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Oumma.com
Dubaï, fatale
escalade pour le Mossad
Hicham Hamza
Vendredi 28 mai 2010
Des faux papiers aux faux pas
diplomatiques. Lundi, les autorités australiennes ont confirmé
l’utilisation frauduleuse de passeports nationaux par des agents
secrets israéliens dans l’assassinat, en janvier dernier, d’un
militant palestinien à Dubaï.
Conséquence en représailles : l’expulsion du
représentant local du Mossad vers Tel Aviv . A l‘inverse, la
France, dont des passeports ont été imités par le commando
israélien, continue, quant à elle, de faire profil bas.
Décryptage.
« L’Australie et Israël sont des
nations amies et le restent, mais ce n’est pas le geste d’un
ami », a déclaré, devant les parlementaires,
Stephen Smith, ministre australien des affaires étrangères. Quel
est donc ce « geste » indigne d’un allié ? « L’abus et de la
contrefaçon de passeports », précise le ministre. De graves
délits au sujet desquels la « responsabilité d’Israël »,
vis-à-vis de « ces faux passeports de haute qualité
impliquant un service de renseignement d’Etat », ne fait
plus « aucun doute ». Ce sont quatre citoyens -Nicole
McCabe, Joshua Bruce, Adam Korman et Joshua Krycer- qui ont vu
leur
identité usurpée dans l’affaire de l’assassinat, commis
le 19 janvier, du Palestinien Mahmoud Al-Mabhouh.
En mesure de rétorsion, le
gouvernement a annoncé l’expulsion d’un membre de l’ambassade
israélienne de Canberra. Selon le quotidien
The Australian, cet individu, jugé désormais
persona non grata, serait un agent du Mossad, le service
extérieur des renseignements israéliens.
En déplacement dans son
pays, l’ambassadeur d'Israël,
Yuval Rotem, a
précipité son retour, initialement prévu le 8
juin, afin de tenter d’apaiser cette
tension diplomatique inédite entre Tel Aviv et
Canberra. De même, les autorités israéliennes ont
relativisé
l’incident, préférant insister sur la connivence idéologique
entre les deux nations plutôt que de présenter la moindre
excuse. « Nous appartenons au même camp », aura beau jeu
de rappeler le vice-Premier ministre
Dan Meridor.
A l’instar de la crise rencontrée,
l’été dernier, avec la Suède, lors du
scandale
du trafic d’organes imputé -et
finalement avéré- à Israël, le régime de Tel Aviv
connaît désormais un nouveau moment difficile avec un allié
pourtant traditionnel. La sévérité du gouvernement australien,
qui s’est traduite par l’expulsion du représentant du Mossad,
tranche ainsi avec son soutien lors de l’invasion de Gaza durant
l’hiver 2009 ou son silence au moment des bombardements du Liban
en 2006.
Prise entre deux loyautés, la
communauté juive en Australie est
divisée. Alors qu’ils semblent plus enclins, parmi les
12000 Israéliens expatriés en Australie, à condamner la méthode
du Mossad, le directeur du Conseil Australie/Israël et des
Affaires Juives,
Colin Rubenstein,
estime, quant à lui, que l’expulsion était excessive.
« Bien que nous comprenions la responsabilité du gouvernement de
devoir protéger l‘intégrité des passeports australiens, cette
réaction n‘aidera en rien ». Un lobby communautariste qui, à
l’image du
Crif
en France, affiche souvent des thèses radicales : ainsi, selon
un de ses « analystes »,
les Palestiniens, prétendument adeptes de la
« victimisation », seraient en réalité les « architectes
de leur propre misère ».
Double allégeance
Du même bord, et à l’occasion d’une
déclaration commune, Robert Goot, président du Conseil exécutif
du Judaïsme australien, et Philip Chester, président de la
Fédération sioniste d’Australie, reprochent au gouvernement de
ne pas avoir publié les preuves de la falsification israélienne
des passeports australiens. Un grief doublement étrange dans son
expression puisqu’il mettrait en cause, non seulement la
compétence des enquêteurs australiens à garantir leurs
conclusions, mais aussi la propre réputation d’Israël qui
viendrait à être davantage ternie si les détails de la
manipulation étaient révélés au grand jour.
