Opinion
L'Amérique a
renoncé au suicide - mais ça ne change
rien
Dmitri Kossyrev
Photo : RIA Novosti
- © AFP/ Mandel Ngan
Vendredi 18 octobre 2013
Source:
RIA Novosti
Les Américains et la communauté
internationale savaient bien que la
crise budgétaire ne mènerait pas à la
fin du monde, que l’un des deux camps
ferait marche arrière. C'est exactement
ce qui s'est passé : démocrates et
républicains ont trouvé un terrain
d'entente, le président Obama a signé la
loi de finances et une nouvelle
augmentation du plafond de la dette
publique.
Rendez-vous est donc pris en janvier
pour un nouveau marchandage sur la
dette… L’atmosphère aura changé : l'une
des principales conséquences de la crise
aux USA est que certaines personnes
croient qu'une catastrophe globale, bête
et insensée, est réelle et pourrait
encore se produire.
Un avion tombé comme pierre
L'économie n'est pas une science
exacte : beaucoup trop de choses
reposent sur le "facteur humain",
c'est-à-dire la certitude ou
l’incertitude de millions de personnes,
leur optimisme ou leur pessimisme, etc.
Les voitures que l’on voit dans les rues
des grandes villes russes illustrent
bien le processus de choix irrationnel
d'un produit. Une citadine compacte
suffirait au quotidien mais le client
choisit un immense 4x4…
Autre exemple : si tous les passagers
d’un avion, les pilotes, les passagers
et les hôtesses de l'air pensaient d’un
coup que cet énorme tas de ferraille ne
peut pas voler, l'appareil tomberait
comme une pierre. C'est ce qui a failli
arriver à l'économie américaine - voire
mondiale.
En réalité, cette économie arrive à
tenir grâce au Trésor américain qui y
injecte 85 milliards de dollars tous les
mois. Tout le monde le sait, tout le
monde est content. Dès le moment qu'on a
évoqué l’arrêt de ces perfusions les
économies de l'Inde, de la Russie et du
Brésil ont commencé à rencontrer des
problèmes et même en Chine la croissance
a ralenti. Heureusement que nous avons
le
G20 ! On y parle de ce genre de
choses en présence des plus grandes
économies mondiales. On fait tout
ensemble : la stabilité est garantie.
G20: participants et principes de
fonctionnement - © RIA Novosti
Lors du dernier sommet à
Saint-Pétersbourg, tous les dirigeants
du monde tenaient pour acquis qu'au
final les républicains allaient
s’entendre avec les démocrates, que les
USA boucleraient leur budget et
pourraient rembourser leurs dettes.
Personne n'a sérieusement mentionné la
réaction de l'économie mondiale si les
Etats-Unis annonçaient un défaut de
paiement.
En privé, les banquiers et les
économistes reconnaissent qu'il n'y a
rien à discuter : le monde entier
s'effondrerait et reviendrait à
l'économie naturelle. Il est impossible
de trouver une solution de sauvetage
dans cette situation.
Le système financier est devenu un
immense kyste artificiel, accroché au
corps de l'économie réelle. Mais même
lorsque ce système a montré ses failles
en 2008, personne n'a rien pu y faire.
D'abord, il y a eu beaucoup de débats.
La France a pris la tête du camp qui
exigeait d'établir un contrôle sur Wall
Street. C'est pour ça que le G20 avait
été créé. Mais le système reste
identique. On le surveille de près et on
discute activement de la situation.
Le G20 est en fait incapable de
raisonner quelques républicains moyens
de province, qui ne pouvaient pas se
taire dans la confrontation avec les
démocrates et s'étaient donnés l'ordre
de ne jamais battre en retraite – ou
plutôt jusqu'au dernier moment : le 17
octobre.
Tout ça pour le plaisir d'une
bonne bagarre ?
Au final voilà ce qui s’est passé aux
Etats-Unis : l'aile conservatrice du
parti républicain - même pas le parti
entier - s'est dit qu'il "valait mieux
la mort qu'Obama", et que l'électeur
"comprendrait". Ils ont tenu
héroïquement en prenant le risque de
faire tomber toute l'économie du pays,
et ensuite le monde. Même les
républicains – la fraction raisonnable -
cherchaient ces dernières semaines un
moyen de contourner, tromper et vaincre
par la supériorité numérique cette
mouvance au sein de leur parti.
L'arithmétique a montré que ce n'est pas
si simple.
Tout s'est finalement arrangé hier
soir.
Il est très difficile de s'y
retrouver dans cette crise : il y a trop
d'informations. Tous les jours depuis
des semaines, des centaines de revues
américaines ont publié des dizaines
d'articles à ce sujet.
Un contributeur du Washington Post a
notamment tenté d'expliquer pourquoi la
crise actuelle ne se reproduirait pas à
l'issue de l'accord budgétaire : parce
que contrairement à l'histoire similaire
de 1995-1996, même les républicains
conservateurs ne croyaient pas
aujourd’hui qu'ils arriveraient à
quelque chose, écrit l'auteur. Quand ils
verront la vague de colère sociale
monter vers eux, ils se calmeront pour
de bon.
Regardez, les enfants : comme
il ne faut pas vivre
Récemment, une grande délégation de
jeunes russes s'est rendue à Washington
dans le cadre de l'un des nombreux
programmes américains pour propager leur
démocratie dans le monde entier. Cette
délégation est donc venue voir un
gouvernement sans budget et en congés… A
une époque, on disait de l'URSS : c'est
un pays utile pour le monde entier car
nous pourrons le montrer à la génération
qui grandit en disant "regardez, les
enfants, comme il ne faut pas vivre"…
On ignore si cette fois le monde
pourra en tirer d'autres conclusions. Au
G20, depuis des années, les pays des
Brics cherchent à établir leur contrôle
sur le FMI et d'autres structures
financières internationales – en vain.
Au final, ils créeront leurs propres
structures parallèles. Mais en cas de
catastrophe, sera-t-il vraiment utile
d'"isoler" l'économie mondiale de son
acteur principal ?
© 2013
RIA Novosti
Publié le 18 octobre 2013
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