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Opinion
La justice européenne... ou
l'habituelle loi du plus fort
Daniel Vanhove
"Les criminels de guerre israéliens :
enfermez-les et jetez la clé !"
Dimanche 20 juin 2010
La décision vient de tomber : les premiers
pirates somaliens jugés aux Pays-Bas viennent d’écoper de 5 ans
de prison ferme. Le président du tribunal de Rotterdam a
souligné que « la piraterie est un fait punissable… »,
ajoutant que « c’est une chance que personne n’ait été blessé
ou tué ». Par la suite, le président a déclaré que « la
piraterie est une menace sérieuse au Droit international de
libre passage dans les eaux internationales ». (1)
Nous en prenons acte, tout en nous interrogeant : cette sentence
fera-t-elle jurisprudence ? Après l’épisode sanglant de l’assaut
du Mavi Marmara dans les eaux internationales par la marine de
guerre israélienne, il faudrait l’espérer. Dans le cas
contraire, il conviendrait que ce président hollandais soit
mandaté par l’UE pour expliquer à la communauté internationale
la différence qu’il y a entre ces pauvres hères somaliens qui
tentent de pourvoir à leurs besoins alimentaires à l’aide d’une
nourriture essentiellement tirée des produits de la pêche, et la
soldatesque israélienne qui vient d’intervenir de manière
guerrière et surarmée dans les eaux tout aussi internationales,
blessant des dizaines d’humanitaires et en tuant plusieurs
autres sans que l’on sache encore aujourd’hui le nombre exact
des victimes. Il est vrai qu’il est plus aisé de s’attaquer à de
simples pêcheurs désignés bien malgré eux comme « pirates » de
fortune que d’oser s’interposer face à la marine israélienne. Ce
n’est pas la première fois que l’on peut juger du courage de nos
hauts fonctionnaires…
Et peut-être faut-il saisir l’occasion pour rappeler ce que
l’ensemble des médias passe singulièrement sous silence, à
savoir que si ces embarcations téméraires se risquent à attaquer
d’énormes cargos, c’est parce que depuis des années nos
bateaux-usines n’ont cessé dans une course frénétique au profit
facile, de ratisser les fonds marins avec des filets dérivants
de plusieurs kilomètres de long (!), détruisant de manière
agressive et irresponsable toute vie aquatique ou presque,
empêchant de la sorte les pêcheurs africains de continuer leurs
prises artisanales pratiquées depuis des décennies, et les
privant ainsi de leurs maigres revenus. Ce que nous interdirions
face à nos côtes, nous le pratiquons impunément face aux côtes
africaines. A moins d’un persistant deux-poids deux-mesures dans
nos pratiques, l’on aimerait comprendre…
En d’autres mots, nous déployons l’efficacité redoutable de
notre technologie mortifère pour piller les réserves
halieutiques de certains pays sous leur nez, et nous leur
refusons de surcroît la possibilité de se défendre. Ceux-là
n’ont qu’à se soumettre à nos pratiques encore et toujours
empreintes de l’esprit colonial dont nous ne parvenons
décidément pas de nous défaire ! Sans parler du déversement de
nos produits hautement toxiques, issus de nos belles centrales
nucléaires, de nos usines pétrochimiques et autres, le long des
mêmes côtes africaines considérées par nos prestigieuses
démocraties tellement soucieuses des Droits de l’Homme et de
l’environnement, comme de vulgaires poubelles géantes… Rendant
ainsi ces pays et leurs populations déjà tellement écrasées,
encore un peu plus pauvres, démunies et désespérées par nos
procédés inqualifiables.
Ainsi, que reste-t-il à espérer pour les citoyen(ne)s de bonne
volonté, épris(e)s d’une vraie justice face à la répétition de
ces manières odieuses et brutales que nous exerçons à l’encontre
de ceux qui n’ont pas la capacité de s’en défendre ? Bien peu de
choses en vérité, sinon de les dénoncer, inlassablement, et de
réclamer encore et toujours la révision de nos critères
d’évaluation.
Sauf à proposer dès lors, que cet exemple du juge hollandais
zélé serve d’étalon dans l’enquête qui établira sans conteste,
la responsabilité flagrante de la marine israélienne ayant opéré
dans les eaux internationales, afin que les coupables de crimes
et blessures soient jugés aussi sévèrement que ceux qui viennent
d’être condamnés pour des faits considérablement moins graves et
dont les circonstances atténuantes sont très faciles à
démontrer. Raison pour laquelle l’enquête sur la récente attaque
de la flottille des pacifistes ne peut en aucun cas être
conduite par les seules autorités israéliennes, dont on connaît
de surcroît, la propension à travestir la vérité.
Par ailleurs, a-t-on jamais vu dans les annales confier une
enquête d’agression et de meurtres aux assassins mêmes qui
devraient tout à l’inverse répondre de leurs crimes !? C’est
un non-sens absolu et une fois de plus, l’illustration du peu de
cas que se font nos gouvernements d’une justice à géométrie
décidément variable, quand il est de plus en plus évident que
les multiples agitations qui secouent le monde sont la
démonstration que rien ne peut s’établir dans l’équilibre et la
durée, sans un meilleur fonctionnement du Droit qui doit être le
même pour tous, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de nos
frontières.
Combien de temps et jusqu’où faudra-t-il que le chaos s’installe
pour que nos fonctionnaires obtus et bien abrités en prennent la
mesure !?
(1) Article dans Le Point du 17 juin 2010 : «
Pays-Bas: cinq ans de prison pour cinq pirates somaliens ».
http://www.lepoint.fr/monde/pays-bas-cinq-ans-de-prison-pour-cinq-pirates-somaliens-17-06-2010-467725_24.php).
Daniel
Vanhove
Observateur civil
Membre du
Mouvement Citoyen Palestine
Co-auteur
de Retour de Palestine – 2002 – aux Ed. Vista
Auteur de
Si vous détruisez nos maisons, vous ne détruirez pas nos âmes
– 2005
et de
La Démocratie Mensonge
– 2008 – parus aux Ed. Marco Pietteur – coll. Oser Dire
Le dossier la flottille de la Liberté
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