|
Peace
Palestine
La
dialectique de la négation
Gilad Atzmon
Gilad Atzmon
on Peacepalestine.blogspot.com, 22 mai 2007
http://peacepalestine.blogspot.com/2007/05/gilad-atzmon-dialectic-of-negation.html
Les idéologues et les politistes entrent le
plus souvent en matière en définissant leur sujet. On présume
qu’ils sont parvenus à leurs conclusions via des processus
intellectuels de déduction et de recherche catégorique. Suivent
quelques citations (dévastatrices) révélant ce
que les premiers idéologues sionistes trouvaient à dire
au sujet de leurs frères, ceux pour qui ils mettaient sur pied un
projet nationaliste fondé sur une philosophie à base d’identité
ethnique raciste :
« Le juif est une caricature d’être
humain normal, naturel, tant physiquement que spirituellement. En
tant qu’individu vivant en société, il se rebelle et rejette
le harnais des obligations sociales, ne connaissant ni ordre, ni
discipline. » [Our Shomer « Weltanschauung », in
Hashomer Hatzair, décembre 1936, p. 26. Cité par Lenni Brenner
(cliquer ici : Lenni
Brenner )] ;
« Il est indéniable que les juifs,
pris collectivement, sont souffreteux et névrosés. Ces juifs
professionnels qui, se sentant visés, dénient cette vérité
avec indignation sont les pires ennemis de leur race, car ils les
conduisent, de cette manière, à rechercher de fausses solutions,
ou, dans le meilleur des cas, des palliatifs. » (Ben Frommer,
The Significance of a Jewish State, Jewish Call, Shanghai, mai
1935, cité par Lenni Brenner (cliquer ici : Lenni
Brenner )] ;
« L’esprit d’entreprise des juifs
est irrépressible. Ils refusent de rester des prolétaires. Ils
se saisissent de la première opportunité qui se présente pour
se hisser sur le barreau supérieur de l’échelle sociale. »
[The Economic Development of the Jewish People, Ber Borochov,
1916] ;
« Le juif émancipé est peu sûr dans
ses relations avec ses coreligionnaires, timide vis-à-vis des étrangers,
soupçonneux y compris en ce qui concerne les éventuels
sentiments intimes de ses amis. Ses capacités les plus étonnantes
sont épuisées dans l’occultation, ou au minimum dans la
dissimulation, de sa propre personnalité. Car il redoute que
cette personnalité puisse être identifiée comme juive, et il
n’éprouve jamais la moindre satisfaction à se montrer tel
qu’il est dans toutes ses pensées et dans tous ses sentiments.
Il devient une sorte de paralysé interne, extérieurement
inauthentique et, par conséquent, toujours ridicule et haineux
vis-à-vis de tous les hommes plus sûrs d’eux qu’il ne
l’est lui-même, comme attendu de la part de toute chose
inauthentique. Tous les juifs les plus brillants en Europe
occidentale geignent contre ce fardeau, ou recherchent un
soulagement. Ils ne possèdent plus la foi, seule à donner la
patience nécessaire pour supporter les souffrances, car ils
voient en elle la volonté d’un Dieu châtieur et non-aimant. »
[Discours de Max Nordau au Premier Congrès sioniste, 1897].
Les premiers idéologues sionistes n’y
allaient pas de main morte, quand il s’agissait de leurs frères
juifs vivant dans la diaspora. Ber Borochov a, ainsi, diagnostiqué
des tendances intrinsèquement juives à ne jamais appartenir au
prolétariat. Max Nordau n’était pas chiche de ses mots quand
il s’attaquait à l’asociabilité intrinsèque des juifs émancipés,
dont il était le témoin. Aux yeux du mouvement Hashomer Hatzair,
le juif de la diaspora n’est rien d’autre qu’une caricature
et, pour Ben Frommer, le juif de la diaspora est tout simplement
une névrose, objet de notre propos. Apparemment, les premiers
sionistes n’avaient pas froid aux yeux, quand ils discouraient
des conditions sociales de leurs frères. Pourtant, ils étaient
optimistes ; ils croyaient, en quelque sorte, qu’un
« nouveau départ » guérirait les juifs émancipés
de ce qui semblaient à d’aucuns un sort inévitable et
‘malheureux’. Ils croyaient en un ‘retour chez eux’ des
juifs du monde entier ; ils étaient convaincus qu’une
telle entreprise guérirait les juifs de leurs pathologies.
