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Juifs, judaïsme et judaïté
Gilad Atzmon


Mercredi 15 décembre 2010

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Dès lors qu’Israël se définit en tant que «l’Etat juif », nous sommes fondés à considérer ce que signifie le mot « juif ». 

J’ai personnellement tendance à opérer un distinguo entre trois catégories distinctes (même si elles peuvent parfois introduire une certaine confusion) :

1) les juifs, des gens ;
2) le judaïsme, une religion ;
3) la judaïté, une idéologie.

Au cours de mes études consacrées au sionisme, à la politique juive, à la politique identitaire juive et à la culture juive, je suis parvenu à éviter de m’empêtrer dans la complexité inhérente à la première de ces trois catégories ; je ne m’adresse pas aux juifs en tant que race ou qu’ethnicité. Généralement, j’évite aussi de traiter du judaïsme (la religion). De fait, je reconnais moi-même le premier que le seul collectif juif à soutenir les Palestiniens est celui qui est formé par certains des groupes constituant le courant des juifs de la Torah. Le fait que ces groupes soutiennent l’autodétermination et l’autonomie des Palestiniens prouve d’abondance que certains aspects du judaïsme religieux peuvent être perçus comme amplifiant certains préceptes éthiques.

En revanche, je suis extrêmement critique envers ce que je considère être une « idéologie juive », et je suis tout aussi opposé à ce que je considère être une « politique identitaire juive.

L’« idéologie juive », fondamentalement, c’est un alliage d’arguments exclusivistes racialement connotés. Elle est alimentée par des assomptions au sujet d’on ne sait trop quel suprématisme ‘ethno’-centré et d’idées telles que l’« élection ». Etant un positionnement tribal, l’idéologie juive défie l’égalité. Elle s’oppose aussi à l’universalisme. Les adeptes de cette idéologie ont tendance à croire qu’ils sont quelque part différents, et même meilleurs (choisis) que les non-juifs. Et le plus gros de l’activisme politique juif consiste en une formulation et en l’expression d’un club exclusiviste tribal qui exige que l’on produise une carte d’accès délivrée aux seuls juifs.

Il est important de noter que l’idéologie juive et le sionisme ne sont pas totalement identiques entre eux. De fait, le sionisme devrait être vu simplement comme une manifestation parmi d’autres de l’idéologie juive. Bien qu’Israël soit le fruit du projet sioniste, il est vital de prendre conscience du fait que ce n’est pas le sionisme qui guiderait la politique juive ou l’idéologie juive. De fait, le sionisme est dans une large mesure un discours inhérent à la diaspora juive.

Alors que le sionisme des origines se présentait comme une promesse de « résorber la Galut (la diaspora) » en « transformant » le juif diasporique en un être humain « authentiquement civilisé », il est fondamental de rappeler que les dernières générations d’Israéliens sont nées en Sion (Palestine) et qu’elles n’ont pas, de ce fait même, été formatées par les idéologies sionistes. D’un point de vue sioniste, l’Israélien moderne est, dès lors, un sujet « postrévolutionnaire ». Et, de fait, j’ai moi-même, parmi des millions d’autres Israéliens, intégré l’armée israélienne parce que nous étions des juifs – et non pas parce que nous aurions été sionistes.

Toutefois, les Israéliens sont bel et bien régis par ce que j’appelle l’idéologie juive. Ils pratiquent et produisent un certain nombre de mesures qui n’ont d’autre fin que de pérenniser l’exclusivité juive sur la terre. Lorsque 94 % des Israéliens soutenait les tactiques criminelles de « Tsahal » à l’encontre des habitants de la bande de Gaza, à l’époque de l’Opération Plomb Durci, ce n’était pas le sionisme qui les motivait. C’était l’absence totale d’empathie envers d’autres êtres humains. C’était la cécité à l’existence d’autres (de non-juifs, ndt). C’était le suprématisme et le chauvinisme, autrement dit, c’était la plus atroce des manifestations homicides de leur (prétendue) élection.

La quasi-totalité des aspects de la politique israélienne, qu’il s’agisse du « désengagement unilatéral » ou de l’exigence de la prestation du serment d’allégeance, peut être comprise comme une tentative de projeter et de protéger l’exclusivisme juif sur la terre (en lieu et place d’essayer de résoudre la question de la Galut).

Vous aurez sans doute remarqué que je ne réfère jamais aux juifs en tant que groupe ethnique ou racial ; je ne dirige pas non plus ma critique contre le judaïsme, cette religion. Et même si des juifs peuvent effectivement s’adonner à ce que je définis comme l’ « idéologie juive » (ce que beaucoup d’entre eux font), il est important de garder présent à l’esprit le fait qu’ils peuvent aussi en être les ennemis les plus virulents ; les exemples évidents de ce phénomène étant Jésus, Spinoza et Marx, auxquels il est loisible de joindre des Israéliens tels qu’Israel Shahak, Gideon Levy et d’autres. Il est également pertinent de mentionner que certains pionniers du sionisme, comme Nordau et Borochov, étaient aussi des détracteurs impitoyables de l’idéologie juive et de la culture juive. Pour eux, le sionisme était une tentative nécessaire d’amender les juifs. Ils étaient convaincus qu’une fois installés sur leur (fameuse) « terre promise », ce qui avait été jusqu’alors perçu comme des « tendances juives » (à l’instar des « inclinations non-productives ») disparaîtrait.

Il devrait être évident pour tout le monde que je soutiens à fond les idées universalistes et éthiques qui sont associées à l’UED (Unique Etat Démocratique) et à l’ETSC (Etat de tous ses citoyens). Je serais également le premier à soutenir et à explorer toute forme de réconciliation entre la population indigène du pays (les Palestiniens) et les nouveaux venus (les Israéliens).

Mais je pense qu’afin qu’une quelconque discussion viable et intelligible s’instaure, nous devons assurément être en mesure d’explorer en toute liberté la véritable nature de l’idéologie qui préside à l’Etat juif et à la politique juive dans le monde entier.

Il nous faut trouver le moyen d’être en mesure de reconnaître que le discours idéologique, politique et culturel juif est un discours tribal. Ce discours est étranger à l’universalisme et aux idées de véritable égalité. Nous devons aussi prendre conscience du fait que la notion israélienne du ‘shalom’ (paix) est interprétée par les Israéliens comme « la sécurité pour les juifs », en lieu et place de la réconciliation.

Tant que nous n’aurons pas le courage de nous colleter à ces problématiques et d’en débattre librement, le mouvement pro-palestinien restera empêtré dans un discours futile très proche de l’auto-complaisance.

Gilad Atzmon

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Traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier

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Source et traduction : Marcel Charbonnier


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