Profitant de la crise diplomatique,
l’opposition libérale a accusé le gouvernement australien de
chercher à obtenir la faveur de la Ligue arabe pour assurer sa
candidature à un siège au Conseil de sécurité de l’ONU.
Partisane de cette théorie, une figure de proue, Julie Bishop, a
manifesté sa volonté de dédouaner Israël au point de commettre
une terrible
bévue : confirmer au journaliste qui l’interrogeait sur
le sujet que les services australiens d’espionnage pratiquaient
également la falsification des passeports. Le Premier ministre
Kevin Rudd n’a pas manqué de condamner cette
déclaration,
la jugeant attentatoire à la sécurité nationale. Le gouvernement
a également rejeté l’accusation de vouloir s‘attirer la
sympathie des régimes arabes, rappelant simplement que ce
n’était pas la première fois qu’Israël utilisait des passeports
australiens. En témoigne l’affaire
Amir Laty, du nom de cet officier consulaire israélien
qui avait été contraint en 2004 de quitter le pays à la suite
d’une opération inaboutie impliquant également la
Nouvelle-Zélande.
En outre, si les
autorités australiennes ont décidé de suspendre la coopération
des services secrets entre les deux nations, elles ont tenu, par
souci de clarté, à indiquer que les positions traditionnelles du
gouvernement sur la question israélo-palestinienne, souvent
identiques à celles des Etats-Unis et soutenues, entre autres
forums, à l’Assemblée générale de l’ONU, ne changeront pas d’un
iota.Filature,
barbouzes et vidéo
A l’origine de cette
crise diplomatique, l’assassinat d’un homme : Mahmoud Abdel
Raouf al-Mahbouh, alias Abu al-Abd, Palestinien âgé de 49 ans.
Ce cadre du Hamas, également co-fondateur du mouvement politique
en charge actuellement de la bande de Gaza, était déjà visé
trois fois auparavant par les tueurs du Mossad selon son frère
Hussein. La
traque
acharnée du militant s’explique par son rôle essentiel dans
l’acheminement d’armes iraniennes et, plus probablement, en
raison de l’allégation de son implication dans la capture et le
meurtre, en 1989, de deux soldats israéliens.
Le 19 janvier, l’homme,
venant de Damas et en route pour l’Iran, fit halte dans l’émirat
de Dubaï. Des agents du
Mossad, chargés de sa surveillance, l’ont déjà rejoint en
provenance de Francfort, Rome, Zurich et Paris. Ceux-ci
l’avaient également suivi lors de ses précédents déplacements,
deux mois auparavant, effectués via Dubaï
et jusqu’en Chine.
Le commando, composé de
32 agents selon la police locale qui a mené son enquête, était
divisé en plusieurs équipes : surveillance, logistique,
coordination, exécution. A l’hôtel de luxe al-Bustan Rotana,
équipé de nombreuses caméras de surveillance, l’arrivée de
Mahmoud al-Mahbouh est immédiatement signalée par une femme, de
type européen, faisant le guet aux abords de l’établissement.
Prenant le relais, un
autre agent attend à la réception de l’hôtel afin de confirmer
discrètement le numéro de chambre occupée par le Palestinien
lorsque celui-ci récupère son pass électronique. Deux autres
espions, habillés en joueurs de tennis, s’engouffrent dans
l’ascenseur en même temps que leur cible afin de confirmer à
nouveau la localisation de la chambre. Le cadre du Hamas, qui
avait demandé, par mesure de sécurité, de disposer d’une pièce
sans balcon ne se doute pas alors que la chambre d’en face est
réservée par ses meilleurs ennemis : des agents du Mossad.
Quelques heures plus
tard, l’assassinat se déroule, nimbé de mystères. Les policiers
de Dubaï en sont encore réduits
aux hypothèses quant aux minutes qui ont précédé le meurtre :
soit les tueurs ont profité de l’absence momentanée d’al-Mahbouh
pour s’infiltrer dans sa chambre en déjouant le code
électronique de la porte, soit ils ont forcé le passage au moyen
d’un agent se faisant passer pour un membre du personnel
hôtelier. Quoiqu’il en soit, le mode opératoire du crime semble
désormais avéré : tentative d’étouffement accompagnée d’un
empoisonnement par injection.
