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L'EXPRESSIONDZ.COM
POUR UNE INTIFADA DE LA CONSCIENCE HUMAINE
Les Palestiniens se meurent
Pr Chems Eddine Chitour
Le sommet arabe - Photo Sana
Lundi 29 mars 2010
«Jérusalem est la prunelle des yeux du monde
musulman (...) Si Jérusalem brûle, cela signifie que la
Palestine brûle. Et si la Palestine brûle, cela veut dire que le
Proche-Orient brûle.»
Ce mois de mars que l’on voulait être le mois des espérances
concernant le drame palestinien est assurément le mois de tous
les dangers sans aller jusqu’à prêter crédit à l’adage voulant
que Mars soit le mois des fous. Comment peut-on, en effet,
comprendre la fuite en avant de Benyamin Netanyahu qui affirme
haut et fort et dans l’impunité, voire l’arrogance la plus
totale, que Jérusalem a été bâtie par les Juifs, c’est la
capitale éternelle d’Israël et ceci devant un parterre
d’Américains de l’Aipac acquis à la cause sioniste. Examinons
d’où vient cette certitude d’un autre âge. Jérusalem,
Yerushaláyim en hébreu arabe: al Qudsou est une ville du
Proche-Orient qui tient une place prépondérante dans les
religions juive, chrétienne et musulmane, L’État d’Israël a
proclamé Jérusalem comme étant sa «capitale éternelle»
dès 1949. Jérusalem est située sur les monts de Judée sur 200
km² pour une population de 760.800 habitants (2009) La partie
nommée «Vieille ville», entourée de remparts, est
constituée de deux quartiers à dominante arabe, dits quartier
chrétien et quartier musulman, ainsi que d’un quartier à
dominante arménienne et d’un quartier à dominante juive. (...)
Jérusalem est mentionnée pour la première fois dans les textes
égyptiens dits «d’exécration» (XXe et XIXe siècles av.
J.-C. siècle avant notre ère, à la période où l’Égypte a
vassalisé Canaan) sous le nom de Rushalimu. On peut supposer que
le nom de la ville reflète le culte du dieu Shalem (en) ou
Shalimu, culte du dieu Shalem des Cananéens. Shalem est un dieu
populaire dans le panthéon ouest sémitique. Il était le dieu de
la création, de l’exhaustivité, et du soleil couchant. Une
étymologie détaillée est donnée par Sander et Trenel. Le nom de
«Shalem» provient de deux racines chaldéennes: YeRu («ville»,
«demeure» et ShLM, qui a donné les mots salaam en arabe
et shalom en hébreu (1) «Pour les Juifs, depuis plus de 2 500
ans, car Jérusalem est considérée à la fois comme un lieu
important, c’est la capitale du roi David. Par les chrétiens,
depuis le Ier siècle et les récits de la vie de Jésus de
Nazareth telle que décrite dans les Évangiles, depuis sa montée
au Temple de Jérusalem jusqu’à sa crucifixion et sa
résurrection. Ce lien entre les chrétiens et Jérusalem a
également été entretenu par les Croisades successives en Terre
Sainte au Moyen Âge. Jérusalem fut la capitale du Royaume latin
de Jérusalem de 1099 à 1187. Par les musulmans depuis le VIIe
siècle, date de l’entrée des musulmans, la tradition fait de
Jérusalem le lieu d’où le Prophète de l’Islam Mahomet (Qsssl)
aurait effectué son voyage nocturne, selon la sourate XVII du
Coran. Le Coran décrit comment Mahomet, étant arrivé à la
Mosquée la plus lointaine, monte au Ciel (al Mi`raj:
l’ascension) accompagné par l’ange Gabriel. Le Dôme du rocher a
été «édifié en 691 par le Calife Omar qui, comme rapporté, a
visité Jérusalem accompagné de l’évêque de la ville et n’a pas
voulu entrer dans l’Eglise du Saint Sépulcre pour, dit-il, que
les Musulmans respectent ce lieu de prière»(1)
La politique
d’expropriation
Depuis 1967, les gouvernements israéliens successifs, quel que
soit le parti au pouvoir, s’évertuent à transformer la
physionomie de Jérusalem. L’ambition consiste à encercler les
