Bernard-Henri
Lévy:
« Je suis le représentant de la tribu
d'Israël »
Hicham Hamza
Samedi 2 juin 2012
Double
allégeance. Réalisateur d’un film
consacré à son engagement dans le
conflit libyen, Bernard-Henri Lévy a
toujours affirmé que son combat
s’inscrivait dans une démarche
universaliste en faveur des droits de
l’homme. Oumma a exhumé des documents
suggérant le contraire.
L’aveu s’est tenu
le 17 novembre dernier au micro de
RCJ. Invité par la Radio de la
Communauté Juive pour promouvoir son
« journal de guerre » en Libye,
l’écrivain Bernard-Henri Lévy a fait son
coming out communautaire,
reconnaissant, avec une emphase inédite,
s’être engagé contre le colonel Kadhafi
en raison, notamment, de son
appartenance religieuse. Oumma
a repéré et mis en ligne l’extrait
stupéfiant de cet
entretien réalisé par RCJ.
Curieusement, la scène décrite ici par
BHL ne figure pas dans son
film intitulé « Le serment de
Tobrouk ». Si l’on peut
effectivement y apercevoir BHL se vanter
auprès des émissaires des clans libyens
d’appartenir lui-même à une «
ancienne tribu », à nul moment le
voit-on déclamer sa « filiation » envers
Israël devant la foule de
jeunes gens rassemblés en avril 2011 à
Benghazi.
Trois jours après cette interview,
BHL a
participé à la convention nationale
du Conseil représentatif des
institutions juives de France. Lors de
son discours, l’homme a complété sa
confession -passée alors inaperçue- de
RCJ en
affirmant s’être engagé avec, «
en étendard », sa « fidélité au
sionisme et à Israël », ajoutant
que c’était
« en tant que juif » qu’il
avait « participé à cette aventure
politique, contribué à élaborer pour mon
pays et pour un autre une stratégie et
des tactiques ». Disposant de la
vidéo du discours intégral, le CRIF a
d’abord autorisé sa mise en ligne avant,
comme l’a
révéléOumma, d’effectuer
mystérieusement son retrait quelques
heures plus tard.
Suite au tollé provoqué par de tels
propos, BHL a dû faire marche arrière,
prétextant une décontextualisation de
ses déclarations.
Sur France 2,
la journaliste et romancière Adélaïde de
Clermont-Tonnerre avait alors été la
seule à l’interpeller publiquement sur
le soupçon de « double allégeance »
que laisse entendre l’aveu pro-israélien
de BHL.
Si l’homme continue
de réfuter une telle interprétation de
ses propos, l’existence de documents
produits par BHL lui-même permet de
valider cette hypothèse d’une
allégeance systématique envers les
intérêts de l’Etat hébreu. De la
guerre des Six-Jours à son militantisme
actuel pour une intervention militaire
en Syrie, l’écrivain veut oeuvrer,
d’abord et avant tout, au renforcement
d’Israël.
Dès 1967, l’étudiant en khâgne
-frustré de ne pas avoir pu s’engager
aux côtés de Tsahal- va rédiger, pour
une revue dirigée par Marek Halter, un
article intitulé « Sionismes en
Palestine » dans lequel il proclama
son soutien inconditionnel au régime de
Tel Aviv. Une dizaine d’années plus
tard, l’homme s’affiche avec le Premier
ministre israélien Menahem Begin et
participe alors, à peine âgé d’une
trentaine d’années, aux assemblées
générales du B’nai B’rith, une ancienne
organisation juive calquée sur le modèle
de la franc-maçonnerie.
En juin dernier,
Bernard-Henri Lévy était également
l’invité à Jérusalem de la
« Conférence présidentielle ».
Dans un discours méconnu du public
français, BHL souligne explicitement les
avantages stratégiques d’Israël dans
les insurrections arabes en cours. Selon
lui, la mise hors-circuit de Kadhafi
devrait réjouir les dirigeants
israéliens : le colonel libyen se voit
ainsi accusé, de manière équivalente,
d’avoir abrité des « négationnistes
» dans le passé et soutenu en 2010
l’envoi de nouvelles flottilles
humanitaires en direction de Gaza.
A l’opposé du
pessimisme incarné par Avigdor Lieberman
- ministre israélien des Affaires
étrangères avec lequel il s’était
entretenu dans un bar huppé de Paris
trois mois plus tôt, Bernard-Henri Lévy
affirme,
sous le regard du président Shimon
Peres, la nécessité d’un soutien
israélien aux insurgés arabes,
notamment ceux de Libye.
Cinq ans plus tôt,
une autre personnalité française était
invitée à un évènement similaire
organisé par Israël. L’ancien Premier
ministre Laurent Fabius y avait tenu un
discours plus modéré, insistant sur
la reconnaissance nécessaire d’un Etat
palestinien. Ce langage diplomatique
était d’ailleurs encore
présent lors de son périple au
Moyen-Orient l’hiver dernier. Interrogé
par différents journalistes israéliens,
Laurent Fabius n’a pas alors affiché une
préférence pour l’Etat hébreu, même si
celle-ci a pu apparaître ailleurs. Ce
fut ainsi le cas en avril. Interviewé
par la chaîne américaine Bloomberg,
l’ancien Premier ministre a fait savoir
que l’équipe de François Hollande était
« amicale » envers Israël et
« attentive » aux Palestiniens,
ajoutant une opinion similaire à celle
de BHL : Laurent Fabius s’est satisfait,
au détour d’une phrase, que les
révolutionnaires arabes ne se soient pas
encore préoccupés de Tel Aviv.
