par Gilad Atzmon, 14 juillet 2009
http://www.counterpunch.org/atzmon07102009.html
http://palestinethinktank.com/2009/07/14/gilad-atzmon-thinking-out-of-the-secular-box-the-left-and-islam/
« La religion est le
soupir de l’être opprimé ; c’est le cœur d’un monde dépourvu de
cœur, c’est l’âme de ceux qui connaissent des conditions sans
âme. C’est la cocaïne des gens du peuple » - Karl Marx
(1843)
Avant de me lancer dans un exposé du
traitement trompeur que les progressistes et les gens de gauche
font subir aux religions, et en particulier quand ils se
targuent de parler de l’Islam et de la Palestine, j’aimerais
vous faire partager une très mauvaise blague raciste.
Attention : vous ne serez peut-être pas enclins à partager cette
petite histoire avec vos amies féministes… :
Une militante américaine, qui s’était
rendue en Afghanistan, à la fin des années 1990, avait été
bouleversée de constater que les femmes, dans les rues de ce
pays, marchaient derrière leur mari, à une distance d’environ
quatre mètres. Elle ne tarda pas à apprendre, de la part de son
interprète indigène, que cela était dû à certains manuels
religieux qui stipulaient que telle est la manière dont on fait
preuve de respect pour le « chef de famille ».
Une fois rentrée en Amérique, notre
militante ulcérée lança campagne sur campagne en défense des
droits des femmes afghanes. Or, il se trouve que cette même
militante dévouée s’est rendue à nouveau à Kaboul, le mois
passé. Cette fois-ci, elle a été stupéfaite de constater une
réalité entièrement différente. De fait, les femmes
déambulaient, non plus derrière leur mari, mais DEVANT, et à
huit mètres de distance ! Notre activiste fit immédiatement un
rapport à son QG, en Amérique : « La révolution des Femmes bat
son plein, ici, en Afghanistan, accumulant victoire sur
victoire ! Alors qu’auparavant, c’était les hommes qui
marchaient devant, aujourd’hui, ce sont les femmes qui ouvrent
la marche ! » Son interprète afghan, ayant eu vent de son
rapport, s’adressa à la militante américaine en aparté, et il
lui fit comprendre non sans ménagements que son interprétation
était totalement erronée :
« Si ce sont les femmes qui marchent
devant», lui expliqua-t-il, « c’est à cause des mines… »
Aussi tragique cela puisse paraître à
certains, nous ne sommes pas aussi libres que nous pouvons le
penser. Nous ne sommes pas exactement les auteurs de la plupart
de nos pensées et de nos prises de conscience. Nos conditions
humaines nous sont imposées ; nous sommes le produit de notre
culture, de notre langue, de notre endoctrinement idéologique
et, dans bien des cas, nous sommes les victimes de notre paresse
intellectuelle. Comme la militante féministe américaine
semi-fictionnelle évoquée plus haut, nous sommes, dans la
plupart des cas, prisonniers de nos idées préconçues, et cela
nous empêche de voir les choses pour ce qu’elles sont
réellement. Partant, nous avons tendance à interpréter (et, dans
la plupart des cas, à mésinterpréter) des cultures éloignées de
la nôtre en employant notre propre système de valeurs et notre
propre code éthique.
Cette tendance a de graves conséquences.
Pour quelque raison, « nous » (les Occidentaux), nous avons
tendance à croire que « notre » supériorité technologique,
alliée à nos « Lumières » bien-aimées nous munissent d’un
« système rationnel séculier anthropocentrique d’une éthique
absolue », dont la position morale serait insurpassable.
La
gauche progressiste
En Occident, nous pouvons détecter deux
composantes idéologiques qui se font concurrence pour conquérir
nos cœurs et nos esprits ; toutes deux affirment savoir ce qui
est « faux » et ce qui est « vrai », ce qui est « bien » et ce
qui est « mal ». Le Libéral aura tendance à insister sur le
dithyrambe de la liberté individuelle et de l’égalité civique ;
l’homme de gauche aura tendance, quant à lui, à être persuadé
qu’il détient un outil « social scientifique » qui lui permet
d’identifier qui est « progressiste » et qui est
« réactionnaire ».
Les choses étant ce qu’elles sont, ce sont
ces deux préceptes modernistes sécularistes qui jouent pour nous
le rôle de gardiens de la vertu politico-morale occidentale.