quartiers arabes par une politique d’expropriation des terrains
entourant les limites municipales de 1967. Jérusalem-Est faisait
38 km² en 1967. Le «Grand Jérusalem» ne repose pas
totalement sur des territoires accordés par le droit
international à l’État d’Israël et la construction de la
barrière de séparation impose de fait des frontières non
reconnues à l’est de Jérusalem. Le statut de la ville,
intégralement sous administration civile israélienne depuis la
guerre des Six-Jours, est contesté. La résolution 476 et la
résolution 478 du Conseil de sécurité de l’ONU sont relatives à
cette décision. Elles réaffirment que «l’acquisition de
territoire par la force est inadmissible», qu’il doit être
mis fin à l’occupation de Jérusalem et que «les dispositions
législatives et administratives prises par Israël...n’ont aucune
validité en droit et constituent une violation flagrante de la
convention de Genève...» (1) La position de Netanyahu est
pourtant connue depuis son premier mandat, elle a été réitérée
en juin dernier lors d’un discours à l’université Bar-Ilan le 14
juin 2009. Le 8 décembre 2009, l’Union européenne appelle Israël
à partager Jérusalem comme capitale conjointe de deux États
hébreu et palestinien. Israël sait tout cela depuis plus de 60
ans, il n’en tient pas compte. Aucune protestation des
gouvernements européens. Même la France, si prompte à dégainer
quand il s’agit de l’Iran, est muette. Quant aux médias, il y a
bien longtemps que l’on ne se fait plus d’illusion, même le
journal Le Monde que l’on croyait objectif, prend fait et cause
pour Israël Ainsi et à titre d’exemple, la «Une» du 13
septembre 2003 de ce journal relate les menaces proférées par le
gouvernement du général Sharon à l’encontre du président de
l’Autorité palestinienne. Le premier sous-titre indique: «Selon
Jérusalem, le chef de l’Autorité palestinienne est un ´´obstacle
absolu à la réconciliation´´». Le Monde situe donc le siège
du gouvernement d’Ariel Sharon à Jérusalem. La visite de
Benjamin Netanyahu, écrit Nicholas Kamm aux Etats-Unis, a pris
d’emblée des allures de croisade pour la reconnaissance de
Jérusalem comme capitale de l’Etat hébreu. Avec sa lucidité
coutumière, Serge Halimi décortique la mécanique complexe des
rapports Israël -Etats-Unis. Il écrit: «C’est merveilleux de
revenir parmi vous et de retrouver tant d’amis.» Ainsi
s’exprima la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton lors
de son discours devant le congrès de l’American Israel Public
Affairs Committee (Aipac), le 22 mars. Même si Mme Clinton
compte au nombre des amis les plus fidèles du gouvernement
israélien au sein de l’administration de Barack Obama, les
rapports se tendent néanmoins entre Tel-Aviv et Washington. Il
n’est, en effet, pas courant que les Etats-Unis utilisent les
termes «condamner», «affront», «insulte»,
pour qualifier une décision de leur allié (en l’occurrence
l’annonce, lors de la visite en Israël du vice-président Joe
Biden, de la construction de 1 600 habitations dans la partie
arabe de Jérusalem). Entre les dirigeants français et
israéliens, tout va très bien en revanche (...) Plus
fondamentalement, l’analyse régionale des Etats-Unis ne coïncide
pas avec la politique actuelle de la droite et de l’extrême
droite israéliennes. «Il est vrai, a indiqué Mme Clinton, que
les mesures de sécurité [israéliennes] ont réduit le nombre
d’attentats suicides. [...]»(2)
«On comprend qu’une phrase de Mme Clinton ait été diversement
accueillie par les militants de l’Aipac: «Si vous doutez de la
détermination du président Obama, regardez ce que nous venons de
réaliser en faisant passer un texte offrant à chacun une
couverture médicale financièrement accessible et de qualité.»