Dans un article publié juste après la tenue
du premier Congrès sioniste (en 1897), Ahad Ha’am, sans doute
le polémiste le plus en vue, à l’époque, écrivit : « …
ce Congrès signifiait ceci : afin d’échapper à tous ces
troubles (les symptômes de l’asociabilité juive décrits par
Nordau), il faut créer un Etat juif. »
Inspirés qu’ils étaient par les idéologies
du dix-neuvième siècle, telles que le nationalisme, le marxisme,
le préromantisme, le darwinisme et la philosophie vitaliste
(Leben Philosophie), les premiers sionistes prêchaient la remise
au goût du jour du lien entre le juif et son territoire. Naïvement,
ils pensaient que l’amour pour le travail à la ferme,
l’agriculture et la nature transformeraient le juif émancipé
en un être humain ordinaire. Les premiers sionistes prédirent
que le sionisme créerait une nouvelle forme, authentique, de judéité,
dans laquelle les juifs seraient à même de s’aimer eux-mêmes
tels qu’ils sont, et non tels qu’ils prétendent être. Tandis
que les socialistes, dans leurs rangs, évoquaient un engagement
renouvelé vis-à-vis de l’idéologie de la classe laborieuse (Berl
Kaznelson, Borochov, A.D. Gordon), les sionistes de droite (Jabotinsky,
Frommer) rêvaient d’une race dominante, qui finirait par émerger
et gouverner le ‘pays’.
Tant la droite que la gauche pensaient sincèrement
qu’en raison de leur ‘retour chez eux’, les juifs seraient
capables de substituer à leurs caractéristiques traditionnelles,
centrées sur l’exceptionnalisme, des aspirations à se fondre
dans la masse. Ils pensaient sincèrement que le sionisme
transformerait les juifs en « un peuple semblable à tous
les autres ».
Dans la même mesure où les premiers
sionistes n’avaient jamais cherché à dissimuler l’ampleur de
leurs rêves prophétiques, ils ne firent aucun effort non plus,
afin de cacher leur mépris pour leurs frères. Dans leur
fringale nouvelle de réveil national, les juifs allaient devoir
se débarrasser de leur rapacité et de leur recherche du gain pécuniaire,
ainsi que de leurs tendances cosmopolites. L’aspiration à Sion
avait pour fonction de palier au chiasme créé par l’émancipation.
L’installation à Sion devait donner naissance à l’homme
nouveau. A un juif se considérant lui-même avec fierté, à un
juif donnant à la judéité tout son sens. Un juif qui se caractérise
par des valeurs positives, et non plus par de simples négations.
La
dialectique de la négation
De la même façon que les choses peuvent être
définies par ce qu’elles sont, elles peuvent tout aussi bien être
définies par ce qu’elles ne sont pas. Autant une chose peut être
définie par les qualités positives d’être X, Y et Z, elle
peut aussi être définie par le fait qu’elle n’est ni V, ni
R, ni N. Autant mon ‘cousin’ peut être interprété comme le
fils de mon oncle ou de ma tante, autant il peut être défini par
une interminable liste de choses que cette personne, mon cousin,
n’est pas. Ainsi, mon cousin n’est pas : mon frère, ma sœur,
ma grand-mère, une pomme de terre, un avion, etc. De même,
autant un Allemand peut être défini par el fait qu’il est de
nationalité allemande, par le fait qu’il parle l’allemand et
qu’il mange des saucisses de Francfort au déjeuner, ce même
Allemand peut aisément être défini par l’interminable liste
des caractéristiques dont il est dépourvu. Ainsi, un Allemand
n’est ni Français, ni Anglais, il ne parle ni l’espagnol ni
le persan, il ne mange pas du hommos au déjeuner, il n’est pas
une pomme de terre et il est fort loin de pouvoir se vanter d’être
une maison en briques rouges.
Mais dès lors que c’est des juifs dont il
est question, les choses se compliquent. Si les juifs pratiquants
peuvent aisément décliner une liste de plusieurs qualités avec
lesquelles ils s’identifient, comme par exemple le fait d’être
des adeptes du judaïsme, de pratiquer les lois juives, de
respecter le Talmud, d’observer les interdits alimentaires spécifiques,
etc., les juifs laïcs émancipés ont bien peu à nous offrir, en
guise de caractéristiques positives auxquelles ils puissent
s’identifier. Quand vous demandez à un juif laïc ce qui fait
de lui un juif, vous entendrez ce qui suit : « Je
ne suis ni chrétien, ni musulman. » O.K. Très bien… Mais
qu’est-ce qui fait de vous un juif, et pas autre chose ?
