Opinion
Le vote des
sanctions, un nouveau Munich
Danielle Bleitrach
Samedi 12 juin 2010
Soyons clair sur la question des sanctions contre l’Iran.
C’est un mauvais coup. Les votes au Conseil de Sécurité se
divisent en trois catégories. D’abord ceux des Etats-Unis et de
leur complices de toujours, La France et la Grande Bretagne. Ce
qui est recherché c’est non seulement comme l’a dit Fidel faire
oublier les meurtres israéliens contre le convoi humanitaire,
mais selon moi faire avancer comme cela a déjà eu lieu en Irak
jadis les pays vers l’acceptation d’une intervention du « fou »,
c’est-à-dire Israël. La seconde catégorie est celle qui non
seulement a sauvé l’honneur mais a témoigné de lucidité sur le
processus engagé: le Brésil et la Turquie qui ont voté contre,
et à une degré moindre le Liban qui s’est abstenu. Il y a deux
votes qui méritent d’être étudiés de près, ceux de la Russie et
de la Chine. Ces deux pays ont voté les sanctions tout en
expliquant plus ou moins qu’ils n’accepteraient pas que l’on
aille plus loin. Disons-le clairement il s’agit d’une sorte de
réaction de type de celle de Munich en 1938, où l’honneur perdu
n’a pas empêché la guerre mondiale mais a ouvert les vannes.
En disant NON, ils ont cassé la stratégie des
Etats-Unis
Le vote contre du Brésil et de la Turquie peuvent manifester
la mauvaise humeur de deux pays qui sont mécontents que la
négociation qu’ils avaient nouée avec l’Iran n’ai pas été prise
en compte. En effet, avec ce vote on aboutit à plusieurs
résultats, d’abord l’Iran peut retirer la promesse faite au
Brésil et à la Turquie et Téhéran a fait la preuve que ce sont
les occidentaux et les israéliens qui sont des fauteurs de
guerre. le deuxième résultat est que la belle unanimité que les
Etats-Unis voulaient autour des sanctions a volé en éclat.
Enfin, non seulement l’allié traditionnel des USA et d’Israël
dans le monde musulman a dénoncé l’alliance, mais tout le monde
mesure bien que derrière ce vote il y a la majorité de
l’Assemblée générale des nations Unies.Donc un vote qui devait
isoler l’Iran en fait est en train d’isoler le Conseil de
sécurité, en montrer le caractère injuste et impérialiste.
C’est ce que Lula a exprimé clairement par son expression
vote à la Pyrrhus.
Les Deux « munichois », la Chine et la Russie
La Chine, le vote sitôt acquis a fait machine arrière toute
en expliquant que son appui aux nouvelles sanctions en Irak ne
signifiait en aucun cas que la porte était fermée à la
négociation. Le new York Times laisse entendre que le vote
chinois a été obtenu parce que les israéliens après leur acte de
piraterie montrant jusqu’où ils étaient prêts à aller ont
expliqué aux Chinois leurs projets d’intervention contre l’Iran
et leur capacité de nuisance à bloquer tout le système
d’approvisionnement énergétique dont la Chine dépend (et pas
seulement la Chine). Après les deux affaires simultanées de la
corvette Coréenne et de l’attaque de la flottille humanitaire –
qui sont donc dans les deux cas des provocations calculées non
seulement d’Israël mais des Etats-Unis - le doigt était sur la
gâchette et la Chine semble avoir cédé.
Il y a là sans doute une limite de la politique pacifique et
de non intervention de la Chine, comme de son refus de
s’impliquer dans l’affaire palestinienne… Elle témoigne d’ un
choix d’influence régionale prioritaire que les Etats-Unis
tentent d’utiliser avec un certain résultat dans ce cas pour
déconsidérer la Chine dans les rapports-sud-sud.
Le président iranien qui est d’une grande subtilité sous ses
allures rugueuses a refusé de considérer que Chinois et Russes
étaient passés dans le camp adverse. Il est allé visiter comme
prévu l’exposition de Shanghai, a manifesté son mécontentement
par la non rencontre avec des officiels, a laissé parler
d’autres voix en Iran mais a pour sa part lors d’une conférence
de presse fait porter tous ses coups contre les Etats-Unis, en
expliquant qu’il n’avait aucun problème avec les autres pays,
et réitéré qu’il ne céderait pas.
La Russie qui a voté pour les sanctions initiées par les
États-Unis a perdu comme la Chine une part de sa crédibilité.
Surtout que comme la Chine elle s’est aussitôt employé à
souligner qu’il n’y avait pas rupture de la coopération avec
l’Iran dans le secteur énergétique. Le caractère dérisoire de
l’affaire a été illustré aussitôt par la question de la
fourniture de missiles S-300 à l’Iran », par la Russie. Selon
les experts, russes le montant du contrat de livraison de ces
armes s’élève à environ 800 millions de dollars et celui du
dédit à environ 400 millions. Mais aussitôt les Etats-Unis ont
rassuré les Russes : « La fourniture de systèmes antiaériens
S-300 russes ne tombent pas sous le coup des sanctions de l’ONU,
notamment de la nouvelle résolution 1929 du Conseil de sécurité,
a déclaré le porte-parole officiel du département d’Etat
américain Philip Crowley. »La résolution 1929 interdit de vendre
à l’Iran des armes mentionnés dans la liste des armements
conventionnels de l’ONU, mais les missiles de DCA n’y figurent
pas », a souligné M.Crowley. On voit à quel point l’affaire est
limpide. Alors tout va bien puisque le principal fournisseur
d’armes qu’est la Russie peut poursuivre avec la bénédiction US
?
