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Ha'aretz
L'ouvrage
« Le Lobby israélien » pourrait avoir un effet dévastateur au
Royaume-Uni
Dave Rich
in Haaretz, 13 novembre 2007
http://www.haaretz.com/hasen/spages/923087.html
[Renvois vers des textes en anglais à partir
des mots clés cliquables : anti-Semitism,
British
Jewry >>]
[« Les deux universitaires sont formels :
ils n’ont aucune hostilité envers Israël, et tant Israël que
les Etats-Unis iraient bien mieux sans le contrôle de leurs
relations extérieures par le lobby. Leur souci du bien-être d’Israël
sera certainement apprécié par les citoyens de ce pays ;
mais comment devons-nous le prendre, nous, les British ? »
Désolé, Dave, mais ce « nous, les British »,
là, ça le fait pas : tu parles exactement comme un
directeur d’une version britannique de l’Anti-Defamation
League !
« Le problème, de ce côté-ci de l’Atlantique,
c’est le fait que la politique britannique est dépourvue de
quoi que ce soit qui se rapprocherait du système américain des
lobbies politiques ouvertement déclarés ; une opération
similaire, dans le style de l’Aipac, à Westminster, n’aurait
tout simplement aucune influence sur la politique [extérieure
britannique] ; cela, par-dessus le marché, subvertirait des
mécanismes démocratiques fondamentaux. »
Alors là, oui : voilà une affirmation intéressante.
En effet : que fait donc l’Aipac, depuis cinquante ans,
sinon « subvertir des mécanismes démocratiques
fondamentaux » ?! Jeff Blankfort.]
La campagne menée par John Mearsheimer et
Stephen Walt afin de dénoncer le pouvoir du lobby sioniste à
Washington à travers la promotion de leur ouvrage Le Lobby israélien
et la politique étrangère des Etats-Unis [ The
Israel Lobby and U.S. Foreign Policy ] (clique !) vient
de boucler sa tournée en Angleterre, avec des conséquences
encore plus sinistres qu’ils n’en ont sans doute conscience.
Les deux universitaires sont formels :
ils n’ont aucune hostilité envers Israël, et tant Israël que
les Etats-Unis iraient bien mieux sans le contrôle de leurs
relations extérieures par le lobby. Leur souci du bien-être d’Israël
sera certainement apprécié par les citoyens de ce pays ;
mais comment devons-nous le prendre, nous, les British ?
Cette question n’a rien de subsidiaire.
« Le Lobby israélien » [ The
Israel Lobby ] (clique !) fut initialement publié dans
la London Review of Books, et la Grande-Bretagne connut alors une
puissante campagne antisioniste, qui réussit à convaincre
plusieurs syndicats britanniques d’apporter leur soutien à un
boycott des produits israéliens. Mearsheimer et Walt ont certes
écrit un bouquin sur l’Amérique, mais ce bouquin laisse ses
empreintes sur la Grande-Bretagne…
Les deux auteurs ont catégoriquement rejeté
l’accusation fréquemment formulée à leur encontre par leurs
contempteurs, à savoir qu’ils ne feraient que banaliser l’idée
centrale de l’antisémitisme moderne : en substance, les
juifs, sous une forme ou sous une autre, conspirent afin de contrôler
des gouvernements, de provoquer des conflits, etc. etc. Ils
insistent sur le fait que le lobby sioniste, en Amérique,
« ne fait que ce que font d’autres groupements défendant
des intérêts particuliers, sauf qu’il le fait
incommensurablement mieux. »
Le problème, de ce côté-ci de l’Atlantique,
c’est le fait que la politique britannique est dépourvue de
quoi que ce soit qui se rapprocherait du système américain des
lobbies politiques ouvertement déclarés ; une opération
similaire, dans le style de l’Aipac, à Westminster, n’aurait
tout simplement aucune influence sur la politique [extérieure
britannique] ; cela, par-dessus le marché, subvertirait des
mécanismes démocratiques fondamentaux
Cela n’a nullement dissuadé les gens de
formuler des allégations similaires au sujet de l’influence
pro-israélienne en Grande-Bretagne. Ainsi, en 2003, du député
travailliste Tal Dalyelle, qui a prétendu [claimed
] (clique !) que l’ancien Premier ministre et chef du parti
travailliste Tony Blair était indûment influencé par une
« cabale de conseillers juifs ».
Plus récemment, la pairesse du parti Libéral,
Baronne Tonge a affirmé [ claimed
] (clique !) que « le lobby pro-israélien a mis ses
griffes sur le monde occidental… ses griffes financières, je
veux dire. » Ceux qui présupposent que le sionisme a une
envergure planétaire et un pouvoir illimité ne peuvent que
supposer tout naturellement que ce dont ils « savent »
désormais [de science sure] – grâce à MM. Mearsheimer &
Walt – que cela se passe à Washington a nécessairement ses équivalents
à Londres, à Paris et ailleurs.
