
est souvent perçu comme l’aiguillon
servant à exiger de l’AP qu’elle montre
plus de « flexibilité ».Un autre facteur
susceptible et pertinent dans les
efforts de médiation jordanienne peut
résider dans la volonté du régime
jordanien de parvenir à un accord de
paix entre Israël et l’Autorité
palestinienne, avant l’approfondissement
et la consolidation du printemps arabe
dont les ramifications et les
répercussions ont déjà atteint la
Jordanie, menaçant le pouvoir absolu du
roi.
Le Quartet international pour la paix
au Moyen-Orient, qui comprend les
Etats-Unis, l’UE, la Russie et l’ONU,
avait donné aux parties impliquées -
Israël et l’AP - trois mois pour
reprendre les pourparlers aujourd’hui
gelés. La période de grâce prendra fin
le 26 janvier, après quoi de nouvelles
perspectives devraient être explorées
afin de garder l’espoir d’arriver un
jour à un accord de paix.
Tout ceci se produit dans un contexte
où le gouvernement israélien, sans doute
le plus belliciste et fascisant depuis
la création de l’entité sioniste,
continue à restreindre les horizons
palestiniens par toute une variété de
méthodes, y compris l’octroi aux colons
juifs paramilitaires d’une carte blanche
pour attaquer les Palestiniens et
vandaliser leurs mosquées, brûler leurs
voitures et mettre le feu à leurs
champs.
La dernière provocation israélienne,
telle que rapportée par les médias
israéliens, a pris la forme d’utiliser
des juifs encore mineurs pour agresser
des ouvriers palestiniens qui cherchent
à trouver du travail de l’autre côté de
la Ligne verte - ligne d’armistice entre
les anciens territoires occupés et
Israël. Cette initiative manifestement
raciste est destinée à infliger le
maximum de dommages aux Palestiniens,
allant parfois jusqu’au meurtre, sans
risquer de poursuites ou de
condamnations du fait de leur âge.
Quant aux crimes commis par des
soldats israéliens contre les
Palestiniens, même des Palestiniens
innocents, sont généralement atténués
par le système israélien de justice
contrôlé par des rabbins du Talmud qui
considèrent les non-juifs comme des
sous-humains.
Avec un processus de paix qui ne va
nulle part, l’administration Obama face
à une année d’élections et l’Union
Européenne qui affiche une choquante
impuissance vis-à-vis d’Israël, il est
probable que 2012 verra l’enterrement
définitif de la solution à deux Etats.
Ce n’est pas une question de faire de
sombres pronostics. C’est plutôt une
évaluation réaliste de la situation sur
le terrain, où les colonies juives
omniprésentes ne laissent plus la
moindre place pour la construction d’un
Etat palestinien viable.
Source : Al Ahram
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Reçu de l'IRIB le 11 janvier 2012 pour
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