Ils ont suivi la scrutin avec beaucoup
d'attention
Qu'attendent les
Algériens du second tour de la
présidentielle française ?
Djamel Bouatta
Mardi 24 avril 2012
Une bonne partie
des Algériens a le regard rivé sur la
présidentielle française. Ils étaient
nombreux à suivre in live dimanche
l’affront subi par le président
français, candidat à sa succession.
Nicolas Sarkozy a trébuché, il reste
dans la course contre son rival
socialiste, mais son classement de
second a réduit considérablement la
probabilité de le voir reconduit à la
tête de la France. Dans les rues
d’Alger, ce lundi, il y avait comme un
air de satisfaction. Pour beaucoup,
Nicolas Sarkozy aura eu ce qu’il mérite
après avoir fait preuve de mépris à
l’égard de l’Algérie. L'histoire de
l’Algérie avec la France est longue,
tumultueuse et semée d'embûches, mais
pas au point où elle est arrivée durant
le quinquennat de Sarkozy. Les produits
français inondent le marché algérien et
le classement de la langue de Molière
dans le monde doit beaucoup aux
Algériens pour lesquels c’est un butin
de guerre, pour reprendre la célèbre
phrase de Kateb Yacine. Les relations
des deux pays, au lieu d’être fortes et
normales, comme l’a raconté Sarkozy
lorsqu’il s’était installé à l’élysée,
ont évolué sous son règne en dents de
scie jusqu’à devenir aphones ces
dernières années. Dire que sa défaite le
6 mai influera le devenir du cours entre
les deux riverains de la Méditerranée,
n'est pas peu dire. Beaucoup d'Algériens
vivent en France et chérissent leur
terre d’origine, même si la plupart
d’entre eux ont la nationalité du pays
d’accueil. Les Algériens d’ici savent à
quelle sauce Sarkozy a mangé leurs
frères de là-bas, dès lors qu’il s’était
résolu à faire sien le programme
raciste, xénophobe et islamophobe du
lepénisme, dont le fondateur, Jean-Marie
Le Pen, a officié durant la guerre pour
l’indépendance en Algérie en qualité de
tortionnaire avant de rassembler chez
lui, en France, tous les nostalgiques de
l’Algérie française, à commencer par les
membres et partisans de l’OAS. Son
virage vers la droite extrême, Sarkozy
l’a pleinement assumé avec sa
compilation de lois liberticides contre
l’immigration et sa détermination
assumée officiellement d’en chasser une
bonne partie au motif lepéniste que ces
têtes brunes de la rive sud de la
Méditerranée mangent le pain des
Français de souche, des blancs
judéo-chrétiens. Peut-être n’est-il pas
lui-même tout à fait français pour
comprendre le brassage culturel en
action dans tout le bassin méditerranéen
? Ce sont des Français qui l’ont dit
lorsque Nicolas Sarkozy avait pris le
relais de la bataille de la viande halal
livrée par Marine Le Pen. Pour beaucoup,
la France est actuellement vue comme une
terre hostile, islamophobe. Que la
France ne puisse pas accueillir la
misère du monde, on comprend, disent les
Algérois, mais c'est la politique de
l'exclusion mise en œuvre par Sarkozy
qui les a dérangés, c'est sa
stigmatisation qui les a blessés. Si
l'élection présidentielle française
intéresse les Algériens, il est à se
demander si également elle va influer
dans les rapports franco-algériens. Pour
beaucoup, la réponse est oui. Les
relations “historiques” entre les deux
pays seront plus ou moins apaisées avec
le président socialiste. Même si les
Algériens, qui ne sont plus dupes,
restent convaincus que les autorités de
leur pays ont leur part dans l’arrogance
et le mépris affichés à l’endroit de
l’Algérie par leurs homologues
étrangers. Le respect et la crédibilité,
contrairement à ce qu’on a pensé
auparavant à Alger, se gagnent d’abord
dans le pays. Les Algériens souhaitent
des relations franches, normales et
mutuellement avantageuses, hors de la
démagogie qui les a entourées avec
Sarkozy. L'image que véhicule François
Hollande à Alger est celle d'un homme de
gauche qui adoucira les lois
anti-immigrés de son prédécesseur,
permettra un épanouissement légitime de
la diversité cultuelle qui a fait la
richesse de la France, qu’il saura
replacer dans son milieu naturel que
constitue la rive sud de la Méditerranée
orientale où l’Algérie occupe une place
centrale. Les Algériens ont gardé au
frais le souvenir d’un candidat
socialiste présent à des commémorations,
à Paris, sur les affres subis par les
Algériens durant la guerre d’Algérie.
C’est important. Il reste qu’à leurs
yeux, la nouvelle France socialiste doit
s’imprégner du fait qu’elle n’a aucun
rôle à jouer dans les prochaines
batailles que l’Algérie affronte pour
régler ses propres problèmes. Le cynisme
mitterrandiste a été mis à nu en son
temps.
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Publié le 24 avril 2012 avec l'aimable
autorisation de Liberté.
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