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CounterPunch
Accuser l'Iran de
"génocide" avant de l'atomiser
Gary Leupp
CounterPunch, 8 février 2007
article original : "Charging
Iran with "Genocide" Before Nuking It"
Le mois dernier, dans une analyse très intéressante,
l'ancien chef d'état-major de l'Armée Russe, le Général Léonide
Ivashov, a prédit une attaque nucléaire des Etats-Unis contre
l'Iran d'ici avril prochain. "Dans quelques semaines",
a-t-il écrit, "nous allons voir une machine de guerre
informationnelle se mettre en marche. L'opinion publique est déjà
sous pression. Il y aura une hystérie militariste anti-iranienne
croissante, des nouvelles fuites d'information, de désinformation,
etc." J'ai bien peur que cela sonne juste.
Ensuite, il y a le Général Oded Tira, l'artilleur en chef des
Forces de Défense d'Israël qui a déclaré le mois dernier
qu'une "frappe américaine sur l'Iran est essentielle"
pour l'existence même de l'Etat Juif. Suggérant que "le Président
Bush n'a pas assez de pouvoir politique pour attaquer
l'Iran", il a lancé un appel urgent au Parti Démocrate
renaissant de travailler en direction de cet objectif israélien.
"Etant donné qu'une frappe américaine sur l'Iran est
essentielle pour notre existence", a-t-il déclaré,
"nous devons l'aider à paver le chemin en faisant du
lobbying auprès du Parti Démocrate (qui se conduit de façon
stupide) et des rédacteurs en chef des journaux américains. Nous
devons faire cela afin de transformer la question iranienne en
sujet bipartisan et sans la relier à l'échec en Irak".
Tira a exhorté de façon explicite le lobby d'Israël aux
Etats-Unis à "se tourner vers Hillary Clinton et les autres
candidats démocrates potentiels à l'élection présidentielle américaine,
afin qu'ils soutiennent une action immédiate de Bush contre
l'Iran". Le lobby semble faire un très bon travail là-dessus,
en dépit des critiques de Tira sur la stupidité des Démocrates.
Tous les favoris démocrates à la présidentielle ont assuré à
l'AIPAC ou aux auditoires israéliens qu'il sont au moins aussi
bellicistes vis-à-vis de l'Iran que l'impopulaire Bush. En
attendant, l'accusation israélienne, selon laquelle l'Iran lui
pose une menace "existentielle", portée l'année dernière
par Ehoud Olmert devant le Congrès américain, s'est insinué
dans le discours américain officiel.
Se référant d'une manière générale à la "guerre
contre la terreur", définie de façon vague, Cheney a récemment
déclaré à Fox News : "C'est un conflit existentiel.
C'est la sorte de conflit qui va conduire notre politique pour les
20, 30 ou 40 prochaines années". Sa fille Elizabeth (Secrétaire
d'Etat adjointe en charge des Affaires au Proche-Orient et liaison
du vice-président avec le nouveau et sinistre "Bureau des
Affaires Iraniennes") a écrit dans un édito du Washington
Post, le mois dernier, "L'Amérique est confrontée à
une menace existentielle. A un moment, quelque part, nous devrons
combattre ces terroristes jusqu'à la mort. Nous ne pouvons pas négocier
avec eux ou 'résoudre' leur Djihad". L'administration,
toujours dirigée par les néocons rassemblés autour de Cheney, a
embrassé la rhétorique israélienne consistant à faire des
prophéties paranoïaques. Ils ont décidé d'attaquer la République
Islamique, pour mettre fin à son existence, pour l'autodéfense
d'Israël et de l'Amérique. Pour obtenir le soutien, ils doivent
semer la peur et diaboliser l'Iran, en faisant monter la rhétorique
semaine après semaine.
La "machine de guerre informationnelle" à laquelle
Ivashov fait allusion a déversé la désinformation plus vite que
ne peut le digérer le public. Il n'y a aucun doute que les
rumeurs, même lorsqu'elles sont plus tard réfutées, peuvent
utilement nuire aux réputations et préparer des cibles pour des
attaques. Les néoconservateurs Straussiens, qui ont fait campagne
sans relâche pour imposer leurs Nobles Mensonges au peuple américain
sur l'Irak jusqu'à l'attaque de ce pays en mars 2003, se fichent
probablement pas mal si les mensonges qu'ils racontent aujourd'hui
sur l'Iran sont exposés ci-dessous. Ce qu'ils veulent est un
changement de régime, bientôt, et, par conséquent, un casus
belli convaincant — ou deux.
Pendant la montée en guerre contre l'Irak, l'accusation
principale contre Bagdad (reçue avec scepticisme aux
Nations-Unies) était que ce pays possédait des armes de
destruction massive menaçant le monde entier, y compris New York
City. Le Président Bush, Condoleeza Rice et d'autres responsables
de l'administration ont mis en garde que ces ADM pourraient résulter
en un nuage atomique au-dessus de New York. Bush et Cheney ont
fait savoir à certaines audiences que l'Irak posait une menace
particulière à Israël, mais, en général, cette question a été
minimisée, probablement parce que l'administration voulait éviter
d'être accusée de partir en guerre "pour Israël" par
opposition à l'Amérique ou à la "communauté
internationale" mythique mais impressionnante.
Cette fois-ci, c'est différent. Bien qu'Israël ait attaqué
et détruit en 1981 le réacteur nucléaire irakien construit par
les Français, Osirak, (dans une action illégale, puis condamnée
par l'administration Reagan et apparemment par tous les
gouvernements, mais dans laquelle Cheney et ses néocons y
trouvent aujourd'hui une inspiration), et bien que le gouvernement
israélien ait accueilli avec enthousiasme l'invasion de l'Irak,
il n'a pas fait ouvertement campagne pour la guerre. Mais à présent,
il bat fiévreusement tambour pour une guerre américaine contre
l'Iran. Et comme Cheney l'a fait ostensiblement remarquer, si les
Etats-Unis n'attaquent pas l'Iran, "Israël pourrait le faire
sans qu'on lui demande". Il est plus que probable, si cela se
produit, que ce sera une collaboration. Remarquez comment
l'accusation contre l'Iran, articulée en Israël, forme le plus
gros du dossier de l'administration Bush.
A SUIVRE …
Traduit de l'anglais par Jean-François Goulon
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