Vous voyez, dira-t-il sans doute : « Je ne suis pas
exactement un Américain, un Français ou un Britannique…
D’une certaine manière, je suis différent. » En fait,
les juifs émancipés auraient bien du mal à décliner ne
serait-ce qu’une seule qualité positive susceptible de les
identifier en tant que juifs, alors, une liste… Apparemment, les
juifs émancipés s’identifient au moyen d’une négation. Ils
sont faits des innombrables choses qu’ils ne sont pas.
C’est précisément là où le sionisme est
intervenu. Il visait à impliquer les juifs dans un projet visant
à une identification authentique. Le sionisme entendait permettre
au juif de se décrire lui-même en termes de qualités
existantes. A l’intérieur de la réalité fantasmatique
sioniste, des générations d’immigrants avaient pour finalité
de déclarer : « Nous sommes les nouveaux juifs, nous
sommes Israéliens, nous sommes des êtres humains comme tout le
monde, nous vivons dans notre pays, dans le pays de nos ancêtres.
Nous parlons l’hébreu, la langue de nos ancêtres, nous
mangeons les fruits et les légumes que nous avons cultivés
nous-mêmes dans nos propres fermes. »
A l’évidence, le sionisme est un échec
total, dû à diverses raisons. Bien que les Israéliens parlent hébreu
et vivent sur une terre qu’ils associent à leur passé
collectif, le « juif nouveau » a été incapable de se
transformer en un authentique humaniste. Israël est une société
capitaliste urbaine, qui maintient son existence aux dépens
d’autres que lui-même. Le lien avec la terre et la nature
n’y tient pas très longtemps le coup. Comme si cela ne
suffisait déjà pas, les Israéliens ne réussissent pas vraiment
à divorcer d’avec la dialectique de la négation. Israël
n’est jamais devenu l’Etat de ses citoyens. C’est toujours
un Etat raciste, qui recourt à des lois d’immigration à
fondement raciste.
De fait, le sionisme n’a jamais réussi à
s’imposer. Il est entaché de ses péchés originels
colonialistes. Pourtant, aussi grande qu’ait été la rapidité
avec laquelle le sionisme s’est concrétisé sous sa forme de
praxis criminelle, autant certaines de ses critiques à l’égard
de l’identité juive émancipée diasporique valent le coup d’être
examinées de plus près. A la fin du compte, les juifs soi-disant
émancipés de la diaspora continuent à se définir par la négative,
et ce fait, à lui seul, a des conséquences extrêmement graves.
La
politique de la négation
La « dialectique de la négation »
a le mérite de mettre en lumière la réalité meurtrière
instaurée par les Wolfowitz, les Perle et autres fomentateurs de
guerre émancipés, tel l’American Jewish Committee, qui est en
train de faire un lobbying d’enfer en vue d’une guerre contre
l’Iran. Il n’est pas vraiment surprenant que tant en Amérique
qu’en Grande-Bretagne, ce soient principalement des lobbies
sionistes qui aient prôné avec enthousiasme la guerre contre
l’Irak. Au nom de la « démocratie », du Coca-Cola
et des « droits de l’homme », les lobbies israéliens
faisaient la promotion (et continuent à la faire) des châtiments
infligés à tel ou tel pays, après tel autre.
En ce qui concerne l’idéologie néocon récemment
apparue, nous sommes apparemment en train de passer d’un
discours sur la « terre promise » à un discours sur
la « planète promise ».
Mais les Néocons sont-ils les seuls
coupables, en l’occurrence ? En fin de compte, les Néocons
ne sont pas très éloignés de leurs parents bundistes…
Je propose que nous prenions le temps de réfléchir,
et de nous demander ce que signifie l’identité juive
diasporique, au 21ème siècle ? Nous devrions
plutôt chercher vérifier si la notion d’identité juive émancipée
a changé en quoi que ce soit, depuis que les premiers sionistes
en ont posé la problématique, voici plus d’un siècle. Nous
devrions, par exemple, nous demander si un « juif marxiste »
fait finalement un quelconque lien avec sa judéité ? Durant
les années que j’ai passées en Europe, j’ai rencontré des
groupes de personnes se qualifiant de « Juifs pour la Paix »,
« Juifs pour la Palestine », « Juifs pour
tata-ti » et « Juifs pour tata-ta ». Tout récemment,
j’ai entendu parler de « Juifs favorables au boycott des
produits israéliens ». A l’occasion, je finis par me
demander ce qu’il peut bien y avoir, au centre de cet
enthousiasme pacifiste séparatiste et raciste ? Autant
reconnaître que bien que j’aie rencontré de nombreux
pacifistes allemands, je ne suis jamais tombé sur une association
des Aryens pour la Solidarité avec la Palestine, ni même sur des
militants anti-guerre caucasiens… Ce sont les juifs, et
seulement les juifs, qui, d’une certaine manière, se lancent
dans des campagnes pacifistes marquées au coin du racisme.
