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La double rhétorique de Nicolas Sarkozy
Hassane Zerrouky
Photo: Aujourd'hui le Maroc
Mardi 24 juin 2008
Israël . Plaidant le retour du processus de paix jusqu’à
demander le gel de la colonisation, le président français a
réitéré aussi, sous couvert d’antiterrorisme, ses menaces contre
Téhéran. Jérusalem, envoyé spécial
« Je suis venu renouveler solennellement », au nom du peuple
français, « l’amitié entre nos deux pays ». C’est ainsi que
Nicolas Sarkozy a entamé hier son discours devant les 120
députés de la Knesset. « Je serais un piètre ami d’Israël si je
ne disais pas la vérité comme on la doit à des amis », a-t-il
déclaré à propos de la question israélo-palestinienne. Si « le
peuple israélien a le droit de vivre en sécurité dans des
frontières reconnues », a-t-il souligné, le peuple palestinien a
également « le droit d’avoir un État et d’y exercer sa
souveraineté ».
Créer le mouvement de décolonisation
Aussi le président français a-t-il appelé à « l’arrêt total
et immédiat de la colonisation ». Et il a fait valoir qu’une
proposition existait, « soutenue par de nombreux membres de
votre Knesset, pour l’adoption d’une loi qui inciterait au
départ les colons de Cisjordanie, moyennant compensation et
relogement en Israël ». « Oui, il faut créer le mouvement »,
a-t-il lancé. Il précisait qu’« il ne peut y avoir de paix si
les Palestiniens sont empêchés de circuler, et tout simplement
de vivre sur leur territoire (…), sans que soit résolu le
problème des réfugiés palestiniens dans le respect de l’identité
et de la vocation d’Israël (…), sans la reconnaissance de
Jérusalem comme capitale de deux États et la garantie de la
liberté aux lieux saints pour toutes les religions (…), sans une
frontière négociée sur la base de la ligne de 1967 et des
échanges de territoire qui permettront de construire deux États
viables ».
Cette partie du discours du chef de l’État français a été peu
applaudie alors que tout le reste de son intervention avait été
maintes fois interrompu par les réactions enthousiastes des élus
israéliens. L’évocation de la tragédie et du martyr du peuple
juif, notamment sous le nazisme, ou encore de l’idéal qui
animait les fondateurs de l’État d’Israël ainsi qu’à la
contribution du judaïsme à la culture universelle, au progrès et
à la justice, ont été par contre fortement ovationnés. Tout comme l’envolée du président de la République estimant qu’il
n’existe « aucun autre État dans le monde dont l’existence même
fut dès le départ à ce point liée à l’affirmation d’un idéal de
justice et à une volonté de vivre en paix ».
Pour autant, faut-il croire ce marchand palestinien rencontré
dans la vieille ville affirmant que « tous disent la même
chose » quand ils sont reçus en Israël et cela n’empêche pas
l’État israélien de poursuivre la colonisation des territoires ?
Et de désigner d’un geste de la main à l’appui de ses dires les
chantiers de construction de milliers de logements encerclant
Jérusalem-Est et visant à couper la cité du reste de la
Cisjordanie.
Certes, les propos en faveur de la paix du chef de l’État
français apparaissent teintés de bon sens, avec une petite dose
de fausse naïveté, quand il fait mine de réduire le conflit
opposant Palestiniens et Israéliens à peu de chose, et qu’il
affirme qu'il suffirait en fin de compte de discuter, de faire
montre de bonne volonté, moyennant quelques concessions de part
et d’autre, pour parvenir à une vraie issue. Mais Nicolas
Sarkozy s’est bien gardé par ailleurs de pointer le rôle de
l’occupation en tant que tel et il n’a pas demandé qu’Israël
procède à un retrait de ses forces de Cisjordanie. Rien non plus
sur les violations au quotidien des droits de l’homme contre les
Palestiniens.
Référence à Annapolis
Et s’il a fait référence à « la dynamique de paix » relancée
à Annapolis, Nicolas Sarkozy n’a pas évoqué le plan arabe de
paix adopté à Djedda, en Arabie saoudite, préconisant la
restitution des territoires en contrepartie de la paix et d’une
normalisation des relations avec le monde arabe. Quant au statut
de « Jérusalem, capitale de deux États », la formule est pour le
moins ambiguë et laisse ouverte la porte à toutes les
interprétations… De manière générale, Nicolas Sarkozy est donc
resté dans le politiquement correct !
« Il n’a pas de projet alternatif, et quand on regarde de
plus près, il n’a rien proposé de révolutionnaire. Il reste dans
le cadre du plan d’Annapolis qui préconise un certain nombre
d’actes comme le gel de la colonisation pour relancer le
processus de paix. Qui plus est, la France n’est pas en position
de force dans une région où ce sont les États-Unis qui ont le
dernier mot », observe Ephraïm Davidi, membre de la direction du
Parti communiste israélien.
En clair, la rhétorique pacifiste que Paris veut entonner
pour mieux affirmer sa présence et celle de l’UE dans la région,
ainsi que le soutient l’entourage du président de la République,
risque de n’être qu’un feu de paille. En revanche, la partie du
discours présidentiel consacrée à la sécurité, sous couvert de
lutte contre le terrorisme, doit être prise beaucoup plus au
sérieux. Et le président français de se faire une nouvelle fois
très menaçant à l’égard de Téhéran : « Le programme nucléaire de
l’Iran appelle, a-t-il lancé, une réaction d’une extrême fermeté
(…), je le dis avec force : un Iran doté de l’arme nucléaire est
inacceptable pour la France. »
© Journal l'Humanité
Publié le 25 juin 2008 avec l'aimable autorisation de l'Humanité.
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