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L'EXPRESSIONDZ.COM
Séisme en Haiti
La «malédiction» coloniale et la
responsabilité des hommes
Pr Chems Eddine Chitour
Samedi 16 janvier 2010
La malédiction divine n’existe pas. La seule malédiction est
celle de l’acharnement de l’homme blanc qui a commencé il y a
cinq siècles de cela au nom de la règle des 3 C:
«Christianisation, Commerce, Colonisation.» C.E. Chitour.
Mardi dernier un séisme d’une rare
violence dévaste l’île de Haïti. Les images de désolation nous
montrent des citoyens désemparés, un chaos total et les images
en boucle nous saturent de communiqués de pays qui font assaut
de «compassion» en rivalisant dans les tonnages d’aide promise à
ce pays qui manque de tout. Les Etats-Unis sont le premier pays
à réagir en «force» en annonçant de l’aide et l’envoi de 1500
marines. Un autre pays la France en fait autant et déclare
envoyer des vivres, des médicaments et un navire de guerre pour
secourir les Haïtiens...
Un peu d’histoire nous fera comprendre comment ce pays n’a
jamais pu décoller. Officiellement, la République d’Haïti, est
un pays des Grandes Antilles occupant le tiers occidental de
l’île d’Hispaniola (28.000 km2 environ). Sa capitale est
Port-au-Prince. Haïti devint en 1804 la première République
indépendante de population majoritairement noire après la
Révolution haïtienne (1791-1803). Le 1er janvier 1804, en
déclarant l’indépendance du pays, Dessalines lui redonne le nom
taïno d’origine, Haïti-Bohio-Quisqueya, en honneur à ce peuple
amérindien. Les peuples de culture Arawak, Caraïbes et Taïnos
occupaient l’île avant l’arrivée des Espagnols, le 5 décembre
1492. Christophe Colomb la nomma Hispaniola. Les Espagnols
exploitèrent l’île pour son or. Les Amérindiens refusant de
travailler dans les mines furent massacrés et réduits en
esclavage; les Espagnols furent alors amenés à faire venir
d’Afrique des esclaves noirs déportés. Au XVIIe siècle, sous
l’autorité du cardinal de Richelieu, l’installation française
s’institutionnalisa. L’île de la Tortue, au nord-ouest
d’Hispaniola, devient le siège de la flibuste. Par la suite,
Colbert, Ministre de Louis XIV, encouragea la création de
plantations de l’indigo et de la canne à sucre. Enfin, il
réglementa l’esclavage en préparant le Code noir.
Un pays très
pauvre
Des dizaines de
milliers d’Africains avaient été amenés comme esclaves pour
faire fonctionner ces industries. Leur sort était juridiquement
encadré par le Code noir, mais, dans les faits, ils subissaient
des traitements souvent pires que ceux dudit code. Leur nombre
(400.000) était dix fois plus élevé que celui des blancs. Le
plus important fut la révolte des esclaves qui aboutit en 1793 à
l’abolition de l’esclavage. Toussaint Louverture, un
nationaliste, promulgue une Constitution autonomiste. La
réaction française fut brutale. Napoléon Bonaparte, sous
l’influence des Créoles et des négociants, envoya une expédition
de 30.000 hommes qui avait pour mission de démettre Louverture.
Mais, après quelques victoires, l’arrestation et la déportation
de Toussaint Louverture, les troupes françaises commandées par
Rochambeau finirent par être battues à la bataille de Vertières
par Jean-Jacques Dessalines. Haïti était devenue le premier pays
au monde issu de l’abolition de l’esclavage. Il est cependant à
noter que la France a obtenu des millions de francs-or en 1825
sous peine de ´´ré-envahissement´´ du territoire Aïcient. Juste
retour des choses, au printemps 2003, le président Aristide
avait réclamé à la France le remboursement des millions de
francs-or versés à la France pendant des décennies en échange de
la reconnaissance de l’indépendance. Cette somme réactualisée, a
été estimée par le gouvernement haïtien à 21 milliard de
dollars. Au début du XXe siècle, le pays était en état
d’insurrection quasi permanente. Les États-Unis occupèrent l’île
de 1915 à 1934. Par la suite, de 1957 à 1986, les Duvalier
régnèrent en dictateurs. S’appuyant sur les escadrons de la mort
dits «Tonton Macoute». Par la sute, l’ancien prêtre
Jean-Bertrand Aristide remporta les élections de décembre 1990
et fut réélu en 2000. Après les pressions exercées par la France
et les États-Unis, Aristide fut emmené en exil par des
militaires des États-Unis, le 29 février 2004, En février 2006,
René Préval, ancien président de la République d’Haïti entre
1995 et 2000, fut élu.
