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Opinion
Le conflit
israélo-palestinien ne se résoudra jamais sur les bases actuelles
Daniel Vanhove
Mardi 28 septembre 2010
Quels que soient les effets d’annonces la plupart du temps
surmédiatisés, le conflit israélo-palestinien ne pourra jamais
être résolu sur les bases actuelles pour plusieurs raisons, dont
l’une me paraît majeure et que je voudrais clarifier de façon à
ce qu’elle soit bien comprise par tous ceux qui s’y intéressent,
de près comme de loin. Cette raison en est que toutes les
approches qui l’abordent pour y trouver une éventuelle solution
en oublient un élément essentiel : l’injustice originelle.
L’injustice fondamentale qui a prévalu à l’établissement du
jeune Etat israélien en terres arabes, au lendemain de la guerre
essentiellement européenne de 1945.
Gommer, ne pas prendre en compte ou sous-estimer la mauvaise
conscience européenne – toujours d’actualité, même si au fil du
temps, elle s’amenuise auprès des nouvelles générations – dans
l’abord de ce conflit biaise toute analyse sérieuse du problème.
Il faut rappeler qu’il y a eu un consensus entre les pays qui
avaient gagné cette terrible guerre – environ 65 millions (!) de
victimes civiles et militaires – pour accorder au projet
sioniste, une terre où pourraient se réfugier la communauté
juive, tellement pourchassée et exterminée en l’Europe si
chrétienne de l’époque…
A ce jour, nul n’ignore que les pays européens ont bien du mal à
s’accorder sur cet épineux conflit, tant certains d’entre eux –
dont l’Allemagne en premier lieu – restent traumatisés par leur
propre passé vis-à-vis de la communauté juive. Leur demander
plus de sévérité à l’égard de la politique israélienne leur est
un exercice périlleux, non exempt de remontées douloureuses d’un
passé encore récent, et rapidement requalifié d’antisémitisme
par certains, trop contents de pouvoir jouer-là leur joker
préféré…
L’Histoire n’a de sens que celle que les Hommes lui donnent. Et
à distance de ces évènements datant de plus de 60 ans, comment
comprendre cette partition de la Palestine, sans se rappeler au
préalable qu’elle s’est faite sur le dos des premiers concernés,
les Palestiniens, absents de cet odieux marchandage ? Les
puissances coloniales de l’époque en ont décidé comme toujours,
selon leurs propres intérêts et n’ont tenu aucun compte des
Palestiniens qu’ils spoliaient ainsi impunément. Certes, ce
n’est pas la première fois qu’un tel vol de territoires s’opère
sur le dos des autochtones. Les exemples en cette matière sont
innombrables. Mais c’est sans doute le dernier en date qui soit
si bien relayé médiatiquement et ne peut donc être passé sous
silence, comme dans le cas du pire génocide probable : celui des
Amérindiens que les colons européens – encore eux ! – sont allés
exterminer et chasser de chez eux pour s’approprier leurs
immenses étendues. Pas étonnant dès lors, que nombre
d’Américains et de Canadiens soutiennent le projet sioniste,
étant eux-mêmes les actuels héritiers d’un vol de terres qui ne
leur appartenaient pas. Sans compter l’influence majeure des
lobbies pro-israéliens, œuvrant en coulisses pour conforter
cette injustice flagrante. Avec en toile de fond, les incessants
rappels pseudo-religieux de l’affaire. Et c’est sans aucun
doute, la modernité des moyens de communication qui permet
aujourd’hui de revenir sur ces évènements que plus personne ne
peut ignorer : la partition de la Palestine s’est faite sans
l’accord de ses habitants de l’époque, évalués à plus d’un
million d’âmes.
Ainsi, s’entêter dans des pourparlers de paix entre deux
gouvernements dont l’un sait pertinemment qu’il a volé l’autre,
et dont l’autre sait la spoliation dont il fait toujours
l’objet, est tout simplement impossible à réaliser. Il y a là un
préjudice fondamental qui n’est jamais rappelé mais qui n’en
reste pas moins flagrant et toujours vif dans la mémoire
collective du peuple palestinien. De la même manière qu’est
toujours vive la mémoire de la communauté juive ayant vécu les
atrocités des camps d’extermination. Raison pour laquelle
d’ailleurs, refuser aux réfugiés palestiniens leur droit au
retour, s’ils le désiraient, est sans fondement. Ainsi, toutes
les injustices constatées depuis cette partition de la Palestine
historique, ne sont que la résultante de cette injustice
originelle, constitutive de l’Etat israélien d’aujourd’hui.
De la même manière, tous les acteurs de la question qui
aimeraient voir aboutir la paix en cet endroit du monde, se
trompent dans leur démarche s’ils intègrent à la base cette
injustice comme étant irréversible. Parler de paix – quel que
soit le qualificatif que l’on tente de lui donner pour mieux
faire passer la pilule aux responsables israéliens dont on ne
connaît que trop bien les objectifs funestes – sans remettre en
cause la partition de départ est se faire, consciemment ou non,
complice de cette injustice première. Il convient donc de
regarder cet évènement de l’époque, sans se sentir obligé de
l’intégrer comme nombre de nos prédécesseurs semblent l’avoir
fait avec d’autant plus de facilité que cela leur donnait
l’impression de se dédouaner ainsi de leurs méfaits à l’égard
des juifs.
Oui, mais alors quoi, me direz-vous ? La paix serait-elle
définitivement hors de portée selon cette première injustice ?