Mais en réalité, ce qu’ils ont réussi à faire, c’est exactement
le contraire. Chaque idéologie, de sa manière particulière, nous
a entraînés dans un état de cécité morale. Ce sont ces deux
appels soi-disant « humanistes » qui, pour l’un (celui des
Libéraux) a préparé consciencieusement le terrain à des guerres
interventionnistes criminelles et, pour l’autre (celui de la
gauche) a été incapable de s’y opposer, du fait même qu’il a eu
recours à des idéologies erronées et à des arguments ineptes.
Tant les libéraux que les gens de gauche,
sous leurs formes occidentales apparemment banales, suggèrent
que le sécularisme est la réponse souveraine aux malheurs du
monde. Sans aucun doute, le sécularisme occidental peut
effectivement être un remède pour un certain malaise social
occidental. Toutefois, les idéologies occidentales, libérale et
de gauche, dans la plupart des cas, sont incapables de
comprendre que le sécularisme est, en lui-même, un avatar
naturel de la culture chrétienne, c’est-à-dire un produit direct
de la tradition chrétienne, qui se caractérise par son ouverture
vis-à-vis d’une existence civique indépendante. En Occident, la
sphère spirituelle et la sphère sociale et civile sont très
largement distinctes [1]. C’est cette division même qui a permis
l’ascension du sécularisme et du discours rationnel. C’est cette
distinction même qui a conduit, aussi, à la naissance d’un
système de valeurs éthiques séculier, dans l’esprit des Lumières
et du modernisme.
Mais c’est aussi cette séparation elle-même
qui a conduit à l’apparition de certaines formes grossières de
sécularisme fondamentaliste, qui ont mûri et se sont
transformées en des visions du monde antireligieuses qui ont
amené l’Occident à ignorer totalement un milliard d’êtres
humains au simple motif qu’ils portent des écharpes qui ne nous
reviennent pas ou qu’ils croient en quelque chose que nous
sommes infoutus de piger.
Progressiste VS Régressif-réactionnaire
A la différence du christianisme, l’Islam
et le judaïsme sont des systèmes de croyance dont l’orientation
est tribale. Plutôt que dans un « individualisme éclairé »,
c’est, de fait, dans la survie de la famille étendue que se
situe l’intérêt essentiel de ces deux systèmes de croyance. Les
Talibans, qui sont considérés, par la plupart des Occidentaux,
comme ce qui se fait de pire en matière d’obscurantisme
politique, ne sont, tout simplement, pas le moins du monde
concernés par des questions ayant trait aux libertés
individuelles ou aux droits de la personne. C’est la sécurité de
la tribu, alliée au maintien des valeurs familiales, à la
lumière du Qur’ân qui en constitue le noyau. Le judaïsme
rabbinique ne diffère en rien de l’Islam, dont il partage les
caractéristiques. Fondamentalement, sa mission est de protéger
la tribu juive en perpétuant le judaïsme en tant que « mode de
vie ».
Tant en Islam que dans le judaïsme, il n’y
a pratiquement aucune séparation entre le spirituel et le civil.
Les deux religions sont des systèmes qui apportent des réponses
exhaustives en termes de problématiques spirituelles, civiles,
culturelles et quotidiennes. Les Lumières juives (Hakalah)
furent dans une grande mesure un processus d’assimilation juive
au travers de la sécularisation et de l’émancipation, ainsi que
de la diffusion de formes modernes très variées d’identités
juives, au nombre desquelles figure le sionisme. Pourtant, les
valeurs d’universalisme, propres aux Lumières, n’ont jamais été
intégrées au corpus de l’orthodoxie juive. Comme dans le cas du
judaïsme rabbinique, qui est totalement étranger à l’esprit des
Lumières, l’Islam est très largement étranger à ces valeurs
euro-centriques que sont le modernisme et la rationalité. Ne
serait-ce qu’en raison de l’interprétation qu’ils font des
Ecritures (l’herméneutique), tant l’Islam que le judaïsme sont,
de fait, beaucoup plus proches de l’état d’esprit postmoderne
[2].