Pour eux, la situation devient d’autant plus sérieuse que le
Pentagone donne à son tour des signes d’exaspération. Le 16
mars, témoignant devant la commission des affaires armées du
Sénat, le général David Petraeus, commandant des forces
américaines dans une région qui va de l’Egypte au Pakistan (et
qui couvre donc à la fois l’Irak et l’Afghanistan), a eu ce
propos qui n’est pas passé inaperçu: «La poursuite des
hostilités entre Israël et quelques-uns de ses voisins met en
cause notre capacité à défendre nos intérêts. [...] Le conflit
[au Proche-Orient] alimente un sentiment antiaméricain lié à une
perception de favoritisme des Etats-Unis envers Israël. La
colère arabe née de la question palestinienne limite la
puissance et la profondeur du partenariat américain avec les
gouvernements et les peuples de la région, en même temps qu’elle
affaiblit la légitimité des régimes arabes modérés. Al Qaîda et
les groupes militants tirent parti de cette colère afin de
mobiliser de nouveaux appuis. Le conflit au Proche-Orient
favorise l’influence de l’Iran dans le monde arabe à travers ses
clients, le Hezbollah libanais et le Hamas.»(2) Dans la même
semaine on apprend que le Royaume-Uni a annoncé, mardi 23 mars,
l’expulsion d’un diplomate israélien par mesure de rétorsion
après l’utilisation de vrais-faux passeports britanniques par un
commando qui a assassiné en janvier un cadre du Hamas à Dubaï.
De même prenant son courage à deux mains, le secrétaire général
de l’ONU, Ban Ki-moon, après avoir attendu près d’un an
l’autorisation d’aller à Ghaza, a condamné dimanche 21 mars à
Ghaza le blocus israélien contre la bande de Ghaza, sur fond de
violences meurtrières en Cisjordanie occupée. Quelle est la
réponse de Netanyahu de retour en Israël après un voyage dit-on
glacial aux Etats-Unis? «Nous continuerons de construire à
Jérusalem.»
Dans le même ordre, des Israéliens lucides aspirent à la paix et
qui combattent pour l’avènement d’un Etat palestinien viable. En
son temps, Isaac Rabin ne faisait pas de la fixation sur
Jérusalem, pour lui la «Bible n’est pas un cadastre» Même
la presse israélienne surtout de gauche, tire à boulets rouges
sur le Premier ministre israélien: «Deux perceptions
s’entrechoquent aujourd’hui en Israël au sujet des relations
sous haute tension avec l’administration Obama, créant une
cacophonie nationale révélatrice de l’ampleur de la crise: celle
du gouvernement d’ultras orthodoxes qui, enferré dans une langue
de bois, martèle que tout va bien dans le meilleur des mondes,
et celle des éditoriaux de la presse écrite qui tirent à boulets
rouges sur leur Premier ministre, cheville ouvrière d’une
scission sans précédent».(3) Pour le gouvernement israélien,
relancer la colonisation juive à Jérusalem-Est est-il plus
important, à l’heure de la menace iranienne, que l’appui vital
de l’allié américain? La crise qui couvait entre Israël et les
Etats-Unis depuis le retour au pouvoir, le 31 mars 2009, de
Benyamin Netanyahu a enfin éclaté. Barack Obama ne s’est pas
privé de dénoncer l’humiliation infligée au vice-président Joe
Biden lorsque Israël a annoncé la construction de 1600 nouveaux
logements à Jérusalem-Est, au cours de ce qui était censé être
une visite d’amitié. Refusant les excuses partielles de
Netanyahu, le président des Etats-Unis exige désormais qu’il
accomplisse des «actions spécifiques» pour prouver son
engagement dans les relations bilatérales et dans le processus
de paix. (...)Joe Biden a été humilié à Jérusalem, et l’Amérique
nous a rendu la monnaie de notre pièce: une conversation
téléphonique longue et orageuse entre la secrétaire d’Etat
Hillary Clinton et Netanyahu, une convocation de l’ambassadeur
d’Israël à Washington, une condamnation par le Quartette et,
enfin, lors d’interviews, une réprimande publique et sans appel
adressée par Mme Clinton au Premier ministre. Pour être certain
que le gouvernement israélien ne puisse attribuer la mauvaise
humeur américaine à la seule Hillary Clinton, le président Obama
aurait lui-même décidé de la teneur du message à délivrer.(...)