Aussi effrayant cela puisse sembler, Borochov
et Nordau nous avait fourni la réponse à cette interrogation. En
recherchant une « identité politique », le juif émancipé
finit par succomber lui-même à la dialectique de la négation.
Son identité politique se définit par ce qu’il n’est pas, et
non pas par ce qu’il est. Unis, en tant que groupe, ils ne sont
pas Allemands, ils ne sont pas Britanniques, ils ne sont pas
aryens, ils ne sont pas musulmans, ils ne sont pas de simples
prolos, ils n’appartiennent pas à la classe laborieuse au sens
commun de ce terme. Ils sont juifs, parce qu’ils ne sont pas
autre chose. A première vue, être défini par une négation ne
semble pas poser de problème particulier. Pourtant, un examen
critique plus approfondi de la notion de négation nous permettra
de mettre en évidence certains aspects dévastateurs de cette
forme de dialectique émancipée.
La pensée éthique est sans doute la première
victime de la dialectique de la négation. Pour penser moralement,
authentiquement, sincèrement, la pensée organique est
essentielle. D’après l’impératif catégorique de Kant, un être
moral agit « uniquement d’après cette maxime dont il
pourrait, concomitamment, vouloir qu’elle devînt une loi
universelle ». Autrement dit : Kant identifie la pensée
morale à une orientation positive, authentique, sincère, qui
incite le sujet à une introspection à la recherche d’une
vision universelle. Clairement, un processus d’une nature telle
implique une introspection poussée. La négation, au contraire,
requiert le contraire ; elle implique le furetage et la
fouille de la praxis d’autrui. Encore une fois, loin de chercher
à comprendre qui il est, le sujet défini négativement installe
des relations avec son environnement fondées sur un processus de
décision [purement] pratique et pragmatique. Dans le meilleur des
cas, il peut donner à voir une prétention de pensée éthique,
mais rien de plus.
Les premiers sionistes étaient suffisamment
critiques pour dénoncer les caractéristiques amorales fréquentes
chez leurs coreligionnaires. Le sionisme avait pour but d’ériger
un nouveau juif éthique, un être authentiquement moral.
Pourtant, cette prémisse était faussée, dès l’origine. Les
sionistes voulaient faire des juifs « des gens comme les
autres ». Dans une certaine mesure, ils attendaient des
juifs qu’ils se fassent les porteurs de la prétention d’être
des gens semblables aux autres. L’échec du rêve sioniste a
rendu évident que même le juif nouveau, le sioniste, ne saurait
produire une authentique pensée éthique. Tout au plus, ils ont
l’air éthique, bien loin de devenir éthiquement orientés.
Aussi effrayant cela puisse-t-il être,
l’examen de la ‘hasbara’ israélienne [le bourrage de crâne,
ndt] et des politiques ziocon dans le monde entier et en
particulier en Amérique et au Royaume-Uni révèle la vérité amère
inhérente à cette question. Les ziocons et la hasbara mettent en
permanence en avant des arguments du type « éthicoïde ».
Ils sont prêts à recourir à n’importe quel prétexte
apparemment moral pour déclencher leurs destructions et leurs
carnages. Comme nous le savons, l’ « unique démocratie
au Moyen-Orient » est aussi le seul pays à affamer des
millions de Palestiniens dans de véritables camps de
concentration, depuis des décennies. De même, les Wolfowitz et
autre Perle ont entraîné l’Amérique et l’Angleterre dans
une guerre criminelle futile contre l’Irak, au nom de la
« démocratie », des « droits de l’homme »
et du « libéralisme ». Manifestement, les
Palestiniens et les Irakiens sont des victimes de la politique de
la négation. Mais ce ne sont pas les seuls. Un sujet occidental
diffamé du crime de génocide est, de la même manière, une
victime du glissement de l’Occident vers la politique de la négation.
Plutôt que de nous définir en fonction de qui nous sommes réellement,
nous sommes en train de nous habituer à ce que nos responsables
politiques nous définissent en fonction de qui nous haïssons (ou
de qui nous sommes supposés haïr : le rouge, l’ « axe
du mal », les islamofascistes, etc.)
Plus effrayant encore est le fait que les
gens qui succombent à la dialectique de la négation sont
incapables d’engager un processus de paix et de réconciliation.