Haïti compte 8,5 millions d’habitants pour une surface de 27.750
km2. L’espérance de vie est de 51,5 années, Le taux
d’alphabétisation est de 50,8% Ses principales ressources sont
la canne à sucre, le bois. Son PNB-PPA par habitant (à parité de
pouvoir d’achat) (en dollars) Indicateur du développement
humain, 0,521 (148e sur 179). Sa consommation d’énergie (en
kilogramme-pétrole par habitant) 265. 32 fois moins que son
voisin américain. Voilà donc un pays qui a proclamé son
indépendance il y a plus de deux siècles et qui est toujours à
la traine. La saison des pluies s’étend d’avril à juin puis
d’octobre à novembre. La saison des ouragans s’étend du mois de
juin jusqu’à la fin du mois de novembre. Le pays subit
régulièrement des précipitations importantes et des ouragans.
L’ouragan Jeanne qui a ravagé Haïti en septembre 2004 s’est
soldé par un bilan provisoire de plus de 1160 morts et 1250
disparus. Les effets de la tempête aggravent les conditions de
vie déjà difficiles de ce pays: 170.000 personnes manquent de
nourriture et d’eau, et les bananiers ont été en grande partie
détruits par le cyclone, alors que le pays avait déjà souffert
des pluies diluviennes en mai 2004 avec 1220 personnes décédées.
Le 12 janvier 2010, un séisme dévastateur de magnitude 7 sur
l’échelle de Richter a ravagé Haïti, le pays le plus pauvre du
continent américain. Il aurait fait des dizaines de milliers de
victimes et un grand nombre de personnes sont portées disparues.
La capitale, Port-au-Prince, offre une image de désolation. Des
millions d’Haïtiens qui vivaient déjà au-dessous du seuil de
pauvreté ont tout perdu.
Olivier Talles du journal La Croix nous rapporte l’état de chaos
à Haïti: «Sans eau ni nourriture, les habitants de
Port-au-Prince attendent fébrilement les secours qui accèdent
difficilement à la zone sinistrée.
Une course contre la montre s’est engagée pour soigner les
blessés, acheminer les médicaments, la nourriture, l’eau, au
milieu d’une capitale «où la population est totalement livrée à
elle-même», résume Florence Denis, de l’ONG Action contre la
faim. (...)
Lors des catastrophes de grande ampleur qui bénéficient d’une
aide massive de la communauté internationale, la difficulté
reste d’établir une hiérarchie des priorités entre les soins aux
blessés, les recherches des survivants dans les décombres, les
distributions de vivre, d’eau, de couvertures, de tentes...La
faiblesse des autorités locales conjuguée avec la pauvreté
ambiante fait de Port-au-Prince une des capitales les plus
dangereuses au monde en temps normal, même si la présence de
l’ONU a établi un semblant de calme. Agressions et rackets sont
monnaies courantes de la part des gangs qui contrôlent les
bidonvilles. (...) Pour limiter les risques d’émeutes de la
faim, les humanitaires insistent sur la nécessité d’agir le plus
vite possible et de faire garder les entrepôts de matériel et de
vivre par les Casques bleus».(1)
Environ 40 heures après le séisme dévastateur, les habitants de
Port-au-Prince manquaient de tout, jeudi 14 janvier «Certaines
personnes meurent de froid, de déshydratation ou de blessures
qui auraient pu être facilement soignées», a relevé l’ancien
président américain Bill Clinton, envoyé spécial de l’ONU en
Haïti, évoquant l’une des «pires catastrophes humanitaires dans
l’histoire du continent américain». Selon lui, les secours
devront se concentrer pendant les dix à quinze jours à couvrir
les besoins de base: vivres, eau, abris et matériel médical
(Lire: Rétablir l’accès à l’eau potable, une priorité pour les
ONG). Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a
souligné que le séisme exigeait un effort majeur des secours,
dont pourraient avoir besoin 3 millions de sinistrés, ajoutant
qu’il se rendrait sur place ´´dès que possible´´ L’ONU elle-même
a payé un lourd tribut: le quartier général de la Mission de
stabilisation de l’ONU en Haïti (Minustah) est en ruine. Au
moins trente-six de ses membres sont décédés et plus de 100 sont
portés disparus.