Ni l’idéologie de gauche, ni le libéralisme
ne pratiquent le moindre dialogue intellectuel ou politique avec
ces deux religions. C’est là une réalité désastreuse, car la
plus grave menace qui pèse aujourd’hui sur la paix mondiale est
celle du conflit israélo-arabe, un conflit qui est en train de
devenir à grande vitesse une guerre entre un Etat juif
expansionniste et une résistance islamique. Néanmoins, tant
l’idéologie libérale que l’idéologie de gauche sont dépourvues
des moyens théoriques indispensables qui leur permettraient de
comprendre les subtilités inhérentes à l’Islam et au judaïsme.
Le Libéral va vous rejeter l’Islam, le
qualifiant de sinistre, en raison de son approche des droits de
l’homme et des droits des femmes, en particulier. La gauche va
vous tomber dans le piège consistant à dénoncer la religion, de
manière générale, en condamnant sa nature intrinsèquement
« réactionnaire ». Sans doute sans en avoir conscience, tant les
libéraux que les gens de gauche succombent, en cela, à un
argument manifestement suprématiste. L’Islam et le judaïsme
étant plus que simplement deux religions, et étant donné qu’ils
véhiculent un « mode de vie » et qu’ils jouent le rôle de
réponse totalement exhaustive à des questions relatives à
l’être-au-monde, les libéraux et la gauche occidentaux encourent
le danger d’ignorer totalement un large secteur de l’humanité
[3]. Récemment, j’ai été amené à accuser un homme
authentiquement de gauche, qui est également un bon militant,
d’islamophobie, parce qu’il avait accusé le Hamas d’être
« réactionnaire ».
Ce militant, qui est manifestement un
authentique sympathisant de la résistance palestinienne, se
défendit prestement en affirmant que ce n’était pas seulement
l’ « islamisme », qui lui sortait par les trous de nez, mais
qu’en réalité, il haïssait tout autant le christianisme et le
judaïsme. Pour quelque raison, il était certain que le fait de
haïr également toutes les religions était le bon moyen de
remporter son certificat d’humanisme. En conséquence, le fait
qu’un islamophobe soit aussi un judéophobe et un christianophobe
n’est pas nécessairement une preuve d’engagement humaniste. J’ai
continué à défier cet excellent homme ; il a alors argué du fait
que c’était en réalité l’islamisme (comprendre : l’Islam
politique) qu’il désapprouvait. Je l’ai à nouveau défié,
attirant son attention sur le fait que dans l’Islam, il n’existe
pas de réelle séparation entre le spirituel et le politique.
D’ailleurs, la notion d’Islam politique
(islamisme) pourrait fort bien être une lecture occidentale
délibérément trompeuse de l’Islam. J’ai fait observer que
l’Islam politique, et même la mise en pratique, rare, du « jihâd
armé », ne sont rien d’autre que l’Islam agissant.
Malheureusement, ce fut, plus ou moins, ce qui mit un terme à
notre discussion.
Le militant pro-palestinien a sans doute
trouvé trop difficile d’admettre l’unité du corps et de l’âme,
propre à l’Islam. La Gauche, de manière générale, est condamnée
à échouer, en cela, tant qu’elle ne progressera pas, en
écoutant, dans sa compréhension du lien organique, propre à
l’Islam, entre le monde « matériel » et le soi-disant « opium du
peuple ». Or, le fait de franchir ce pas représente, pour un
homme de gauche, rien de moins qu’un saut intellectuel majeur.
Un tel saut intellectuel a été suggéré, il y a peu, par le
marxiste jordanien indépendant
Hisham Bustani, lequel a déclaré :
« La gauche européenne doit procéder à une
évaluation critique très sérieuse de son attitude « nous en
savons plus que les autres », ainsi que de la manière dont elle
a tendance à considérer idéologiquement et politiquement
inférieures les forces populaires des pays du Sud ».
La
Palestine
La militance en solidarité avec la
Palestine est une excellente opportunité de passer en revue la
gravité de la situation. L’on peut constater qu’en dépit du
traitement meurtrier que les Israéliens infligent aux
Palestiniens, la solidarité avec les Palestiniens n’a toujours
pas acquis l’ampleur d’un mouvement de masse. Elle risque fort
de ne jamais réussir à acquérir cette ampleur. Etant donné
l’échec de l’Occident à soutenir les droits des opprimés, les
Palestiniens semblent avoir retenu la leçon : ils ont
démocratiquement élu un parti islamique qui leur avait promis de
résister. De manière très significative, il y eut extrêmement
peu de gens de gauche pour soutenir le peuple palestinien dans
son choix démocratique.