Comble du cynisme, les
agents du Mossad ont laissé, bien en vue, des médicaments
prescrits pour la tension artérielle afin de faire croire que le
cadre du Hamas serait décédé de mort accidentelle. Et pour
assurer la tranquillité de leur fuite, les espions ont apposé
sur la porte de la chambre une pancarte sur laquelle figurent
les mots « Please, do not disturb » : « Veuillez ne pas
déranger ». Toujours selon l’enquête menée par les autorités
de Dubaï, à la suite de
cette opération couronnée de succès, la plupart des
protagonistes, menés par un certain
Zev Barkan, déjà célèbre pour la falsification de
papiers australiens et néo-zélandais en 2004, s’envolèrent
aussitôt pour l’étranger. Divers points de chute pour se
réfugier dans un premier temps : l’Afrique du sud, Hong Kong…et
Paris.
Paris/Dubaï/Paris
Au lendemain, c’est
l’épouse de Mahmoud al-Mahbouh qui, constatant que son mari ne
décrochait pas son portable, alerta les responsables du Hamas.
La chambre ouverte, le corps inanimé du militant palestinien fut
découvert, le nez en sang et des traces de brûlures sur le
corps. « Israël
ne répond jamais, ne confirme jamais et ne
dément jamais », assure, en guise
de clarification sommaire, Avigdor Liebermann, ministre
israélien des Affaires étrangères qui rajoute, pour bien
préciser son sentiment, qu’il « n’y a aucune raison pour
Israël
de changer cette politique ».
Selon le
Sunday Times, le Premier ministre israélien
Benyamin Netanyahu avait rencontré certains membres du commando,
deux semaines avant l’opération, et leur avait donné son feu
vert, en présence du directeur du Mossad, Meir Dagan. C’est
d’ailleurs contre celui-ci que les autorités de Dubaï
ont lancé un mandat d’arrêt international.
L’homme, à la tête de
l’une des plus prestigieuses agences de renseignements au monde,
doit son poste à un compagnon de longue date : Ariel Sharon.
L’ancien Premier ministre, qui l’avait nommé en 2002, l’avait
plusieurs fois dirigé auparavant lors de manœuvres militaires
conjointes. Dans les années 70, et sous les ordres de son
commandant, l’officier Dagan était réputé pour semer la mort
dans le territoire de Gaza en se déguisant, lui et ses hommes,
en Arabes. Par ailleurs, Dagan se vanta d’avoir été installé
dans le
premier
tank à pénétrer, en 1982, dans Beyrouth, lors de
la guerre du Liban. En 1997, il fut nommé par Benyamin
Netanyahu, déjà Premier ministre à l’époque, pour diriger, au
sein du Shin Beth, l’agence de contre-espionnage israélienne",
« l’unité
pour la Guerre contre la Terreur ».
Un intitulé dont les
termes seront exactement repris, quatre ans plus tard, par le
président américain George Bush dans sa propre déclaration de
guerre au terrorisme imputé à Al Qaïda.
Farouchement
hostile à l’Iran et la Syrie, Dagan est aussi
connu pour avoir redonné une nouvelle vigueur à la pratique,
illégale au regard du droit international, des assassinats
extrajudiciaires et extraterritoriaux.
Yossi Melman, correspondant du quotidien
israélien Haaretz et spécialiste des affaires militaires,
estime, à environ quarante, le nombre de ces actes commis avec
succès, en un demi-siècle, par le Mossad. Les sept dernières
années, sous la direction de Dagan, virent ces assassinats
s’intensifier comme l’illustre, par exemple, l’élimination, en
février 2008, de Imad Mughniyeh, cofondateur du Hezbollah.
Cependant, malgré toute l’efficacité criminelle de Dagan, il
faut un « talent spécial », selon l’éditorialiste acerbe
de Haaretz,
Amir Oren, pour réussir à saboter l’amitié entre
Israël et l’Australie.
D’autant plus que cet
Etat n’est pas le seul à avoir été abusé par les services
spéciaux israéliens : l’Irlande, la Grande-Bretagne,
l’Allemagne et la France ont eu droit à la même faveur, avec des
nuances, puisque, pour certains d‘entre eux, il n’y a pas eu
d’usurpation d’identité à partir de vrais passeports mais plutôt
fabrication de faux. Tel est le cas de la France.