D’énormes moyens militaires ont déjà été déployés sur place et
la communauté internationale se mobilise pour aider les
victimes. Les Etats-Unis ont annoncé le déblocage d’une aide de
100 millions de dollars. De son côté, Nicolas Sarkozy a demandé
la tenue d’une ´´grande conférence´´ internationale pour ´´la
reconstruction et le développement´´ d’Haïti. Le séisme a balayé
des infrastructures-clés, dont des installations électriques,
plongeant la ville dans l’obscurité et enfonçant le pays, le
plus pauvre du continent américain, dans une misère encore plus
aiguë. La Croix-Rouge haïtienne parlait jeudi après-midi d’un
bilan ´´entre 45.000 et 50.000 victimes´´ et de ´´trois
millions´´ de blessés ou de sans-abri.(2) Comment prévoir un
tremblement de terre? Dans une contribution précédente, nous
avons rapporté une tradition qui consiste à remarquer le
comportement inquiet voire erratique des animaux qui quittent
les zones potentiellement dangereuses. De plus dans
l’Encyclopédie Wikipédia, il est rapporté l’ancienne méthode
chinoise qui consistait en un vase de bronze comportant huit
dragons sur le pourtour. Une bille était placée dans la gueule
de chacun d’eux, prête à tomber. Lorsqu’un séisme avait lieu (à
proximité relative), le vase de bronze tremblait et deux billes
tombaient, l’une pointant vers l’épicentre, l’autre pointant à
l’opposé. L’Empereur chinois -ne pouvant savoir quel côté était
le bon -envoyait des troupes dans les deux directions afin
qu’elles aident à organiser les secours et à maintenir l’ordre
après la catastrophe. Les prévisions à court terme se basent sur
des observations très précises des terrains à risque.
La Grèce étudie, notamment la fiabilité de la méthode VAN, qui
fonctionne par des enregistrements de variations des courants
électrotelluriques. Les États-Unis utilisent des outils de
grande sensibilité autour des points statistiquement sensibles
(tels que Parkfield en Californie): vibrateurs sismiques
utilisés en exploration pétrolière, extensomètres à fil d’invar,
géodimètres à laser, réseau de nivellement de haute précision,
magnétomètres, analyse des puits. Le Japon étudie les mouvements
de l’écorce terrestre par GPS et par interférométrie (VLBI),
méthodes dites de géodésie spatiale. Rien de tel en Haïti.
Christian Lionet, spécialiste de la région dans Libération
déclare: ´´Depuis une vingtaine d’années, les sismologues
annonçaient un séisme majeur à cet endroit précis d’Haïti pour
le siècle à venir. C’est le même type d’avertissement que pour
Kyoto, San Francisco ou même Nice.´´ Sauf qu’à San Francisco ou
Los Angeles, on dépense des milliards de dollars pour prévenir
et atténuer les effets du Big One.(3) Mieux encore: un géologue,
professeur d’université, avait attiré l’attention. Interrogé par
le journal haïtien Le Matin, il déclarait: «En 2008 un géologue
prévoyait le tremblement de terre.» Toutes les conditions sont
réunies pour qu’un séisme majeur se produise à Port-au-Prince.
