Opinion
Terrorisme et
grands médias:
1 mort à Boston vaut plus que 100 à
Bagdad
Hicham
Hamza
Mardi 16 avril
2013
Ethnocentrisme. Les attentats commis en
Occident suscitent davantage l’attention
des médias audiovisuels que ceux
perpétrés ailleurs. En contrepoint,
Oumma vous propose de découvrir la liste
détaillée des pays les plus touchés par
le terrorisme depuis 40 ans.
Dans les écoles de journalisme et la
plupart des rédactions de la presse
généraliste, une technique d’écriture
est prescrite pour attirer le lecteur ou
l’auditeur : il s’agit de la « loi
du mort-kilomètre ». En clair,
selon les enseignants et les rédacteurs
en chef qui en assument l’application,
le « public » est censé
s’intéresser aux décès selon
l’éloignement géographique de
l’évènement. Cas pratique : 1 mort à 1
kilomètre ou 10 morts à 10 kilomètres
pourraient ainsi, selon les praticiens
de cette coutume, retenir
particulièrement l’attention. Il ne
s’agit pas nécessairement là d’informer
le citoyen sur un sujet d’actualité
d’intérêt général mais, pour
l’essentiel, de garantir un audimat
performant et convoité par l’industrie
médiatique.
Une autre règle, non formulée
explicitement et tout autant cynique,
vient contredire cet usage : on pourrait
la qualifier de « loi du mort
occidental ». Vu de Paris, Londres
ou Washington, la mort brutale d’un
Européen ou d’un Américain dans le monde
sera toujours plus fructueuse à couvrir
-aux yeux des responsables de
l’information- que celle de dizaines de
non-Occidentaux.
« L’attentat »
survenu hier à Boston illustre
tristement cette pratique. Les chaînes
d’information françaises ont réalisé des
« éditions spéciales » afin
d’en dramatiser le récit journalistique.
3 morts et plus de 130 blessés : pour
les familles de victimes, le caractère
tragique est indéniable. Mais pourquoi
consacrer autant d’heures au sujet alors
que des centaines de citoyens sont
fauchés, chaque année, par le terrorisme
sans que BFM TV ou France 24 ne daignent
leur consacrer un sonore de 10 secondes
?
Les chiffres,
les faits
En 2008, l’Université de Maryland et
un centre dénommé « le Consortium
national de recherche sur le terrorisme
» (lié
au gouvernement américain) ont réalisé
un
travail colossal : donner à voir,
sur Internet, l’ensemble des données
relatives aux
« incidents terroristes »survenus
dans le monde depuis 1970. Le terrorisme
est ici
défini comme « l’usage illégal
de la force et de la violence par un
acteur non-étatique afin d’atteindre un
but politique, économique, religieux ou
social ».
Un
site interactif permet ainsi de
consulter des graphiques, affinés selon
le pays visé ou le type d’attaque
utilisée (bombe, assassinat politique,
kidnapping). La base couvre, à ce jour,
la période allant jusqu’à 2011, soit une
quarantaine d’années d’actes terroristes
référencés.
On peut ainsi apprendre que les
Etats-Unis sont le 16ème pays
le plus impacté sur son sol par le
terrorisme (2347 « incidents »),
loin derrière la Colombie (7180), l’Irak
(6475) et l’Inde (6114).
Si l’on se réfère à la «
nationalité » visée par les
terroristes, les Américains sont
davantage ciblés (6ème de la
liste, 4960 « incidents ») mais
viennent encore après les Colombiens,
Irakiens, Indiens, Péruviens et
Salvadoriens.
En prenant en compte le nombre de
victimes (morts et blessés), la place
des Américains chute notablement dans la
liste. Un
classement détaillé des actes
terroristes commis sur le sol américain
permet ainsi d’observer un nombre
extrêmement faible de citoyens
directement touchés, hormis-évidemment-
pour les attentats de 2001 et celui
d’Oklahoma City en 1995.
Si l’on compare le nombre respectif
d’incidents (sur 17622 au total) depuis
1970 entre trois pays (Etats-Unis,
Colombie, Irak), le graphique suivant
est éloquent.
Inutile d’effectuer une comptabilité
précise et macabre. En affinant
simplement la recherche, on
obtient, par exemple, ce graphique
pour la courbe du nombre de morts (de 1
à plus de 101 « fatalities »
par attentat) du terrorisme en Irak (sur
7807 actes terroristes depuis 1970).
Même
recherche pour la Colombie, à partir
de 7453 attentats recensés.
Voici ce que l’on peut
constater en appliquant le même
filtre (courbe du nombre de morts -de 1
à plus de 101- lors d’actes terroristes)
pour les 2362 incidents survenus aux
Etats-Unis.
En décembre 2012, Max Fischer, bloggeur
au Washington Post,
soulignait déjà -en s’appuyant sur
un
rapport annuel produit, celui-ci,
par
l’Institut pour l’économie et la
paix- que l’Irak était le premier pays
impacté par le terrorisme tandis que les
Etats-Unis étaient l’un des moins
touchés. Moins de 3% des attaques
commises sur le sol américain entre 2002
et 2011 ont été réalisées par des
groupes islamistes. A l’inverse, les
trois principaux groupuscules à
commettre des actes terroristes ont été
le « Front de libération de la Terre
», le « Front de libération
animale » et la nébuleuse
anti-avortement. Plus éloquent : pour
2011, voici le classement des pays les
plus ravagés par le terrorisme.
Il faut sauver la soldate Haïm
Ce mardi, la correspondante d’I Télé
et de
Canal+ à Washington, Laurence Haïm,
a évoqué, avec son style régulièrement
partisan, une« Amérique confrontée à
la guerre en Afghanistan » (notez
le choix du mot « confrontée »),détestée
par « une partie du monde au
Moyen-Orient » (suivez mon regard)
et dont la société aurait connu, depuis
le 11-Septembre, une « israélisation
» de son fonctionnement.
Message en filigrane : les Américains
comme les Israéliens se seraient
habitués à une « menace terroriste »
dont les protagonistes auraient
implicitement le même profil extrémiste.
Peut-être faudrait-il proposer à la
journaliste-chantre de
l’axe Washington-Tel Aviv de partir
en reportage à
Bagdad afin de lui faire découvrir
ce qu’est « l’irakisation » de
la vie quotidienne.
Publié le 17 avril
2013 avec l'aimable autorisation
d'Oumma.com
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