Courage, fuyons
Alors que les nations du
Commonwealth ont manifesté leur indignation à l’encontre d’Israël,
les autorités françaises ont fait le strict minimum : des
déclarations laconiques, comme celle du ministre des affaires
étrangères, Bernard
Kouchner, qui feint de condamner « les
exécutions ciblées et l’utilisation de faux »
jusqu’aux gestes inoffensifs, comme la convocation du chargé
d’affaires israélien en France. Excusez du peu. Parade, en guise
d’explication, du Quai d’Orsay : « On attend les résultats de
l’enquête à Dubaï ». La Grande-Bretagne, alliée indéfectible
d’Israël, n’avait pourtant pas usé de ce genre de prétexte pour
éviter d’expulser,
en mars dernier, un représentant du Mossad basé à Londres.
Sur la base de « raisons
convaincantes », David Miliband, ministre britannique des
affaires étrangères, annonça cette grave décision après avoir
jugé « scandaleuse » la falsification de douze passeports
britanniques, un acte traduisant « un profond mépris pour la
souveraineté du Royaume-Uni ». Et le soutien historique de
Londres au régime de Tel Aviv n’y changea rien : « Le fait
que cela ait été fait par un pays qui est ami, avec des liens
diplomatiques, culturels, commerciaux et personnels importants
avec le Royaume-Uni, ne fait qu’ajouter l’insulte à l’injure »,
avait alors ajouté le ministre dans une déclaration
tonitruante.
Dans le passé, la fraude
israélienne portant sur des
papiers
canadiens ou
néo-zélandais avait suscité en réaction des
demandes d’excuse de la part des Etats lésés. La France préfère,
quant à elle, temporiser alors qu’elle vient de se voir remettre,
par l’Australie, les conclusions de l’enquête, communiquées
également aux autorités de Dubaï,
aux autres pays impliqués ainsi qu’aux Etats-Unis.
Tout au plus le parquet
de Paris avait-t-il ouvert, le 12 mars, une enquête préliminaire
« pour faux et usage de faux » à la suite de la saisie du
ministère de la Justice par leurs homologues des Emirats arabes
unis. Curieusement, pour démêler une affaire de falsification
sur fond d’espionnage et de meurtre, l’enquête avait été confiée
à la dérisoire « brigade de la répression de la délinquance
astucieuse » qui n’a visiblement pas l’envergure pour la
mission qui lui est assignée.
Qui, de l’Elysée ou du
Quai d’Orsay, tente d’étouffer l’affaire ? L‘alignement pro
israélien, commun à Nicolas Sarkozy et Bernard Kouchner, est de
notoriété publique. La famille du Franco-Palestinien
Salah Hamouri, détenu pour délit d’opinion en
Israël, peut, à elle
seule, en témoigner. Le président de la République, qui
considère le Premier ministre Benyamin Netanyahu comme son « ami »
personnel, ne semble pas désireux ou capable de le
rappeler à l’ordre quand celui-ci permet que la souveraineté
nationale de la France soit bafouée par les sbires du Mossad.
Faut-il dès lors s’étonner d’une incongruité, passée sous
silence, dans l’affaire de l’assassinat d’al-Mahbouh ? Un
escadron de la mort donc certains agents ont effectué le trajet
direct Paris/Dubaï, dans
les deux sens, avant et après avoir commis leur forfait. Qu’il
s’agisse d’incompétence de la part des autorités françaises,
pour avoir laissé passer, au travers des aéroports de la
capitale, des barbouzes dotés de faux passeports, ou de
connivence, pour avoir décidé de fermer les yeux sur des
agissements coupables mais tolérés, la faute est manifeste. Mais
ce ne sont pas les « brigadiers » chargés de traquer les
« délinquants astucieux » qui iront explorer cette
piste-là.