Non, mais si l’on veut vraiment être honnête et impartial, la
seule question à poser en priorité à l’ensemble des Palestiniens
– et pas uniquement à ceux qui seraient les plus « modérés »
selon nos critères – est de savoir :
- s’ils acceptent le règlement final de notre guerre européenne
par l’établissement d’une communauté juive sur leurs terres ;
- dans l’affirmative à cette première question, savoir comment
ils l’envisagent : deux Etats strictement indépendants ou un
Etat binational ;
- et dès lors, en partenariat avec eux, établir les dommages et
intérêts que la politique menée tout au long de ces années leur
a occasionnés, et exiger de ceux qui l’ont soutenue de s’engager
à en assumer les frais, tant pour le passé que pour la
reconstruction globale ;
- dans le cas d’une réponse négative à la première question,
réunir l’ensemble de la Communauté internationale à travers les
instances de l’ONU – et non uniquement un « quartet » dont on
connaît la partialité des membres – pour reposer le problème sur
de nouvelles bases, en n’imposant rien à quiconque mais en
travaillant à trouver d’autres pistes si la communauté juive
tient envers et contre tout à l’établissement d’un Etat « juif »
en un endroit de la planète – nous verrons bien alors, quels
Etats proposeront une part de leur territoire pour la
réalisation de ce « divin » projet…
L’intérêt d’une telle démarche est qu’elle remettrait les
compteurs à zéro – ou presque – et permettrait à chaque
intervenant dans ce conflit de se positionner clairement, en
premier lieu desquels les Palestiniens qui ne se verraient plus
« imposer » une solution, mais seraient les premiers concernés à
dire si oui ou non ils acceptent la cohabitation. Cela me semble
le moins que l’on puisse faire vis-à-vis de ce peuple afin qu’il
retrouve sa dignité et se relève de l’humiliation dans laquelle
il a été traîné depuis si longtemps. Et si la solution s’oriente
vers un Etat binational – celle de deux Etats distincts n’étant
raisonnablement plus réalisable sur le terrain – les juifs
désireux de rester en Palestine seraient les bienvenus comme ils
l’étaient auparavant, le sont dans quantité d’autres pays, et
comme le sont les chrétiens, les bouddhistes, les agnostiques ou
les athées, etc… dans une société qui était un exemple en pays
arabe pour la séparation entre l’appareil d’Etat qui doit rester
laïc et les convictions personnelles de ses citoyens. Sans
compter qu’enfin, une telle solution rétablirait la
normalisation probable avec les pays avoisinant de la région.
Par ailleurs, nonobstant une décision israélienne purement «
formelle » de prolonger le moratoire au sujet de la
colonisation, au nom de la sauvegarde de pourparlers actuels
directs avec M. Abbas, il conviendrait pour être honnête de ne
pas se voiler le visage et de voir bien en face que dans les
faits, la colonisation n’a jamais cessé. Il faut dire et redire,
que c’est encore et toujours une histoire de dupes. Comme toutes
celles que tente de nous faire avaler le gouvernement sioniste,
alimentées et retransmises en cela par nos médias complices.
En d’autres mots, au-delà du fait de dénoncer cette énième
supercherie des autorités de Tel-Aviv, il faut bien constater
une chose, grave d’entre toutes : le bébé occidental porté sur
les fonds baptismaux après la 2è guerre mondiale dans le but
d’expiation des crimes commis à l’encontre de la communauté
juive d’Europe a mal grandi, et il présente aujourd’hui tous les
signes de crises d’une adolescence qui tourne mal et que ses
parents ne parviennent plus à contrôler. Pourquoi ? Interrogez
donc les pédagogues qui tous, vous diront qu’un enfant à qui
l’on ne signale pas ses limites, perd toute mesure. Et n’a plus
conscience de ses marques, de ses repères. Ou, dit encore
autrement : Israël aujourd’hui, échappe à tout contrôle ! Nul ne
parvient plus à lui faire entendre raison, même l’oncle Sam. Et
il y a donc le risque que seule la méthode forte le ramène dans
les normes acceptables, à savoir celles du Droit identique pour
tous. Quelles « méthodes fortes », me direz-vous, déjà
suspicieux d’entendre des relents de discours belliqueux ?
Si l’on exclut tout recours à la violence à l’encontre d’Israël,
après nous avoir martelés depuis plusieurs années que le marché
fait loi, la seule méthode qui soit, est la privation de ses
moyens financiers. Dans la « globalisation » actuelle, et avec
un budget démentiel consacré à sa « Défense », il est temps
d’oser l’arme de la dissuasion via la privation des soutiens
divers et particulièrement ceux des versements financiers
astronomiques que cet Etat d’apartheid reçoit chaque année de
nos « démocraties » éclairées au premier rang desquelles les
USA. La campagne de Boycott, Sanctions et Désinvestissements
(BDS) est donc plus que jamais d’actualité, et devrait franchir
un échelon supplémentaire par la suppression immédiate de toute
aide financière à l’entité coloniale qui ne respecte rien
d’autre que ses propres objectifs.
Tant que nous ne prendrons aucune mesure de cet ordre, les
différents gouvernements israéliens qui se succèdent
continueront d’appliquer ce que nous ne pouvons que constater
après des années de discussions vaines et stériles : le vol des
terres palestiniennes et l’asphyxie lente et programmée de sa
population. Avec Gaza en exemple abject de ce dont cet Etat est
capable.
Mais encore une fois, pour en arriver à une véritable solution,
au lieu d’intégrer « d’emblée » les paramètres actuels, il nous
faut reconnaître en priorité, l’injustice flagrante du départ,
commise à l’encontre du peuple palestinien. Tant que nous
n’aurons pas pu reconnaître cette faute-là, toute tentative vers
un quelconque accord sera illusoire et d’office promise à un
nouvel échec.
Daniel Vanhove : Observateur civil, auteur.
Son dernier livre : La Démocratie Mensonge, Ed. Marco Pietteur –
coll. Oser Dire, 2008.
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