Bernard-Henri Lévy,
l’homme qui a manifesté son dédain
envers Alain Juppé, ne devrait pas avoir
de conflit majeur avec son successeur
Laurent Fabius, désormais en charge du
Quai d’Orsay. Les deux hommes
s’apprécient de longue date et se sont
retrouvés, l’an dernier, lors d’un
rassemblement organisé par la revue de
BHL en faveur de l’opposition syrienne.
BHL devrait donc
continuer à disposer d’un rôle
privilégié dans les décisions de
politique étrangère. Quitte à maintenir
son traitement inéquitable à propos des
drames humanitaires à travers le monde :
comme l’avait
illustréOumma, le
philosophe est plus désinvolte lorsqu’il
s’agit des sévices infligés par Tel Aviv
au peuple palestinien.
Les crimes de guerre israéliens ne
posent pas de souci à
l’opposant en chef à Bachar al-Assad.
L’automne dernier, Bernard-Henri Lévy
s’est
joint à la petite sauterie organisée
par
BICOM, un
lobby pro-israélien basé à Londres.
Il y a côtoyé un ancien haut-gradé de
l’armée israélienne,
accusé par des militants des droits
civiques d’avoir, entre autres méfaits,
bombardé des résidences civiles au
Liban.
Terrorisme médiatique
La volonté de BHL de censurer ou de
relativiser les exactions israéliennes
s’est encore manifestée récemment :
mardi soir, sur Arte, il était
invité dans un
débat consacré notamment à la Syrie.
A la fin de l’émission,
Laure Noualhat, journaliste à
Libération, a abordé les
conséquences environnementales des
conflits armés en illustrant son sujet
avec la
marée noire au Liban. En 2006, le
bombardement israélien d’une centrale
électrique proche de Beyrouth avait
provoqué une catastrophe écologique sur
les côtes libanaises. BHL intervient
alors pour tancer la chroniqueuse : les
« bébé-phoques », c’est «
hors-sujet » au regard de ce qui se
passe actuellement en Syrie,
affirma-t-il. Moment de gêne sur le
plateau : l’animatrice Elisabeth Quint
tente de maintenir la chronique avant de
battre en retraite. Après tout, BHL
n’est-il pas également le président du
conseil de surveillance d’Arte
? Comment, dès lors, s’opposer
frontalement à lui, surtout lorsqu’il
s’agit de porter atteinte, même
incidemment, à l’image d’Israël ?
Cette altercation feutrée avec Laure
Noualhat traduit l’étrange pouvoir
d’intimidation de BHL dans la sphère
médiatique. Au-delà de son narcissisme
ridicule ou de ses multiples
petits arrangements avec la vérité,
le problème essentiel à propos de
Bernard-Henri Lévy n’est plus de
décortiquer ses manies égocentriques ou
sa propension à la désinformation. La
seule question qui vaille à son sujet
est la suivante : de qui tient-il son
pouvoir ? Ou, pour le dire autrement :
comment s’explique sa facilité d’accès
aux plus hautes marches du pouvoir
politique et culturel ? Il existe
quantité d’ouvrages, d’essais,
d’articles, d’émissions qui ont démonté
le système BHL. Pourtant, l’homme
continue d’être invité, écouté, relayé
par les principaux décisionnaires de
l’élite hexagonale. Comment s’explique
dès lors une telle force de frappe ? A
titre d’exemple, BHL a eu droit mardi
soir à un passage -un « sonore »
selon le jargon audiovisuel- de
plus d’une minute dans le journal de
20h de France 2 afin
d’interpeller le président François
Hollande. Pourquoi une telle faveur ?
Mieux encore, le même jour, BHL s’est
vu déroulé le tapis rouge au Grand
Journal de Canal+ avant son
émission d’Arte et son
passage à « Ce soir ou jamais »
devant un Frédéric Taddeï complaisant et
un Christophe Ayad, journaliste du
Monde, d’ordinaire brillant mais
visiblement pétrifié de devoir apporter
la contradiction à un membre du conseil
de surveillance qui l’emploie. Rebelote
deux jours plus tard avec une invitation
dans l’émission culturelle de France
2 dénommée « Avant-premières »
: face à une Marie Colmant mielleuse et
un Christophe Ono-Dit-Biot passeur de
plat, BHL a encore disposé d’une longue
séquence pour son auto-promotion. Seul
le journaliste
Claude Askolovitch, plutôt froid en
comparaison de ses collègues, a su
garder une distance critique et un
questionnement déstabilisant. Et comme
si ce tour de piste ne suffisait pas,
BHL sera également l’invité de Laurent
Ruquier samedi soir, six mois après son
dernier passage à l’émission devant un
tandem Pulvar-Polony
particulièrement déférent.
Le
ferventcommunautarisme politico-religieux
de BHL est son affaire tant qu’il ne
déborde pas de la sphère privée.
Problème : l’homme semble confondre avec
allégresse la Cité et le royaume de ses
caprices. Au-delà des ravages causés par
sa
confusion judaïsme/sionisme et de la
soumission de ses relais médiatiques, il
est grand temps de chercher
rigoureusement à identifier et à nommer
les puissances solidaires de
Bernard-Henri Lévy. Au regard de la
prodigieuse et mystérieuse impunité dont
bénéficie l’affabulateur, le terme de
« puissances » pour désigner
les parrains de BHL semble encore bien
en-dessous de la réalité.
Publié le 3 juin
2012 avec l'aimable autorisation
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