Dans les dispositions actuelles, qui sont
celles d’une solidarité politiquement conditionnée, nous sommes
en train de perdre des militants à chaque tournant de cette
route cahoteuse. En voici les raisons :
1) Le mouvement palestinien de libération
nationale est fondamentalement un mouvement de libération
nationale :
cette prise de conscience
nous fait perdre tous les gens de gauche tenants du
cosmopolitisme, c’est-à-dire tous ceux qui rejettent le
nationalisme, quel qu’il soit ;
2) En raison de l’ascension politique du
Hamas, la Résistance palestinienne est désormais perçue comme
une résistance islamique :
là, nous perdons les
laïcistes et les athées rabiques, qui vomissent la religion, ce
qui les envoie valdinguer dans la catégorie des PEP
(Progressistes, Excepté en ce qui concerne la Palestine)
[4] ;
De fait, les PEP se subdivisent en deux sous-groupes :
Les
PEP-1 (les
pépins ! ah-ah-ah !, ndt) : ce sont ceux qui sont contre le
Hamas au motif qu’il serait « réactionnaire ». Néanmoins, ils
approuvent le Hamas, en raison de ses succès opérationnels, en
tant que mouvement de Résistance. Fondamentalement, ces
militants attendent des Palestiniens qu’ils changent d’esprit et
qu’ils deviennent les adeptes d’une société séculière. Mais ils
sont prêts à soutenir les Palestiniens, à certaines conditions
(les leurs), en tant que peuple opprimé… ;
Les
PEP-2 :
ce sont ceux qui sont contre le Hamas au motif qu’il
s’agirait d’un mouvement « réactionnaire », et qui, de surcroît,
en rejettent jusqu’aux succès sur le terrain. Ceux-là
n’attendent rien de moins que la révolution mondiale… Ils
préfèrent laisser mariner les Palestiniens, pour l’instant,
comme si Gaza était une villégiature en bord de mer.
Avec l’évaporation rapide de ces forces de
la solidarité, nous nous retrouvons avec un mouvement de
solidarité avec les Palestiniens miniature, doté d’un pouvoir
intellectuel (occidental) pitoyablement limité, et encore moins
capable d’une quelconque efficacité au niveau de la base. Cette
situation tragique a été dénoncée, récemment, par
Nadine Rosa-Rosso, une marxiste indépendante vivant à
Bruxelles. Elle écrit : « L’immense majorité de la gauche,
communistes compris, est d’accord pour soutenir la population de
Gaza contre l’agression israélienne, mais refuse d’en soutenir
les expressions politiques, notamment le Hamas, en Palestine, et
le Hezbollah, au Liban. »
Cela amène Nadine Rosa-Rosso à se demander
« pourquoi la gauche et l’extrême-gauche mobilisent-elles aussi
peu de gens ? Et, disons-le carrément, soyons clairs : la gauche
et l’extrême-gauche sont-elles encore capables de mobiliser, sur
ces questions ? »
Où
allons-nous, comme çà ?
« Si
le soutien qu’apporte la gauche aux droits de l’homme en
Palestine est conditionné et dépendant de la dénonciation, par
les Palestiniens, de leur religion et de leurs croyances
idéologiques, de leur héritage culturel et de leurs traditions
sociales, et de l’adoption, par les mêmes Palestiniens, d’un
nouveau panel de croyances, de valeurs aliènes et de
comportements sociaux convenant à ce que la culture de ladite
gauche considère acceptable, cela signifie que le monde est en
train de dénier aux Palestiniens un des droits humains les plus
fondamentaux, à savoir le droit de penser et de vivre à
l’intérieur du code éthique de leur choix. »
Nahida Izzat.
Le discours actuel de la solidarité de
gauche avec les Palestiniens est un discours futile : il
s’aliène lui-même de son sujet, il ne réalise rien du tout et il
semble n’aller nulle part. Si nous voulons aider les
Palestiniens, les Irakiens et les autres millions de victimes de
l’impérialisme occidental, nous devons vraiment nous arrêter une
seconde, prendre une profonde respiration et tout recommencer de
zéro.
Nous devons apprendre
à écouter : au lieu d’imposer nos convictions aux
autres, nous devons apprendre à écouter ce en quoi les autres
croient.