Plusieurs médias américains ont interprété ces propos comme le
signe que l’appui militaire de Washington à Israël n’était pas
inconditionnel. (4) Youssef Girard voit dans cette situation, l’
hégémonie de l’Occident. Comment résister à cet Occident qui a
été tout au long de son histoire injuste? «Considéré comme
l’un des pères de la sociologie, Ibn Khaldoun (1332-1406) nous
fournit certaines pistes de réflexion pour comprendre cette
problématique (...). Partant de l’idée que le vaincu cherche les
explications de sa défaite dans la supériorité du vainqueur, et
non dans ses propres faiblesses, Ibn Khaldoun postule que le
premier s’efforce toujours d’imiter le second. Dans sa
Mouqaddima, Ibn Khaldoun écrit: On voit toujours la perfection
(réunie) dans la personne d’un vainqueur. Le vaincu adopte alors
les usages du vainqueur et s’assimile à lui. (...) "Quand un
peuple perd le contrôle de ses propres affaires, est réduit
comme en esclavage et devient un instrument aux mains d’autrui,
l’apathie (takâsul) le submerge. [...] Les vaincus
s’affaiblissent et deviennent incapables de se défendre. Ils
sont victimes de quiconque veut les dominer et la proie des gros
appétits". (...) Pour lutter contre cette domination polymorphe,
dont l’idéologie et la culture sont des points névralgiques, il
est nécessaire de fonder sa résistance - moumana’a - sur des
principes différents de ceux du vainqueur. (...) Dans cette
perspective, seule l’autonomie du vaincu par rapport au
vainqueur peut permettre son émancipation véritable. Pour cela,
le vaincu doit définir son identité, indépendamment de celle du
vainqueur, afin de garantir son autonomie».(5)
Un sommet pour rien
Centré sur la question palestinienne, le Sommet arabe de Syrte
promet d’être comme de tradition, un flop. La moitié des chefs
d’Etat arabes étaient absents du sommet baptisé «Sommet
d’appui à la résistance d’El Qods». Dans un «discours»
incohérent prononcé à l’ouverture des travaux, le colonel El
Gueddafi, après avoir raconté l’histoire de Syrte pendant plus
d’un quart d’heure, parlé des empereurs romains, de Hassan Ibn
Nooman, de Okba, de Kahina et des Amazighs, déclare une
évidence: «Le citoyen arabe attend des dirigeants arabes des
actes et non pas des paroles.» Il n’a pas dit un mot sur
Jérusalem, encore moins sur Israël. Le Premier ministre turc,
Recep Tayyip Erdogan, a estimé pour sa part, que considérer
Jérusalem comme la capitale «indivisible» de l’Etat
hébreu, comme le font les Israéliens, est de la «folie».
Pour sa part Mahmoud Abbas a déclaré que «toute négociation
sur les frontières serait absurde si Israël fixe lui-même sur le
terrain les frontières du futur Etat palestinien. L’Etat de
Palestine n’aura aucun sens si Jérusalem n’est pas sa capitale.
Il faut sauver Jérusalem». On le voit, ce qui peut sauver
les Palestiniens c’est le réveil de la conscience du monde,
l’exemple de la gauche israélienne qui n’hésite pas à être à
contre- courant de son gouvernement est à donner à toutes les
sociétés des intellectuels arabes autoproclamés dans les
capitales occidentales et qui se piquent de parler de la
déclaration des droits de l’homme, évitant précautionneusement
d’aborder des sujets qui compromettraient leur petite carrière,
voire la possibilité de prétendre à des petites médailles. En
définitive, si une solution est trouvée, elle ne serait pas due
à une quelconque bravoure du Hamas- Mahmoud Abbas ayant, il y a
bien longtemps, suivi l’Egypte dans une reddition sans gloire-
avec ses pétards devant l’armada israélienne, ni aux
rodomontades des Arabes englués dans leurs salamalecs et leurs
coups de Jarnac mutuels. C’est la déclaration du général
Petraeus en Afghanistan, au Congrès; elle est redoutable pour
Tel-Aviv car elle suggère en effet que l’allié stratégique des
Etats-Unis, Israël, complique dorénavant la tâche des militaires
américains. Les Américains commencent à prendre conscience
qu’Israël risque de les amener au chaos. La détermination
américaine peut mettre fin à cette injustice qui dure depuis la
Déclaration de Balfour.
1.Jérusalem. Un article de Wikipédia, l’encyclopédie libre.
2.Serge Halimi:Coup de froid entre les Etats-Unis et Israël Le
Monde Diplomatique 24 03 2010
3.La presse israélienne cloue au pilori son Premier ministre
site Oumma.com. 26 mars 2010
4.L’heure de vérité pour Nétanyahou Courrier 25 mars 2010
5.Youssef Girard: «Malheur aux vaincus». Le Grand soir 20
mars 2010
Pr Chems Eddine Chitour, Ecole nationale
polytechnique, enp-edu.dz
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Publié le 29 mars 2010 avec l'aimable autorisation de l'Expression
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