La fin d’un mythe
Que reste-t-il de la
toute-puissance prêtée au Mossad, ce groupe de patriotes zélés
qui frappent qui ils veulent et où ils veulent ? Un feuilleton
dramatique, en suspens dans une farce tragicomique. Des agents
réputés secrets qui découvrent, à travers le monde, leurs
visages à la une des médias. Un patron, longtemps surnommé « le flingue »
et dont l’intransigeance et la dureté légendaires font
désormais place, à la veille de quitter ses fonctions au courant
de l‘année, à l’embarras d’un gaffeur diplomatique hors pair. Un
Etat qui se proclame menacé par ses voisins mais qui continue de
pratiquer, en toute impunité, des assassinats à l’étranger, sans
autre forme de procès. C’est d’ailleurs ici que le bal des
hypocrites commence : au lieu de protester contre la technique
consistant, pour un Etat, à exécuter les meurtres prémédités,
extraterritoriaux et extrajudiciaires de dissidents politiques,
la communauté occidentale s’est surtout insurgée contre un
problème secondaire, à savoir la falsification de passeports
issus de pays alliés.
D’autant plus que cette
pratique est un scandale éventé : dans toute action clandestine
effectuée par les membres d’un service secret, l’usage de faux
papiers n’est pas une malheureuse exception mais la règle
nécessaire. Quand des agents français s’aventurèrent, en 1985,
dans une action calamiteuse contre le Rainbow Warrior,
navire de l’organisation Greenpeace, ce sont des passeports
suisses qui sont utilisés. Tous les services spéciaux utilisent,
parfois ou régulièrement, des pièces d’identité frauduleuses, y
compris ceux-là même du pays qui s’indigne aujourd’hui haut et
fort :
l’Australie.
Et alors qu’Israël
se voit obligé d’affronter de nouveaux défis, comme son entrée,
acquise après un lobbying de seize ans et célébrée jeudi à
Paris, dans le club très fermé des 34 pays membres de l’OCDE,
Tel Aviv n’en a pas fini d’être rattrapé par son passé trouble
comme en témoigne la récente
divulgation de son accord de coopération
nucléaire, en 1975, avec l’Afrique du sud. Une révélation
compromettante qui sonne comme un coup double, confirmant à la
fois l’existence d’un armement nucléaire en Israël
et la proximité idéologique de la force occupant les territoires
palestiniens avec le régime de l’apartheid.
Au-delà de ces
péripéties, concernant le demi fiasco retentissant du Mossad à
Dubaï, et cette
opération qui a finalement porté ses fruits puisque la cible a
été éliminé sans l’arrestation du commando, une question demeure.
Qui savait quoi ? Le quotidien
The Daily Mail n’a pas hésité, suite à la
confession d’une source israélienne, à suggérer l’hypothèse
selon laquelle le service extérieur des renseignements anglais,
le MI-6, et le ministère des Affaires étrangères étaient
informés au préalable, et dans les grandes lignes, de la mission
du Mossad, ce qui relativiserait, à leur tour, les cris
d‘orfraie poussés par le gouvernement britannique. Mais, dès
lors, si l’on peut envisager que des alliés traditionnels d’Israël,
notamment la Grande-Bretagne et la France, ont su et laissé
faire, quels seraient dans ce cas les véritables enjeux derrière
la dénonciation atypique du Mossad par des alliés et pour des
agissements éventuellement anticipés ?
Rafael Eitan,
ancien ministre israélien et ex-agent du Mossad qui dirigea
l’équipe ayant capturé le criminel de guerre Adolf Eichmann,
suggère, pour sa part, une autre piste, a
priori rocambolesque : selon lui, ce serait une faction
étrangère qui aurait voulu discréditer Israël
en simulant à la perfection une
opération du Mossad. Si certains ne manqueront pas de voir, dans
cette suggestion d’un simulacre, le déni de la culpabilité
flagrante des espions israéliens, d’autres seront sans doute
surpris, et peut-être ravis, d’envisager l’hypothèse qu’il
existerait, à travers le monde, d’autres groupes, autrement plus
redoutables et en discrète rivalité avec le tout-puissant Mossad.
« Par la tromperie, la guerre tu mèneras » : telle est
la devise du prestigieux service secret israélien. Dans l’art de
la duperie, appliqué au monde occulte du renseignement, on finit
toujours par trouver, tôt ou tard, adversaire plus ingénieux.
Hicham Hamza, journaliste
indépendant
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