Il serait erroné pourtant de penser que les sanctions
n’auront aucune influence sur les Iraniens. La Russie et la
Chine les ont acceptées à condition que les sanctions
n’entravent pas le commerce et le secteur pétrolier
(énergétique). Sur le thème qu’ils ne voulaient pas pénaliser le
peuple iranien.
De qui se moque-t-on ?
Les sanctions sont officiellement dirigées contre le Corps
des Gardiens de la révolution islamique, les GRI. Ceux-ci ne
sont en rien susceptibles de provoquer la sympathie surtout
après qu’une campagne de presse en occident nous explique depuis
des mois qu’ils font régner la terreur en Iran, et ceci à tort
ou à raison, mais avec un objectif bien précis que ces sanctions
éclairent: il leur est interdit d’effectuer des opérations
bancaires, leur financement, est organisé le boycott de
leurs entreprises et de toutes les institutions financières
contrôlées par les GRI. Mais tout le monde sait bien que
quoiqu’on pense de ce corps paramilitaire il est profondément
imbriqué au système financier des mollahs, il tient la vie
économique de l’Iran et contrôle ou détient des entreprises
commerciales, maritimes, financières, industrielles, pétrolières
et gazières (jusqu’à 80% des ressources pétrolières et jusqu’à
50% de toute l’économie du pays).
Donc les sanctions portées sur ce système vont avoir des
incidences sur la vie déjà dramatique des iraniens, dont 10
millions d’habitants (sur 70 millions) vivent au-dessous du
seuil
de pauvreté et 30 millions sont pauvres. Par contre cela
n’entamera sans doute pas la richesse des mollahs et de la
grande bourgeoisie iranienne qui trouveront dans des circuits de
contrebande de quoi prospérer.
Cela n’entamera pas plus le développement du secteur
énergétique, celui-ci est financé par le pétrole, mais le
pétrole est contrôlé par les GRI, donc cela va déboucher
nécessairement par plus de contrebande, de transactions occultes
avec des prête-noms et moins pour le peuple. Mieux l’Iran menacé
poursuivra et amplifiera.
C’est bien là-dessus que comptent les USA et leur avorton
israélien, ils n’ont pas obtenu l’unanimité, le Conseil de
Sécurité est apparu pour ce qu’il est l’instrument de leur
conception injuste de la domination US. La Chine et la Russie
ont fait la preuve que ces deux pays ne voulaient ou ne
pouvaient pas résister, ils n’ont pas nécessairement changé de
camp mais leur attitude munichoise leur a fait perdre une part
de crédibilité.
L’ensemble des peuples sait désormais qu’il n’a plus rien à
attendre d’une institution comme le Conseil de sécurité, les
seuls pays qui sont sortis renforcés sont l’Iran, le brésil et
la Turquie.
Et combien de temps durera cette résolution? Six mois? Un
an? Et ensuite, une nouvelle résolution, un ultimatum, une
frappe militaire? Rien de tout cela n’est précisé, c’est dire si
le doigt s’est rapproché de la gâchette…
Et maintenant ?
La Chine déjà, dans le cadre de l’organisation de Coopération
de Shanghai, ne cesse de confirmer sa stratégie: avoir voté les
sanctions pour ouvrir les négociations avec l’Iran, comme le
répète le porte-parole du ministère des affaires étrangères Qin
Gang. Il y a en effet ce jeudi, un sommet de l’organisation de
Coopération de Shanghai auquel assiste le président chinois Hu
Jintao. Si les Russes ont fait savoir que les sanctions
empêchaient d’intégrer comme membre à part entière l’Iran (thème
de la réunion l’admission de nouveaux membres) cela n’excluait
en rien l’admission comme observateur.
Passer en revue tous ces faits montre bien que ce vote de
sanctions en tant que tel ne mène à rien si ce n’est à permettre
un pas en avant vers la guerre et l’intervention israélienne.
Il y aurait un autre possible. Certains en particulier les
Russes avancent que sanctions pourraient contribuer au
règlement d’un autre problème de non-prolifération. Les pays
arabes, l’Inde, le Pakistan, la Turquie et le Brésil insistent
depuis longtemps sur l’ajustement du régime de
non-prolifération, pour que les États-Unis poussent Israël à
signer le traité de non prolifération et à ouvrir son propre
programme nucléaire. Ils disent qu’à la lumière de nouvelles
sanctions, Washington aurait du mal à s’opposer à de telles
exigences.
Il en serait effectivement ainsi si ce pays avait une quelconque
logique internationale autre que la loi du plus fort, mais après
avoir fait voter des sanctions contre l’Iran pour ce qui demeure
un programme civil nucléaire alors même que les mêmes Etats-Unis
ont empêché la condamnation d’Israël pour son acte de piraterie
meurtrier dans les eaux internationales la semaine précédente,
démontrent que les Etats-Unis se moquent complètement de toute
légalité internationale et qu’ils préparent sûrs de l’impunité
un autre mauvais coup.
On peut comprendre que la Chine qui sait depuis longtemps,
sans doute depuis le bombardement de son ambassade à Belgrade, et
à qui a été renouvelé le message avec l’affaire de la corvette
coréenne, refuse l’affrontement et craigne la menace
d’intervention d’Israël mais la situation est désormais telle
que c’est reculer pour mieux sauter.
C’est pour cela que le Choix Russe et Chinois est comme celui
de Munich en 1938 devant Hitler, on livre l’Iran pour ne pas
affronter le monstre mais celui-ci en prend de la force.
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