Serons-nous capables de suivre les conseils
de Bustani et de Rosa-Rosso, et réviser totalement notre notion
de l’Islam, de ses racines spirituelles, de sa non-séparation de
la sphère civile et de la sphère spirituelle, de sa vision de
lui-même en tant que « façon de vivre » ? La question de savoir
si nous en sommes capables, ou non, est une très bonne question.
Une autre option consisterait à
reconsidérer notre cécité et à aborder les questions humanistes
sous un angle humaniste (par opposition à politique). Plutôt que
nous aimer au travers de la souffrance d’autrui, ce qui est la
forme ultime de l’égoïsme, nous ferions mieux, pour la première
fois, de mettre en pratique la notion de réelle empathie, en
nous mettant à la place de notre prochain, tout en reconnaissant
que ne nous serons sans doute jamais à même de comprendre
totalement ledit prochain.
Au lieu de nous aimer nous-mêmes à travers
les Palestiniens, et à leurs dépens, nous devons accepter les
Palestiniens pour qui ils sont, et les soutenir pour qui ils
sont, sans égard pour nos propres opinions ou nos propres trucs.
C’est là la seule forme réelle de solidarité possible : elle
vise à une conformité éthique, plutôt qu’idéologique. Elle place
l’humanité en son centre-même. Elle réfléchit à la profonde
compréhension qu’avait Marx de la religion en tant que « soupir
poussé par les opprimés ». Si nous prétendons avoir de la
compassion pour les gens, nous devons apprendre à les aimer pour
qui ils sont, plutôt que pour ce dont nous attendons d’eux
qu’ils soient.
Traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier
[1] C’est là quelque chose de lié avec un
héritage du Bas-Empire romain et des premiers développements du
christianisme en tant que concept expansionniste visant à
s’étendre lui-même à des cultures et à des civilisations
lointaines.
[2] L’on peut avancer
l’idée que le programme essentiel des tentatives postmodernes
est celui de déstabiliser les fondements de la connaissance et
de l’éthique moderne en défiant la possibilité de leur
applicabilité universelle contemporaine. Comme l’a exprimé
éloquemment Muqtedar Khan,
le postmoderniste cherche à privilégier le « hic et nunc » par
rapport au global. Tant la philosophie postmoderne que la
théologie, dit Khan, « rejettent l’affirmation moderniste de
l’infaillibilité de la raison ». A l’instar des postmodernistes,
l’Islam et le judaïsme sont sceptiques à l’égard de la
souveraineté de la raison et du discours rationaliste.
[3] La suggestion marxiste bizarre et très commune selon
laquelle « beaucoup de gens, en-dehors de chez nous » sont, de
fait, « réactionnaires » du fait qu’ils sont religieux implique
la présupposition nécessaire que le marxiste lui-même est
confortablement installé dans une supériorité morale absolue.
Une telle assomption est tout à fait erronée, pour deux raisons
évidentes :
- affirmer en savoir plus que les autres, sur
la base d’une affiliation idéologique ou politique est rien de
moins que le suprématisme en action ;
- la prétention de posséder la supériorité morale de niveau X ne
saurait être scientifiquement vérifiée, sauf à avoir été validée
par une autre supériorité morale, encore plus élevée, de niveau
X’. Pour pouvoir affirmer que sa position est « d’un niveau
moral supérieur », un marxiste devrait poursuivre sa logique et
affirmer détenir la position morale encore supérieure X’. Pour
vérifier X’, il devra passer à un X’ supérieur, et ainsi de
suite… Nous somme confrontés, ici, à la recherche sans fin de la
validation d’une signification éthique. Un tel modèle de pensée
devrait nous aider à comprendre la raison pour laquelle le
marxisme occidental a réussi à se détacher totalement de la
réalité éthique et de la pensée éthique, et à ne pratiquement
jamais aborder les questions relatives à une authentique
égalité.
Le problème – évident – que pose la mise en pratique par le
marxisme de la dichotomie « progressiste VS réactionnaire »
tient au fait que les Marxistes affirment, de manière
expédiente, se situer dans le camp des progressistes, et qu’ils
affirment, pleins de sens pratique, que l’ «adversaire » doit
être trouvé parmi les réactionnaires. C’est à l’évidence
légèrement suspect, voire douteux, à dire le moins.
[4] C’est Phil Weiss, sur son blogue d’une valeur inestimable
MondoWeiss, qui a inventé cette définition politique très utile
de PEP : Progressiste,
Excepté en ce qui concerne la Palestine.