Ainsi, la puissance des organisations juives
est exagérée, et des conspirations, imaginées, afin de combler
le fossé entre la réalité d’une communauté s’efforçant de
faire le maxi pour Israël, et le phantasme d’hommes politiques
et de Premiers ministres posant genou à terre devant le pouvoir
du Lobby tout-puissant.
Et en quoi consiste-t-il, ce fameux pouvoir ?
La pièce à conviction la plus probante et la plus récente a
trait à un débat qui fut tenu à l’Oxford
Union (clique !) sur cette question. « Nous, dans
cette Maison, nous pensons que la solution à un seul Etat est la
seuls solution possible au conflit israélo-palestinien ! »
Pour défendre cette motion, trois avocats
bien connus de la cause palestinienne. Et pour la contrer, entre
autres, Norman
Finkelstein (clique !), auteur de L’Industrie de l’Holocauste
et d’Au-delà du Culot [Beyond Chutzpah], pas vraiment connu
pour être un fan d’Israël. Plusieurs personnes ayant mis au
jus Luke Tryl, le Président de l’Oxford Union, sur le fait que
Finkelstein ne passait généralement pas pour un tifoso d’Israël,
Tryl le désinvita, mettant le feu à la poudre des inévitables récriminations
selon lesquelles il s’agissait-là d’une preuve que le lobby
était en train d’empêcher un détracteur d’Israël de
s’exprimer.
Comment les fans de Finkelstein ont-ils pu
savoir que c’était le lobby israélien qui était derrière le
revirement de Tryl ? C’est parce que Tryl, dans un mél [email]
(clique !) adressé à Finkelstein, avait révélé que
« beaucoup de personnes exprimaient leur préoccupation au
sujet du fait que le débat, tel qu’il était prévu
initialement, était déséquilibré, et que les gens avaient le
sentiment que quelqu’un qui avait déjà exprimé des sentiments
antisionistes n’était peut-être pas la personne qui convenait,
pour mener un tel débat. J’ai essayé de les convaincre du
contraire, mais j’ai été accusé de soutenir un débat déséquilibré,
et divers groupes m’ont mis la pression. J’ai reçu de
nombreux méls attaquant ce débat et Alan Dershowitz a brandi la
menace de rédiger un édito attaquant notre syndicat (l’Union).
De plus, apparemment, il s’en est pris à moi, personnellement,
au cours d’une conférence télévisée qu’il a prononcée à
l’université de Yale ».
Eût Finkelstein été prévu,
originellement, pour s’exprimer en faveur de la motion, personne
n’aurait soulevé d’objection, et le débat se serait
poursuivi normalement, comme prévu ; comme cela s’était
de fait produit à l’Union, au mois de mai, lorsqu’il avait déclaré
– voyez l’ironie – que « Notre Maison pense que le
lobby pro-israélien a réussi à étouffer tout débat sur les
agissements d’Israël en Occident. » Il a d’ores et déjà
été invité à revenir l’an prochain. Trois invitations de la
part de l’Oxford Union en deux ans : voilà ce qu’on
appelle « être étouffé » ! Finkelstein s’est
fait un nom en écrivant à propos des finances destinées au dédommagement
des victimes de L’Holocauste. (Il devrait essayer de traîner un
bouquin au sujet du financement du terrorisme par les Saoudiens
devant un tribunal où il serait accusé de diffamation : là,
pour le coup, il saurait ce que cela signifie réellement, que
d’être réduit au silence…)
En Grande-Bretagne, tout au mois, Israël bénéficie
de davantage de couverture médiatique qu’aucune actualité
d’Outre-Atlantique. La mise en accusation d’Israël est fréquemment
diffusée par les médias consensuels et débattues lors de conférences
organisées par les plus grands syndicats britanniques. L’idée
que les détracteurs d’Israël seraient en quoi que ce soit bâillonnés
est absurde. Pourtant, les antisionistes britanniques se voient en
détenteurs d’une vérité cachée, combattant contre une
conspiration puissante et terrifiante pour les faire taire, et
voici qu’aujourd’hui, ils reçoivent la confirmation, de la
part des plus hautes sphères du monde académique américain.
A supposer qu’une conspiration juive existe
réellement, elle doit être remarquablement inepte !...
Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier
[* Dave Rich est vice-directeurs des communications à Community Security
Trust, une organisation britannique de défense de la communauté
juive de Grande-Bretagne.]
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