La raison en est simple : la notion de paix risque d’entraîner
un collapsus du mécanisme de la négation. Du point de vue de la
négation, réconciliation signifie élimination. Le fait
d’aimer vos voisins peut vous conduire à perdre votre propre
identité. Comme l’ont remarqué les premiers sionistes, la
condition de l’émancipation a projeté le juif occidental dans
une crise d’identité très complexe. Faire la paix avec
l’humanité signifierait (pour eux) perdre leur identité juive.
Inutile de préciser qu’au cours des siècles passés, des
millions de juifs européens et américains ont opté pour la paix
et l’assimilation. Ils ont divorcé d’avec leur identité
juive et ils se sont fondus dans la foule. Pourtant, ceux qui
persistent à voir dans la négation une modalité de
l’identification sont ceux qui rejettent de manière inhérente
et catégorique la notion de paix. Très regrettablement, ils le
font très souvent précisément au nom de la paix…
Plus intéressant, sans doute, est le fait
que l’identité juive émancipée définie par la négation
puisse nous aider à comprendre pourquoi ces juifs émancipés réussissent
si souvent à s’installer confortablement dans les campagnes
politiques et au sein des mouvements révolutionnaires : ils
sont en permanence contre quelque chose. Que ce soit la
bourgeoisie, le capital, le colonialisme, l’Islam, les
violations des droits de l’homme, le révisionnisme historique,
le sionisme, etc… etc…. Apparemment, le voyage entre la
« dialectique de la négation » et la « politique
de la haine » est particulièrement court !...
La négation
et le discours inhérent à la solidarité avec la Palestine
Etre un juif émancipé, c’est se définir
par la négation. Et c’est ce fait en soi qui peut expliquer la
raison pour laquelle le discours intellectuel de solidarité avec
la Palestine est saturé de contributeurs juifs émancipés. Il ne
manque pas de juifs dénonçant le crime sioniste. Pourtant, en
raison de leur enthousiasme laïc émancipé, on a parfois
l’impression que le discours palestinien est devenu un débat
interne juif.
La raison en est simple : la négation
du sionisme est une raison amplement suffisante pour camper une
puissante identité politique juive. Si cela peut expliquer la
raison pour laquelle les juifs sont tellement impliqués dans le
mouvement de solidarité avec la Palestine, cela peut de surcroît
expliquer pourquoi le mouvement de solidarité avec les
Palestiniens n’a jamais réussi à devenir un mouvement de
masse, au plan mondial. Manifestement, les gens impatients d’adhérer
à une synagogue libérale ne courent pas les rues !
Apparemment, bien que la lutte contre le sionisme convienne à
quelques juifs honnêtes, car cela satisfait à leurs besoins
personnels et politiques, les Palestiniens ont été les derniers
à bénéficier de l’éveil moral des juifs…
Toutefois, je suis le dernier à dire que les
juifs ne devraient pas avoir voix au chapitre au sein du mouvement
de solidarité avec les Palestiniens. Il est de fait que des juifs
honnêtes, dans le monde entier, sont hautement motivés à aider
les Palestiniens. Etant donné l’étendue et la gravité des
crimes perpétrés par l’Etat juif, cela n’est que justice.
Pourtant, les juifs émancipés doivent prendre conscience de leur
rôle au sein de ce mouvement. Les juifs émancipés doivent
apprendre à faire le distinguo entre leurs propres intérêts
politiques égocentriques et la cause palestinienne, qui est en
passe de devenir une notion extrêmement dynamique, saturée de
complexité. Je pense vraiment que les juifs rendraient un service
signalé au mouvement de solidarité en lui lâchant les baskets
et en le laissant sortir du Ghetto.
Cela me rappelle une vieille blague juive :
Question : Quelle est la différence
entre un chien et une mère juive ?
Réponse : Le chien finit par lâcher
son nonos, tôt ou tard !
Il est temps, pour les juifs émancipés
aimant la paix de suivre l’exemple du clébard plutôt que celui
de leur môman : ils doivent lâcher le morceau ! Je
suggère l’idée que, pour un juif, combattre le sionisme,
c’est tourner le dos à la judéité et faire la paix avec
l’humanité. Combattre le sionisme, c’est démontrer que
Nordau, Frommer et Borochov étaient totalement à côté de la
plaque. Non, le juif n’est pas timide. La preuve : il est
capable de regarder en face le mal qui est en lui.
Pour un juif, combattre le sionisme, c’est
déménager de Jérusalem à Athènes, c’est rejoindre la
commune humanité et laisser choir la politique de la négation.
Traduit de
l’anglais par Marcel Charbonnier
|