Les habitants de la capitale haïtienne doivent se préparer à ce
scénario qui finira, tôt ou tard, par arriver». Patrick Charles,
géologue se défend d’être alarmiste. À son avis, le danger est
imminent «Dieu merci, la science met à notre disposition des
instruments pouvant prévoir ces genres d’événements, tout en
nous permettant de démontrer nos conclusions. C’est le temps et
le hasard qui jouent en faveur de notre capitale. Une grande
catastrophe plane sur notre tête», prédit-il. (...) Pour nous
convaincre, il n’hésite pas à nous exposer un cours détaillé de
géologie, en se servant de cartes géologiques très précises et
de son PC. «Port-au-Prince est construite sur une grande faille
qui part de Pétion-Ville, traverse toute la presqu’île du Sud,
pour aboutir à Tiburon. En 1751 et en 1771, cette ville a été
complètement détruite par un séisme. Je parie mes yeux que cela
se reproduira. (...) Et pour renforcer sa prédiction, M.Charles
prend en exemple les dernières secousses enregistrées ces
derniers jours au niveau de la capitale haïtienne. «Pendant ces
dernières semaines, la terre a tremblé à plusieurs reprises au
niveau de la zone métropolitaine de Port-au-Prince. (...)Les
conclusions sont unanimes: Port-au-Prince risque bien de se
transformer, du jour au lendemain, en un amas de ruines au terme
d’une violente secousse tellurique.» «Durant deux siècles, aucun
séisme majeur n’a été enregistré dans la capitale haïtienne. La
quantité d’énergie accumulée entre les failles nous fait courir
le risque d’un séisme de 7,2 d’amplitude sur l’échelle de
Richter. Mieux vaut ne pas en parler, il ne faut pas paniquer.
Mais ce serait une catastrophe», admet le responsable du Bureau
des Mines et de l’Energie, intervenant récemment dans la presse.
(...) Face à une telle menace, très peu de mesures préventives
ont été annoncées par les autorités. (...) Nous devons agir. Le
compte à rebours a commencé. La nature nous demande des comptes.
Il faut agir pour sauver ce qui peut encore l’être», soutient
Patrick Charles. Cela se passait il y a un peu plus d’un an.(4)
Le cinéma de
Kouchner
On le voit, Haïti
pays très pauvre anciennement colonisé, exploité,faisant l’objet
de multiples invasions, pauvres et non préparé à sa situation
climatique et géologique, miné par les interférences externes au
point qu’on dépose un président régulièrement élu (Jean Baptiste
Aristide), miné aussi par la corruption, n’a pas les moyens de
lutter contre les éléments de la nature. Ce n’est pas des larmes
de crocodile et des miettes avec un m’as-tu vu digne du scénario
somalien du sac de riz curieusement le même remake avec le même
acteur, que Haïti a besoin. Si ces secours sont nécessaires
présentement, ils ne sont pas suffisants. Il faut aider ce pays
à être autonome.
Quand on sait qu’au Japon, les méthodes de construction et de
gestion des catastrophes sont tellement sophistiquées que quand
il y a des morts, alors qu’il ne devrait pas y en avoir lors
d’un tremblement de terre, on ouvre une enquête. je me souviens
avoir vu à la Télé un présentateur continuer à lire le journal
télévisé alors que les caméras valsaient. Lui, était
imperturbable. C’est beau de croire à la science et de na pas
invoquer la fatalité comme réponse à une gabegie. La malédiction
divine n’existe pas. La seule malédiction est celle de
l’acharnement de l’homme blanc qui a commencé il y a cinq
siècles de cela au nom de la règle des 3 C: «Christianisation,
Commerce, Colonisation.» Ce vrai tremblement de terre a ses
répliques actuelles dans l’impossibilité de ces peuples
fragilisés à aspirer à la paix et à la prospérité.
1.Olivier Talles: Les quatre défis des
humanitaires en Haïti. La Croix 14 01 2010
2.Sarkozy veut une ´´conférence internationale´´ sur Haïti. Le
Monde.fr avec AFP | 14.01.10
3.La rédaction du Post: Séisme en Haïti: 13/01/2010
4.Phoenix Delacroix: Haïti, Risque sismique élevé sur
Port-au-Prince Le Matin 25 09 2008
Pr Chems Eddine Chitour, Ecole nationale
polytechnique, enp-edu.dz
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Publié le 16 janvier 2010 avec l'aimable autorisation de l'Expression
Les textes du Pr Chems Eddine Chitour
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