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Les pasdarans dans le collimateur
de Washington
Hassane Zerrouky

Gardiens de la révolution - ©AFP/archives
Behrouz Mehri
Vendredi 17 août 2007 Iran
. Ce corps d’élite de la République islamique, acteur
politique incontournable, est aussi un opérateur économique et
financier qui prend de plus en plus de poids.
Dans le bras de fer l’opposant sur la question du nucléaire,
avec en toile de fond le supposé soutien apporté aux insurgés
irakiens, les États-Unis ciblent cette fois-ci la colonne vertébrale
du régime iranien, les pasdarans (gardiens de la révolution).
L’inscription attendue par l’administration Bush de ce corps
d’élite iranien sur la liste des organisations terroristes au même
titre qu’al Qaeda ou le Djihad islamique palestinien, revient à
qualifier l’ensemble du régime iranien de « terroriste ».
Cette décision lourde de menaces s’explique par l’incapacité
de Washington de faire adopter par le Conseil de sécurité de
l’ONU une résolution lui ouvrant la possibilité de frappes
militaires contre Téhéran au cas où il n’abandonnerait pas
ses activités nucléaires dites « sensibles ».
En effet, les pasdarans, créés par l’ayatollah Khomeyni, ne
sont pas seulement un corps d’élite militaire ayant pour seule
mission la défense de la révolution islamique contre ses
« ennemis internes et externes ». À l’instar de
l’armée turque, cette force de frappe islamique est un acteur
incontournable de la vie politique iranienne mais aussi - cela
reste quelque peu méconnu - un acteur économique de poids.
Conception et réalisation
Sur le plan politique, les gardiens de la révolution, qui, au
niveau militaire, ont préséance sur l’armée régulière, ont
leur mot à dire sur la marche du pays : ils fournissent les
principaux cadres de la direction du pays. Les postes clés du
gouvernement - défense, intérieur, énergie mais aussi culture
et commerce - sont détenus par des hommes issus des pasdarans. Le
président, Ahmadinejad, ingénieur de formation, est issu de ce
corps d’élite. Sur le plan économique, les gardiens de la révolution
coiffent des entreprises actives dans divers domaines. Et ce
depuis qu’ils ont été chargés de reconstruire le pays après
la terrible guerre contre l’Irak (1980-1989). En effet, après
s’être limités à construire des routes, des barrages, des oléoducs,
les pasdarans ont élargi leurs domaines de compétence, passant
de la maîtrise d’oeuvre à la conception et la réalisation. Il
en est ainsi de l’industrie militaire, des hydrocarbures et de
l’énergie nucléaire. Pour ce faire, ils recrutent les
meilleurs diplômés des universités du pays, accordent des
bourses aux étudiants désireux de se perfectionner à l’étranger ;
et dans les contrats signés avec des entreprises étrangères, il
figure toujours une clause de formation et de transfert de
technologie.
Ce sont les entreprises dirigées par les pasdarans qui
fabriquent, sous licence, les missiles balistiques équipant
l’armée iranienne, de l’armement lourd et du matériel destiné
à l’aviation militaire. Sous la responsabilité du général
Abdolreza Abed, responsable des projets économiques, ils ont décroché
en mai 2006 un contrat de 1,3 milliard de dollars pour la
construction d’un gazoduc de 900 km entre Pars-Sud et la
province de Sistan-Balouchistan. Un mois plus tard, en juin, ils
ont obtenu un nouveau contrat de développement d’un montant de
plus de deux milliards de dollars pour la mise en valeur du champ
gazier de Pars-Sud.
Frapper le cœur du régime
En ciblant en particulier les pasdarans, et en décidant dans
un premier temps de geler les fonds des entreprises d’aviation
militaire et balistique dépendant de ce corps, Washington compte
ainsi frapper le coeur politico-militaire du régime iranien accusé,
non seulement d’être derrière le programme d’enrichissement
de l’énergie militaire, mais de soutenir les insurgés irakiens
et les taliban. Et ce bien que les pasdarans soient loin d’être
une organisation imperméable aux luttes d’influence sourdes qui
secouent le régime iranien, principalement entre les
conservateurs et les réformateurs.
© Journal l'Humanité
Publié le 19 août 2007 avec l'aimable autorisation de
l'Humanité.
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